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Christine Leconte, architecte et urbaniste, était mardi 11 juillet 2023 l’invitée de franceinfo.

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00:00 Encore une journée étouffante sur la moitié Est.
00:02 Strasbourg, Lyon vont s'approcher des 40 degrés.
00:04 Ils seront même atteints à Grenoble.
00:06 C'est maintenant la norme alors que la planète vient enregistrer la semaine la plus chaude de son histoire.
00:11 La ville doit donc s'adapter.
00:13 L'architecte et urbaniste Christine Lecomte, grand témoin de France Info ce matin.
00:16 Bonjour.
00:17 Bonjour.
00:17 Présidente du Conseil national de l'ordre des architectes.
00:20 Et vous avez animé le groupe de travail Logement et transition écologique au Conseil national de la refondation.
00:25 Nos villes sont faites de béton et d'asphalte.
00:28 Est-ce que ce ne sont pas les pires matériaux pour lutter, faire face à la chaleur ?
00:33 C'est vrai que ce n'est pas terrible.
00:35 Parce qu'effectivement, on a des phénomènes qui sont liés à la réflexion de la lumière et de la chaleur,
00:40 notamment le phénomène de l'albédo.
00:42 On estime qu'en ville, on a 4 degrés à minimum par rapport à une zone rurale,
00:47 supérieure en temps de canicule ou de chaleur, voire jusqu'à 12 degrés la nuit.
00:52 C'est un différentiel qui est énorme et qui permettrait presque de supporter si on travaillait avec d'autres matériaux.
00:57 Si on a construit nos villes de cette manière, c'est surtout à cause de la voiture.
01:01 La première chose, c'est d'avoir une réflexion sur la place de la voiture dans nos villes.
01:04 C'est vrai qu'aujourd'hui, on aurait besoin de réfléchir à la place de la voiture en ville,
01:08 notamment nos voiries, les plans de circulation,
01:11 savoir comment on fait l'équilibre entre nature et, finalement, bitume, mobilité.
01:16 En plus, la voiture rajoute.
01:18 Il y a le phénomène des climes, il y a de la chaleur qui vient des véhicules.
01:22 Donc, on a vraiment un équilibre à trouver dans la fabrication des villes,
01:24 mais même aussi pour nous, une ville qui a du bruit, qui a de la pollution, est moins agréable.
01:30 En fait, on a beaucoup construit les villes pour la voiture et pas assez pour l'homme.
01:33 Est-ce que les villes doivent continuer de s'étendre, comme c'est le cas depuis des décennies ?
01:38 C'est ce qu'on appelle l'étalement urbain, au risque de venir grignoter sur les terres agricoles
01:43 et même sur la biodiversité ?
01:44 Ou est-ce qu'il faut construire de plus en plus de tours ?
01:47 Alors, bien évidemment, non, il ne faut plus s'étaler.
01:51 Ça, on a un vrai sujet, c'est-à-dire que le sol est notre première richesse,
01:55 autant pour la biodiversité, mais aussi pour capter l'eau carbone.
01:59 Donc, il faut absolument qu'on préserve nos terres agricoles et donc qu'on arrête de s'étaler.
02:03 Néanmoins, on a des possibilités pour construire en ville, pour réhabiliter, pour réparer, pour transformer.
02:09 En fait, à part au XXe siècle, la ville a toujours été sédimentaire.
02:13 On a toujours construit la ville sur la ville, avec la ville.
02:16 Il y a eu un espèce de bouleversement au XXe siècle.
02:19 On a beaucoup fait ce qu'on appelait la tabula rasa.
02:22 Aujourd'hui, il faut repartir dans un équilibre qui consiste à partir de l'existant.
02:25 Donc, on prend ce qui existe déjà dans la ville, mais ça suffit.
02:29 On est face à des crises du logement.
02:30 Donc, il faut construire des nouveaux logements.
02:33 On va aller chercher où ces nouveaux logements ?
02:35 Mais ça, on veut le trouver.
02:37 On a des friches, on a des quartiers qui sont un peu moins denses.
02:40 On peut fabriquer une densification un peu plus douce.
02:43 Ça ne veut pas dire qu'on va monter en hauteur,
02:45 mais on va travailler sur d'autres typologies architecturales,
02:47 tout en préservant la nature,
02:49 parce qu'il y a vraiment un sujet qui est l'équilibre ville-nature
02:52 pour garantir la qualité de vie.
02:54 Et puis après, il faut penser à la qualité de nos logements,
02:56 notamment en temps de canicule.
02:58 Par exemple, construire obligatoirement des appartements traversants
03:01 pour permettre, notamment la nuit, de pouvoir ouvrir ces fenêtres,
03:05 fabriquer ce fameux courant d'air avec un effet un peu comme dans une cheminée de tyran,
03:10 qui nous permet effectivement de trouver ça supportable,
03:13 sans avoir besoin de recourir à l'un des outils qui est très néfaste pour la canicule,
03:19 c'est la climatisation.
03:21 Aujourd'hui, il faut climatiser certains lieux
03:23 et éviter de climatiser d'autres
03:25 en trouvant des solutions beaucoup plus naturelles qui existent.
03:28 - Il faut vraiment sélectionner les endroits qu'on climatise.
03:31 À Paris, ces dernières décennies,
03:34 pour prendre un exemple actuel, les tours du Haut viennent d'être inaugurées,
03:38 la tour Pyramide est en construction.
03:40 Ce sont des bâtiments qui sont très critiqués. Pourquoi ?
03:42 - Il y a plein de critiques sur un bâtiment de grande hauteur,
03:44 notamment le volet mécanique du bâtiment, technologique du bâtiment,
03:48 mais dans le sens non low-tech.
03:50 Aujourd'hui, on réfléchit plutôt à l'approche...
03:51 - Low-tech, ça veut dire quoi ?
03:52 - Low-tech, ça veut dire finalement qu'on utilise des techniques
03:55 pour éviter une surconsommation d'énergie,
03:58 travailler finalement avec le bon sens.
04:01 Par exemple, un matériau comme la terre crue,
04:04 qui a à peu près 15% du patrimoine de la France bâti,
04:08 est un matériau extrêmement pertinent en forte chaleur...
04:11 - C'est avec ça qu'on fait des briques, par exemple, la terre crue ?
04:13 - Oui, alors là, je vous parle quasiment même du matériau brut de base.
04:18 L'inertie de ce matériau, ça fait que la chaleur est captée par le matériau
04:22 et elle est restituée beaucoup plus tardivement.
04:25 Ce qui fait qu'aujourd'hui, on a même dans les isolants,
04:28 des isolants d'été qui nous permettent d'être meilleurs
04:31 parce qu'ils vont restituer la chaleur beaucoup plus lentement
04:34 et donc ça va pénétrer beaucoup plus lentement dans nos habitations.
04:38 - Le verre et le béton, ça c'est terminé.
04:39 Il ne faut plus qu'on utilise ça pour construire nos tours ?
04:42 - Alors moi, je ne serais pas aussi catégorique,
04:43 mais oui, il faut beaucoup plus diversifier nos approches de matériaux.
04:48 On a aussi une loi industrielle qui arrive
04:50 et il faut savoir regarder les matériaux qu'il y a à proximité de chez nous
04:53 pour aussi limiter les gaz à effet de serre
04:56 liés à l'approvisionnement des matières premières.
04:59 Et donc, en fait, c'est tout un circuit court qui doit se mettre en place.
05:02 C'est une nouvelle manière de penser l'architecture et la fabrication de la ville
05:06 en regardant aussi ce qu'on a, ce qui est les villes génériques.
05:09 C'est du passé, c'est le 20ème siècle.
05:11 Aujourd'hui, regardons ce qu'on a.
05:12 Si on a une rivière, ne l'abusons pas.
05:15 Si on a une forêt, travaillons avec.
05:17 Si on a la chance d'avoir un paysage,
05:19 intégrons ce paysage dans la fabrique de la ville.
05:21 - Mais si on utilise des matériaux locaux, ça veut dire, par exemple,
05:24 ce serait le retour de la pierre de Tufau dans le Val-de-Loire.
05:27 Ça coûte beaucoup plus cher.
05:28 - Non, il faut développer des filières.
05:30 Voilà, c'est ça la différence.
05:31 C'est qu'au lieu d'aller chercher du granit chinois,
05:34 on va travailler avec du granit de Breton.
05:35 Alors, évidemment, ça paraît un peu étonnant,
05:37 mais on va aussi beaucoup recycler, beaucoup réemployer,
05:40 réutiliser, arrêter de jeter.
05:42 On a plus d'un million et demi de matériaux chaque année
05:45 qui sont jetés dans le bâtiment.
05:47 Donc, on a des déchets à foison.
05:49 Donc, on peut aujourd'hui travailler autrement
05:52 pour permettre du sement à ce secteur qui est aujourd'hui en France,
05:55 plus de 29% des émissions de gaz à effet de serre.
05:57 Avec le béton au niveau mondial,
05:59 c'est 9% des émissions de gaz à effet de serre.
06:01 On a besoin de travailler sur l'architecture des solutions.
06:04 On sait le faire.
06:05 Maintenant, il faut le mettre en œuvre à une grande échelle.
06:07 - Il faut rénover aussi massivement nos bâtiments.
06:10 Est-ce que le dispositif MaPriveRénov' est adapté ?
06:13 650 000 demandes tout de même accordées en 2021,
06:16 mais souvent, ce sont des travaux ciblés.
06:18 Certains disent qu'il faudrait pouvoir rénover tout le bâtiment.
06:21 - Oui, vous avez raison.
06:22 La rénovation, c'est la réhabilitation, c'est la ville de demain.
06:26 Donc, on a un enjeu massif à réhabiliter, rénover.
06:29 Après, il ne faut absolument pas se limiter à la rénovation thermique
06:34 liée au confort l'hiver,
06:35 c'est-à-dire baisser son chauffage,
06:37 avoir une consommation d'électricité moins forte, etc.
06:40 Aujourd'hui, on doit être aussi sur le confort d'été.
06:42 C'est même ce qu'il faut privilégier.
06:44 C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrive à ce que, effectivement,
06:47 dans MaPriveRénov' ça soit plus global, mieux accompagné aussi.
06:50 Parce qu'aujourd'hui, en fait, vous allez voir un artisan,
06:53 il va vous dire, ben voilà, on va faire les fenêtres, l'isolation, etc.
06:57 Ce qu'il faut, c'est avoir une vision globale et un peu stratégique de son bâti,
07:00 savoir aussi comment on y habite
07:02 et puis aussi l'état du bâti avant de poser n'importe quoi,
07:05 notamment une isolation sur un bâti qui aurait subi des désordres avant.
07:09 - Et une dernière chose, vous avez cité tout à l'heure l'effet albédo,
07:11 c'est par exemple peindre en blanc les toits des bâtiments,
07:15 c'est quelque chose d'efficace, pourquoi est-ce qu'on ne le fait pas à grande échelle ?
07:18 - En fait, les solutions ne peuvent jamais être faites à grande échelle.
07:21 Toutes, il faut regarder au cas par cas ou aux villes par ville.
07:25 Effectivement, c'est une solution notamment pour les toitures plates en asphalte,
07:29 mais il y aura d'autres solutions à d'autres endroits.
07:31 Parfois, il suffit de mettre des volets.
07:33 On a des villes avec des appartements sans volets.
07:37 Si vous n'avez pas de volets, vous ne pouvez pas occulter,
07:39 vous ne pouvez pas fermer, vous ne pouvez pas vous protéger,
07:41 ce qui sont des phénomènes de base.
07:44 Donc voilà, il y a vraiment des approches au cas par cas et aussi à l'âge du bâti.
07:48 - Et vous parliez tout à l'heure de bon sens, on y est.
07:50 Merci beaucoup.
07:51 Christine Lecomte, architecte et urbaniste,
07:53 grand témoin de France Info ce matin.

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