Alors que Naïa Combary exploite l’intelligence artificielle en espérant ouvrir de nouveaux univers créatifs, Martin Colombet craint que cette technologie nuise a l’intégrité de son métier de photographe.
L’IA, tueuse d’art et de métiers ou nouvelle voie à explorer ? Alors qu’elle n’était encore utilisée que pour retoucher des images, l’intelligence artificielle (IA) bouleverse depuis quelques mois le travail des photographes. De plus en plus performants, les algorithmes sont désormais capables de créer une image à partir d’une simple phrase. Des prouesses qui divisent en deux camps le milieu des professionnels de l’image (humains ceux-là). A l’occasion de l’exposition présentée à Arles aux Rencontres de la photographie et du «Libé» des photographes, nous avons rencontré deux d’entre eux, Martin Colombet et Naïa Combary, afin de comprendre leur vision de ce nouvel outil controversé.
Concurrence déloyale, désinformation, droits d’auteur bafoués, absence d’émotion... Martin Colombet, photographe pour «Libé», considère l’IA comme un danger pour la profession : «il y a un nombre de métiers très important qui est menacé par l’intelligence artificielle». Naïa Combary «essaie de voir l’IA de manière plus positive». Pour son projet A Spiritual Midjourney, une série d’images mélangeant virtuel et spirituel, l’intelligence artificielle lui a permis de donner lieu à un univers magique qu’elle cherchait à créer depuis des années en tant que photographe. Des images ancrées dans un autre espace, un autre temps.
L’IA, tueuse d’art et de métiers ou nouvelle voie à explorer ? Alors qu’elle n’était encore utilisée que pour retoucher des images, l’intelligence artificielle (IA) bouleverse depuis quelques mois le travail des photographes. De plus en plus performants, les algorithmes sont désormais capables de créer une image à partir d’une simple phrase. Des prouesses qui divisent en deux camps le milieu des professionnels de l’image (humains ceux-là). A l’occasion de l’exposition présentée à Arles aux Rencontres de la photographie et du «Libé» des photographes, nous avons rencontré deux d’entre eux, Martin Colombet et Naïa Combary, afin de comprendre leur vision de ce nouvel outil controversé.
Concurrence déloyale, désinformation, droits d’auteur bafoués, absence d’émotion... Martin Colombet, photographe pour «Libé», considère l’IA comme un danger pour la profession : «il y a un nombre de métiers très important qui est menacé par l’intelligence artificielle». Naïa Combary «essaie de voir l’IA de manière plus positive». Pour son projet A Spiritual Midjourney, une série d’images mélangeant virtuel et spirituel, l’intelligence artificielle lui a permis de donner lieu à un univers magique qu’elle cherchait à créer depuis des années en tant que photographe. Des images ancrées dans un autre espace, un autre temps.
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00:00 Il y a un nombre de métiers très importants qui est menacé directement et indirectement par l'intelligence artificielle.
00:05 Dans mon travail, je cherche à voir l'intelligence artificielle de manière plus positive.
00:10 On dit ce qu'on veut voir et on le voit.
00:12 Un enfant de 5 ans peut arriver à transformer complètement une image.
00:17 Dans tout artisanat ou art, il y a des techniques à conserver et à garder,
00:20 mais une technique n'en existe pas forcément une autre définitivement.
00:24 Depuis quelques mois, le secteur de l'intelligence artificielle s'est énormément développé.
00:29 A l'origine, l'intelligence artificielle était simplement utilisée pour retoucher des photos.
00:33 Aujourd'hui, des logiciels comme Midjourney ou encore Dali permettent de créer des images à 100% à partir d'une simple phrase.
00:39 On a rencontré Martin Colombet et Naya Kambari, tous deux photographes, afin de comprendre leur vision de ce nouvel outil.
00:46 Les grandes menaces pour le moment de l'intelligence artificielle, ce serait une menace d'abord démocratique.
00:53 Ça n'a jamais été aussi facile avec l'IA de créer des fausses images,
00:56 même avec un œil avisé, avec un œil expert,
00:59 on a parfois du mal à faire la différence entre une image produite par l'intelligence artificielle et par des photographes.
01:06 C'est un énorme moteur à fake news.
01:09 Par exemple, il y a une photo d'Arthur Rimbaud, générée par l'intelligence artificielle, qui est sortie il n'y a pas longtemps, qui a trompé énormément de monde.
01:14 Et moi, la première fois que je l'ai vue, je n'ai pas tout de suite tilté.
01:17 Il y a même des logiciels qui ont été prévus pour essayer de détecter l'intelligence artificielle,
01:23 et ces logiciels-là arrivent à se tromper.
01:26 Le seul endroit où ça peut être intéressant, c'est dans les créations artistiques pures.
01:31 C'est ce que Naya a exploré avec son projet "Spiritual Mid-Journée".
01:35 C'est une série d'images qui a été générée grâce au logiciel Mid-Journée et qui mélange virtuel et spirituel.
01:41 L'intelligence artificielle a permis à Naya de donner vie à une vision mystique et magique
01:46 qu'elle cherchait depuis des années en tant que photographe.
01:49 Dans mon travail, je cherche à voir l'intelligence artificielle de manière plus positive,
01:54 en l'intégrant à part entière dans mon sujet et dans mes recherches,
01:58 et en fait d'en tirer la meilleure partie, pas pour manipuler, mais justement pour ouvrir,
02:04 pour inviter à la curiosité et à une perception différente des choses.
02:07 Dans mon processus de création, il y a des images que j'ai créées en cinq minutes,
02:13 et d'autres, ça m'a pris une semaine.
02:15 Donc dans Mid-Journée, il faut taper ce qu'on appelle un prompt, qui est un texte qui décrit l'image.
02:20 Pour celle-ci, j'avais tapé une scène photoréaliste dans une rave party,
02:26 avec des afro-descendants qui dansent, de la fumée, dans une forêt, un homme danse devant un écran,
02:33 atmosphère magique.
02:35 Aujourd'hui, je pourrais faire sans l'intelligence artificielle.
02:38 Pour moi, c'est un médium, mais c'est quelque chose en plus.
02:41 Ça ne va pas du tout remplacer ni mon travail de photographe, ni mon travail de réalisatrice,
02:46 mais ça apporte une sorte d'aide, en tout cas un gain de temps énorme,
02:51 et sur les recherches, et sur ce qu'on veut exprimer.
02:53 Dans l'idée, mes valeurs ne correspondent pas forcément à ça,
02:57 mais je trouve que c'est important de ne pas laisser les autres s'emparer de ces outils-là.
03:03 Mais l'intelligence artificielle questionne énormément sur les droits d'auteur
03:07 ou encore la concurrence déloyale entre les photographes.
03:10 C'est un pillage à échelle planétaire.
03:13 Il y a un problème de droit d'auteur absolument énorme,
03:16 puisque l'intelligence artificielle utilise des images qui ont été faites par d'autres photographes.
03:23 Une fois que vous mettez votre idée ou votre image dans un espace public,
03:26 il faut accepter que des gens peuvent s'en inspirer, peuvent la dérober, qu'ils aillent ou pas.
03:34 Mais je pense qu'effectivement, il peut être important, en tout cas dans les publications de photos,
03:38 dans les médias d'images, de spécifier que c'est généré avec de l'intelligence artificielle.
03:44 Il faut l'interdire dans la presse.
03:46 Ça, c'est vraiment extrêmement important.
03:47 Si elle est utilisée dans la presse, ça peut mettre à mal le lien de confiance qu'il y a
03:51 entre les producteurs d'informations ou les collecteurs d'informations et le public.
03:56 Et cette confiance, on sait qu'elle est déjà bien entamée.
03:59 Alors Libération a pris ce parti pris.
04:02 Le service photo s'est déjà engagé à ne pas utiliser des images générées par l'intelligence artificielle,
04:08 sauf dans le cas d'articles sur l'intelligence artificielle.
04:11 L'IA était un moteur à fake news, mais les fake news étaient là avant l'IA.
04:16 C'est étrange parce que j'ai l'impression qu'à la fois on se dit
04:20 "on ne peut plus la prouver la réalité de rien", alors qu'on n'a jamais été peut-être aussi alerte
04:25 sur le fait que les choses sont modifiables.
04:28 Et cette conscience-là fait peut-être qu'on s'interroge plus et que c'est intéressant.
04:36 L'IA peut tout faire formellement, mais il ne peut pas créer les événements réels de la vie.
04:42 Ça ne produit pas la même émotion qu'une photographie peut-être,
04:45 dans un portrait par exemple, avec le regard, l'histoire de la personne,
04:49 mais il y a quand même une histoire qui est racontée et qui peut donner lieu à une émotion, une envie.
04:55 Si l'émotion est capable de passer, c'est précisément parce que l'événement qui a été photographié
05:00 ou ce qui a été photographié est réel.
05:02 La rencontre que j'ai eue avec quelqu'un, quand tu fais des portraits,
05:06 des fois tu tombes sous le charme d'une personne.
05:08 Et ça, ça ne peut pas exister d'un intelligence artificielle qui porte mal son nom,
05:12 qui n'est pas une intelligence proprement.
05:15 On est condamné à regarder des choses, des photographies, des images en tout cas,
05:21 qui ne vont transporter aucune émotion, puisque c'est faux, parce que ce n'est pas réel.
05:26 [Musique]