Ça vous regarde - Violence des jeunes : comment restaurer l'autorité ?

  • l’année dernière
- Grand témoin : Léa Falco, membre du collectif « Pour un réveil écologique » et autrice de « Faire écologie ensemble » (Éditions rue de L'échiquier)

LE GRAND DÉBAT / Violence des jeunes : comment restaurer l'autorité ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Mercredi 5 juillet 2023, le Président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, a créé la polémique en affirmant qu'il y avait, « bien sûr », un lien entre les violences urbaines et l'immigration. Alors que les nuits d'émeutes ont occasionné plus d'un milliard d'euros de dégâts, le profil très jeune de certains casseurs inquiète. Eric Ciotti a affirmé lors d'une conférence de presse que « l'ordre doit être solidement rétabli ». Les Républicains proposent de s'attaquer à l'« immigration de masse ». Ils souhaitent également suspendre les allocations familiales pour les parents des jeunes émeutiers. Parents, École, jeunes, politiques ou forces de l'ordre : à qui la faute ? Le tout répressif est-il la solution ?

Invités :
- Cécile Rilhac, députée Renaissance du Val-d'Oise
- Philippe Gosselin, député LR de la Manche
- Nadir Kahia, Président de l'association « Banlieue plus & nos quartiers »
- Iannis Roder, professeur d'histoire-géographie en Seine-Saint-Denis

LE GRAND ENTRETIEN / Léa Falco : transition écologique, tous concernés !

Dans son livre « Faire écologie ensemble », Léa Falco revient sur cette période de « drôle de transition » que nous vivons, entre prise de conscience et action. Elle explique la nécessité de susciter le désir d'une société écologique non punitive. Elle insiste sur l'importance d'inverser la norme et de « pousser nos sociétés à s'engager dans l'ère de l'écologie par défaut », soit de manière systématique. La militante propose de nombreux outils à destination de tous : étudiants, salariés, CSP+, élus de la République... Léa Falco présente aussi les intérêts de l'Union Européenne à se positionner comme leader de la transformation écologique.

- Grand témoin : Léa Falco, membre du collectif « Pour un réveil écologique » et autrice de « Faire écologie ensemble » (Éditions rue de L'échiquier)

BOURBON EXPRESS :
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Carole Barjon, journaliste à l'Obs
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcript
00:00 [Musique]
00:05 Bonsoir et bienvenue à Savourgarde en direct.
00:08 Notre grand témoin ce soir est l'un des nouveaux visages de la lutte pour le climat.
00:12 Bonsoir Léa Falco.
00:13 Bonsoir.
00:14 Et merci d'être avec nous.
00:15 Quel parcours !
00:16 Vous êtes à 24 ans formatrice des agents de la fonction publique aux enjeux du réchauffement.
00:20 Vous êtes sortie de Sciences Po.
00:22 Vous avez aussi formé les députés.
00:24 Alors arrivée ici à l'Assemblée Nationale, vous êtes très engagée dans la conversion des entreprises.
00:28 On va en parler. Et vous signez votre premier essai aux éditions Rue de l'Échiquier.
00:33 Faire écologie ensemble.
00:35 La guerre des générations n'aura pas lieu.
00:37 Vous allez nous dire pourquoi tout à l'heure dans la deuxième partie.
00:40 Mais on commence ce soir par le défi de l'autorité.
00:44 C'est le constat partagé par tous après les nuits d'émeute dans les banlieues.
00:49 L'autorité est en crise un peu partout en France.
00:52 Et c'est une crise profonde qu'elle traverse parents, écoles, policiers, élus, les figures,
00:57 les institutions censées l'incarner sont partout défiées.
01:01 Alors comment la restaurer cette autorité ?
01:04 La droite prône un serrage de vis à tous les étages.
01:07 Le lien qu'elle fait entre l'immigration et les émeutes suscite un tollé à gauche.
01:12 Grand débat avec mes invités sur ce plateau dans un instant.
01:15 Avant de retrouver nos partis pris, nos affranchis et puis Bourbon Express, bien sûr, l'histoire du jour à l'Assemblée.
01:20 Voilà pour le programme ce soir. Vous me suivez, Léa Falco, ça vous regarde, c'est maintenant.
01:24 (Générique)
01:35 Nous avons un problème d'autorité dans la société qui commence par la famille.
01:40 Déclaration d'Emmanuel Macron à l'adresse d'élus locaux.
01:43 Aujourd'hui, lors de sa visite à Pau, la crise ne date pas d'hier, bien sûr,
01:47 mais les émeutes urbaines de ces dernières nuits rendent urgentes les réponses politiques.
01:52 "Ordre calme et concorde", a encore dit le chef de l'Etat,
01:55 mais pour le concret, le président préfère encore attendre le temps de se pencher finement
01:59 sur les profils des jeunes émeutiers condamnés par la justice.
02:02 Alors, en attendant, c'est la droite et le RN qui monopolisent le terrain de la fermeté.
02:07 Bonsoir, Cécile Rilak. -Bonsoir.
02:09 -Et bienvenue. Vous êtes députée Renaissance du Val-d'Oise,
02:12 vous êtes professeure d'EPS, de profession, notamment à Argenteuil.
02:16 Vous avez exercé pendant 16 ans, vous avez été aussi principale de collège,
02:21 si je ne dis pas de bêtises, en Seine-Saint-Denis, à Pierrefitte.
02:24 C'est bien cela, expérience peut-être importante pour ce débat.
02:27 Bonsoir, Philippe Gosselin. -Bonsoir.
02:29 -Merci d'être là. Vous êtes députée Les Républicains de la Manche,
02:32 qui propose une batterie de mesures.
02:35 C'était Rude Vaugirard, officielle du parti, pour restaurer l'ordre public.
02:39 On va y revenir dans le détail. Bonsoir, Nadir Khaïa.
02:42 -Bonsoir à vous.
02:43 -Bienvenue. Président de l'association Banlieue+ et nos quartiers,
02:47 qui fait de l'entraide à Gennevilliers et au Blanc-Ménil dans le 92.
02:51 Enfin, bonsoir, Yanis Roder, figure familière de cette émission.
02:55 Vous êtes professeur d'Histoire-Géographie en Seine-Saint-Denis,
02:58 directeur de l'Observatoire de l'Education à la Fondation Jean Jaurès.
03:02 Léa Falco, ce qui s'est passé dans le pays, nous a forcément tous interpellés.
03:07 Ça nous saisit, donc n'hésitez pas à intervenir,
03:09 en tant que citoyenne, ou à interroger nos invités.
03:11 On commence par planter le décor, la crise de l'autorité.
03:14 C'est le chrono de Blaco.
03:17 Et je me retourne comme chaque soir pour vous accueillir.
03:20 Je vous invite, Léa Falco, à faire la même chose.
03:22 Bonsoir Stéphane Blakowski.
03:23 -Bonsoir à toutes et tous.
03:25 -Alors, cette crise de l'autorité.
03:26 -Alors ce soir, on va commencer par un sonore de Vincent Jambrin.
03:30 Donc je sais que l'actualité défile à toute vitesse.
03:33 J'espère que vous vous souvenez que c'est le nom du maire de L'Isle-et-Rose
03:36 dont la famille a été agressée.
03:38 On lui a demandé récemment quel était son diagnostic sur les émeutes.
03:41 Et bien, voilà ce qu'il a répondu.
03:43 -La société, et là je parle vraiment de la société dans son ensemble,
03:47 au niveau de l'État, a considéré à un moment donné
03:50 que l'autorité, c'était un vilain mot.
03:52 Que l'autorité, l'ordre, c'était des vilains mots.
03:54 C'est ringard.
03:55 Mais c'est ce qui nous manque le plus aujourd'hui.
03:57 -Alors, cette opinion n'a rien de très original.
04:01 C'est vraiment l'opinion d'une très large majorité de Français.
04:03 C'est un sondage qui date du mois de mars.
04:05 Vous voyez, 85% des Français pensent que l'autorité
04:08 est une notion qui se perd aujourd'hui en France.
04:11 Et quand Vincent Gembrin disait que le phénomène n'était pas nouveau,
04:14 difficile de lui donner tort.
04:16 Regardez, je vous ai retrouvé une une des échos qui date de 2006.
04:19 Donc ça date d'il y a plus de 15 ans.
04:21 L'autorité était en crise.
04:22 Et dans l'éditorial écrit pour ce numéro, il y avait marqué
04:25 "professeur chahuté", "agression des pompiers", "collège incendié".
04:30 Alors on se dit, finalement en 15 ans, rien n'a changé.
04:33 Ah ben non, c'est faux.
04:34 Les choses ont changé parce qu'elles se sont largement aggravées.
04:37 Je vous rappelle un peu les chiffres.
04:38 Le nombre de refus d'opt-empérer a augmenté de 50% en 10 ans.
04:41 Le nombre d'agressions de pompiers a été multiplié par 3 en 10 ans.
04:45 On agresse tout ce qui porte de l'uniforme, qui représente un peu l'autorité.
04:48 Les médecins, les posthumés, regardez même,
04:50 les arbitres de football se mettent en grève parce qu'ils sont régulièrement agressés.
04:54 Les examinateurs d'auto-école, eux aussi, se plaignent d'être victimes de violence.
04:59 Alors, bien sûr, leur aspect de l'autorité,
05:01 ici on est à l'Assemblée, quand on parle de politique publique,
05:04 ça se passe notamment à l'école.
05:06 Je trouve que les professeurs sont justement les premières victimes de ce rejet de l'autorité.
05:10 Je vous montre encore des chiffres, c'est des sondages vraiment de ces derniers mois.
05:14 17% de manière générale en France des enseignants ont été agressés,
05:19 physiquement, verbalement, lors de l'année en cours.
05:21 Et si on parle des quartiers difficiles, où il y a des réseaux d'éducation prioritaire,
05:25 c'est encore plus difficile puisqu'on passe à 26% de professeurs agressés.
05:29 Alors vous allez me dire, mais bon sang, mais que font les parents ?
05:32 Que font les parents ? Regardez ce qu'ils font les parents.
05:34 Ils ne donnent pas toujours de bons exemples,
05:36 parce que parmi les agressions que subissent les professeurs,
05:39 il y en a justement pas mal qui viennent des parents.
05:42 Alors on repose la question, que faire ?
05:44 Je dois dire que dans cette situation, il y en a une qui est plutôt à l'aise,
05:48 parce que ça fait un bout de temps qu'elle plaide pour le retour de l'autorité.
05:51 C'était même son slogan pour la présidentielle en 2022.
05:55 Elle avait commencé campagne dès 2021, vous voyez, avec ce slogan.
05:58 Donc ce matin, forcément, quand on l'interroge,
06:00 elle n'a pas besoin de gesticuler à Marine Le Pen,
06:02 elle n'a pas besoin de faire de grandes déclarations.
06:04 Elle n'a qu'à enfoncer le clou, c'était devant Thomas Soto.
06:07 Il faut taper fort, serrer la vis.
06:10 Il faut, encore une fois, que l'autorité de l'État s'exprime,
06:14 parce que c'est ce qui protège la société.
06:17 Alors en revanche, du côté d'Hélère,
06:20 j'ai l'impression qu'on se sent un petit peu en retard dans cette course à l'autorité.
06:24 Donc on en rajoute un petit peu, enfin moi c'est l'impression que j'ai eue, regardez.
06:27 Hélère réclame plus de places de prison, donc minimum 80 000, dit-il.
06:31 Éric Ciotti lui veut couper les allocations des parents des motiers.
06:34 Et puis de son côté, Olivier Marleix veut envoyer les mineurs en prison.
06:39 Bref, on a le sentiment que ça se rapproche vraiment du programme de Marine Le Pen.
06:42 Mais avant de vous aider à ce débat, je voudrais quand même souligner un paradoxe, avant de conclure.
06:46 On a vu au début que 85% des Français se plaignent d'un recul de l'autorité.
06:50 Mais le paradoxe, c'est que quand on en a de Français,
06:52 quels sont les principaux défauts d'Emmanuel Macron ?
06:54 Regardez, il est méprisant, c'est sûr, il est arrogant, oui d'accord.
06:58 Mais son principal défaut, c'est qu'il est autoritaire.
07:01 Donc je vous laisse débattre à la situation de ce pays où tout le monde réclame de l'autorité,
07:06 tout en se plaignant d'avoir un président trop autoritaire, bien intéressant.
07:10 – Allez, c'était un billet, un billet signé Stéphane Blakowski.
07:13 Je vais commencer avec vous, Cécile Rilak.
07:16 Quel mot vous mettez sur cette crise de l'autorité ?
07:19 Déjà, est-ce que vous la reconnaissez ?
07:21 On se rend bien compte qu'elle prend un aspect extrêmement aigu avec les émeutes,
07:25 mais elle n'a pas d'hier.
07:26 Comment vous la qualifiez ?
07:27 – En effet, elle ne date pas d'hier et le billet, d'ailleurs, est très très bon,
07:30 parce que moi qui ai malheureusement dans mes fonctions
07:34 connu plusieurs émeutes depuis 1997.
07:37 Donc, aujourd'hui, la crise de l'autorité, donc un, elle n'est pas nouvelle,
07:45 deux, il faut peut-être interroger, et là c'est vraiment collectivement,
07:50 sur comment notre société en est arrivée, en effet,
07:54 à à la fois réclamer à corps et à cri une autorité,
07:58 mais qu'à chaque fois que l'on met en place une mesure dite autoritaire,
08:02 ou qu'il peut y avoir un ton d'autorité,
08:04 eh bien on est... C'est-à-dire, bah non, là c'est trop.
08:08 L'exemple, celui qui est le mien, Yanis Roder, on en discutera peut-être,
08:13 c'est un milieu qu'on connaît très bien, c'est l'enseignement, justement,
08:16 l'autorité des parents et l'autorité des enseignants.
08:20 On voit bien que les enseignants, lorsqu'ils font preuve d'une certaine autorité
08:24 face à une classe d'élèves, eh bien oui, en effet, de plus en plus de parents
08:28 contredisent l'autorité de l'enseignant,
08:30 parce que le petit choupinet ou la petite choupinette,
08:33 dans la salle de classe, n'aurait jamais pu faire ça.
08:35 Donc elle commence, cette crise de l'autorité, par la famille,
08:38 vous êtes d'accord avec le chef de l'État là-dessus ?
08:40 Je ne sais pas si elle commence par la famille.
08:43 Une chose est certaine, c'est qu'à force de dire,
08:46 et très tôt, justement, dans l'éducation d'un enfant,
08:49 de remettre en cause la parole d'un adulte devant même cet enfant,
08:53 ça peut poser problème.
08:55 Et politiquement, si on refait aussi un peu un retour en arrière,
08:59 je vais vous parler de quelqu'un qui, Nicolas Sarkozy,
09:02 qui, on ne peut pas dire, a été le moins autoritaire,
09:05 il y a quelque chose que je lui reproche beaucoup dans son discours de l'époque.
09:08 C'est lorsque, justement, quelque part, il a dénigré les fonctionnaires,
09:11 sur un certain discours, que ce soit en supprimant les postes de policiers
09:15 ou en supprimant les postes d'enseignants,
09:17 parce que quelque part, dans son discours qu'il a tenu,
09:20 c'était que peut-être ces corps de fonctionnaires,
09:23 la police de proximité, les enseignants,
09:26 peut-être qu'il a un petit peu écorné l'autorité de ces personnes.
09:30 -Donc les causes sont multifactorielles, si je comprends bien.
09:33 Philippe Gosselin.
09:35 Évidemment, les premières victimes de tout ce qui s'est passé en banlieue,
09:38 c'est ceux qui y habitent, il faut le rappeler,
09:40 c'est une minorité de délinquants qui ont pillé, cassé,
09:43 même si les chiffres font froid dans le dos.
09:45 Qu'ils tiennent leurs gosses, c'est ce qu'a dit Eric Dupond-Moretti.
09:48 Très clairement, les parents ont été pointés du doigt au sommet de l'Etat.
09:52 On a même entendu un préfet de Leroux dire "deux claques et au lit".
09:55 Ca a créé la polémique.
09:57 Ca vous semble approprié comme réponse, au fond,
10:00 de punir les parents défaillants,
10:02 puisque c'est ce que proposent les Républicains ?
10:05 -Si il y a des causes multiples,
10:07 et y compris, il y a, écoutez, notre collègue Nicolas Sarkozy,
10:10 il faut être un peu sérieux,
10:12 ça fait plus de six ans que vous êtes au pouvoir,
10:15 Emmanuel Macron a toutes les manettes,
10:17 alors un peu moins depuis un an, certes,
10:19 mais toutes les manettes,
10:21 donc on peut rechercher des responsabilités très anciennes...
10:24 -Les parents de ces jeunes délinquants,
10:26 sont-ils tous démissionnaires, pour vous ?
10:28 -J'en arrive à votre question, il y a des causes multiples,
10:31 mais dont aussi une démission de certains parents,
10:34 qui sont complètement dépassés.
10:36 On ne peut pas généraliser.
10:38 Je crois qu'en effet, personne ne dira le contraire,
10:41 les meilleurs victimes sont les habitants de ces quartiers,
10:44 parce que ce sont des rares services publics
10:47 qui, parfois, ont été abîmés,
10:49 des établissements scolaires, plus de 243,
10:52 des mairies, des bâtiments publics,
10:54 plus de 2 500 bâtiments publics
10:56 qui ont été attaqués.
10:58 -Pour rester sur les parents.
11:00 -Certains parents ont totalement démissionné.
11:03 -Avec ces émeutes, qui avaient beaucoup de familles monoparentales,
11:06 est-ce que les punir... -C'est pas parce que vous êtes
11:09 une famille monoparentale que personne ne fait le procès
11:12 par principe des familles monoparentales,
11:15 mais ce n'est pas parce que vous êtes famille monoparentale
11:18 que vous devez avoir une excuse de monoparentalité,
11:21 en quelque sorte. Bien sûr que c'est plus dur,
11:24 mais ça ne veut pas dire, une famille monoparentale,
11:27 que le papa est en permanence absent.
11:29 -Vous défendez un durcissement des règles.
11:32 -Il faut aussi, ce n'est pas l'alpha et l'oméga,
11:35 mais il faut aussi ramener les parents
11:37 dans des allocations familiales.
11:39 -C'était pas une simple proposition d'Eric Ciotti,
11:42 c'était une loi qui avait été votée sous Nicolas Sarkozy,
11:45 qui avait commencé à produire ses effets,
11:48 qui a été abrogée sous François Hollande
11:51 et qui n'a pas été réinstaurée depuis.
11:54 Donc, c'est pas une course à l'échalote,
11:57 c'est retour à un certain nombre d'éléments fondamentaux.
12:00 Et quand on fait la polémique autour des propos du préfet,
12:03 tout le monde avait très bien compris
12:05 que c'était pas une incitation à la violence.
12:08 En circo, 90 % des gens lui donnent raison.
12:11 Donc, il faut arrêter de faire des querelles un peu artificielles.
12:15 -La question centrale de l'autorité,
12:18 elle se pose à l'école.
12:20 Ca fait des années que les profs des quartiers
12:23 dits politiques de la ville se sentent un peu abandonnés,
12:26 certains même sont dépassés.
12:28 Vous l'expliquez comment, cette crise de l'autorité ?
12:31 -D'abord, je crois qu'il faut être très humble.
12:34 Il faut être très humble face à ce qui nous arrive
12:37 et à ce qui est arrivé ces derniers jours,
12:40 parce que non seulement c'est multifactoriel,
12:43 mais bienheureux, celle ou celui qui a l'explication
12:46 et qui permet de comprendre complètement la situation.
12:49 Donc, l'école, bien sûr, joue un rôle et doit jouer un rôle,
12:53 les professeurs doivent jouer un rôle,
12:55 mais l'école, elle est d'abord aussi le réceptacle
12:58 de ce qui se passe dans la société.
13:00 Dès la maternelle ou dès l'école primaire,
13:03 vous avez des enfants qui sont problématiques en classe.
13:06 Ca me permet de dire qu'ils ne sont pas si nombreux que ça.
13:09 Et je crois que ceux qui ont détruit,
13:11 c'est l'équivalent, si vous voulez,
13:13 d'un, deux, peut-être trois élèves compliqués
13:15 dans les quartiers difficiles que nous avons par classe.
13:18 C'est cela que nous trouvons dans la rue.
13:20 Ca veut dire aussi que l'immense majorité
13:22 de nos élèves n'étaient pas dans la rue,
13:24 n'ont pas détruit, n'ont pas cassé.
13:26 -Vous avez pu discuter avec vos élèves,
13:28 même si c'était les vacances ? -Bien sûr.
13:30 -Ou avec leurs parents ? -Avec les élèves,
13:32 avec leurs parents. Vous savez, aujourd'hui,
13:34 on a des groupes WhatsApp, on a Instagram,
13:36 on discute. Les questions que m'ont posées mes élèves,
13:39 les quelques-uns avec qui j'ai pu discuter,
13:41 étaient très simples. "Qu'est-ce que vous en pensez, monsieur ?"
13:44 Ca veut dire quoi, "qu'est-ce que vous en pensez, monsieur ?"
13:47 De mon point de vue, de l'enseignant que je suis,
13:49 c'est "votre avis compte".
13:51 Et l'autorité de l'enseignant, elle est d'abord là.
13:54 C'est-à-dire qu'un enseignant, il maintient l'autorité en classe,
13:57 non pas par autoritarisme,
13:59 parce qu'il ne faut pas confondre autorité et autoritarisme,
14:01 mais l'autorité, elle est d'abord intellectuelle.
14:03 Celle de l'enseignant, elle est intellectuelle.
14:05 Elle est dans sa posture, c'est très important,
14:07 mais c'est d'abord une autorité intellectuelle.
14:09 A partir du moment où ces élèves, quels qu'ils soient,
14:11 reconnaissent en vous, en l'enseignant...
14:13 -C'est déjà gagné. -Exactement.
14:15 Et là, vous pouvez travailler.
14:17 Ce qui n'empêche pas que ça ne règle pas le problème
14:19 des deux ou trois dont je parlais en début d'intervention,
14:21 qui, eux, rencontrent des vrais problèmes personnels,
14:23 qui sont parfois déstructurés.
14:25 -Un manque d'autorité parentale, vous diriez, pour ces trois-là ?
14:28 -C'est d'abord cela, je crois, effectivement,
14:31 parce que ce sont des élèves...
14:33 En psychologie ou en psychiatrie, on parle de toute puissance.
14:35 Ce sont des élèves qui n'ont jamais eu accès à la frustration,
14:37 c'est-à-dire qu'ils ne supportent pas...
14:39 -La limite. -Ils ne connaissent pas la limite,
14:41 donc ils ne supportent pas la frustration.
14:43 Ce sont des élèves qui font des crises,
14:45 ce sont des élèves qui sont extrêmement compliqués à gérer.
14:47 C'est ceux-là que l'on retrouve
14:49 et qui veulent tout, tout de suite, qui sont dans l'immédiateté.
14:52 -Alors, Nadir Kaya,
14:54 c'est pas évident de parler de ces jeunes-là
14:56 parce que tous les reportages le montrent,
14:58 c'est très difficile de les approcher, surtout pour les journalistes.
15:00 Il y a beaucoup de portraits qui ont été faits par leurs entourages.
15:02 Vous, vous avez pu parler à ces jeunes
15:06 qui ont monté des barricades pendant ces nuits d'émeute.
15:09 Est-ce que vous pouvez nous dire
15:11 pourquoi ils s'en sont pris aux institutions de la République,
15:15 à leur propre école, à la préfecture, à la mairie ?
15:18 -Alors, c'est très compliqué,
15:20 parce que, comme ça a été évoqué juste avant,
15:24 il y a des responsabilités à tous les niveaux
15:27 et des secteurs qui sont pratiquement en faillite partout,
15:30 que ce soit au niveau de l'éducation nationale,
15:32 que ce soit au niveau de l'autorité
15:34 ou de la responsabilité des parents, notamment.
15:36 Aujourd'hui, si vous voulez, les banlieues
15:38 et les jeunes qui sont là
15:40 sont à l'image de la France et de la société en général,
15:42 mais aussi de la situation internationale.
15:44 On vit une époque assez difficile
15:46 où parfois les parents eux-mêmes ont déjà du mal
15:48 à avoir une place de parent et d'assumer leurs responsabilités.
15:51 Après, la transmission de l'autorité par les parents,
15:54 moi, je pense qu'il y a des mots qu'on oublie beaucoup aujourd'hui,
15:57 et j'ai relu quelques passages de notre Constitution à tous,
16:01 qui nous parlent de bonheur, de mépris,
16:04 qui nous parlent d'oubli, d'ignorance.
16:06 Il y a des mots qu'il faut savoir remettre à leur place
16:09 et qu'il faut savoir aborder sans aucun souci.
16:11 Aujourd'hui, il y a des mots qui sont imposés
16:14 par la classe politique, et notamment par la gauche ou la droite,
16:17 en termes de répression, en termes de violence aussi
16:21 de la part de l'autorité,
16:23 qui passent très mal dans les quartiers populaires.
16:25 -Mais si la révolte est légitime après la mort de Nahel,
16:28 le chaos est inexcusable.
16:30 -Non, mais il s'explique, on peut le comprendre.
16:33 Par rapport à la situation des quartiers populaires,
16:35 c'est compliqué, parce qu'il y a un passif de 40 ans.
16:38 Bien évidemment, M. Macron n'est pas responsable de tout,
16:41 mais il est quand même en responsabilité aujourd'hui.
16:43 Lui qui venait avec une pancarte ni de droite ni de gauche,
16:46 sans prétention de vouloir faire autrement,
16:48 on s'aperçoit que, tout doucement, il a pris le costume
16:51 de ses pairs, c'est-à-dire à gauche et à droite,
16:54 et il a aujourd'hui une posture, notamment en termes d'autorité,
16:57 qui n'est pas celle qu'on a pu connaître
16:59 de la part d'hommes politiques comme Chirac ou Mitterrand.
17:03 -Qu'est-ce que vous voulez dire ?
17:05 -Déjà, lui-même, en termes d'autorité...
17:07 -Il ne donne pas l'exemple ? -En termes d'autorité,
17:09 quand on voit ses différentes postures qu'il a pu avoir
17:12 dans les réseaux sociaux avec certaines personnes,
17:14 il a pu dévaloriser le statut de président de la République.
17:17 -Mais sur les écoles ? Vous avez vu cette vidéo
17:19 de cette mère de famille qui court la nuit, non pas à l'école ?
17:22 -Il y a une faillite totale. -Pourquoi l'école est ciblée,
17:26 selon vous ? Est-ce qu'il y a une forme d'inconscience à s'attaquer ?
17:30 -J'ai entendu beaucoup de choses à la télé de la part d'hommes politiques
17:33 qui parlaient de posture politique, pas du tout.
17:35 Quand je dis ça, moi, je condamne les violences,
17:38 je n'excuse pas, mais j'essaie de participer
17:40 à l'explication et à la compréhension des choses,
17:42 c'est compliqué. Ces jeunes-là, en tant que parents,
17:45 je ne comprends pas pourquoi ils étaient dehors.
17:47 Vous avez des jeunes qui le sont souvent,
17:49 sans avoir des émeutes. On peut remettre en question
17:51 la responsabilité des parents. J'ai lancé un appel
17:53 à la conscientisation et à la responsabilité des parents
17:56 dans le quartier populaire, notamment par rapport aux réalités
17:59 qu'on ne veut pas regarder en interne,
18:01 c'est-à-dire les incivilités, les trafics de drogue.
18:03 Ce sont les premières nuisances dans nos quartiers.
18:05 On peut regarder de l'autre côté, en parlant du racisme,
18:08 de la discrimination, des inégalités.
18:10 -Vous répondez "politique de la ville, sociale,
18:12 "violence policière". -C'est pour les quartiers.
18:15 Sur la posture des hommes et des femmes politiques,
18:18 aujourd'hui, pour avoir côtoyé un peu le monde politique,
18:21 il n'y a pas de volonté réelle de résoudre les problèmes
18:23 dans les quartiers populaires.
18:25 On a parlé du fait qu'il n'y ait pas de baguette magique
18:28 et de solution magique. Il faut revenir aux fondamentaux.
18:31 Ce sont la Constitution française et les valeurs universelles
18:34 qu'est censée porter le président de la République
18:37 au quotidien, et pas simplement quand il y a des émeutes
18:40 ou alors M. le garde des Sceaux à nous donner des leçons sur les parents.
18:43 Quand il y a une situation aussi violente,
18:45 on est censé répondre avec des mots justes
18:47 et des actions concrètes.
18:49 -Alors, j'entends bien. -C'est compliqué.
18:51 -C'est très global. -Les jeunes, aujourd'hui...
18:53 -Ce qu'on essaie de questionner, ce soir,
18:55 tous les soirs, on décline une problématique très précise.
18:58 Hier, on a parlé de la relation politique-population,
19:01 on a parlé des maires. Ce soir, on essaie de questionner
19:04 cette question de l'autorité, qui, manifestement,
19:07 est en plein affaissement.
19:09 Je pense qu'on peut tous être d'accord là-dessus.
19:12 Philippe Gosselin, est-ce que vous pensez
19:14 que la batterie de réponses que vous proposez aujourd'hui
19:17 va changer les choses ?
19:19 Est-ce que c'est par la répression ?
19:21 En gros, vous responsabilisez les parents par la punition,
19:24 par des peines plus difficiles, les allocations familiales,
19:27 parfois même les expulsions de HLM,
19:29 et puis les enfants, parce que vous voulez renforcer
19:32 la justice pénale des mineurs en créant des prisons pour jeunes,
19:37 plus de centres éducatifs fermés,
19:39 et en abaissant la majorité pénale à 16 ans.
19:42 Pourquoi, pour vous, ce serait efficace ?
19:45 Pour faire revenir l'autorité ?
19:47 -On ne peut pas, évidemment, réduire les solutions
19:50 aux problèmes de cités ou de quartiers
19:53 uniquement à des aspects de répression et d'autorité.
19:56 On est bien d'accord. -Quand on regarde ce que vous proposez...
19:59 -Attendez, attendez. Aujourd'hui, on est sur une demande
20:02 de fermeté et d'autorité.
20:04 C'est le sujet de ce soir.
20:06 Mais je reviens deux petites secondes
20:08 sur ce que disait mon voisin.
20:10 On ne peut pas dire qu'il n'y ait pas de moyens
20:13 qui aient été mis à disposition des politiques de la ville,
20:16 de l'habitat. C'est pas vrai.
20:18 Il y a eu des dizaines et des dizaines de milliards.
20:21 Il faut regarder ce qui a été fait.
20:23 -Il y a eu beaucoup de choses.
20:25 On avait Catherine Vautrin, ici, de l'Anru,
20:27 qui nous a parlé de l'habitat.
20:29 Mais il y a l'humain aussi.
20:31 L'habitat ne peut pas tout.
20:33 Il y a les emplois aidés, les éducateurs.
20:35 -Personne ne dit le contraire.
20:37 Je rappelle aussi, quand même, qu'on a, dans ces quartiers,
20:40 des tas de gens qui travaillent, qui payent des impôts,
20:43 qui sont des gens bien.
20:45 Je n'ai pas de difficulté à le dire.
20:47 Nous, ce que l'on veut faire passer,
20:49 c'est qu'effectivement, il faut arrêter un peu
20:51 le côté bison-ours.
20:53 Les parents, parfois, sont dépassés.
20:55 On peut les prendre en charge, les accompagner.
20:58 Il y a des assos qui le font, etc.
21:00 Mais il y a un moment où ça ne suffit pas.
21:02 Il faut peut-être un peu responsabiliser.
21:05 Je suis désolé, on ne fera pas non plus des miracles...
21:08 -Des peines minimales à la première connerie, je cite.
21:11 C'est ce qu'a proposé Emmanuel Macron.
21:13 -Il y a quand même un certain nombre de jeunes
21:15 qui sont relâchés.
21:17 Il n'y a même pas de rappel à la loi.
21:19 Il faut aussi qu'il y ait un sentiment
21:21 de ne pas respecter les codes.
21:23 Et quand on ne respecte pas les codes,
21:25 eh bien, on en subit des conséquences.
21:27 -La justice est trop laxiste pour les mineurs ?
21:29 -Tout ne se résume pas à cela,
21:31 mais il y a aussi un moment où,
21:33 un peu de laisser-faire...
21:35 Je vais vous faire le vieux réac,
21:37 ça va vous faire sourire,
21:39 mais depuis pas loin de 60 ans,
21:41 le interdire d'interdire a aussi...
21:43 -C'est la faute de 68.
21:45 -Diffusé, diffusé...
21:47 Je veux bien que je provoquais des réactions,
21:49 mais c'est un petit peu tout cela.
21:51 -La crise d'autorité en 68 n'a rien à voir
21:53 avec celle qu'on connaît aujourd'hui.
21:55 -Ca ne se résume pas qu'à ça.
21:57 Il y a des éléments sociaux, économiques,
21:59 bien évidemment,
22:01 mais il y a aussi ces éléments d'autorité.
22:03 Donc il faut un peu rappeler
22:05 chacun à ses responsabilités.
22:07 -Cécile Rilak, une peine minimale,
22:09 c'est l'expression du chef de l'Etat.
22:11 Il n'a pas fait de discours d'annonce,
22:13 il se donne du temps, on a compris,
22:15 mais on voit bien que cette question
22:17 de la justice pénale risque d'être
22:19 au rendez-vous des annonces concrètes.
22:21 Aujourd'hui, la sévérité des peines
22:23 prononcées en comparution immédiate
22:25 a été soulignée. 76 % des personnes jugées
22:27 ont été placées en détention.
22:29 31 % des gardes à vue
22:31 concernaient des mineurs.
22:33 Il faut aller plus loin ?
22:35 -Il ne faut pas aller plus loin,
22:37 on est déjà allé très loin.
22:39 On a modifié l'ordonnance de 45,
22:41 ça a été appliqué en 2021.
22:43 Il y a déjà des choses...
22:45 -Vous l'avez dit plus de 40 fois.
22:47 -Il y a des choses qui existent,
22:49 et justement, la justice, ce qui s'est passé ce week-end,
22:51 parce que, en tout cas dans mon département,
22:53 dans le Val d'Oise, je crois que c'est la première fois,
22:55 le tribunal de Pontoise a fonctionné.
22:57 Parce qu'il y a eu une coordination
22:59 police-justice qui a fait que,
23:01 justement, on était dans la réponse immédiate
23:03 qui est nécessaire, particulièrement
23:05 lorsqu'on s'adresse aux plus jeunes.
23:07 Tous les enseignants le savent.
23:09 Si vous posez une peine, ne serait-ce
23:11 qu'un mois, deux mois ou après
23:13 la bêtise,
23:15 et pour la compréhension de l'erreur,
23:17 c'est difficile.
23:19 -On garde l'excuse de minorité ?
23:21 -Je ne vais pas en dire sur l'excuse de minorité.
23:23 Je réponds à votre question sur...
23:25 Aujourd'hui, je pense qu'on a déjà
23:27 beaucoup de choses qui ont été faites, qui sont dans la loi.
23:29 Les tribunaux s'en sont saisis.
23:31 Maintenant, si vous me demandez
23:33 qu'il faut aller encore plus loin,
23:35 abaisser le seuil pénal, moi, je réponds aussi
23:37 toujours à cette ambiguïté
23:39 qu'ont nos concitoyens, c'est-à-dire
23:41 où, dans un département comme le mien,
23:43 on doit construire une prison, tout le monde veut la prison,
23:45 mais personne ne la veut à côté de chez soi.
23:47 Tout le monde veut un centre fermé de rétention
23:49 de mineurs, mais on ne le veut pas à côté
23:51 de chez soi, lorsque l'on veut construire
23:53 un accueil...
23:55 -Donc ce sont des solutions simplistes ?
23:57 -Voilà. Simplement, je voudrais revenir sur un point
23:59 qui est très important, qui est la parentalité.
24:01 C'est l'accompagnement à la parentalité.
24:03 Moi, il y a une phrase, j'ai été à le Midi,
24:05 comme beaucoup d'élus, on était sur l'épargne
24:07 des mairies, justement, en soutien,
24:09 et en soutien à beaucoup, en fait,
24:11 à nos gendarmes, à nos forces de police,
24:13 à beaucoup de choses. Pour la première fois,
24:15 j'ai une maman qui est venue me voir,
24:17 et dans notre discussion, elle m'a dit "Redonnez-nous
24:19 notre autorité".
24:21 Ca m'a interpellée.
24:23 Pourquoi cette maman me demander
24:25 de lui redonner
24:27 l'autorité parentale ?
24:29 Ca veut dire que,
24:31 dans certains de nos quartiers,
24:33 je suis sur un territoire où il y a,
24:35 en effet, des quartiers populaires,
24:37 très populaires, ça veut dire que,
24:39 dans ce discours, et c'est pas la première fois
24:41 où je me suis rendue compte que j'ai entendu ça,
24:43 de certains parents, particulièrement les parents
24:45 les plus éloignés de leurs institutions,
24:47 qui n'ont pas forcément les codes sociaux,
24:49 qui n'ont pas la bonne compréhension des choses,
24:51 en fait, leurs enfants leur font croire
24:53 aussi qu'ils ont énormément
24:55 de droits, et que c'est les parents
24:57 qui vont être punis.
24:59 Et dans cette réaction de cette maman,
25:01 de me dire "Mais redonnez-nous notre autorité",
25:03 ça veut bien dire que beaucoup de parents
25:05 aussi ne sont peut-être pas des missionnaires,
25:07 mais qu'ils n'ont pas aussi, aujourd'hui,
25:09 les codes et les moyens de pouvoir réagir
25:11 à la société dans laquelle vivent leurs enfants.
25:13 Le point rupture générationnel,
25:15 les réseaux sociaux,
25:17 quand on voit l'importance
25:19 des réseaux sociaux dans ce qui s'est passé,
25:21 dans les émeutes,
25:23 on voit aussi que lorsque nous sommes des parents
25:25 de main génération, je vais le dire,
25:27 c'est vrai qu'on a peut-être du mal à comprendre
25:29 comment les jeunes interagissent entre eux.
25:31 - Yanis Roder, pour l'école, et puis je vous donne la parole
25:33 juste après Nadir Kaya.
25:35 - Les réseaux n'expliquent pas tout.
25:37 - J'égrène un peu les propositions de LR
25:39 parce qu'elles sont dans le débat aujourd'hui.
25:41 Un uniforme, une tenue unique à l'école.
25:43 Cette proposition revient dans le débat régulièrement.
25:45 Est-ce que vous pensez que ça pourrait servir,
25:47 au fond, à régler un certain nombre de problèmes,
25:49 à restaurer l'autorité du professeur,
25:51 où c'est cosmétique, c'est du gadget ?
25:53 - Alors, je crois que l'uniforme
25:55 n'a pas grand-chose à voir avec l'autorité,
25:57 en réalité. L'uniforme peut peut-être avoir
25:59 une utilité pour essayer de créer du commun
26:01 et de faire des choses
26:03 et de créer du commun
26:05 et faire comprendre que
26:07 l'école, c'est la société,
26:09 c'est l'organisation d'une communauté politique
26:11 en petit, si vous voulez.
26:13 Mais je crois que le problème,
26:15 ça ne résoudrait pas.
26:17 Le problème de fond,
26:19 il touche des familles,
26:21 mais il ne touche pas toutes les familles.
26:23 Moi, j'ai la plupart de mes élèves,
26:25 ils sont structurés avec des parents...
26:27 - Bien sûr, mais il faut le dire et le redire.
26:29 - En revanche, l'école n'est pas capable,
26:31 aujourd'hui, n'est pas en situation
26:33 d'aider les parents qui sont
26:35 dans la difficulté. Parce qu'être parent,
26:37 je pense que je vais l'apprendre à personne,
26:39 c'est parfois compliqué, c'est parfois difficile
26:41 et même quand ça se passe bien, c'est parfois compliqué.
26:43 - Mais c'est le rôle de qui ?
26:45 - Oui, mais c'est vrai. - Si c'est pas l'école.
26:47 - C'est pas le rôle de l'école de venir voir
26:49 ou s'immiscer dans la famille pour voir s'il y a des choses
26:51 qui ne fonctionnent pas. - Si vous me laissez terminer,
26:53 d'ailleurs, je tiens à vous dire que l'école, elle fonctionne,
26:55 contrairement à ce que vous dites. - Je n'ai pas dit le contraire.
26:57 - Si vous disiez ça tout à l'heure...
26:59 - Il y a des endroits où elle ne fonctionne pas très bien.
27:01 - L'école fonctionne la plupart du temps
27:03 grâce à l'engagement des enseignants qui...
27:05 - Oui, et qui font un travail bien le taire là-dessus.
27:07 - Je voudrais dire simplement que l'école, aujourd'hui,
27:09 n'est pas capable de venir en aide aux quelques enfants
27:11 que les professeurs des écoles
27:13 ont en face d'eux et qu'on voit très bien
27:15 qu'on peut diagnostiquer très vite
27:17 comme étant en souffrance
27:19 par leur agitation, par leur incapacité
27:21 à rentrer dans les apprentissages,
27:23 par les interactions...
27:25 - Il y a aujourd'hui ce qu'on appelle
27:27 les grands décrocheurs, ni à l'école,
27:29 ni en emploi. - Il y a ce qu'on appelle
27:31 des "rasettes", c'est-à-dire
27:33 ce sont des professeurs spécialisés
27:35 qui étaient là pour venir en aide.
27:37 Nicolas Sarkozy a supprimé ces "rasettes",
27:39 quasiment, alors on en a remis un peu,
27:41 mais on n'en a pas remis assez, et d'autre part,
27:43 on manque de structures médico-éducatives
27:45 ou médico-sociales,
27:47 avec des psys, avec des orthophonistes,
27:49 pour venir en aide à ces familles
27:51 et à ces enfants. Pour avoir un rendez-vous psy,
27:53 il faut un an dans certains quartiers.
27:55 Comment voulez-vous traiter des enfants
27:57 qui sont en souffrance, et qui sont en souffrance
27:59 personnellement, mais qui font souffrir
28:01 aussi autour d'eux, si on n'a pas
28:03 les moyens de prendre en charge ces enfants ?
28:05 - Manir Kayar. - Je suis d'accord
28:07 avec vous, vous m'avez interpellé sur ce que j'ai dit,
28:09 mais j'ai pas eu le temps de développer,
28:11 donc c'est peut-être l'aperçu que vous avez eu de mes propos,
28:13 mais c'est pas très grave. Moi, je suis pour défendre l'école,
28:15 parce que je vois aussi la réalité dans les quartiers populaires
28:17 et dans les villes populaires, les disparités
28:19 qu'il peut y avoir entre les villes en termes de moyens,
28:21 de normes aussi. Vous avez des établissements,
28:23 encore aujourd'hui, dans le 93, qui sont pas aux normes,
28:25 et pourtant, vous êtes là, quand même,
28:27 à enseigner, vous allez du côté de Marseille aussi.
28:29 Moi, ce qui me désole dans le discours politique,
28:31 notamment de la droite et de l'extrême droite,
28:33 c'est vouloir faire croire aux Français
28:35 qu'en étant plus autoritaires,
28:37 ou en imposant un peu plus d'autorité,
28:39 avec des moyens pour taper, bien évidemment,
28:41 sur les plus faibles, qui ont déjà des problèmes,
28:43 sur les allocations familiales, on va régler les problèmes.
28:45 Ca, c'est démagogique, c'est surtout stupide,
28:47 si je peux me permettre. - Un des éléments,
28:49 c'est pas la totalité de notre proposition.
28:51 - C'est pas un problème de justice, c'est un problème d'équité.
28:53 C'est qu'à un moment donné, quand vous avez des familles
28:55 ou des personnes qui sont en difficulté,
28:57 c'est de rajouter ce qui ne va pas pour qu'ils atteignent
28:59 un niveau d'équilibre, notamment par rapport
29:01 à d'autres familles qui vivent dans le même contexte.
29:03 Là, ce qui est important, moi, je pense,
29:05 l'école, c'est quand même
29:07 le pilier principal de notre République.
29:09 Donc, à un moment donné, si on n'a pas compris
29:11 que c'est là qu'il faut mettre le maximum de moyens
29:13 et faire croire aux Français qu'en étant plus de CRS
29:15 ou en tapant sur les familles de délinquants,
29:17 on va réussir à ramener de l'autorité
29:19 et à régler les problèmes, c'est utopique
29:21 et c'est surtout malhonnête de la part des politiques.
29:23 - Alors, il y a un sujet qui fâche, vous allez le voir,
29:25 on va l'aborder pour cette dernière partie
29:27 de débat parce que ça a suscité
29:29 un tollé à gauche.
29:31 Je le disais dans le sommaire,
29:33 le gouvernement et la droite
29:35 s'opposent sur la question identitaire,
29:37 même si 90 % des personnes
29:39 interpellées sont françaises.
29:41 Les Républicains voient un lien
29:43 direct entre l'immigration et les émeutes.
29:45 Explication, Maëté Frémont.
29:47 (Générique)
29:49 ---
29:51 - C'est une évidence
29:53 pour les Républicains,
29:55 les émeutes sont à relier à l'immigration.
29:57 - Des Français,
29:59 donc des jeunes,
30:01 qui ont une carte
30:03 d'identité française
30:05 sont tentés par un repli
30:07 communautaire, comme un retour
30:09 vers les origines.
30:11 Alors que souvent, la première génération,
30:13 leur idéal,
30:15 c'était d'intégrer,
30:17 de plimpier
30:19 cette citoyenneté française.
30:21 Si demain, on veut mieux assimiler, mieux intégrer,
30:23 il faut tarir les flux.
30:25 - Tarir les flux migratoires
30:27 pour en finir avec les violences urbaines,
30:29 des propos condamnés
30:31 par la gauche et par le gouvernement
30:33 qui rappellent les chiffres.
30:35 90 % des 4000
30:37 interpellés étaient français.
30:39 - Qui sont ces gens ?
30:41 Oui, il y a des gens qui, apparemment,
30:43 sont des immigrants.
30:45 Mais il y a eu beaucoup de Kevin et de Mathéo,
30:47 si je peux me permettre.
30:49 Il y en a eu aussi.
30:51 L'explication seulement identitaire me paraît très erronée.
30:53 - On peut nier le problème,
30:55 comme le fait M. Darmanin.
30:57 Mais si on le nie aujourd'hui,
30:59 il sera beaucoup plus grave encore
31:01 demain.
31:03 Les Français savent
31:05 qui était au cœur des émeutes.
31:07 Pas besoin de faire appel à des prénoms.
31:09 - Certains à droite s'interrogent même
31:11 sur la notion de français.
31:13 - La plupart des gens qui ont été arrêtés
31:15 sont français, d'accord.
31:17 Mais ça ne veut plus rien dire aujourd'hui.
31:19 Ils sont comment français ?
31:21 Puisqu'ils ont une haine de la France,
31:23 que moi, élue, malheureusement, depuis quelques années,
31:25 je n'ai jamais ressenti
31:27 comme je le ressens aujourd'hui.
31:29 - Depuis l'embrasement des quartiers,
31:31 la droite durcit son discours
31:33 pour mettre la pression sur l'exécutif
31:35 en attendant la présentation
31:37 de son projet de loi sur l'immigration.
31:39 - Philippe Gosselin, je commence avec vous.
31:41 Vous reconnaissez dans les propos de cette sénatrice ?
31:43 - Écoutez, il y a quand même...
31:45 - Ils sont français, mais comment ?
31:47 - Il y a un sujet
31:49 d'immigration en France qui est sur la table
31:51 depuis un an et demi, deux ans,
31:53 et que le gouvernement diffère de moins en moins, etc.
31:55 Et donc, on n'a pas fait des propositions
31:57 avec ces événements.
31:59 Ça date d'avant.
32:01 Donc, il faut remettre la chronologie,
32:03 pour une part.
32:05 - Mais la dimension identitaire qu'il y aurait dans ces émeutes...
32:07 - Je ne crois pas que l'immigration
32:09 était la cause unique de ce qui arrivait aujourd'hui.
32:11 Mais je pense, oui, en effet,
32:13 que dans certains quartiers, il y a bien une question identitaire.
32:15 C'est pas parce qu'on est français
32:17 et 90 % des jeunes
32:19 qui étaient en cause
32:21 sont français juridiquement,
32:23 c'est pas ça le souci,
32:25 mais je crois qu'il y a bien aussi
32:27 une question d'identité.
32:29 Certains ont du mal à se retrouver
32:31 dans les éléments de la société française.
32:33 Je ne fais pas le procès de tous les naturalisés
32:35 ou ceux qui sont devenus français
32:37 de la deuxième ou troisième génération.
32:39 - Et un retour aux origines du pays des parents
32:41 qui ne le connaissent pas pour la plupart du temps.
32:43 - Il y a des tas d'enquêtes qui le montrent.
32:45 L'archipel français
32:47 dont on a parlé... - Jean-François Courquet.
32:49 - Il y a pas si longtemps,
32:51 ce livre qui s'est arraché comme des petits pains.
32:53 On le découvre pas
32:55 simplement maintenant.
32:57 Donc, vouloir dire que ce n'est que l'immigration,
32:59 c'est évidemment faux.
33:01 Et quand bien même il n'y aurait aucune immigration demain,
33:03 ce qui me paraît difficile à tenir,
33:05 dans tous les cas,
33:07 il y a bien aujourd'hui un problème
33:09 dans certains territoires,
33:11 avec certaines parties de la population,
33:13 je ne dis pas tout le monde,
33:15 un problème qu'il ne faut pas mettre sous le tapis.
33:17 - Cécile Rilak, on va faire un tour de table.
33:19 Cette lecture identitaire
33:21 que fait la droite
33:23 de ces émeutes, elle est complètement fausse pour vous ?
33:25 - Je dirais même qu'elle est abjecte.
33:27 C'est...
33:31 Moi qui ai grandi justement avec des amis
33:33 qui étaient black blambers et qui venaient
33:35 d'un certain grand nombre de quartiers,
33:37 que vous connaissez très bien...
33:39 - On n'est pas en 98 avec la Coupe du Monde,
33:41 il faut atterrir un peu.
33:43 - C'est qu'arrivait un moment, justement,
33:45 lorsque l'on connaît les quartiers et la population des quartiers,
33:47 ça fait 40 ans que justement il y a un ressentiment,
33:49 un sentiment d'injustice, un sentiment de relégation
33:51 qui fait parce que certaines personnes
33:53 qui habitent dans ces quartiers,
33:55 on ne les a toujours que qualifiées
33:57 par rapport à soit une origine,
33:59 soit une appartenance sociale,
34:01 soit une religion et à chaque fois,
34:03 ils n'étaient pas à la bonne place ou au bon moment.
34:05 - Une forme de régression vers les origines ethniques,
34:07 c'est ce que dit Bruno Retailleau.
34:09 - Oui, mais ça, c'est justement
34:11 en tenant ces propos-là qu'on va jeter
34:13 de l'huile sur le feu dans nos quartiers.
34:15 Et pour cela, il faut connaître la population
34:17 des quartiers et il faut aussi parler un petit peu
34:19 leur langage. Et il faut aussi accepter
34:21 que dans ces quartiers-là, on a énormément,
34:23 mais c'est la majorité,
34:25 qui veulent s'en sortir,
34:27 qui travaillent, qui sont des jeunes,
34:29 qui ont des ressources,
34:31 je peux vous assurer, inimaginables.
34:33 J'aimerais qu'on puisse plus mettre en valeur
34:35 aussi ces quartiers-là.
34:37 Et il y a quelque chose
34:39 dont on ne parle pas, qui est la ghettoïsation,
34:41 on peut la reparler, mais elle arrive
34:43 à un moment, lorsque vous êtes toujours au même endroit
34:45 et qu'en effet, on manque de médecins,
34:47 on manque d'enseignants, que les enseignants
34:49 n'habitent plus dans les quartiers, que les policiers n'habitent plus dans les quartiers.
34:51 - On finit le tour de table.
34:53 On ne serait pas d'accord sur cette lecture-là.
34:55 - Les campagnes ne s'embrassent pas exactement dans les mêmes conditions.
34:57 - Si je reviens à votre question d'identité,
34:59 - Nadir Kaya.
35:01 - Nadir Kaya, on terminera avec Anne Escroder.
35:03 - On est étiqueté par rapport à son origine,
35:05 et où on est étiqueté,
35:07 et les propos de Madame Mustapha Bégnaud,
35:09 de vouloir graduer les Français,
35:11 c'est quoi ? C'est par rapport à la carte d'identité ?
35:13 Si on a un 99 sur sa carte de sécurité sociale ?
35:15 Si jamais on est la première, la deuxième génération,
35:17 on vaut peut-être mieux que quelqu'un
35:19 qui est né sur le territoire français ?
35:21 Arriver à un moment où il faut se tenir compte ?
35:23 - On est en train de traiter la question.
35:25 - Il y a une enseignante qui s'appelle Fatia Boujellat,
35:27 qui est principale de collège aujourd'hui,
35:29 qui a écrit un livre qui s'appelle "Les nostalgériades",
35:31 qui dit qu'il y a des étudiants,
35:33 enfin des élèves,
35:35 qui n'ont jamais mis les pieds en Algérie,
35:37 et qui parlent du bled
35:39 comme d'un paradis rêvé.
35:41 Est-ce que ça existe, ça ?
35:43 Alors qu'elle leur disait, vous savez,
35:45 c'est pas si gay dans ce pays-là.
35:47 Est-ce que ça existe pour vous ?
35:49 Est-ce que ce sujet-là, il faut le toucher du doigt,
35:51 ou est-ce que ça existe ?
35:53 - Alors moi, je suis pas politisé,
35:55 donc j'ai pas de tabou, je peux parler de tout,
35:57 je peux dire ce qui ne va pas dans les quartiers populaires,
35:59 on pourrait faire des heures là-dessus,
36:01 et on va peut-être m'étiqueter comme étant
36:03 du rassemblement national.
36:05 Moi, je vais vous dire une chose,
36:07 je vais vous parler de mon expérience,
36:09 c'est celle que je connais le mieux,
36:11 je vais pas entrer dans les débats idéologiques.
36:13 Quand j'avais 20 ans, je me sentais pas français.
36:15 Pourquoi ? Parce qu'on a les débats qu'on a aujourd'hui,
36:17 c'est-à-dire qu'on me traitait par rapport
36:19 à la double identité, aujourd'hui,
36:21 j'assume pleinement ma double identité,
36:23 parce que comme des millions de Français,
36:25 j'ai une double identité, je suis français et algérien,
36:27 je suis pas 50-50, je suis 100 % des deux côtés.
36:29 En tant que Français aujourd'hui,
36:31 et en plus, comme vous le disiez, dans les quartiers populaires,
36:33 beaucoup de nos concitoyens portent fièrement
36:35 les couleurs de la France, notamment dans le domaine sportif,
36:37 dans le domaine artistique, à tous les niveaux.
36:39 Donc aujourd'hui, ce qui est malsain,
36:41 c'est que par rapport à cette violence,
36:43 on a changé l'angle de vue,
36:45 on va se focaliser là-dessus,
36:47 sur un monde qui aime absorber l'opinion publique,
36:49 c'est-à-dire un débat identitaire,
36:51 où on va jamais trouver de solution.
36:53 -Un mot n'a pas été prononcé, c'est celui d'intégration.
36:55 -On va oublier la réalité, notamment les causes de cette situation,
36:57 c'est quand même la mort du petit jeune Nahel,
36:59 mais qui n'est pas la première depuis 40 ans.
37:01 Donc ça, si on continue à regarder de l'autre côté,
37:03 en oubliant ce qui se passe là,
37:05 et on revient sur le fait que certains ne se sentent pas français,
37:07 mais moi, je peux vous l'expliquer,
37:09 pas besoin d'être philosophe ou scientifique,
37:11 c'est parce qu'ils sont pas aimés en tant que tels,
37:13 c'est aussi simple que ça, pas besoin de faire de la psychologie.
37:15 On parlait d'autorité, il faut donner de l'amour,
37:17 j'ai parlé de mots qu'on n'entend pas très souvent en politique,
37:19 on parle d'amour, de bienveillance,
37:21 de partage, de solidarité.
37:23 C'est peut-être des mots à gauche,
37:25 désolé, je suis pas gauchiste non plus,
37:27 mais c'est des mots qui sont surtout humains et équilibrés.
37:29 -On va laisser. -Donc à un moment donné,
37:31 il faut aussi avoir ces mots-là pour ces jeunes-là,
37:33 il faut les considérer, et puis la République a des devoirs,
37:35 notamment vis-à-vis de ces enfants-là,
37:37 de les considérer comme n'importe quel enfant.
37:39 Malheureusement, c'est pas le cas.
37:41 -On termine ce tour de table.
37:43 Yanis Roder, sur cette lecture identitaire,
37:45 vous, vous êtes enseignant,
37:47 de quoi vous pouvez témoigner ?
37:49 Est-ce que ça existe ou ça n'existe pas ?
37:51 -Je crois qu'il ne faut pas se voiler la face.
37:53 Il y a des questions d'identité qui se posent,
37:55 il y a des questions d'identité qui se posent
37:57 à titre individuel,
37:59 vous en avez parlé,
38:01 il y a aussi des questions d'identitaire
38:03 ou d'identité qui se posent en termes collectifs.
38:05 Si on écoute ce que disent
38:07 une partie des jeunes,
38:09 il y a des choses qui les structurent.
38:11 L'identité, elle est structurée
38:13 par plusieurs facteurs,
38:15 il y a parfois un facteur religieux
38:17 qui intervient, il y a parfois le facteur
38:19 de l'origine, mais ce n'est jamais
38:21 évacué, en réalité.
38:23 C'est présent, c'est là.
38:25 Donc, moi, ce que je dis, c'est qu'il faut
38:27 absolument que la République,
38:29 à travers l'école, à travers les discours,
38:31 des discours républicains intégrateurs,
38:33 puisse faire comprendre que nous sommes là
38:35 pour construire du commun
38:37 et avoir un projet tous ensemble.
38:39 - On va s'arrêter sur cette note-là,
38:41 construire du commun ensemble.
38:43 Merci beaucoup, merci à vous d'être venus
38:45 débattre sur LCP, j'aurais aimé vous donner la parole,
38:47 je vous prie de m'excuser, mais le débat
38:49 était assez dense, vous restez avec moi
38:51 dans une dizaine de minutes, les parties prises
38:53 de nos affranchis, ce soir on va poursuivre ce débat
38:55 d'ailleurs sur l'autorité avec le philosophe
38:57 Pierre-Henri Tavoyeux qui va revenir
38:59 à l'origine de la notion,
39:01 l'enseignement de l'écologie à l'école,
39:03 ça va vous intéresser Léa Falco.
39:05 Est-ce que c'est vraiment une priorité ?
39:07 s'interroge Carole Barjon et puis dans Bourbon Express
39:09 ce soir. De quoi nous parlez-vous Elsa ?
39:11 - Je vous parle de la LPM,
39:13 la loi de programmation militaire, c'est un peu plus compliqué
39:15 que prévu pour le gouvernement. - Mais d'abord,
39:17 on va parler de vous Léa Falco et de votre livre
39:19 "Faire écologie ensemble" aux éditions
39:21 Rue de l'Échiquier. Vous croyez
39:23 à la collaboration des boomers
39:25 et des plus jeunes, de toutes les
39:27 générations et même des riches et des
39:29 pauvres sur la transition
39:31 écologique. On va en parler ensemble
39:33 juste après l'invitation d'Hélène Bonduelle.
39:35 Regardez.
39:37 [Musique]
39:39 [Bruits de pape]
39:41 - Si on vous invite Léa Falco, c'est pour
39:43 parler d'une drôle de transition.
39:45 Ce sont vos mots. Une transition
39:47 écologique annoncée mais pas encore
39:49 entamée. Et comme il y a urgence,
39:51 vous nous invitez dans votre essai
39:53 à faire écologie ensemble
39:55 et surtout à ne pas opposer les générations.
39:57 - C'est pas
39:59 la génération, ceux qui ont aujourd'hui
40:01 entre 0 et
40:03 25 ou 30 ans qui vont réussir
40:05 cette transformation écologique là. Parce qu'on
40:07 n'aura pas les moyens de l'impulser. On peut être
40:09 que des petits déclencheurs à 2-3 endroits de prise de
40:11 conscience. Faudra que ce soit les gens aujourd'hui qui ont
40:13 entre 45 et 65 ans dans les
40:15 boîtes à des postes de direction, dans les
40:17 gouvernements à des postes de direction qui
40:19 mettent les mains dans le cambouis. Nous, en tant que jeunes,
40:21 on n'aura pas le temps de le faire si on veut
40:23 saisir la fenêtre d'opportunité. - Léa Falco,
40:25 à 24 ans, vous êtes diplômée
40:27 de Sciences Po et porte-parole
40:29 du collectif "Pour un réveil écologique",
40:31 des étudiants qui veulent
40:33 accélérer la transformation écologique
40:35 dans l'enseignement supérieur
40:37 et les entreprises.
40:39 À l'action violente ou la désobéissance
40:41 civile, vous préférez
40:43 l'argumentation et le fond,
40:45 comme lorsque vous participez
40:47 à une campagne dans le métro pour
40:49 démocratiser le rapport du GIEC
40:51 ou à une formation accélérée aux
40:53 enjeux climatiques pour les nouveaux députés.
40:55 Votre credo,
40:57 c'est infuser de la transformation écologique
40:59 dans les esprits des
41:01 politiques, des grandes écoles
41:03 et des entreprises.
41:05 Il faut changer les choses de l'intérieur.
41:07 - Peut-être que certains dans la salle ont été
41:09 tentés ou sont aujourd'hui aussi
41:11 cette idée de déserter parce que vous avez
41:13 énormément évolué en moins d'un an,
41:15 parce que peut-être que vous avez une forme de dissonance cognitif
41:17 par rapport à vos entreprises maintenant, que vous trouvez
41:19 qu'elles ne vont pas assez vite, que vous trouvez qu'elles ne vont pas assez
41:21 loin, mais nous on vous demande aussi de rester
41:23 parce qu'on a besoin de gens qui restent,
41:25 y compris quand c'est dur, et surtout
41:27 quand c'est dur.
41:29 - Vous dites qu'être écolos aujourd'hui,
41:31 ça ne doit pas être de l'abnégation
41:33 que nous devons tendre à une écologie
41:35 par défaut.
41:37 Alors Léa Falco, nous avons une question.
41:39 Cette écologie par défaut
41:41 est-elle entrée dans le logiciel
41:43 gouvernemental ?
41:45 - Réponse Léa Falco.
41:47 Ça fait partie des réponses faciles, donc pour l'instant,
41:49 non. Pour avoir une écologie par défaut,
41:51 il faut qu'on modifie les infrastructures
41:53 sociales dans lesquelles on vit.
41:55 - Ecologie par défaut, c'est par réflexe, systématique ?
41:57 - Alors même pas par réflexe, c'est qu'on n'a pas besoin de faire
41:59 d'efforts pour que notre premier choix,
42:01 notre option par défaut, notre option par
42:03 design, soit écologique.
42:05 C'est-à-dire que moi j'habite à Paris, pour venir ici,
42:07 j'aurais pu prendre un métro. Mon option par défaut...
42:09 - C'est pas le logiciel du gouvernement pour vous ?
42:11 - Disons qu'il y a une transformation tellement énorme
42:13 à faire par rapport à la société dans laquelle
42:15 on vit aujourd'hui, que ça se fait nécessairement
42:17 sur le temps. - Il y a deux mots qui ont été prononcés,
42:19 c'est les planifications, on va voir quels seront
42:21 les arbitrages financiers pour secteur par secteur
42:23 arriver à des objectifs de neutralité carbone,
42:25 2050, 2030 aussi,
42:27 et puis il y a l'adaptation,
42:29 c'est quand même un changement
42:31 de logiciel. - C'est ça, absolument.
42:33 - On travaille sur un scénario à +4°C, même si personne
42:35 ne le souhaite, ça suffit pas, ça n'avance pas assez vite.
42:37 - Non mais alors, il y a de l'action
42:39 climatique et de l'action environnementale,
42:41 il ne se passe pas rien, ça c'est important de le dire aussi,
42:43 on ne va certainement pas assez vite, mais il ne se passe pas rien.
42:45 Et non seulement il y a l'atténuation,
42:47 c'est-à-dire la réduction des gaz à effet de serre,
42:49 mais en plus, puisque vous avez une inertie
42:51 climatique d'à peu près 20 ans,
42:53 notre futur climatique n'est pas déterminé,
42:55 on ne sait pas encore dans quel scénario on va se trouver,
42:57 et donc à côté, il faut adapter
42:59 nos sociétés effectivement, et donc ça c'est seulement
43:01 le réchauffement climatique. Mais à côté, on a d'autres
43:03 soucis environnementaux qui compliquent un petit peu
43:05 l'image, et notamment sur la question des sols,
43:07 est-ce que nos sols seront encore fertiles
43:09 dans 40 ou 50 ans ? Comment est-ce qu'on fait
43:11 pour les préserver ? Sur la question de la biodiversité,
43:13 de la pollution des eaux, de la pollution de l'air,
43:15 de la pollution des sols, et donc tout ça est
43:17 évidemment systémique et extrêmement complexe,
43:19 et ça prend en compte aussi les enjeux sociaux,
43:21 évidemment, parce que disons que dans une société,
43:23 on a envie de continuer à être en démocratie,
43:25 moi j'en ai envie que les inégalités se réduisent,
43:27 et donc il faut pouvoir prendre tout ça en compte.
43:29 Vu l'ampleur des efforts à faire, puisque
43:31 c'est systémique, la démocratie, vous pensez que c'est
43:33 quand même le meilleur système
43:35 pour parvenir à lutter pour le climat ?
43:37 J'en suis désolée. On va réussir à faire ces efforts
43:39 et à faire partager par des votes,
43:41 par une majorité,
43:43 les décisions à prendre. En fait, les gens ne vont pas
43:45 voter pour le climat, il ne faut pas que les gens votent
43:47 pour sauvegarder le climat ou pour
43:49 préserver les petites grenouilles. Ce qui motive
43:51 les gens, et c'est tout à fait normal, ce qui vous motive
43:53 vous et moi aussi, c'est de nous assurer
43:55 une belle vie et d'assurer à ceux qu'on aime, à nos enfants,
43:57 à nos proches, une vie meilleure. Et donc,
43:59 il y a quelque chose à construire autour d'un projet de société
44:01 écologique, qui fondamentalement, je pense,
44:03 améliorerait la situation d'un grand
44:05 nombre de gens en France, et qui se déclinent
44:07 sur ces thèmes-là. Ce qui me frappe, c'est que
44:09 vous n'êtes pas une écologiste
44:11 de l'Apocalypse, loin de là,
44:13 ni de la peur, vous êtes plutôt
44:15 rationnelle, énorme bûcheuse, vous lisez
44:17 les mille pages de chaque rapport du GIEC.
44:19 - Je ne l'ai pas tout seul, évidemment. - Oui, mais quand même,
44:21 il faut le faire.
44:23 Comment vous aimez à vous définir ?
44:25 Parce qu'on a beaucoup de visages, notamment féminins,
44:27 d'ailleurs, dans
44:29 cette lutte pour le climat.
44:31 Si vous êtes la pragmatique,
44:33 ça vous convient ?
44:35 - Oui, ça me va. Pragmatique, ça veut dire avancer efficacement.
44:37 Mais en fait, vous pourriez me définir comme radicale aussi.
44:39 Parce que radicale, ça veut dire,
44:41 en latin, radix, ça veut dire aller à la racine.
44:43 Et face à l'ampleur des problèmes, on va être obligés
44:45 de les résoudre à la racine. Si il y a des gens qui nous regardent,
44:47 qui jardinent, qui aiment jardiner,
44:49 ils savent très bien que s'ils retirent une mauvaise
44:51 herbe du sol sans enlever la racine,
44:53 elle repoussera. Et donc, on est face à un problème de nature.
44:55 Donc, les radicaux et les pragmatiques
44:57 ont le même objectif ici, et plus que ça,
44:59 la même méthode. - Le déclic
45:01 qui s'est produit aux Etats-Unis, c'est ça ?
45:03 - Oui, ça a été progressif, mais disons
45:05 qu'il y a des sociétés qui sont plus difficilement
45:07 transformables que d'autres. - Vous êtes partie ?
45:09 - Les Etats-Unis, effectivement, où j'étais étudiante,
45:11 se sont construites,
45:13 est un pays qui s'est construit sur
45:15 la société de consommation, et plus largement sur le pétrole.
45:17 Et donc, il y a une grande difficulté
45:19 à transformer ces endroits-là.
45:21 - Vous êtes, on l'entend,
45:23 extrêmement cortiquée
45:25 sur la question climatique,
45:27 et en même temps, vous avez arrêté de prendre l'avion,
45:29 et en même temps, vous avez arrêté la viande.
45:31 C'est ce que vous dites aux jeunes d'aujourd'hui ?
45:33 Ou est-ce qu'on peut
45:35 ne pas forcément suivre
45:37 Jean-Marc, Jean-Covici, et essayer
45:39 de sauver la planète,
45:41 en se limitant à 4 vols par vie ?
45:43 - Alors déjà, c'est pas la planète qu'on sauve, c'est nous et nos conditions
45:45 d'habitabilité. Sur l'avion,
45:47 on ne va pas pouvoir prendre l'avion comme on le prend aujourd'hui.
45:49 Et 4 fois dans une vie, je n'ai pas fait les calculs,
45:51 il paraît qu'il les a faits, ça me paraît effectivement quelque chose
45:53 dans lequel on pourrait continuer à vivre. Mais vous voyez,
45:55 typiquement, sur cette question de l'avion, déjà, tout le monde
45:57 ne le prend pas en France. 70 % des Français ne prennent pas
45:59 l'avion. Donc, c'est pas si compliqué.
46:01 Ces gens-là se débrouillent. Et à côté,
46:03 vous avez une question de comment est-ce qu'en
46:05 fermant certains droits, j'aurais plus le droit
46:07 aujourd'hui, j'ai le droit si je sors du studio et que je vais
46:09 à Orly, de prendre un vol pour où je veux et de revenir
46:11 immédiatement. Dans un monde en transformation écologique,
46:13 on n'aura plus le droit de faire ça. Ça veut dire qu'à côté,
46:15 il faut ouvrir de nouveaux droits. Des droits à des vacances
46:17 proches, des droits à des trains
46:19 qui sont abordables, des destinations
46:21 auxquelles on a accès facilement.
46:23 Donc, transformer notre cité, ça ne marche plus.
46:25 - On peut voyager très loin en train. - C'est ça. Peut-être qu'il faut repenser notre
46:27 rapport au temps et se dire qu'une ou deux fois dans une vie,
46:29 si on en a envie, on peut prendre six mois,
46:31 un an ou deux ans de pause pour partir
46:33 loin en train. - Ensemble,
46:35 l'écologie avec les générations,
46:37 ça semble quand même assez possible.
46:39 En revanche, avec
46:41 les catégories les moins aisées,
46:43 c'est plus difficile. Elles sont
46:45 percutées par cette fameuse dichotomie
46:47 "fin du mois, fin du monde". Comment on fait
46:49 très concrètement pour essayer
46:51 de partir ensemble
46:53 dans ce combat tout en
46:55 gardant la justice sociale au cœur,
46:57 si j'ose dire ? - Deux choses.
46:59 La première est que les désirs qu'on a aujourd'hui
47:01 en tant que société et en tant qu'individu,
47:03 ils sont forcément construits par l'environnement dans lequel
47:05 on vit et donc par une société qui nous
47:07 propose de la publicité, qui nous propose
47:09 l'accumulation ou la possession comme
47:11 valeur cardinale et par engouement de la réussite.
47:13 Donc, d'une part, il faut réussir à créer de nouveaux
47:15 imaginaires autour duquel s'articule la notion
47:17 de bonheur. - Positif. - Absolument.
47:19 Et d'autre part... - Désirer l'avenir dans les limites
47:21 planétaires. - Absolument. - Et ça ressemble à quoi, un récit
47:23 comme ça ? - Oh bah écoutez, ça c'est à construire
47:25 ensemble. Mais en tout cas, mon deuxième point, c'est que
47:27 on est, dans une certaine mesure, déterminés
47:29 par les structures sociales dans lesquelles on évolue.
47:31 Et j'y reviens, mais c'est ça qui est fondamental.
47:33 C'est qu'en fait, la difficulté aujourd'hui n'est pas
47:35 de "convaincre les pauvres"
47:37 qu'il faut agir pour la planète.
47:39 C'est en fait plutôt de convaincre
47:41 les riches, ceux qui aujourd'hui peuvent se permettre
47:43 d'utiliser leur argent pour détruire les communs...
47:45 - De participer financièrement. - Non seulement participer
47:47 financièrement, alors je pense qu'il faut les taxer,
47:49 absolument, et les riches, attention, on ne sait pas non plus
47:51 de tous les riches, et surtout, d'autre part,
47:53 il faut faire en sorte d'aujourd'hui interdire
47:55 certaines choses qui menacent notre destin collectif.
47:57 Et ça, c'est pas quelque chose...
47:59 C'est pas un rêve
48:01 communiste, c'est que simplement, on arrive à un stade
48:03 où on ne peut plus fonctionner au XXIe siècle
48:05 avec des règles qui marchaient très bien au XXe siècle.
48:07 Ça veut pas dire que ces règles-là sont mauvaises,
48:09 ça veut juste dire qu'elles sont plus adaptées aux enjeux qu'on a aujourd'hui.
48:11 - Ce qui est très intéressant dans le livre aussi, c'est que vous dites que l'Europe
48:13 a vraiment une épingle du jeu à tirer,
48:15 et que face à la Chine,
48:17 face aux Etats-Unis, qui sont
48:19 évidemment des très gros pollueurs,
48:21 être vertueux, c'est aussi être gagnant. Pourquoi ?
48:23 - Parce qu'on a une
48:25 question... Non seulement on peut faire des choses en France,
48:27 quand on vous dit que la France... - Les industries vertes,
48:29 c'est pas un gros mot ? - Bien sûr que non.
48:31 On va avoir besoin d'industries, très probablement.
48:33 La question écologique, ce n'est pas retourner dans des grottes.
48:35 Donc, il nous faudra des industries, il nous faudra
48:37 des chaînes de production, y compris stratégiques,
48:39 en termes sanitaires, en termes industriels
48:41 purs, en termes chimiques, en Europe.
48:43 Et donc, il faut pouvoir utiliser l'Union Européenne
48:45 et les différents outils qu'on a, mais il faut faire
48:47 très attention à ne pas avoir de dogme, et en particulier
48:49 sur le libre-échange, sur le liberalisme.
48:51 Il faut pouvoir tout réexaminer au prisme
48:53 des enjeux dont on sait qu'aujourd'hui, en 2023,
48:55 c'est eux qui comptent. Et donc ça, c'est
48:57 l'environnement, le climat, la justice sociale
48:59 et tout ce qui va avec. - Elle va vite, hein,
49:01 Léa Falco ? - Des billes mitraillettes !
49:03 C'est passionnant, en tout cas, de vous
49:05 écouter. Je vous invite à découvrir "Faire
49:07 écologie" ensemble. On peut picorer
49:09 dans plein de chapitres, ça parle aussi beaucoup
49:11 des entreprises. Tout n'est pas perdu.
49:13 Vous n'êtes pas des croissantes, mais vous voulez
49:15 bouger un peu les lignes du capitalisme. On va garder
49:17 ça comme ça. - On peut dire ça de manière inconsciente.
49:19 - Merci beaucoup, Léa Falco. On va continuer
49:21 cette émission avec nos affranchies.
49:23 Vous allez voir leur parti privé. Vous vous faire
49:25 réagir. On les accueille tout de suite.
49:27 Carole Barjon,
49:29 de l'Obs, éditorialiste à l'Obs, et
49:31 Pierre-Henri Savoyaud du Collège de Philosophie.
49:33 Bienvenue, les amis, pardon pour le retard.
49:36 Mais voilà, l'actualité est très, très dense
49:38 et donc difficile de tenir les temps.
49:41 On commence avec Bourbon Express, comme chaque soir.
49:43 Le président du jour à l'Assemblée nous est raconté ce soir
49:45 par Elsa Mondin-Gava. Bonsoir, Elsa.
49:47 - Bonsoir. L'histoire, c'est plutôt une question.
49:49 Le président de la République pourra-t-il annoncer
49:51 le vote d'une loi pour les armées le 14 juillet prochain ?
49:54 Le chrono est enclenché, je vous le rappelle.
49:56 Le 14 juillet, c'est dans huit jours.
49:58 Je vous parle ce soir de la LPM,
50:00 la loi de programmation militaire.
50:02 Elle définit le budget des armées entre 2024 et 2030.
50:05 Le gouvernement parle d'un effort inédit,
50:08 413 milliards d'euros pour transformer nos armées.
50:10 Et le président de la République avait bien l'intention
50:12 de promulguer sa loi avant la fête nationale.
50:14 Ça s'avère plus compliqué que prévu.
50:16 La commission mixte paritaire, vous savez,
50:18 cette réunion entre des députés et des sénateurs
50:20 pour trouver un accord, elle était prévue ce matin.
50:23 Elle est décalée à lundi.
50:24 - Alors moi, j'avais suivi ce texte à l'Assemblée,
50:27 largement adopté, aussi au Sénat.
50:30 Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi ça coince ?
50:32 - Oui, on le rappelle. Regardez, à l'Assemblée,
50:34 c'était au mois de juin, accord très large,
50:36 408 voix pour, 87 contre et 53 abstentions.
50:39 La majorité, la droite, le Rassemblement national,
50:41 ont voté pour. Les socialistes, les écologistes,
50:43 se sont abstenus. Au Sénat, ça passait
50:45 également très largement, 314 voix pour, 17 contre.
50:48 Oui, mais les deux versions du texte adopté
50:50 sont sensiblement différentes.
50:52 Regardez, c'est ce que l'on appelle
50:54 les marges de la LPM, c'est-à-dire les efforts,
50:56 année après année. Les sénateurs de droite
50:58 ont voulu accélérer le rythme des dépenses
51:00 pour investir plus d'argent dès les premières années.
51:03 C'est sur ce point que les négociations se concentrent,
51:05 même s'il y a d'autres divergences à régler.
51:07 Ce qu'il faut comprendre, Myriam, c'est que, évidemment,
51:09 en amont de cette commission mixte paritaire,
51:11 il y a beaucoup de négociations, des discussions.
51:13 Les téléphones chauffent et vont continuer
51:15 à le faire tout le week-end. L'objectif, c'est vraiment
51:17 de rapprocher au maximum les positions des uns et des autres
51:19 pour aboutir. - Même si sur les questions
51:21 de défense, on n'arrive pas à se mettre d'accord,
51:23 c'est compliqué. C'est donc la droite
51:25 qui bloque, qui profite de la situation politique
51:27 pour fermer les enchères, j'imagine.
51:29 - C'est surtout les sénateurs de droite
51:31 qui se montrent particulièrement intransigeants,
51:33 selon plusieurs acteurs du dossier.
51:35 Ils ne profitent pas forcément de la situation politique
51:37 actuelle, mais ils ont des comptes à régler
51:39 avec le ministère des Armées.
51:41 A l'Assemblée, une fois n'est pas coutume,
51:43 les débats se sont très bien passés. Au Sénat, ça a été un peu plus rugueux.
51:45 Les sénateurs de droite n'ont pas apprécié
51:47 certaines déclarations du ministre Lecornu.
51:49 Et puis, il y a aussi un autre paramètre.
51:51 Quand on touche au budget, il y a Bercy
51:53 qui s'en mêle. - Oui.
51:55 - Ça rentre dans la boucle, ça fait aussi que les négociations
51:57 sont un petit peu plus lentes.
51:59 Résultat, ce sera lundi, la CMP
52:01 à 10h30. On prévient d'ores et déjà
52:03 qu'elle pourrait durer certaines heures,
52:05 mais ici, les présents ont confiance
52:07 de trouver un accord. - Merci beaucoup,
52:09 Elsa, on va suivre ça sur les réseaux,
52:11 lcp.fr, vous saurez tout
52:13 de ce vote ou pas sur
52:15 la LPM, la loi de programmation militaire.
52:17 Carole, il y avait
52:19 cette idée de former les élèves
52:21 à la transition écologique qui était dans les tuyaux.
52:23 Vous trouvez qu'avec la situation actuelle,
52:25 c'est pas forcément important d'actualité ?
52:27 - En tout cas, ça semble
52:29 dater, cette proposition semble
52:31 dater d'il y a un siècle, puisque tellement
52:33 des événements ont changé l'atmosphère
52:35 dans le pays, mais il faut se souvenir
52:37 qu'il y a deux semaines seulement,
52:39 Elisabeth Born avait effectivement annoncé
52:41 que les collégiens
52:43 et aussi les lycéens, mais les collégiens
52:45 surtout, allaient bénéficier d'un
52:47 enseignement sur la transition écologique
52:49 afin de pouvoir obtenir
52:51 dès la fin de l'année 2024
52:53 une certification des savoirs
52:55 verts. - Bonne initiative, malgré tout,
52:57 non ? - Alors, dans l'absolu,
52:59 oui, oui, tout à fait, mais les modalités
53:01 de ce nouvel enseignement ne sont pas
53:03 clairement définies. On a cru comprendre
53:05 que le temps consacré à cette formation
53:07 serait en partie pris
53:09 sur les heures d'enseignement
53:11 traditionnelles, et si
53:13 les enseignements fondamentaux devaient
53:15 en pâtir, là, ce serait
53:17 une moins bonne idée.
53:19 Certes, au niveau du collège, l'apprentissage
53:21 du français est supposé acquis,
53:23 sauf que ça n'est pas le cas dans la réalité.
53:25 Je rappelle que 20 %
53:27 des élèves ne maîtrisent pas
53:29 la langue française à l'entrée en sixième.
53:31 C'est pour ça, d'ailleurs, que
53:33 Papandyaï avait
53:35 annoncé des renforcements
53:37 des cours de français en sixième.
53:39 La maîtrise de la langue française
53:41 est absolument cruciale,
53:43 pas uniquement pour devenir agrégée de lettres,
53:45 mais simplement pour bien vivre
53:47 en société. On le sait,
53:49 mais on l'oublie trop souvent, donc il faut le répéter,
53:51 savoir s'exprimer, c'est la condition
53:53 sine qua non,
53:55 pour communiquer avec les autres,
53:57 pour vivre en harmonie à leur côté.
53:59 -Et vous y voyez
54:01 une relation de causalité avec
54:03 la situation violente d'aujourd'hui ?
54:05 -Oui, parce que
54:07 souvent,
54:09 ces jeunes,
54:11 qui sont cantonnés dans des quartiers défavorisés,
54:13 parfois issus de l'immigration,
54:15 maîtrisent mal le français.
54:17 Et on a enfin, enfin
54:19 entendu les spécialistes de la politique
54:21 de la ville évoquer aussi le problème
54:23 des difficultés d'un grand nombre
54:25 de jeunes à manier la langue française.
54:27 En fait, c'est assez simple,
54:29 lorsqu'on ne sait pas s'exprimer correctement,
54:31 lorsqu'on n'arrive pas à exprimer
54:33 clairement ses idées
54:35 ou ses sentiments, on peut facilement
54:37 éprouver un sentiment d'infériorité
54:39 face à la personne
54:41 qui, elle, manie et développe
54:43 son argumentation avec aisance.
54:45 Et ça, ça peut entraîner
54:47 souvent une forme d'agressivité,
54:49 voire de la violence.
54:51 Il était donc temps que certains en prennent conscience.
54:53 Dans ces conditions,
54:55 et si la priorité de l'exécutif
54:57 est bien de s'attaquer aux causes profondes
54:59 qui expliquent en partie les violences
55:01 des jeunes des banlieues,
55:03 on se dit que l'enseignement des savoirs verts
55:05 sera peut-être moins urgent.
55:07 - Oui, pour les savoirs verts.
55:09 Je croyais que vous parliez des savoirs fondamentaux.
55:11 Je n'ai pas le temps de vous faire réagir,
55:13 mais il ne faut pas abandonner ce combat-là.
55:15 - Non, mais il faut surtout former les plus âgés,
55:17 parce que la fenêtre d'opportunité fait que ce ne sera pas ma génération
55:19 qui pourra agir. - Merci, Léa Falco,
55:21 et merci à toutes les personnes de plus.
55:23 - La boucle est bouclée avec vous, Pierre-Henri, ce soir.
55:25 Vous présidez le Collège des philosophies.
55:27 On a beaucoup parlé de cette crise de l'autorité
55:29 et des solutions pour la résoudre.
55:31 Qu'est-ce que l'autorité ?
55:33 Vous vouliez revenir sur cette notion ?
55:35 - Oui, c'est un moment intéressant,
55:37 puisqu'on n'a jamais autant parlé de l'autorité
55:39 depuis qu'elle est en crise.
55:41 La crise est multifactorielle,
55:43 dans les familles avec les enfants rois,
55:45 dans l'école à la discipline, à la politique.
55:47 On la voit partout, mais la définir,
55:49 comment vous faites pour la définir ?
55:51 - On peut tenter le coup en deux minutes.
55:53 D'abord, l'autorité, ce n'est pas le pouvoir.
55:55 Pour une simple raison,
55:57 il y a de l'autorité sans pouvoir et du pouvoir sans autorité.
55:59 Le pouvoir sans autorité, c'est le petit chef.
56:01 On l'a tous rencontré, donc inutile de faire un portrait.
56:03 L'autorité sans pouvoir,
56:05 c'est le vieux sage qu'on va consulter.
56:07 On dit souvent que l'autorité, c'est plus qu'un conseil,
56:09 moins qu'un ordre.
56:11 L'autorité, ce n'est pas non plus l'argumentation rationnelle,
56:13 parce qu'il y a un argument d'autorité,
56:15 et l'argument d'autorité, on ne l'argumente pas.
56:17 C'est clôt la discussion.
56:19 Pour la définir, l'autorité,
56:21 il faut faire référence à l'étymologie,
56:23 ça vient du latin "augere",
56:25 qui signifie "augmenter".
56:27 Pour prendre une image d'actualité avec le Tour de France,
56:29 l'autorité, c'est du dopage.
56:31 Comment, grâce à une substance mystérieuse,
56:33 on booste,
56:35 on augmente un pouvoir
56:37 ou un argument pour qu'il pèse plus,
56:39 pour qu'il vale plus ?
56:41 - C'est quoi, cette substance miraculeuse ?
56:43 - Il y a trois solutions de l'humanité à cette substance.
56:45 Il y en a eu trois, pour aller très vite.
56:47 D'abord, le passé, les grands ancêtres,
56:49 c'est-à-dire ceux qui nous autorisent.
56:51 C'est pour ça que les rois sont, en général,
56:53 les rejetons des rois anciens,
56:55 parce qu'on considère que ça vient d'avant.
56:57 Deuxième solution, le cosmos, la nature,
56:59 c'est l'idée que ce qu'on appelle le charisme,
57:01 c'est l'autorité, celui qui colle
57:03 avec la beauté de la nature, avec l'ordre naturel,
57:05 l'harmonie. Troisième solution,
57:07 bien sûr, le divin, c'est le choix de Dieu.
57:09 Toute autorité vient de Dieu, dit Saint Paul.
57:11 Ces trois formes d'autorité, pour aller très vite,
57:13 sont entrées en crise, non pas en mai 68,
57:15 mais à la Renaissance et à l'âge classique.
57:17 - Bien avant. - Bien avant.
57:19 C'est-à-dire l'idée où, effectivement,
57:21 le passé devenait suspect, la nature,
57:23 on ne savait plus trop ce que c'était,
57:25 c'est qu'avec Galilée, Copernic, etc.
57:27 Et puis le divin, qui était censé faire la paix,
57:29 fait la guerre, c'est les guerres de religion.
57:31 Donc on se dit qu'il faut trouver autre chose,
57:33 et c'est ça, le problème.
57:35 Cette autorité, c'est une gigantesque crise
57:37 depuis la Renaissance. - Ça veut dire que la modernité
57:39 est la crise de l'autorité ? - Oui, il faut s'y résoudre.
57:41 - Ah ! - Mais absolument, voilà.
57:43 Mais on peut essayer aussi de reconstruire cette autorité,
57:45 mais sous de nouvelles formes.
57:47 Il y a une image qui permet de comprendre très vite
57:49 ce que ça veut dire, c'est les aventures du baron de Münchhausen.
57:51 Vous vous souvenez, ce baron légendaire
57:53 germanique à qui il arrive des histoires
57:55 incroyables ?
57:57 Un jour, avec son cheval, il tombe dans un lac.
57:59 Et il ne sait pas comment s'en sortir,
58:01 puis il a une idée géniale, il se prend par les cheveux
58:03 et il se sort lui-même du lac.
58:05 Cet truc est totalement absurde,
58:07 ça a un nom, ça s'appelle la démocratie.
58:09 Comment un peuple se donne
58:11 des lois et y obéit ?
58:13 Voilà le mystère. Et donc ça donne
58:15 une formule de cette spécificité de l'autorité
58:17 démocratique qui... C'est pas une autorité
58:19 qui tombe du ciel, c'est pas une autorité
58:21 qu'on attend en BA, qu'on voit dans la nature,
58:23 c'est une autorité très exigeante
58:25 qui consiste sur ressources propres
58:27 à trouver les ressources justement pour s'autoriser.
58:29 Il y a une formule qui la résume,
58:31 la bonne autorité de l'âge démocratique,
58:33 c'est celle qui fait grandir à la fois celui
58:35 qui l'exerce et celui qui s'y soumet.
58:37 C'est une autorité
58:39 de responsabilité et non de domination.
58:41 C'est une belle formule.
58:43 Maintenant, il faut trouver les ressources pour l'appliquer,
58:45 ça, c'est une autre paire de manches.
58:47 - Merci, passionnant. C'est ça qu'il faudrait aussi avec l'écologie.
58:49 - Je sais pas si c'est une question
58:51 d'autorité pour l'instant plutôt que de...
58:53 - En tout cas, dans la démocratie...
58:55 - ...d'un récit collectif. - ...adhérer des deux côtés.
58:57 - Certainement. - Merci beaucoup, Léa Falco.
58:59 Merci à vous, les Affranchis.
59:01 Faire écologie ensemble,
59:03 c'est à lire aux éditions Rue de l'Échiquier.
59:05 Pourquoi la guerre des générations
59:07 n'aura pas lieu ?
59:09 Merci à vous, Elsa. Je vous dis à demain,
59:11 même lieu, même heure. Restez avec nous
59:13 pour votre soirée documentaire qui commence
59:15 avec Jean-Pierre Gratien.
59:17 (Générique)

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