Depuis 7 jours, la rédaction du JDD est en grève et un vote a reconduit, ce matin même, cette mobilisation avec 97% des voix en sa faveur. En cause, la nomination de Geoffroy Lejeune à la tête de la rédaction. Le journaliste venait d’être licencié de la direction de Valeurs Actuelles car jugé trop à l’extrême droite pour ce magazine déjà connoté d’extrême droite. Il rejoindrait donc prochainement le JDD.
Face à cette décision, Reporter sans frontières a organisé mardi 28 juin, un meeting de soutien. Car pour la Société des journalistes du JDD c’est toute l’identité du journal qui est menacée, et avec elle, la liberté des médias en France.
Face à cette décision, Reporter sans frontières a organisé mardi 28 juin, un meeting de soutien. Car pour la Société des journalistes du JDD c’est toute l’identité du journal qui est menacée, et avec elle, la liberté des médias en France.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00 Depuis 7 jours, la rédaction du JDD est en grève et un vote vient de reconduire ce matin cette mobilisation,
00:05 avec 97% des voix en sa faveur.
00:09 En cause, la nomination de Geoffroy Lejeune à la tête de la rédaction,
00:12 le journaliste venait d'être licencié de la direction de Valeurs Actuelles,
00:15 car jugé trop à l'extrême droite pour ce magazine déjà connoté d'extrême droite,
00:20 et rejoindrait donc prochainement le JDD.
00:22 Face à cette décision, Reporters sans frontières a organisé mardi un meeting de soutien.
00:27 Car pour la société des journalistes du JDD, c'est toute l'identité du journal qui est menacée.
00:32 La nomination de Geoffroy Lejeune, ça change tout pour le JDD,
00:35 parce que ça signifie un changement radical de ligne éditoriale.
00:39 C'est-à-dire que le Journal du dimanche, qui est un vieux journal, une institution dans la presse française,
00:45 va devenir un journal d'extrême droite avec Geoffroy Lejeune si on fait rien.
00:48 Et ça, c'est absolument inacceptable pour nous les journalistes,
00:51 parce qu'on est très attachés à ce titre, et pour nos lecteurs qui sont tout autant attachés.
00:55 Après trois ans de bras de fer, l'autorité européenne a autorisé le 9 juin dernier,
01:00 le groupe Vivendi de Vincent Bolloré à prendre le contrôle sur le groupe Lagardère,
01:05 et avec ce dernier sur le JDD.
01:07 Bertrand Gréco confie que depuis ce rachat, les journalistes du JDD sont inquiets,
01:11 pour cause ce n'est pas la première fois que le rachat d'un média par M. Bolloré
01:15 a une incidence sur la ligne éditoriale et les effectifs de ce dernier.
01:18 En 2015, il acquiert Canal+, signant la disparition des guignols de l'Info et du Zapping,
01:23 d'émissions journalistiques et/ou d'investigation,
01:26 et surtout la censure d'un documentaire sur le crédit mutuel,
01:29 alors lié au groupe Vivendi, selon Mediapart et Nicola Vescovacci, co-auteurs du documentaire.
01:35 Puis en 2016, il acquiert la chaîne d'information ITélé.
01:38 Après un mois de grève, 95 des 120 journalistes de la rédaction quittent la chaîne,
01:42 qui devient CNews.
01:43 Enfin, c'est au tour de Prisma Média,
01:45 il prend également le contrôle à travers le groupe Lagardère de Europe 1, Paris Match,
01:49 et aujourd'hui le JDD.
01:51 Les grèves, démissions, licenciements, accusations de censure et de virages à l'extrême droite s'enchaînent.
01:57 Et pour Arie Halimi, avocat et membre du collectif Stop Bolloré,
02:01 tout ça est un mécanisme bien rodé.
02:03 Le projet de Bolloré n'est pas qu'un projet capitalistique,
02:06 ce n'est pas que d'acheter énormément de médias ou d'entreprises.
02:10 Le projet c'est d'acquérir ces médias pour s'en servir
02:13 afin d'instaurer finalement une bataille contre la démocratie.
02:17 Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, la bataille du JDD,
02:20 nous on la conçoit comme une bataille démocratique à part entière.
02:24 Je pense que le meilleur levier, ce serait l'action des pouvoirs publics,
02:29 notamment sur l'attribution des aides à la presse.
02:32 Lorsque des médias se veulent antidémocratiques contre les valeurs républicaines,
02:36 les pouvoirs publics pourraient songer à retirer les aides à la presse,
02:40 ce qui pourrait peut-être avoir un effet beaucoup plus efficace.
02:42 La commission du Sénat a permis d'interroger un certain nombre de patrons d'entreprises
02:47 qui achetaient énormément de médias.
02:49 Le problème c'est qu'ils n'ont pas vraiment répondu aux questions
02:52 et puis ils ont beaucoup menti.
02:53 Donc c'est un outil démocratique en soi, une commission,
02:56 mais si elle n'est pas suivie des faits, et ça n'a pas été le cas,
02:59 il n'y a pas eu d'effet, il n'y a pas eu de prise de décision par les pouvoirs publics,
03:02 évidemment ça n'aboutit à rien.
03:04 Cette commission dont parle Harriet Halimi,
03:06 c'est la commission d'enquête du Sénat sur la concentration des médias en France.
03:10 En gros, la question qu'elle se pose,
03:11 c'est est-ce que tous les médias n'appartiennent qu'à une poignée de personnes,
03:14 et si oui, quelles conséquences sur la démocratie ?
03:17 David Assouline, sénateur et rapporteur de cette commission, nous explique.
03:21 Avec cette commission d'enquête où on faisait venir
03:24 les milliardaires qui possèdent les médias,
03:27 le débat a eu lieu et on a pu éclairer en partie l'opinion.
03:32 Maintenant, nous avons fait 32 propositions qu'il faut traduire dans la loi,
03:37 certaines n'ont pas besoin de la loi,
03:39 mais il faut commencer par un bout.
03:41 Je pense qu'il faut permettre à la rédaction d'avoir son mot sur la nomination
03:46 de celui que l'actionnaire va proposer.
03:49 On lui laisse bien entendu le droit de proposer,
03:51 puisque c'est lui qui possède le média,
03:54 mais il faut quand même recevoir l'adhésion minimum de la rédaction.
03:58 Et je vais, avec le groupe socialiste au Sénat,
04:02 dans les jours qui viennent, déposer une loi
04:05 qui va avoir un seul article, celui-là,
04:09 pour essayer de créer le plus grand consensus.
04:12 Devant la commission, Vincent Bolloré se défend de toute volonté d'influence idéologique
04:16 et affirme ses intérêts purement économiques dans le rachat de ces médias.
04:20 Argument d'ailleurs repris par Arnaud Lagardère
04:22 lors d'une interview du Figaro lundi dernier.
04:24 Mais dans le cas du JDD, cette affirmation est mise en perspective
04:27 avec la baisse de 9,2% de la diffusion de Valeurs Actuelles
04:31 sous la direction de Geoffroy Lejeune,
04:33 selon l'Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias.
04:35 La question qui se pose alors est comment un homme
04:37 qui aurait mené à la baisse des ventes de son média
04:39 aurait un intérêt économique à l'embauche ?
04:42 Pour David Assouline, l'analyse est simple.
04:44 Ce sont des mensonges.
04:45 Ils ont menti et ils mentent quand ils disent ça.
04:47 C'est pareil même pour Bouygues, pour Drahi avec Altice, pour d'autres.
04:52 Ils se sentent tous obligés d'aller dans un monde
04:56 où on ne fait pas beaucoup d'argent,
04:59 qui sont les médias, pour servir leurs intérêts économiques.
05:02 Ce sont des moyens d'influence.
05:04 Chez Bolloré, ça va plus loin, ce n'est plus ça.
05:06 C'est vraiment de façon méthodique depuis 2015,
05:10 une volonté idéologique.
05:11 Ils se sont investis d'une mission idéologique dans la société.
05:15 Mais qui sont ces grands patrons des médias en France ?
05:18 Le monde diplomatique nous offre cette carte régulièrement les jours.
05:21 On remarque à droite l'empire de Vincent Bolloré et Lagardère,
05:25 mais aussi d'autres assez connus comme Patrick Drahi,
05:28 les familles Dassault et Bouygues,
05:31 Bernard Arnault, Xavier Niel et certains moins connus du grand public.
05:36 Selon le monde diplomatique, sont regroupés ici
05:38 les médias d'information qui font l'opinion
05:40 et qui dépendent d'intérêts industriels ou financiers,
05:43 de groupes de presse ou de l'État.
05:44 Mais ce ne sont pas les seuls médias en France.
05:46 Les médias indépendants en France, il y en a assez peu.
05:49 Preuve en est, l'humanité est le seul quotidien national indépendant,
05:53 c'est-à-dire qu'il n'est pas adossé à un grand groupe financier.
05:56 Il existe d'autres médias, bien sûr.
05:58 On pense à Mediapart, à Politis, à Bastamag,
06:02 qui aujourd'hui pèsent insuffisamment dans le paysage politique
06:05 parce qu'évidemment, il y a une question de moyens,
06:07 il y a une question de capacité d'influence dans un monde médiatique
06:09 qui est aujourd'hui contrôlé de plus en plus par les milliardaires.
06:13 Le critère économique joue donc un rôle majeur.
06:15 Alors pour certains, les médias restent des entreprises
06:18 qui souvent coûtent plus qu'elles ne rapportent
06:20 et c'est donc bien celui qui met la main au porte-monnaie
06:22 qui devrait avoir le droit d'y faire ce qui lui plaît.
06:25 Mais tout le monde n'est pas de cet avis.
06:26 Moi j'utilise assez souvent l'exemple de la gestion de l'eau.
06:29 Il y a Suez, il y a Veolia, il y a des boîtes dont le métier c'est de gérer de l'eau.
06:33 Est-ce qu'ils ont le droit de couper le robinet aux gens du jour au lendemain ?
06:35 Non, il y a des lois. L'eau c'est vital.
06:36 Donc il y a des lois dans ce pays qui font que ces entreprises,
06:39 toutes privées qu'elles soient, n'ont pas le pouvoir,
06:42 parce que ça leur ferait plaisir ou parce que ce serait économiquement viable,
06:45 de couper le robinet à des gens.
06:46 Eh bien la liberté d'information et l'information dans une démocratie c'est vital.
06:49 Il y a des règles, on peut encadrer le marché de l'information
06:53 avec des règles qui garantissent l'indépendance des rédactions,
06:56 c'est tout à fait possible.
06:57 Un meilleur encadrement du marché de l'information,
06:59 c'est ce que réclament les 1000 personnes
07:01 qui étaient réunies mardi soir au Théâtre Libre,
07:03 parmi eux citoyens, journalistes, politiques de tous bords.
07:06 Avant une standing ovation pour les journalistes du JDD,
07:09 et tout au long de la soirée,
07:10 les intervenants n'ont cessé de réclamer la tenue des États généraux
07:13 du droit à l'information,
07:15 promesse de campagne d'Emmanuel Macron,
07:17 et qui, selon le ministre délégué chargé du Renouveau démocratique,
07:21 Olivier Véran,
07:22 correspondra au souhait d'une presse libre et indépendante
07:26 qui puisse offrir une information de qualité.
07:28 Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org
07:31 *clic*
07:33 [SILENCE]