Rafales, sous-marins : un méga contrat avec l'Inde

  • l’année dernière
Savoir et comprendre avec Jean-Joseph Boillot, économiste et spécialiste des pays émergents, spécialiste de l'Inde et conseiller à l'Iris.


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Transcript
00:00 L'Inde, parlons de l'Inde. Nous en parlions hier, mais nous allons continuer avec Jean-Joseph Boileau. Bonjour.
00:06 - Bonjour.
00:06 - Vous êtes économiste spécialiste des pays émergents, spécialiste de l'Inde et conseiller à l'IRIS.
00:12 Il est 10h47, Narendra Modi, Premier ministre indien, est l'invité d'honneur de la France pendant deux jours,
00:19 et notamment, et notamment pour le défilé militaire du 14 juillet.
00:23 C'est l'invité d'Emmanuel Macron, Narendra Modi, qui accorde une interview très intéressante ce matin,
00:31 que j'ai lu dans les échos, effectivement aux échos, une interview très intéressante, il dit beaucoup de choses.
00:37 Alors d'abord, on va parler des contrats que l'Inde et la France vont signer, notamment l'achat de Rafale. C'est cela ?
00:48 - Bien sûr.
00:49 - De nouveau ? Vous avez tous ces contrats ? Vous avez un peu le détail de ces contrats ?
00:52 - Moi j'étais à la fois un économie-chercheur tout à fait indépendant, j'étais dans la diplomatie économique, et notamment à New Delhi.
00:58 Dans les années où déjà on avait des contrats d'armement, c'était ni Modi, ni Macron. Donc il faut écarter ces gens-là.
01:05 Aujourd'hui, c'est l'Inde qui est invitée, et j'aimerais réinsister là-dessus.
01:10 Modi, il est là, il peut passer, n'est-ce pas ? Macron est là, il peut passer.
01:14 Donc l'important c'est de resituer dans un contexte qui est celui des années 50, où comme par hasard,
01:21 le général de Gaulle, qui cherche une politique d'indépendance stratégique, va se tourner vers l'Inde,
01:27 qui a à ce moment-là le leader des non-alignés, très proche de l'URSS. Tiens, de Gaulle, l'URSS, c'est des amis aussi.
01:32 C'est pas des amis au sens des copains. Ce sont des alliés stratégiques, quoi, pour une diplomatie multipolaire.
01:39 Donc il faut bien resituer les Rafales là-dedans, d'accord ?
01:43 Parce qu'en France, il y a beaucoup de gens qui veulent le beurre et l'argent du beurre.
01:45 C'est-à-dire, ils veulent le beurre de la multipolarité, mais ils veulent surtout pas du beurre des canons.
01:51 Mais attendez, comment vous construisez une relation solide avec un des géants du monde ?
01:57 Attendez, la France se compare avec l'Inde, non ? Non, non, c'est pas comparable.
02:00 Excusez-moi, 1,4 milliard d'habitants, n'est-ce pas ? Et puis 60 millions d'habitants.
02:05 Bon, il y a une puissance qui est en train de monter, c'est l'Inde, et puis une puissance qui est un peu, paraît-il, en train de baisser.
02:11 Donc si vous ne mettez pas de l'huile dans les rouages de cette relation diplomatique,
02:16 ce que j'appelle, si vous voulez, le beurre de la multipolarité.
02:19 - Donc les Rafales, c'est ça que t'es au cœur ? - Les contrats, c'est de la diplomatie, quoi.
02:22 - Mais bien sûr, j'ai un copain que j'adore, il dit toujours la chose suivante.
02:27 Il dit "Vous suivez les Rafales et vous avez la diplomatie française."
02:30 Et donc je lui demandais "Oui, très bien, mais attendez, est-ce que c'est pas l'inverse ?
02:34 C'est-à-dire que tu suis la diplomatie française et tu trouves les Rafales."
02:37 Et le problème des Français, c'est qu'ils n'arrivent pas à comprendre qu'il y ait une ambiguïté, je suis d'accord.
02:41 On ne sait pas qui suit qui. - Alors nous allons vendre combien de Rafales, là, nouveaux, à l'Inde ?
02:46 - Écoutez, d'après mes petites oreilles, parce que j'ai quand même passé 50 ans sur l'Inde.
02:50 Donc en gros, on risque d'annoncer 26, dans les faits ça va être 30.
02:56 - 30 Rafales ? - D'après mon correspondant là-bas en Inde.
02:59 Pourquoi ? On va les mettre en pièces détachées, on dit que c'est les pièces détachées.
03:03 Oui, attendez, pièces détachées ou bien des combines ?
03:06 Ou bien un discount d'Asuka, qui est en position de force aujourd'hui.
03:13 Ce n'est plus la France des Mirages 2000, c'est l'Inde qui est en position de force, il faut bien le comprendre, cela.
03:19 Pourquoi elle est en position de force ? Parce qu'elle a pris une position, et je ne parle pas de maudit, là.
03:24 Elle a pris une position clé sur le jeu de Go international, qui est d'être à la fois un leader des non-alignés,
03:32 à la fois un adversaire clair de la Chine, un ami sans être trop ami avec la Russie,
03:39 elle joue ce qu'on appelle dans la diplomatie indienne, dans les vieux textes de l'art de la guerre en Inde qui s'appelle l'art achastra,
03:45 elle joue la stratégie du Dwight Bajor, le double jeu.
03:49 Le double jeu, d'accord ? Donc elle est en position de force. Si la France ne vend plus ses Rafales, ses sous-marins,
03:56 parce qu'on va annoncer 3 sous-marins supplémentaires.
03:58 - 3 sous-marins aussi, oui. - Peu près évident.
04:00 - La France vend ses Rafales. C'est le changement. - Mais attendez, moi j'ai regardé le nombre total, bien sûr,
04:05 c'est très important de comprendre ça. Dassault aurait-il ou non besoin de l'Inde ?
04:10 - Hein, c'est bien la question. - Oui.
04:11 - Mais attendez, c'est pas Dassault. - Il en a besoin.
04:13 - Le gouvernement français. - Ben c'est le budget français.
04:15 - Bon, le budget français, combien ça représente cet achat de Rafales ?
04:19 - Alors, justement, c'est là où il y a tout le scandale, et qu'il faut aborder.
04:23 Des rétro-commissions du contrat de 2016, et pas seulement de l'ardoise fiscale qu'avaient un des intermédiaires.
04:29 - C'est-à-dire ? - Qu'est-ce qu'on appelle une rétro-commission ?
04:32 C'est que... Vous savez, moi ça a toujours été frappé quand j'étais à la Moissane,
04:35 mais avant, le nombre d'intermédiaires qui traînent...
04:38 - Qui traînent ? - Attendez, les avocats sont toujours dans la poche de quelqu'un,
04:41 dit un proverbe indien, mais vous saviez le nombre d'avocats indiens,
04:46 qui vivent à Paris, dans des appartements luxueux, et qui sont ces intermédiaires...
04:51 - Et qui vont toucher des commissions, là ? - Ils vont toucher des commissions, pour qui ?
04:56 Pour eux, bien sûr, mais vous savez, sur 3 000 milliards.
04:58 - Et pour qui ? - La campagne électorale de Narendra Modi, en 2019,
05:04 elle a coûté 3 à 4 milliards de dollars, la plus chère qu'on ait jamais vue en Inde.
05:10 Là, comme par hasard, on va signer des contraints avant la campagne électorale de 2024.
05:15 C'est quand même étonnant, n'est-ce pas ?
05:17 Donc les rétro-commissions, c'est une pratique classique, si vous voulez.
05:20 C'est pas la France qui choisit, c'est l'autre qui lui dit "écoute, tu vas vendre tes raffales,
05:24 moi je veux bien te les acheter, parce qu'il y a une cerise sur le gâteau."
05:28 C'est que ça permet de réduire l'influence de la Russie, comme fournisseur d'armes, numéro 1.
05:32 - Oui, c'est vrai. - Attention, attention.
05:33 Il faut que les Français ouvrent les yeux à 360 degrés.
05:36 - C'est vrai, vous avez raison. - Donc, voilà.
05:37 Alors la question c'est, puisqu'on ne peut pas faire du commerce d'armes sans que ça soit un peu sale,
05:41 à qui revient le boulot de nettoyer les écuries d'Ogias ?
05:44 Eh bien, c'est à la justice française.
05:47 Et il faudrait savoir quand même pourquoi le parquet de Paris financier
05:50 a jeté dans les oubliettes les demandes d'anticorps, justement, pour regarder d'un peu près tout ces affaires.
05:56 - C'est une question diplomatique. - Non, non, non, non, non, non, non.
05:59 Alors, c'est là où il faut une séparation des pouvoirs.
06:01 En Inde, on n'a pas de séparation et c'est ce que tout le monde condamne à propos de Modi et c'est tout à fait vrai.
06:06 Depuis quelques années, vous avez un phénomène en Inde que je n'avais jamais connu,
06:10 qui est la perte de l'équilibre des pouvoirs qui caractérise une démocratie.
06:13 - Ça veut dire que Modi... - En France, moi je suis quand même surpris
06:15 que le parquet financier ait rejeté la plainte en demande d'anticorps, enfin quand même.
06:20 On sait bien qu'il y a eu une remise fiscale de 150 millions d'euros
06:24 au numéro 1 qui est derrière Modi, Anil Ambani, le groupe Reliance,
06:28 qui comme par hasard va monter les rafales alors qu'il n'en a aucune compétence,
06:33 que c'est un affairiste et bien connu.
06:35 Et d'autre part, le plus grave, c'est pas ça, c'est les rétro-commissions qui en France...
06:40 Alors le monde, vous avez des journaux qui ont...
06:43 J'ai vu que Mediapart avait relancé le dossier fiscal, mais attendez, 150 millions, c'est rien.
06:48 - Oui, c'est rien. - La vraie question c'est 3 milliards. Pourquoi 3 milliards ?
06:52 Mon correspondant en Inde, enfin mes correspondants me disent, c'est la surfacturation.
06:56 - Si j'ai bien compris... - Un rafale coûte 120 millions et on les a payés 250.
06:59 - Il ne faut pas perdre de temps parce que j'ai une question essentielle à vous poser, Jean-Joseph Boileau.
07:04 C'est, si j'ai bien compris, la vente des rafales qui va en partie financer la future campagne de Modi.
07:09 - Elle va d'abord financer l'industrie militaire française, pas de défense, pas d'exportation.
07:15 - C'est vrai, l'industrie militaire française... - Non, non, mais attendez, les Français veulent le beurre et l'argent du beurre.
07:18 Ils veulent des rafales, mais ils ne veulent pas, donc il faut les exporter.
07:21 - Il faut qu'on défend, il faut vendre des armes. Il faut continuer à vendre des armes.
07:25 - Il faut vendre des armes, il faut vendre des sous-marins, il faudrait vendre aussi d'autres produits.
07:29 Pour l'instant, les Indiens achètent à 50% de l'aéronautique.
07:33 Attendez, j'aimerais dire quand même que les Indiens ont acheté pour 55 milliards d'airbus.
07:37 Alors, moi je veux bien qu'on parle des 7 milliards, parce que vous nous demandiez combien ils vont signer.
07:41 Ils vont signer à mon avis pour 7 milliards à peu près.
07:43 Chaque sous-marin c'est 1 milliard. - 55 milliards d'airbus ?
07:48 - Oui, oui, enfin, il faut quand même être sérieux ! Oh ! - Oui, oui.
07:52 - Les gens veulent, là encore, les gens veulent surtout pas de maudit, alors vous avez tous les experts qui sont là...
07:58 Hé ! C'est l'Inde ! Et l'Inde c'est 55 millions de... - Alors, dernière question sur l'Inde.
08:04 - Allez, sur l'Inde. - Jean-Joseph Boileau.
08:06 - Vous m'excuserez, ça peut véhement, mais il faut vraiment qu'on rééquilibre. - Vous avez raison.
08:09 - Ne vous excusez pas. - Bon, c'est gentil. - La véhémence est utile dans les débats et dans les réponses.
08:15 Dites-moi, Jean-Joseph Boileau, j'ai lu les échos comme vous, et dans les échos, Norman Modi insiste...
08:21 - J'ai un article de moi dans les échos, ce jour-là.
08:23 - Et il insiste, Modi, il insiste sur la volonté de l'Inde de faire partie du conseil de l'élarg...
08:31 Sur la volonté de l'Inde d'un élargissement du conseil de sécurité permanent des Nations Unies.
08:36 Il veut absolument que l'Inde soit membre de ce conseil permanent de sécurité.
08:41 Puissance nucléaire, ça paraît logique, non ?
08:43 - Non, mais attendez, 1,4 milliard... Enfin, quand même, quand même !
08:47 - Oui. - Même au FMI, j'ai regardé.
08:49 La part de l'Inde, c'est moins de 3%, c'est inférieur à la part de la France, au quota de la France.
08:55 Est-ce que c'est normal qu'au FMI, vous ayez les quelques puissances qui...
08:58 - Les cinq membres permanents ne veulent pas de nouveaux arrivants.
09:03 - Non, et aucun. Il faudrait être sérieux. Même la France n'en veut pas.
09:07 - Mais je sais. - Pourquoi ? Pourquoi ?
09:09 Parce que l'Inde, c'est pas un partenaire facile.
09:11 - Mais les Russes n'en veulent pas, les Américains n'en veulent pas, les Chinois n'en veulent surtout pas.
09:16 - Les Russes, ça passerait parce que...
09:18 Il y a beaucoup... C'est l'accord de 1971, où la Russie devient... Enfin, l'Urse devient un partenaire stratégique.
09:27 Pourquoi ? C'est parce que les Américains ont bloqué les commandes, les livraisons militaires au moment de la guerre avec le Pakistan.
09:33 Donc l'Inde ne veut plus jamais entendre parler des États-Unis, au sens d'une dépendance vis-à-vis des États-Unis.
09:38 - Et la Chine n'en veut pas non plus. - Mais non, la Chine n'en veut pas non plus.
09:41 Et alors, la France dit oui, vous savez pourquoi ?
09:43 Parce qu'elle sait que l'Italie n'en veut pas, et que les autres n'en veulent pas.
09:46 Donc la diplomatie française, vous savez, on dit beaucoup que les Indiens c'est des opportunistes,
09:50 et c'est vrai que l'art de la ruse est né là-bas, dans les fables du Panchatantra, dont La Fontaine a repris un certain nombre de fables.
09:58 La faiblesse, l'arme du faible, c'est l'opportunisme, la ruse, n'est-ce pas ?
10:04 Bon, et l'Inde, c'est les rois de cela.
10:07 Je ne dis pas que les Chinois ne sont pas bons dans la ruse, mais c'est une ruse plus musclée.
10:11 - D'ailleurs, l'art de la guerre... - Il y a une vraie rivalité entre l'Inde et la Chine aujourd'hui ?
10:15 Mais bien sûr, attendez, comme entre l'Allemagne et la France, là encore, il faudrait que les Français se regardent dans un miroir.
10:21 Ce qui empêche l'émergence d'une vraie puissance française multipolaire, c'est le fait qu'aujourd'hui elle déteste l'Allemagne.
10:29 J'ai tweeté hier, oh j'ai le culot de tweeter, que s'il y avait eu la guerre franco-allemande de 1945, la deuxième guerre mondiale, 39-40,
10:39 c'est aussi parce que Keynes avait bien dit, l'économiste britannique, qu'on avait fait l'erreur énorme du traité de Versailles,
10:45 avec des réparations de guerre terribles, on a mis la tête sous l'eau de l'Allemagne.
10:50 - C'est vrai, mais de nombreux historiens l'ont dit.
10:52 - Non, non, mais si vous aviez le nombre de tweets, de lobbies...
10:55 - Mais de moi, ce qui m'intéresse, c'est l'Inde et la Chine.
10:57 - Alors, même chose, on a fait affaire à deux géants, dans ce fameux traité d'Artachastras, que j'ai traduit en français d'ailleurs,
11:05 les français peuvent lire une partie de ce traité-là, il y a marqué l'art de la guerre, l'art de la diplomatie plus exactement,
11:11 deux voisins ne peuvent jamais s'entendre, c'est tout !
11:14 - Bon, eh bien merci Jean-Joseph Boileau, belle démonstration !

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