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Documentaire consacré aux conditions des travailleurs algériens en France. Rappel des lois régissant leurs venues et leurs départs.

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00:00 Marseille, la Joliette.
00:03 Aquelles, l'avenir de la compagnie de navigation mixte,
00:07 retardée de trois heures par la Mistral.
00:10 Débarquement d'immigrants algériens.
00:12 Des hommes, quelques femmes avec leurs enfants.
00:16 Pour 3 millions d'immigrés, 500 000 Algériens.
00:25 Tous les jours, au rythme moyen de 18 000 par mois.
00:29 Venus par mer ou par avion d'Alger, d'Oran, de Constantine et des lointaines campagnes.
00:35 Le flux et le refus des immigrés algériens posent un problème au gouvernement français
00:40 qui l'a amené à réviser dans un accord signé le 27 décembre 1968 avec le gouvernement algérien
00:46 certaines clauses des accords déviants, en freinant par des mesures nouvelles l'immigration.
00:52 Ceux qui se soumettent ici au contrôle de santé et à la douane ne sont pas tous de nouveau venus.
00:59 La majorité rentrent d'un congé passé dans leur famille et sont censés retrouver ici du travail et un logis.
01:05 Le flux des arrivants est compensé par un refus de partant
01:09 et la balance s'établit sensiblement en faveur d'une augmentation de la population algérienne en France.
01:15 En 1967, 210 000 entrées, 198 000 sorties, soldes positives 12 000.
01:25 12 000.
01:52 Contrôle de police. Au terme des nouveaux accords, trois situations sont possibles.
01:59 Le travailleur en congé présente une attestation de remise de bulletin de salaire délivré par les services de la main d'oeuvre
02:05 et lui sera ultérieurement délivré un titre de séjour valable 5 ans.
02:11 Le nouveau venu présente une carte délivrée par l'organisme algérien de la main d'oeuvre
02:16 qui lui donne le droit de chercher du travail.
02:20 Si le travailleur ne cherche pas du travail au bout de 9 mois, il sera refoulé.
02:24 Le touriste enfin présente son passeport.
02:27 Il n'a pas le droit de chercher du travail. Au bout de 3 mois, il doit repartir.
02:33 Les familles ne seront admises que si elles attestent pouvoir bénéficier d'un logement décent.
02:40 Le gouvernement français escompte ainsi réduire de 80 000 à 35 000 par an l'arrivée des nouveaux immigrants.
02:49 Voilà. Merci monsieur.
02:52 Des problèmes passionnels, des campagnes de presse, le lourd passé commun de la France et de l'Algérie
02:59 rendent toute solution délicate.
03:02 Au moment de l'application des accords, nous avons voulu approcher les travailleurs algériens en France,
03:07 connaître les problèmes qui déjà les assaillent au moment où ils gravissent l'escalier de la gare Saint-Charles à Marseille,
03:14 travailler, se loger, acquérir une qualification professionnelle.
03:39 En amentant les accords, monsieur Massonet, directeur de la population et de l'immigration,
03:44 déclarait le 31 décembre "les autorités françaises vont pouvoir adapter l'immigration aux besoins objectifs de l'économie".
03:53 On connaît ces images. Dans les travaux publics, la sidérurgie, la métallurgie, le bâtiment,
04:00 le visage du travailleur algérien est familier.
04:03 C'est une malheur fraîche, non qualifiée au départ, souvent venue en droite ligne de la campagne,
04:09 où elle chasse le marasme de l'économie algérienne.
04:13 Une masse d'hommes qui s'exploiteraient pour chercher du travail et nourrir leur famille restée au pays.
04:19 Trop peu atteignent un niveau de qualification professionnelle.
04:24 Bien qu'il ait doublé au cours des dix dernières années,
04:27 le nombre des ouvriers professionnels est encore de 24 107 pour 116 017 manœuvres et 72 409 OS.
04:38 Ceux qui trouvent du travail sont, par la force des choses, contraints d'exercer des travaux où les français ne veulent plus.
04:46 Les travaux les plus durs, les plus insalubres, les moins rémunérés.
04:54 OS dans la métallurgie, manœuvre au ferrailleur dans le bâtiment,
04:59 ils revendiquent le droit d'être traités à égalité avec les travailleurs nationaux.
05:05 Le premier que nous avons rencontré travaillait sur un chantier à Aubervilliers.
05:16 Il ne parlait pas français.
05:18 - Comment vous appelez-vous ? - Mbobili.
05:21 - Et quel est votre métier ? - Je travaille en manœuvre.
05:25 - Vous êtes depuis longtemps en France ? - Je suis venu en France en 1960.
05:32 - Et vous pensez rester encore ? - Je travaille ici.
05:39 - Vous travaillez ici ? - Oui.
05:41 - Tant qu'il y a du travail, vous restez ici ? - Oui.
05:45 - Vous restez ici ? - Oui, je travaille ici.
05:51 - Vous avez des familles ? - Oui, j'ai 4 enfants.
05:58 - Je suis le père, la mère et la femme. - Il a 4 enfants et une femme.
06:04 - Le père est avec sa femme. - Est-ce qu'il leur envoie de l'argent ?
06:10 - Il envoie de l'argent chaque soir. - Il envoie de l'argent chaque soir.
06:17 Il envoie de l'argent chaque mois, mais il ne peut pas le faire en fonction des transactions.
06:26 Il envoie de l'argent chaque mois.
06:29 - Est-ce qu'on arrive à travailler régulièrement en France ?
06:32 - Vous travaillez toujours ? - Oui.
06:36 - Vous travaillez toujours ? - Oui, pendant 3 jours.
06:40 Depuis qu'il est en France, il a travaillé régulièrement,
06:44 mais ça lui amène de temps en temps de tomber en chômage pendant 2 ou 3 mois.
06:48 Aggravés par des mesures de discrimination qui n'ont rien à voir avec les besoins objectifs de l'économie,
06:54 le chômage total ou périodique, l'instabilité de l'emploi,
06:58 sont le sort normal de l'ouvrier algérien.
07:08 Sur 500 000 Algériens, 215 000 seulement travaillent.
07:13 Pour les autres, le chômage.
07:17 - Moi, j'ai fait pas mal d'entreprises. J'étais dans l'Est, j'étais dans le Nord.
07:21 Je me mettais mineur, alors j'y vais un peu, justement.
07:25 J'avais pourtant des capacités, je pouvais faire autre chose qu'une manœuvre dans la mine,
07:31 mais seulement j'étais obligé d'accepter ça parce que je n'avais pas d'autres ressources.
07:36 J'ai passé des examens pour aller dans un centre de formation professionnel.
07:41 On était étonnés de voir mon examen réussir, justement.
07:47 Mais alors, en fin de compte, on m'a proposé d'aller dans le bâtiment.
07:51 Le bâtiment, ça ne m'intéressait pas. Moi, j'aurais voulu être, par exemple, un mécanicien ou électricien.
07:57 Puis on a voulu me diriger sur le bâtiment, puis j'ai refusé carrément.
08:01 Alors, après, je me suis quand même formé sur le temps,
08:04 puisque je n'ai pas eu la chance de faire des études dans un centre de formation.
08:09 Je me suis quand même spécialisé sur le temps.
08:12 Je suis arrivé à attraper des surprises, parce que j'avais une argent parisienne.
08:16 Et quand je suis rentré chez Renault, on m'a embauché comme OS1.
08:20 Il m'a fallu 10 ans pour essayer, justement, d'arriver à la situation à laquelle je prétendais.
08:28 Qui vous envoie ici ? Le centre de la SPA.
08:32 Vous êtes allé au boulevard de la France ?
08:36 Vous avez été malade pendant 3 heures.
08:40 Chômage, maladie, accident du travail, misère.
08:46 Sans l'aide des organisations syndicales ou d'associations privées,
08:50 comme ici, l'Atome, à Marseille, l'immigré perdu dans les formalités se noierait.
08:57 Pourquoi vous êtes allé ? En congé ou bien ?
09:00 Je suis allé en convalescence dans le psychologie.
09:03 En convalescence pour un mois.
09:05 Oui, pour un mois.
09:06 Pour vous soigner en Algérie.
09:07 Pour me soigner en Algérie. Je parle à ma famille.
09:10 Oui.
09:11 Quel est votre domicile ? D'où vous habitez ?
09:15 Monsieur, je suis venu pour ça.
09:20 Qu'est-ce que vous voulez, monsieur ?
09:23 Où il habite, monsieur ?
09:24 À Salle d'octoling.
09:25 Comment ?
09:26 Salle d'octoling.
09:27 Vous savez lire et écrire en français, non ?
09:29 D'accord.
09:30 D'accord.
09:31 Depuis quand vous êtes en France ? Et vous, les certificats de travail que vous avez ?
09:36 Je me trouve actuellement dans le fond.
10:05 Je me trouve actuellement dans le foyer avec quatre copains, comme moi, avec des lits superposés, ici à côté de la région Renault.
10:16 Je travaille depuis deux ans à la région Renault.
10:19 J'ai demandé logement par la région Renault, enfin, comme on dit, par la direction.
10:25 Ils me disent qu'il faut de l'ancienneté, il faut de quatre ans, il faut de cinq ans d'ancienneté.
10:31 Et je suis très, très, très malheureux ici, comme on dit, vis-à-vis.
10:36 Qu'est-ce que j'ai espéré d'avoir ici, en rentrant ici en France ?
10:42 Et même, avant, j'étais dans les bidonvilles, comme on dit, en interne.
10:47 C'est encore pire, mais...
10:49 Moi, j'étais dans les bidonvilles, à Massy, à Massy-Verrières.
10:54 Et puis, j'habitais, parce que je travaillais avant là-bas, j'habitais presque quatre mois.
11:00 Et puis, parce que je n'avais pas 18 ans pour rentrer ici, chez Renault.
11:03 Le jour où je suis rentré chez Renault, j'habitais tout seul avec le bijou qui se trouve, le griffuel, ici.
11:10 Maintenant, je suis dans un hôtel.
11:13 Je suis avec mon père et mon frère, on couche tous dans la même pièce, puisque c'est dur.
11:17 Et puis, la chambre est très chère, on paye maintenant 28 600.
11:21 Alors, je n'ai pas les moyens de... d'avoir une autre chambre.
11:25 Alors, on est tous les trois dans un seul lit.
11:29 Tous les trois dans un seul lit, oui.
11:32 Je me souviens que je travaillais au PTT, et un de mes camarades...
11:38 J'avais eu des difficultés pour me loger, je couchais avec...
11:42 Enfin, je couchais dans une chambre à trois ou quatre Algériens,
11:45 et j'avais expliqué mon cas à ce camarade, et il m'a dit qu'il avait la possibilité de me loger.
11:50 Donc, j'ai été avec lui à l'hôtel où il logeait lui-même.
11:56 Et quand je suis arrivé, la dame, qui n'avait pas reconnu en Algérien,
12:01 dès le départ avait dit "ben d'accord, oui, oui, il y a une chambre, je vais vous la donner, etc."
12:06 "Quand vous voulez la prendre."
12:08 Alors, je lui ai dit "ben, fais le plus tôt possible."
12:10 Elle m'a dit "bon, ben d'accord, alors, si vous voulez, je vais vous inscrire, est-ce que vous avez une pièce ?"
12:14 Alors, je lui ai passé ma pièce d'identité.
12:16 Et quand elle a vu que j'étais Algérien, à ce moment-là, elle m'a dit "écoutez, monsieur, ce n'est pas possible, il faudrait vous attendez un peu, etc."
12:23 Et j'ai pas eu cette chambre, malheureusement.
12:26 Il y a un problème qui s'est produit il y a un an.
12:31 C'est un travailleur du pays qui travaille à la Régie, qui demeure à l'hôpital vide de Nanterre.
12:39 Alors, on est allé voir l'assistante sociale de la Régie pour lui avoir un logement.
12:44 Et au moment où on a pu lui avoir ce logement de 6 pieds,
12:47 je n'ai pas le nombre de ses enfants, c'est de la 107 ou 108, père, mère, grand-père et enfants.
12:54 Au moment où elle a pu obtenir cette pièce, cette personne était quand même bien payée puisqu'elle travaillait dans les forges fondrières.
13:02 Alors, on a estimé que c'est un gars qui ne peut pas conserver ce logement, et c'est la raison pour laquelle on lui avait refusé.
13:10 C'est pas des personnes qui conservent le logement comme il devait l'être.
13:17 C'est ce qui fait qu'il y a une différence entre les Français et les Algériens.
13:21 Vous savez, il y a plusieurs choses, il n'y a pas que ça.
13:26 C'est malheureusement qu'ils ne nous donnent pas les raisons pourquoi ils distribuent à certains et pas à d'autres.
13:32 Nous, on se plaint aussi de notre part pour les travailleurs algériens.
13:36 Il y a des travailleurs généraux, des travailleurs de couleur.
13:41 C'est encore un racisme.
13:44 Vous savez, des fois, des fois plus que par rapport aux Algériens.
13:49 Il y a encore des bidonvilles.
13:58 Remplacés petit à petit par des immeubles, nous n'oserons pas ceux qui s'en échappent.
14:02 Ils sont la mauvaise conscience de nos villes.
14:05 L'image affadie de la misère du tiers monde.
14:09 Pour le nouvel arrivé, c'est une aubaine.
14:12 L'hospitalité d'un parent, d'un frère, du même village ou de la même région.
14:18 Le temps passe et c'est la misère près du luxe, la boue.
14:23 On y rencontre des femmes effarouchées, des enfants beaux et propres, des hommes encore vés d'eau.
14:32 (Musique)
14:58 Il y a les logements de fortune abandonnés par les municipalités,
15:02 où l'on ne paie pas de loyer, construits brique après brique, tôle après tôle.
15:09 (Musique)
15:35 (Musique)
15:45 Il y a les hôtels où des compatriotes, des marchands de sommeil,
15:49 louent très cher des chambres où l'on loge à 4, 6 ou 8.
15:54 Et puis les foyers trop peu nombreux, mais qui, grâce au fond d'aides sociales,
15:59 alimentées par un prélèvement sur les allocations familiales,
16:02 représentent un effort réel pour le logement des célibataires,
16:06 mais dont les loyers sont déjà lourds pour des gens qui expédient le tiers de leur salaire au moins en Algérie
16:12 et qui ne représentent encore que 60 000 lits, selon les meilleures estimations.
16:17 (Musique)
16:33 Et les cités de transit, où l'on loge à titre néreux ceux qu'on exclut des bidonvilles,
16:39 mais qui, par la vie qu'on y mène, la ségrégation, la boue qui prend la place de l'herbe,
16:45 sont des images aseptisées d'une même réalité.
16:48 Ici, vieillissent des hommes.
16:51 (Musique)
16:56 C'est-à-dire, ici en France, comme chez Renaud ici,
16:59 c'est-à-dire, depuis que je suis rentré chez Renaud,
17:01 je demandais pour suivre la formation professionnelle.
17:03 Et bien, ils m'ont dit, t'as pas à se dire, il faut avoir une ancienneté.
17:08 Ils m'ont pas dit l'ancienneté, puis, alors, j'ai laissé jusqu'aux vacances passer.
17:12 Alors, en rentrant des vacances, je demandais au contre-maître.
17:15 Alors, il me fait passer, chaque fois, il me dit, j'oublie, j'oublie, il faut que je dis à mon patron.
17:20 Et son patron, c'est le chef d'atelier.
17:22 Alors, chaque fois, il me fait passer comme ça.
17:24 Alors, un jour, je suis allé, c'est pas à l'engueuler, mais c'est à dire, j'étais énervé un petit peu.
17:31 Alors, là, il m'a amené chez le chef d'atelier, il lui a dit, voilà, il veut suivre la formation professionnelle.
17:36 Alors, lui, il me dit, le chef d'atelier, il me dit, il faut me faire une demande.
17:41 Alors, je suis allé chez moi, j'ai fait une lettre, je l'ai apporté, alors, j'ai attendu encore un mois.
17:47 Alors, après, quand j'ai vu que le chef d'atelier ne m'a pas répondu, alors, je suis allé encore le voir.
17:54 Alors, il m'a dit, vous n'êtes pas seul à m'occuper de vous, alors, il faut encore attendre.
18:01 Je lui ai dit, je ne peux pas attendre, la formation, elle, elle va bientôt commencer.
18:05 Alors, qu'est-ce qu'il a fait ? Il a téléphoné à un monsieur, c'est à dire, il s'appelle M. Jossot,
18:09 il s'occupe de relations sociales de l'atelier.
18:12 Alors, il lui a dit que maintenant, c'est trop tard, la demande, il faut la faire en entrant des vacances.
18:17 Et tout ça, c'est la faute du contre-maître.
18:20 Et bien, jusqu'à aujourd'hui, alors, il m'a dit, il faut me le redire vers le mois de mars.
18:26 Alors, j'attends pour le moment.
18:29 Alors, en ce moment, le problème qui se pose pour nous, les Algériens, y compris pour nos jeunes qui viennent ici,
18:38 ces jeunes illitrés qui ne veulent pas qu'ils ne savent ni lire, ni écrire,
18:41 et c'est un problème qui nous... est réservé à nous pour les résoudre,
18:48 et non seulement à nous-mêmes, mais il faut que, si avec l'appui des organisations syndicales à qui nous appartenons,
18:55 alors, il y a beaucoup de difficultés à résoudre tous ces problèmes,
19:00 et pour les résoudre, je crois que, pour les jeunes Algériens,
19:03 que leur devoir, c'est de suivre les cours d'alphabétisation,
19:08 et qu'en France, en ce moment, toutes les municipalités ne nous réservent pas une partie pour suivre le cours d'alphabétisation,
19:15 alors, nous, on essaie, par nos propres moyens, d'avoir des bénévoles pour donner ces cours à ces jeunes,
19:23 et à ces travailleurs algériens qui arrivent de leur pays, pour essayer d'avoir leur livre de certificat d'études,
19:30 et après, on les envoie dans les cours de formation professionnelle, pour essayer d'accélérer.
19:40 Ici, à la Régie, il y a des cours ?
19:42 À la Régie, il y a des cours, oui, mais c'est limité.
19:45 C'est des cours qui sont limités à 400 places, je crois,
19:50 et vous savez, une entreprise comme la Régie Renault, où il y a 10 130,
19:57 c'est le chiffre donné par la direction, il y a deux mois, en novembre,
20:02 je crois que 400 places pour 10 130 immigrés en général, il n'y a pas spécialement les Algériens,
20:11 je crois qu'il y a 6 700 Algériens, je crois que c'est peu, et c'est trop peu.
20:16 Regardez, relisez, en pleine mer, oui.
20:24 On a vu la sirène Mugy, vous savez ce que ça veut dire ?
20:27 Oui, c'est quand le bateau est débarqué sur la sonnet.
20:30 Cours d'alphabétisation.
20:32 Une organisation privée de Germaëlles dans un local syndical.
20:37 Instituteurs bénévoles.
20:39 Pour quoi autrement ?
20:41 Pour le lion, pour les animaux sauvages, d'accord.
20:44 Ce bras de la mer, je voudrais bien partir avec une dansée.
21:02 Bon, alors qu'est-ce qui fait que les Algériens viennent travailler en France ?
21:12 Ce qu'ils font, c'est qu'il y a un manque de travail dans leur pays,
21:18 du fait qu'il n'y a pas tellement d'industrie,
21:23 tout ça, l'industrie, vous savez aussi bien que moi,
21:28 n'en existe pratiquement pas,
21:32 alors il n'y a pas d'autres débouchés.
21:37 Et qu'est-ce qui fait qu'ils choisissent la France ?
21:42 Ben, disons que c'est depuis 130 ans que l'Algérie a été colonisée par les Français,
21:48 ils ont quand même acquis une certaine familiarité avec les Français,
21:57 même par la langue,
22:01 et puis il y a quand même certains liens qui restent, quoi,
22:07 ne serait-ce que même avant les événements, il y avait des facilités,
22:11 à un moment donné, ils étaient considérés moitié comme Français,
22:18 ce qui leur donnait des espoirs.
22:21 Au moment de l'indépendance, il y avait tous les cadres français qui étaient en Algérie,
22:26 se sont rentrés en France et puis ils ont laissé le pays à zéro,
22:32 c'est-à-dire notre pays, ils ont laissé l'Algérie à zéro,
22:35 et c'est de là que nous avons parti à zéro,
22:37 on n'avait pas d'autres moyens pour essayer de lever le pays,
22:41 donner des moyens à ceux qui sont là-bas pour pouvoir travailler et améliorer leur situation.
22:48 Quand une femme met un enfant au monde,
22:52 on lui paie d'abord des indemnités avant l'accouchement,
22:57 après l'accouchement, après il faut faire des écoles à cet enfant,
23:02 ensuite il faut lui payer des allocations familiales,
23:07 il faut lui construire des écoles, il faut lui payer des professeurs pour son éducation,
23:13 et bien il faut lui payer son service militaire.
23:16 Alors jusqu'à 20 ans, il coûte quand même à l'État,
23:19 quoi qu'on dise, ils sont d'environ 12 millions, approximativement,
23:24 mais l'immigré, quand il arrive, il arrive avec toute sa vitalité, toute sa force,
23:29 et bien tout de suite on le met dans le circuit, et bien il n'a absolument rien coûté à l'État.
23:34 Alors maintenant il se pose aussi un problème en essayant de faire croire aux travailleurs français
23:40 que l'immigré vient en France pour prendre sa place et puis manger son pain.
23:46 Ce n'est pas le cas, puisqu'on vient de démontrer que si on fait venir l'immigré,
23:50 c'est uniquement parce qu'il y a rapport d'avantages au gouvernement.
23:54 Je reste à un colloque qui s'est tenu il y a environ un an et demi,
23:58 des représentants patronaux ont bien dit textuellement que si l'automation leur coûtait aussi cher que l'immigration,
24:06 et bien ce n'est pas très facilement l'immigration, ils préfèrent acheter des machines,
24:10 c'est parce qu'ils gagnent beaucoup d'argent sur l'immigration qu'il n'y est pas en venir.
24:15 On est là tout simplement parce qu'on a besoin de nos services, on a besoin de notre force, on nous exploite.
24:22 Comme je vous disais tout à l'heure, on peut bénéficier de notre dollar.
24:25 La preuve c'est qu'un élément qui a travaillé une dizaine d'années, qui retourne chez lui,
24:29 et bien toutes ses cotisations, c'est perdu, c'est des bénéfices,
24:33 parce qu'il faut travailler au moins un minimum de 15 ans pour pouvoir prétendre à une petite retraite.
24:39 Ce n'est pas le cas, tous les gens qui viennent ici, ne restent pas tous 15 ans, donc c'est des bénéfices.
24:48 Et puis en plus de ça, c'est quand même, si vous voulez, c'est un marché ouvert aussi à l'expansion de la France.
24:57 Les travailleurs, nous épousons leurs idées, nous sommes des travailleurs comme eux,
25:01 donc je ne vois pas pourquoi on essaie de créer un foncier entre les immigrés et les travailleurs français.
25:06 Nous sommes solidaires les uns des autres.
25:08 Est-ce que ce foncier existe ?
25:11 Il y en a qui passent leur temps à le creuser, et d'autres à le combler.
25:16 Ceux qui le creusent, une certaine presse, les nostalgiques d'un passé révolu.
25:23 D'autres, les camarades de travail.
25:26 Moi, en ce qui me concerne, ils sont très bien.
25:30 Il y a eu un départ peut-être aussi.
25:33 Le départ est toujours, disons, un peu dur, mais au fil des jours, ça passe, et c'est la grande amitié.
25:42 J'ai des pensées qui sont de très bons copains, je peux dire même des frères,
25:51 qui comprennent le problème des Algériens en France, qui ne sont pas racistes du tout, qui sont même des gens très bien.
25:57 [Musique]
26:22 Le soir venu, ce qui n'est pas une famille, ni centre culturel, ni logement d'essence se retrouve dans les cafés.
26:28 [Musique]
26:37 Domino, jeux de cartes, musique.
26:40 [Musique]
26:45 L'immigré a perdu sa famille, son pays pour trouver du travail.
26:49 Il mérite notre respect et notre aide.
26:53 [Musique]
26:56 [Applaudissements]
26:59 En question de boulot, on travaille, on gagne bien un petit peu, notre vie, on s'arrange, on est assez bien.
27:07 Où est-ce que vous êtes logé ?
27:08 Ici.
27:09 Ici ?
27:10 Oui.
27:11 Vous avez une chambre pour vous ?
27:12 Oui.
27:13 Vous avez une chambre pour vous tout seul ?
27:15 Oui, je suis étocial, oui.
27:17 Mais de temps en temps, jamais de ma côté, il n'y avait que moi.
27:20 Voilà.
27:22 Vous avez de la famille là-bas ?
27:24 Oui, j'ai de la famille.
27:26 Mais justement, je suis venu travailler sur la famille.
27:28 S'il y a du boulot là-bas, j'aurais dû partir.
27:30 Mais j'espère que ça ne va pas durer longtemps.
27:33 Espérons bien qu'il y a un jour qu'on rentre dans notre pays, là on est bien avec la famille.
27:40 Vous leur envoyez de l'argent ?
27:41 Ah, bien sûr.
27:42 Sans saillir tout, tous les quinze heures, je l'envoie chez moi.
27:45 Qu'est-ce que vous faites comme travail ?
27:46 Je fais comme maçon.
27:48 Je fais l'entretien de l'usine dans une BTB.
27:51 Combien vous gagnez ?
27:52 Je gagne 600 francs de l'heure.
27:54 Et vous leur envoyez combien ?
27:55 J'envoie 30, 35 maximum.
27:59 Ça ne va pas, je trouve que ce n'est pas une vie pour moi.
28:02 Je devrais être chez moi, voilà.
28:04 Pourquoi vous êtes ici ?
28:06 Parce que je suis venu travailler, il n'y a pas de travail chez moi.
28:09 Et voilà.
28:10 Et donc vous voudriez rentrer ?
28:12 Bah oui, si j'ai les moyens, bien sûr.
28:15 Si je trouve des boulots à chez moi, je vais y aller, je préfère.
28:18 Tout le monde devrait.
28:19 Vous croyez qu'on est heureux comme ça, par exemple, de manquer une vie ?
28:22 Une femme, par exemple, qui se trouve là-bas, loin de chez nous.
28:26 Là, en France, tout le monde, le soir, il rentre chez soi, il a une femme.
28:29 Mais nous, là, on rentre, on mange, on travaille comme...
28:32 Enfin, moi.
28:33 Puis, ce qui nous manque, c'est la vie.
28:36 Là, c'est un travail, un travail, mais il manque la vie.
28:38 Une femme.
28:39 Alors, une fois qu'on a la femme qui est loin de chez nous,
28:42 on n'a pas de vie, là.
28:44 On n'a pas de vie.
28:45 On a le bonheur, peut-être, mais la vie, il manque beaucoup.
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