Pierre Talamon : «Il faut reconnecter les soldes avec la réalité des saisons»

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Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l'Habillement, répond aux questions d'Alexandre Le Mer à l'occasion du début des soldes d'été.
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Transcript
00:00 - Le 6h40, les soldes d'été ont démarré ce mercredi.
00:03 Dans la plupart des départements, c'est la promesse de faire de bonnes affaires jusqu'au 25 juillet.
00:08 Les périodes des soldes sont-elles toujours aussi courues ?
00:12 Vous en parlez avec votre invité Alexandre Pierre-Talamont,
00:14 qui est le président de la Fédération Nationale de l'Habillement.
00:16 - Bonjour Pierre-Talamont.
00:17 - Bonjour Alexandre.
00:19 - Les soldes 2022 ont été plutôt décevants l'année dernière,
00:23 avec un chiffre d'affaires en baisse de 10% par rapport à 2019,
00:27 alors certes avant Covid.
00:28 Que vous disent ces premiers jours de soldes cette année ?
00:31 D'abord, est-ce que les clients sont au rendez-vous ?
00:33 - Les clients sont quand même intéressés surtout vers les marques
00:41 qui pratiquent ces soldes à l'heure actuelle,
00:44 parce que les prix sont généralement plus élevés, bien sûr en temps normal.
00:48 Et là c'est une occasion de s'acheter des vêtements
00:52 qui normalement sont quand même beaucoup plus chers au moment des soldes.
00:55 Maintenant, vous l'avez noté, vous avez énormément de remises de prix,
01:04 de promotions tout au long de l'année,
01:07 ce qui rend ces soldes quand même beaucoup moins attractifs.
01:10 - Le Black Friday, les déstockages, les sites de e-commerce,
01:13 c'est difficile parfois pour les magasins physiques de courir derrière, Pierre-Talamont ?
01:19 - Oui, vous avez en 10 ans si vous voulez,
01:23 la part du low cost qui a tout pris sur le marché du secteur de l'habillement.
01:30 Vous avez eu la montée des acteurs en petits prix en 2014,
01:34 et puis l'envolée d'Internet, c'est sûr, en 2020, avec des pureplayers.
01:38 Les pureplayers, je vous le rappelle, ce sont des plateformes ou des marques comme Chine
01:44 qui ne vendent que sur Internet, qu'en ligne,
01:47 et donc qui ne participent pas du tout à l'effort national,
01:51 je dirais, du commerce de proximité, du commerce physique en termes d'emploi.
01:56 - Est-ce qu'il ne faudrait pas tout simplement supprimer les soldes ?
02:00 Est-ce que c'est une réflexion qui est en cours, par exemple, dans votre fédération de l'habillement ?
02:04 - Oui, j'ai initié une table ronde autour du sujet des soldes le mois dernier.
02:09 Il y a trois options qui sont sur la table.
02:12 La suppression des soldes, purement et simplement.
02:16 La libéralisation, mais là j'ai peur,
02:19 puis en plus à la fédération, on défend les indépendants, les boutiques de mode indépendantes.
02:25 Donc là j'ai peur qu'en libéralisant...
02:27 - Libéralisation, ça veut dire quoi exactement, Pierre Tellamand ?
02:29 - Ça veut dire qu'une période serait... une durée serait fixée,
02:35 mais on choisirait, le commerçant pourrait choisir le moment où il veut faire des soldes.
02:41 Bon, là, le souci, si vous voulez, c'est que les petits pourraient se faire happer par les gros,
02:46 parce que la force de communication n'est pas la même.
02:49 Quand on fait des soldes nationals, vous avez quand même la grand-messe médiatique,
02:53 et ça en fait un événement collectif, donc tout le monde peut en profiter.
02:57 Moi, personnellement, et c'est vers ça que je me battrais,
03:02 et que j'essaierais de convaincre la fédération de me suivre sur ce terrain,
03:06 c'est de reconnecter les soldes avec la réalité des saisons.
03:10 C'est d'aller, donc, sur septembre pour solder l'été,
03:15 puisque c'est la fin de l'été, et mars pour solder l'hiver, c'est la fin de l'hiver.
03:19 Donc, ça me paraît être de bon sens, et allant en plus, dans le sens, si vous voulez,
03:25 des politiques gouvernementales européennes,
03:28 en faveur d'un repositionnement de la production et des ventes,
03:34 par rapport à l'environnement et par rapport à l'écologie.
03:38 En ce moment, vous avez 16 textes qui sont discutés à Bruxelles,
03:43 et qui vont dans ce sens.
03:46 Donc, qu'on soit d'accord ou pas, de toute façon, c'est l'avenir de la mode à l'heure actuelle.
03:50 - Exactement. On parle beaucoup de la fast fashion, de la mode jetable,
03:54 et donc tout sauf écologique.
03:56 Du point de vue du consommateur, c'est vrai que les attentes sont en train d'évoluer,
04:00 on recherche des produits plus durables.
04:02 Le modèle des soldes, qui est fondé à l'origine sur le déstockage,
04:06 les invendus, Pierre Talamon, ça ne cadre plus trop avec ces attentes, aujourd'hui ?
04:10 - Non, c'est déconnecté de la réalité du monde d'aujourd'hui.
04:14 Là, on est vraiment, maintenant, engagé sur des réflexions de durabilité,
04:20 et surtout un retour au produit.
04:23 C'est-à-dire la désirabilité, ce qu'on appelle la désirabilité du produit,
04:28 c'est le style, la qualité et le prix.
04:31 On y va, et d'ailleurs on le note, l'Institut français de la mode
04:36 nous donne les chiffres depuis, comparés à 2022 et même 2019,
04:43 on est à 8% de baisse encore sur 2019,
04:47 et on était flat, on était par rapport à 2022, à +0,3.
04:52 Mais si on prend l'inflation, l'Insee nous donne à peu près 4,1% sur l'aliment,
04:57 on se retrouve à 1,5.
04:59 Donc si vous voulez, en termes de volume, on est en dessous.
05:03 - Le marché de la seconde main, Pierre Talamon,
05:06 pas seulement pour l'habillement d'ailleurs,
05:08 mais l'explosion du marché de vêtements d'occasion,
05:11 c'est la bête noire des soldes ces dernières années.
05:13 - Oui, c'est 15% à peu près du marché.
05:18 C'est à peu près 4 milliards d'euros sur un total de 26.
05:24 Donc c'est beaucoup, c'est une part importante.
05:27 Je pense que, comme vous semblez le souligner,
05:30 que c'est plus dans le contexte inflationniste,
05:36 donc par recherche d'un petit prix, que par réflexe écologique.
05:39 Ça l'est aussi un peu, et ça va le devenir de plus en plus.
05:42 Mais bon, là si vous voulez, on va quand même...
05:44 La tendance, ça va être moins de volume,
05:46 et ça c'est bon pour la planète.
05:49 C'est moins de volume, peut-être plus de chiffre d'affaires,
05:52 mais moins de volume.
05:53 Plus de qualité, moins de quantité.
05:55 - Donc la recherche de la qualité avant tout, désormais.
05:58 Toujours du prix bien sûr, puisque vous l'avez rappelé,
06:00 on est toujours en période d'inflation,
06:01 et les vêtements sont aussi concernés,
06:03 pas seulement l'alimentation.
06:04 - Non, non, le caddie alimentaire capte le pouvoir d'achat
06:07 d'une façon importante.
06:09 C'est sûr que l'achat textile est en second plan.
06:12 - Merci Pierre Talamon, merci Président de la Fédération Nationale de l'Habitement
06:17 pour le coup d'envoi de ces soldes d'été 2023.

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