Depuis 15 ans, Anthony Gusmerini est tétraplégique. Il y a deux ans, il entame avec sa femme des recherches pour louer un nouveau logement, adapté à ses besoins et à une vie de famille, dans la région de Chambéry. Mais depuis, sa situation n’a pas évolué. Il essuie les refus des propriétaires et des agents immobiliers, effrayés selon lui par son fauteuil roulant.
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00:00 pour trouver un logement quand même, c'est dingue.
00:02 Mais là, j'en ai marre.
00:04 Je m'appelle Anthony Gusmerini, j'ai 35 ans,
00:07 et j'ai eu un accident de motocross il y a 15 ans.
00:09 Ça fait à peu près deux ans qu'avec ma femme,
00:11 on cherche un logement adapté.
00:13 On a eu beaucoup de refus.
00:15 Au début, on pensait qu'il y avait beaucoup de monde sur les dossiers aussi.
00:20 Au bout d'un moment, on s'est quand même posé la question
00:23 si ce n'était pas le fauteuil qui posait un problème.
00:25 Et au bout du compte, on se rend bien compte
00:27 que quand le dossier est envoyé, qu'il est accepté au niveau financier,
00:32 qu'à la fin, on nous refuse encore, sans réelle raison,
00:37 on sent bien qu'ils ont peur du fauteuil et que c'est une énorme problématique.
00:41 C'est une espèce de crainte et de peur à ce niveau-là qui est pénalisante.
00:45 Tout de suite, ils pensent qu'on va demander des adaptations
00:49 ou qu'on va être procédurier,
00:51 que ça va être tout de suite plus galère.
00:54 Et tout de suite, c'est des craintes.
00:55 Alors du coup, qu'ils ont des locataires valides,
01:01 sans problème à apparence, c'est plus simple.
01:05 C'est la facilité et la tranquillité.
01:08 Moi, je pars du principe que si on a choisi la maison
01:11 et qu'on veut vivre dedans, c'est qu'on l'accepte comme elle est
01:14 et qu'on ne va pas attaquer à dire au propriétaire
01:17 « il faut tout refaire, s'il vous plaît ».
01:18 Sans faire le Marseillais, on peut partir sur une quinzaine de refus
01:22 sans compter le fait que les agences nous ont fait déplacer
01:25 à multiples reprises, à des logements avec des marches,
01:29 et ce n'est pas forcément signalé.
01:31 Et la personne qui nous faisait la visite me disait
01:35 « mais trois, quatre marches, vous ne pouvez pas vous lever juste pour trois, quatre marches ? »
01:39 Et ça, j'ai eu plus d'une dizaine de fois aussi.
01:42 Il y a force, moralement, mentalement,
01:43 même si je suis un peu vaillant, c'est pesant.
01:46 Par exemple, le dernier refus qu'on a en date,
01:48 la personne avait souscrit une assurance pour les loyers payés.
01:52 Ça, ça se comprend totalement.
01:54 Et en fait, quand on a visité la maison,
01:56 on a très bien dit que les dossiers seraient envoyés au 1er juillet.
02:00 Et en fait, on a visité la maison, c'était environ deux semaines, un jeudi.
02:05 Et du coup, le lundi matin, à l'aube,
02:08 il nous a dit que l'assurance avait refusé nos dossiers.
02:11 Et quand on lui a dit « mais normalement, ce n'était pas le 1er juillet »,
02:14 il ne nous a plus jamais donné de réponse.
02:15 La femme, elle veut partir, je la comprends si,
02:18 mais elle ne veut même pas parce que, vous vous doutez le compte,
02:21 quand on voit tout le temps des refus, des refus,
02:22 on se dit qu'il n'y a pas forcément d'avenir.
02:24 Elle a un fiston à faire grandir quand même dans de bonnes conditions.
02:29 On en est là à l'heure d'aujourd'hui, c'est malheureux quand même.
02:31 Je vis dans mon ancien atelier parce qu'en fait,
02:34 pour des questions de facilité,
02:36 vu que je suis dépendant au niveau des transports,
02:38 pour pouvoir accéder à mon magasin plus rapidement,
02:40 je m'étais fait faire par mon frère un petit logement dans mon atelier.
02:44 Vu que c'est dans une petite zone industrielle,
02:47 pour ne pas avoir de vis-à-vis dans l'appartement,
02:48 j'ai fait mettre très peu de fenêtres.
02:50 Il y en a juste dans la cuisine et les fenêtres sont à 2 mètres de haut.
02:54 Jusqu'à ce que je stoppe mon activité en 2018,
02:56 ça m'allait bien car en fait, j'étais 6 jours sur 7 dans mon atelier.
03:00 C'est un peu petit pour une famille à 3
03:03 et c'est pour ça qu'on cherche à déménager juste pour avoir,
03:07 on va dire, un logement standard,
03:10 même pas de la furiture, c'est juste un logement strict au minimum.
03:14 Je compte.
03:14 On vise essentiellement les maisons récentes
03:17 parce qu'en fait, avec les nouvelles lois, on va dire,
03:20 elles doivent être accessibles à 20%.
03:22 Du coup, on sait que sur les maisons récentes,
03:29 il y aura pourtant des douches à l'italienne
03:30 et des surfaces pour tourner en fauteuil.
03:33 Ce qui est dingue, par exemple,
03:35 c'est que l'État oblige les propriétaires de faire des maisons accessibles à 20%,
03:40 mais par contre, ces logements ne sont pas prioritaires pour les personnes PMR.
03:44 C'est quand même dommage d'obliger à faire des maisons
03:48 et de ne pas obliger, on va dire, à mettre prioritaire un dossier PMR.
03:53 Quand, bien sûr, on est bien d'accord,
03:54 quand le dossier de revenu, de ressources est OK.
03:57 Deux ans pour trouver un logement, quand même, c'est dingue.
04:01 Moi, ça fait 15 ans que je suis en fauteuil et je ne suis jamais plein.
04:05 Quasiment jamais plein.
04:07 J'ai fait ma petite vie, j'ai eu mon magasin pendant plus de 10 ans,
04:10 j'ai fait plus de 300 kilomètres en fauteuil.
04:12 Je suis assez vaillant.
04:16 Et bien là, j'en ai marre.
04:17 J'ai perdu un peu de force mentale et morale.
04:21 Et c'est dommage parce que deux ans, quand même,
04:24 deux ans à chercher des logements, ça ne devrait pas être normal, en fait.
04:27 Ça ne devrait juste pas être normal.
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