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Fruits et légumes : un cocktail de poisons invisibles
Croquer dans une pomme ou manger des épinards... adultes comme enfants, on a tous entendu cette incitation à manger des fruits et légumes. Mais la science avance et cette certitude vacille : une étude de la prestigieuse université de Harvard démontre les risques des résidus de pesticides très présents sur les fruits et légumes de l'agriculture conventionnelle. Ces invisibles poisons sont autorisés, contrôlés mais, en fait, on ignore encore leurs effets à long terme sur nos corps.

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Transcription
00:00 -C'est les fruits que j'en aime trop.
00:10 -Manger des fruits et légumes, c'est bon pour la santé.
00:15 -J'aime bien mettre la batte banane-fraise.
00:20 -J'aime aussi la quantité.
00:23 -Moi, je mets juste le fruit.
00:27 -Avec des vitamines, des minéraux, des fibres alimentaires,
00:31 cet apport quotidien permet de diminuer les risques de maladie.
00:36 -C'est bon.
00:38 -Plus largement, on estime qu'une consommation suffisante
00:43 de fruits et légumes réduit la mortalité de 36 %.
00:47 Sauf qu'un poison vient s'inviter dans ce tableau idéal,
00:52 les résidus de pesticides.
00:56 L'avancée de la science bouscule toutes les certitudes.
01:00 Est-on sûr de ne se faire que du bien
01:03 lorsque l'on mange des fruits et légumes ?
01:07 ...
01:19 Musique douce
01:22 ...
01:26 -Chaque Suisse consomme en moyenne 75 kg de légumes
01:31 et 24 kg de fruits par année.
01:33 En dehors de l'agriculture biologique ou sans pesticides,
01:37 la moitié de ce que l'on achète au marché ou dans les centres commerciaux
01:42 va contenir des résidus de pesticides.
01:45 Ce ne sont que des traces, mais de produits phytosanitaires
01:49 classés dans la catégorie des produits toxiques.
01:52 -En bio, je n'ai pas grand-chose.
01:56 -Les gens s'inquiètent des résidus de pesticides ?
02:00 -Non, pas de nos clientèles.
02:02 Je fais ce métier depuis quelques années.
02:06 Je suis encore là.
02:08 Ma belle-mère a moins supporté. Je plaisante.
02:12 ...
02:15 -Quand vous achetez les produits que vous vendez,
02:18 vous faites attention à ces questions-là ?
02:21 -On leur pose la question. On y va sur la confiance.
02:26 On est sensibles, nous aussi.
02:29 -On se dit que tout ça ne peut pas être si dangereux.
02:33 Sinon, ce serait interdit à la vente.
02:37 Mais la question trotte dans l'esprit.
02:40 Tout le monde a son avis.
02:42 -Les résidus de pesticides sur les fruits et légumes
02:46 vous inquiètent ? -Beaucoup.
02:48 -Pourquoi ? -On sait déjà
02:50 que dans certaines cultures, le pesticide est déjà dans la graine.
02:55 On s'inquiète.
02:57 On a déjà beaucoup de choses dans l'air
03:02 qu'on ingurgite tous les jours sans se rendre compte.
03:07 Si on peut déjà éliminer ça, c'est déjà une bonne chose.
03:11 -Vous êtes inquiète
03:13 à cause des pesticides ou des résidus de pesticides ?
03:16 -Oui. -Pourquoi ?
03:19 -Je n'ai jamais fait attention, ni les gamines mes parents.
03:22 J'ai survécu jusqu'ici.
03:25 Mes parents ont un jardin.
03:27 Maintenant, c'est plus ce qui vient du jardin.
03:30 Sinon, on ne fait pas attention à ce qu'on achète.
03:33 -Pareil. On ne fait pas attention dans la vie tous les jours.
03:37 -Comme sur toutes les agressions chimiques,
03:40 c'est eux qui devraient trouver des solutions à ça.
03:43 Ils savent produire des produits, mais ils n'ont pas le contrepoisant.
03:49 Ils devraient faire le contrepoisant avec le produit.
03:52 -C'est ça.
03:54 -Preuve que cette inquiétude n'est pas nouvelle.
04:04 Nous avons trouvé cette perle dans nos archives.
04:07 Un documentaire d'il y a 50 ans. C'était les débuts de temps présents.
04:11 La science n'était pas aussi avancée.
04:15 On utilisait les pesticides sans protection.
04:18 Et déjà, on s'interrogeait.
04:21 -La question est posée.
04:23 Est-ce que tout ce que nous mangeons et buvons
04:26 porte en soi des germes d'intoxication parfois irréversibles ?
04:29 Utilisation des oestrogènes,
04:32 traitement des cultures avec des engrais chimiques,
04:35 sulfatage des arbres fruitiers à l'aide de pesticides,
04:38 tout cela conduit-il à une grave pollution alimentaire ?
04:41 -Je pense qu'on peut rassurer les consommateurs
04:45 sur l'importance de la pollution alimentaire.
04:48 D'abord, on s'en préoccupe, on le contrôle.
04:51 Il y a un service fédéral de l'hygiène publique
04:55 qui contrôle la chose.
04:57 Il y a des normes très précises qui sont également surveillées.
05:01 Qu'il y ait dans nos aliments des substances étrangères indésirables,
05:06 personne ne le discute.
05:08 Mais est-ce que ces substances jouent un rôle nocif ?
05:11 C'est une autre question.
05:17 -Comme porte-parole de l'inquiétude de la population à l'époque,
05:20 on retrouve la déjà très active Fédération romande des consommateurs.
05:23 -Je crois que le public est assez angoissé.
05:26 Il a l'impression qu'on empoisonne actuellement.
05:29 On essaye de le rassurer, de lui dire que les contrôles sont faits.
05:34 Il revient toujours avec les mêmes questions.
05:37 -Et effectivement, 50 ans plus tard, ce sont les mêmes questions.
05:40 -Je trouve que c'est extrêmement inquiétant.
05:44 On ne sait plus comment on doit laver les fruits et légumes.
05:47 Il faut absolument les peler, en particulier pour les donner aux enfants.
05:50 Donc oui, c'est un sujet dont il faut s'occuper.
05:54 -Est-ce que tu aimes les fruits ? -Oui.
05:57 -Quels fruits tu aimes ? -Les fruits.
06:00 -Tu as quel âge, Alexis ? -6 ans.
06:04 -Quel est ton fruit préféré ? -Euh...
06:07 La passion.
06:09 -Il faut manger des fruits et légumes ? -Oui.
06:13 -Et pourquoi ? -Je ne sais pas.
06:16 -Les fruits et légumes, c'est à la fois de la couleur, des saveurs
06:19 et un délice culinaire. Mais c'est surtout bon pour la santé.
06:23 -Il est encore trop jeune pour connaître cette campagne.
06:26 -Il est recommandé de manger 5 portions de fruits et légumes par jour,
06:29 3 de légumes et 2 de fruits.
06:33 Une portion correspond à la quantité contenue dans le creux de sa main.
06:36 -Depuis 20 ans, l'OMS ancre ce message simple et efficace
06:40 sauf que la science avance.
06:43 Une étude toute récente, janvier 2022,
06:46 vient de tout bouleverser.
06:50 -L'exposition aux résidus de pesticides par le biais de l'alimentation
06:53 pourrait annuler l'effet bénéfique de la consommation de fruits et légumes
06:56 sur la mortalité.
07:00 -L'étude provient de la prestigieuse université de Harvard
07:03 et la méthode est convaincante.
07:07 Les scientifiques ont passé au crible les habitudes alimentaires
07:10 de 160 000 Américains sur 20 ans.
07:13 Ils les ont séparés en deux groupes.
07:16 Ceux qui mangent 5 fruits et légumes par jour
07:20 sans ou avec peu de résidus de pesticides
07:23 et ceux qui mangent 5 fruits et légumes par jour
07:26 connus pour contenir un taux élevé de résidus de pesticides
07:29 mais dans les normes autorisées aux Etats-Unis.
07:33 ...
07:36 L'étude est américaine.
07:39 Peut-on la transposer telle qu'elle en Suisse ?
07:43 Les Etats-Unis sont plus permissifs que nous sur les pesticides.
07:46 Ils épendent encore dans leurs champs 70 produits phytosanitaires
07:49 interdits chez nous depuis des années.
07:53 Mais l'agriculture suisse n'est pas en reste.
07:56 On recense 380 pesticides autorisés
07:59 et certains contestés pour leur toxicité.
08:03 Les résultats de ces pesticides sont sur la sellette.
08:06 ...
08:09 Donc l'étude de Harvard reste valide pour la Suisse.
08:13 ...
08:16 Les questions s'enchaînent.
08:19 Les résidus de pesticides annulent-ils les bienfaits
08:23 des fruits et légumes ? Comment sont fixés les dosages ?
08:26 Quel contrôle ? Quel impact dans notre corps ?
08:29 On trouve une 1re réponse
08:33 à la question de la résidence du chuve à Lausanne
08:36 avec le professeur Marc Augsburger.
08:39 -Si on avale par accident un pesticide,
08:43 qu'est-ce qui se passe dans notre corps ?
08:46 -Vous imaginez bien les conséquences,
08:49 tant au niveau du système nerveux central, éventuellement du coeur,
08:52 du mécanisme qui fait fonctionner les muscles.
08:56 On peut avoir des problèmes respiratoires, etc.,
08:59 avec des effets et des conséquences majeurs.
09:03 -Au niveau des résidus de pesticides, on ne sait pas grand-chose.
09:06 -Ce qu'on découvre petit à petit, c'est que, dans le fond,
09:09 c'est peut-être pas si anodin que ça,
09:12 mais peut-être qu'il n'y a pas de risque.
09:16 Il y a beaucoup de recherches qui doivent être effectuées
09:19 pour mieux comprendre ces interactions
09:22 entre des très faibles résidus et de savoir aussi sur la longueur.
09:26 Peut-être que si je suis exposé une fois en mangeant un abricot
09:29 qui a des très faibles résidus,
09:33 il ne va rien se passer, parce que mon organisme est capable
09:36 de se défendre face à ce stress ou cette agression.
09:39 Maintenant, si cet abricot, je le consomme tous les jours,
09:42 pendant 10 ans, pendant 20 ans,
09:46 toujours avec ces mêmes faibles doses,
09:49 là, la question est ouverte.
09:52 -Pour comprendre comment est fixée la dose journalière admissible,
09:56 il nous propose une expérience.
09:59 Le pesticide, c'est le sucre vert.
10:03 C'est commencé par la dose massive.
10:06 On est en train d'imager, dans le fond,
10:09 une situation où quelqu'un serait exposé,
10:12 volontairement ou accidentellement,
10:15 à des doses très importantes.
10:19 On va ajouter l'eau.
10:22 Vous voyez qu'on a une coloration très importante.
10:25 On voit encore que le sucre n'est pas encore complètement dissous.
10:29 Donc on est dans des doses vraiment très élevées.
10:34 -Le second pot reçoit l'équivalent d'une exposition directe moyenne,
10:38 celle éventuellement des agriculteurs ou des jardiniers.
10:42 -La substance est bien présente,
10:45 mais comme on peut s'attendre,
10:48 l'intensité de la coloration est nettement plus faible.
10:52 -Et pour les résidus de pesticides ?
10:55 -Là, on va prendre vraiment
10:59 une micro-spatule pour une micro-dose.
11:02 Alors, on voit que, dans le fond,
11:10 on n'a pas rien,
11:13 parce qu'on a une très, très faible coloration.
11:17 Et si on a zéro,
11:20 on n'aura vraiment rien.
11:23 Donc l'idée, on s'est dit,
11:27 on va faire un peu plus de doses,
11:30 mais ici, on est clairement en dessous de cette valeur-là,
11:33 mais il n'y a pas rien.
11:37 -Vu l'incertitude des connaissances, pour fixer les normes,
11:40 les autorités vont encore massivement augmenter
11:43 la marge de sécurité.
11:47 -On va prendre un facteur de sécurité,
11:50 souvent, c'est à peu près une multiplication par 100,
11:53 et on va définir comme ça la dose d'exposition admissible
11:57 pour ces valeurs-là.
12:00 Si on est exposé tous les jours, si on est plus bas que ces valeurs-là,
12:03 eh bien, on n'a pas les effets toxiques
12:07 qu'on pourrait observer ici.
12:10 -En Suisse, c'est l'Office fédéral de la santé alimentaire
12:13 qui fixe et actualise les doses journalières admissibles
12:17 pour chaque pesticide.
12:20 Le principe, en avoir le moins possible dans les champs,
12:23 et donc dans les aliments.
12:27 -C'est très important que les résidus de pesticides
12:30 ne présentent aucun danger pour la santé.
12:33 La base, c'est de respecter la bonne pratique agricole,
12:36 c'est-à-dire que les valeurs maximales doivent être les plus basses possibles
12:40 et juste suffisantes pour garder leur efficacité.
12:43 Dès lors, même si l'on devait constater une hausse,
12:46 ce qui est bien avec ce principe, c'est que ces valeurs maximales
12:50 seront toujours bien en dessous des exigences de sécurité sanitaire.
12:53 -D'où proviennent les informations ?
12:57 -Il y a des protocoles internationaux à respecter
13:00 et il y a différentes données fournies par les fabricants
13:03 qui sont ensuite évaluées par différentes agences,
13:06 par exemple spécialisées dans les effets sur l'être humain
13:10 ou spécialisées dans l'impact sur l'environnement, etc.
13:13 -Mais ça vient bien des fabricants.
13:16 -Oui, ça vient des fabricants, exactement.
13:20 -Est-ce qu'on devrait pas être un peu plus prudent ?
13:23 -Non, en fait, parce qu'on suit vraiment les règles
13:27 et on suit vraiment l'état des connaissances.
13:30 Et cela peut évoluer dans une autre direction.
13:33 On parle toujours d'une substance qui se révèle pire dans le futur,
13:36 mais il peut se passer exactement le contraire,
13:40 à savoir qu'une substance s'avère moins nocive.
13:43 -C'est vrai, mais l'évolution de la science
13:46 a permis d'identifier des cas particulièrement dramatiques.
13:50 Par exemple, les pesticides contenant du chlorpyrifos.
13:53 C'était l'insecticide le plus répandu en Suisse
13:56 pour traiter les légumes, les baies ou le raisin.
13:59 -On s'est aperçus que, dans le fond, pour cette molécule-là,
14:03 si on allait en dessous de ses valeurs admissibles
14:06 et qu'on avait une exposition foetale,
14:09 eh bien, ça engendrait des problèmes,
14:13 notamment au niveau du développement neurologique.
14:16 Peut-être des conséquences sur des retards mentaux,
14:19 des retards de développement au niveau foetal.
14:23 -Il ne s'agit pas d'une exposition directe.
14:26 -C'est une exposition directe.
14:29 -Le chlorpyrifos a été considéré inoffensif pendant 60 ans
14:33 avant d'être interdit en Suisse en juillet 2020.
14:36 La législation est fédérale, le contrôle cantonal.
14:39 Chaque année, dans toute la Suisse,
14:43 seuls 2 000 à 2 500 échantillons de fruits et légumes sont testés,
14:46 dont 1 000 à Genève, qui est le centre de compétences romand.
14:49 -C'est un peu comme un test de santé.
14:53 -Les produits proviennent aussi bien des magasins que des marchés.
14:56 Ils ne sont pas choisis au hasard,
14:59 comme l'explique le chimiste cantonal genevois Patrick Hédère.
15:03 -On fait ce qu'on appelle de l'analyse de risque.
15:06 On va regarder quels sont les produits
15:09 qui ont le plus de risque de contenir des pesticides.
15:13 Est-ce qu'il y a des nouvelles normes ?
15:16 Est-ce qu'il y a des nouvelles méthodes agriculturales ?
15:19 Est-ce qu'on peut en faire un test ?
15:23 Est-ce qu'on est plus dans des produits hors saison ?
15:26 On fait des plans de contrôle différents d'année en année.
15:29 ...
15:36 -Apprentie laborantine, Laura Maloriol teste un échantillon de fraises.
15:39 -On va rajouter du solvant.
15:43 C'est un liquide pour extraire le pesticide.
15:46 C'est le même style que de l'acétone pour le vernis à roue.
15:50 -Ca permet d'extraire le pesticide ?
15:53 -Oui, les différents pesticides.
15:56 On en regarde pas que un, mais 380 ou moins.
15:59 ...
16:05 -Est-ce que ça suffit, 2000 à 2500 contrôles par année sur la Suisse ?
16:08 -Ce serait insuffisant s'il n'y avait que nous.
16:11 Le 1er niveau, c'est les entreprises qui vont faire leur propre contrôle.
16:15 Elles sont tenues à ce devoir d'autocontrôle.
16:18 Il y a énormément d'analyses et de contrôles
16:21 qui sont faits via les producteurs et les importateurs.
16:25 On vient juste en renfort pour identifier
16:28 les manquements dans ces autocontrôles.
16:31 -Le résultat n'est pas public ?
16:35 -Non, on n'en a pas connaissance.
16:38 On sait parfois le nombre d'échantillons qui sont faits,
16:41 mais ils restent du domaine privé.
16:45 ...
16:48 -La responsabilité du respect des normes
16:51 en matière de résidus de pesticides repose donc sur les entreprises
16:54 qui vendent les fruits et légumes.
16:58 Mais ni les autorités ni les consommateurs
17:01 n'ont accès aux résultats de leurs analyses.
17:04 Du coup, ce sont les seuls 2000 à 2500 tests
17:08 effectués dans les laboratoires cantonaux
17:11 qui sont la source des données officielles,
17:15 et qui sont les plus récents.
17:18 -On observe qu'à peu près 40 à 50 % des échantillons
17:21 contiennent des résidus.
17:24 On est en agriculture conventionnelle,
17:28 l'usage des pesticides est parfaitement autorisé.
17:31 Par contre, on va retrouver assez fréquemment des résidus.
17:34 Les taux de non-conformité vont être très différents
17:38 selon les types de produits.
17:41 Globalement, les fois où on n'est pas dans les normes légales,
17:45 ça va dépendre après des catégories.
17:48 -Ce ne sera pas le cas de l'échantillon de fraises
17:51 qui a passé le test. Il contient 2 sortes de résidus de pesticides,
17:54 mais dans les doses réglementaires.
17:58 ...
18:01 On sait maintenant que les fruits et légumes frais
18:04 sont soumis à des tests.
18:07 Et les autres ? On en profite pour poser la question
18:11 aux chimistes cantonals.
18:14 -On peut préparer des sauces tomates ou des salades en sachet.
18:17 C'est aussi contrôlé ?
18:20 -Je vais vous faire une réponse de normand.
18:23 Oui, quand il s'agit d'un même produit.
18:26 Si j'ai une salade qui est mise sous sachet,
18:30 tant que j'ai qu'une même salade, je peux me référer à la norme.
18:33 Si je prends une salade où il y a du radis, de la carotte, etc.,
18:36 ça va être extrêmement compliqué.
18:40 Il faudrait que j'analyse chaque composant différemment
18:43 pour voir si les normes sont applicables à chaque composant.
18:46 Il n'y a pas de normes globales.
18:50 De la même manière, le paprika, c'est assez facile,
18:53 car c'est une épice, mais on va prendre une norme liée au poivron.
18:56 Le curry, qui est un mélange d'épices, c'est quasi impossible,
19:00 car on ne connaît pas les différents composants,
19:03 leur pourcentage et les normes qui vont être appliquées.
19:06 -Dès qu'il y a mélange, il n'y a plus de contrôle de l'Etat.
19:10 La responsabilité repose sur les producteurs
19:13 et les entreprises qui fabriquent le mélange.
19:16 Là encore, les résultats des tests ne sont pas publics.
19:20 Et puis, il y a les aliments importés des pays extra-européens,
19:26 là où l'usage des pesticides est souvent beaucoup moins réglementé.
19:30 -Là, nous avons constaté un fort pourcentage de non-conformité.
19:33 Environ 50 % des produits étaient non-conformes.
19:36 C'est pourquoi nous avons établi un programme
19:40 lors du passage de la frontière.
19:43 Nous y avons renforcé les contrôles de fruits ou légumes
19:46 très spécifiques en provenance de certains pays en particulier
19:50 afin de maîtriser ce risque.
19:53 -Nous sommes à l'aéroport de Zurich.
19:59 Dominique Eschbacher, du service vétérinaire des frontières,
20:02 va contrôler un arrivage tout juste déchargé d'un long courrier.
20:05 -Nous avons ici un mélange thaï en provenance de l'eau.
20:09 C'est un thaï, en provenance de Thaïlande,
20:12 que l'on peut utiliser pour se cuisiner facilement à un plat thaï.
20:15 C'est un mélange de légumes, et ce qui nous intéresse ici,
20:19 ce sont les piments verts. -Pourquoi ces piments verts ?
20:22 -Parce que, dans notre règlement, ils sont sur la liste
20:25 de ceux qui risquent d'être chargés en pesticides,
20:29 ceux qui sont beaucoup traités. C'est pourquoi nous devons veiller
20:32 à effectuer des tests réguliers pour retirer les mauvais
20:35 de la circulation. -Normalement, vous ne prenez pas
20:39 de piments verts, mais que recevez-vous ?
20:42 -Exactement. Dans ce cas, comme nous devons disposer
20:45 d'un kilo de piments, vous pouvez vous imaginer
20:49 combien de kits nous devrions ouvrir pour en extraire les piments.
20:52 Nous avons ici un cas spécial. Nous avons reçu ici
20:55 une petite quantité de ces piments verts, déjà emballés,
20:59 que nous pouvons envoyer.
21:02 -Etes-vous sûre que ces piments-là sont les mêmes que dans l'emballage ?
21:05 -Oui, c'est une question de confiance.
21:09 Nous ne pouvons pas tout contrôler, et nous partons du principe
21:12 que le client ne nous ment pas.
21:15 Tous les piments de Thaïlande sont analysés.
21:18 Tout se passe par nous. Nous vérifions tous les documents
21:22 et 20 % d'entre eux sont testés.
21:25 -C'est l'importateur qui prend en charge la totalité
21:28 des coûts de ces contrôles, y compris de la destruction
21:32 en cas de produits non conformes.
21:35 Qu'est-ce que c'est ?
21:39 -Ce sont des mucunuvénas du Sri Lanka.
21:42 C'est une herbe aromatique et c'est un envoi qui a échoué
21:45 au test de laboratoire. Il est trop contaminé.
21:48 Les pesticides étaient trop élevés.
21:52 -Quand on pense qu'il y a 5 ans, lorsque nous avons établi
21:55 pour la 1re fois le programme, on avait 50 % de non-conformité,
21:58 désormais nous en avons 10 %. C'est un réel succès.
22:02 En plus, on a pu accroître la prise de conscience
22:05 des entreprises et des entreprises en Thaïlande.
22:09 -Ce n'est pas une erreur de la France.
22:12 -On a fait un effort de la France pour faire en sorte
22:15 que les entreprises agroalimentaires
22:18 ou même des autorités gardent un oeil vigilant.
22:22 -Cette surveillance spécifique des marchandises importées
22:25 s'applique encore au thé, pistache, noix de cajou, sésame,
22:28 autant d'aliments qui se trouvent sur la liste
22:31 des produits considérés à risque.
22:35 -Laver ces fruits et légumes, les peller ou les cuire,
22:38 est-ce une solution pour éliminer les résidus de pesticides ?
22:41 -Pas pour les pesticides, malheureusement.
22:45 La plupart des produits sont dits systémiques,
22:48 ça veut dire qu'ils pénètrent vraiment dans le fruit
22:51 ou dans le légume. D'ailleurs, certains ne sont pas appliqués
22:55 qu'à la fin, des fois, à la fleur, tout au long de la culture.
22:58 Ils vont pénétrer dans la plante, dans le fruit, le légume.
23:02 Donc, pour les laver, les frotter, etc.,
23:05 ça ne va pas enlever les pesticides.
23:08 -Seul moyen d'être sûrs de n'avoir aucun résidu de pesticides,
23:11 c'est de consommer des fruits et légumes bio.
23:15 Mais sont-ils fiables ?
23:18 -On les contrôle régulièrement.
23:21 Je crois que l'année dernière, on en a fait à peu près 200,
23:25 entre 150 et 200.
23:28 On fait des plans de contrôle réguliers sur les produits bio.
23:32 Il y a à peu près 97 % des produits où il n'y a rien du tout.
23:35 Vraiment, ils sont bio de bio.
23:38 Et un peu comme partout, 2-3 % des fois,
23:41 où on trouve de petites traces de pesticides qui ne seraient pas autorisées.
23:45 -Le problème, c'est qu'il faut avoir les moyens.
23:48 Le bio suisse est fiable, mais cher, très cher.
23:51 Nous avons voulu le vérifier au moment du tournage,
23:54 en juillet 2022, en achetant quelques fruits bio et non bio
23:58 dans l'une des plus grandes enseignes de Suisse.
24:01 Les abricots suisses bio
24:04 coûtaient le double des non bio, soit 17,90 francs le kilo.
24:08 Même rapport de prix pour les tomates cerises,
24:11 à 23,20 francs le kilo.
24:14 Et encore pareil pour les pommes galas,
24:18 6,30 francs le kilo.
24:21 Sous ces immenses serres en verre,
24:31 la piscine à Genève produit chaque année
24:34 quelques 900 tonnes de légumes.
24:38 Et ils sont sans pesticides.
24:41 C'est une approche radicalement différente.
24:44 ...
24:48 ...
24:51 Jérémie Blondin nous fait visiter son domaine.
24:54 -Ca sent bon, ici.
24:58 -On a tout un tas d'herbes aromatiques, des basilics,
25:01 des pommes, des pommes, des pommes de terre.
25:04 -Le domaine fait de la recherche pour trouver des solutions
25:08 sans pesticides efficaces en termes de production,
25:11 de qualité, mais aussi de prix. Une contrainte,
25:14 car les Suisses consacrent en moyenne seulement 13 % de leur budget
25:18 à la nourriture.
25:21 -On parle jamais de la valeur des produits alimentaires,
25:24 on parle toujours du prix.
25:27 Le consommateur privilégie souvent l'article "meilleur marché".
25:31 -C'est la qualité.
25:34 -Vous y arrivez, à produire sans pesticides ?
25:37 -Jusqu'à aujourd'hui, ça marche.
25:41 On a une maladie qui nous pose problème,
25:44 où il n'y a pas de solution biologique pour se protéger.
25:47 On fait de la sélection de variétés.
25:51 -Le plus grand danger, ce sont les maladies ou les insectes
25:54 qui arrivent de l'étranger, par exemple la punaise diabolique.
25:57 -Ca, c'est un peu le char d'assaut des insectes.
26:01 C'est résistant à toutes les solutions qu'on a.
26:04 Il y a un auxiliaire, un prédateur naturel,
26:07 qui vient d'Asie.
26:11 Actuellement, on ne peut pas importer ce prédateur naturel
26:14 de l'Asie en Suisse. Il y a des essais qui sont en train de faire
26:17 pour voir si ça peut être utilisé, si ça ne posera pas de problème
26:21 dans les écosystèmes.
26:24 -Le domaine des matines, c'est spécialisé dans les tomates
26:27 sans pesticides. Pour visiter cette serre particulière,
26:31 pour limiter les risques, pour éviter qu'on puisse ramener
26:34 des virus, des bactéries à l'intérieur des cultures,
26:37 tous les visiteurs et personnes externes de l'entreprise
26:41 sont équipés avec des surbottes, une blouse et des gants.
26:44 Je vais vous donner tout ça.
26:46 -Validé ? -Validé.
26:53 -L'infrastructure a coûté des millions d'investissements
26:56 au fil des ans.
26:59 -Vous êtes vraiment dans les coulisses de l'entreprise.
27:02 -Les plantes sous les serres ne poussent pas dans la terre.
27:05 Elles ne sont donc pas bio. Mais en 2020, elles ont obtenu
27:08 le label "cultivées sans pesticides de synthèse".
27:12 -On est dans la serre numéro 2.
27:15 On fait de la culture sous-abri.
27:18 Ici, on est dans une serre verte et on se protège du climat.
27:21 Ca permet de se protéger de la pluie, du chaud,
27:25 pour cette semaine, du vent, de l'eau.
27:28 Le but, c'est de laisser les problèmes à l'extérieur.
27:31 -C'est comme si vous essayiez de contrôler le climat.
27:35 -On essaie de contrôler ce qu'on peut contrôler.
27:38 -Pour abolir les pesticides, il faut éviter que la plante
27:41 se fragilise.
27:44 -Si on parle du toit, vous avez les aérations qui sont ouvertes
27:47 qui permettent à la chaleur de sortir.
27:50 Si vous regardez sur l'étrayis, en forme de triangle,
27:53 on a des écrans thermiques qui permettent de rendre la serre
27:57 plus sable, qui offre également une plombe aux plantes.
28:00 Et on a une ligne qui passe au milieu, en inox,
28:03 c'est la brumisation.
28:05 Ici, on a une sonde qui nous mesure la température, l'humidité
28:13 et aussi le taux de CO2.
28:17 Ca permet de savoir ce qui se passe dans la serre.
28:21 -C'est un peu une serre 3.0 que Jérémy Blondin
28:27 peut contrôler depuis son téléphone.
28:30 -On est connecté 24h/24. En cas de problème, j'ai un appel.
28:33 Quand je dors ou que ce soit un jour férié, il faut venir.
28:36 Ici, par exemple, sur mon téléphone, je peux voir,
28:40 j'ai l'accès sur ma station météo, il fait 25,4 degrés à l'extérieur.
28:44 Et là, actuellement, dans la serre, j'ai 25,8,
28:47 c'est la sonde qui mesure, avec une humidité de 72 %.
28:55 -Le 2e danger qui entraîne l'utilisation des pesticides,
28:58 ce sont les ravageurs. Jérémy Blondin a trouvé des solutions naturelles.
29:03 -On utilise des bons insectes, qu'on appelle des auxiliaires,
29:08 qu'on va introduire, développer dans les cultures
29:11 et qui vont protéger nos cultures des insectes ravageurs
29:15 qui vont faire des dégâts sur les cultures.
29:17 -C'est comme les coccinelles, quand on a son jardin.
29:21 -C'est exactement ça. On a des insectes différents
29:24 et on va les contrôler.
29:26 -Ici, par exemple, je trouve un de ces macrolophus,
29:30 qui sont nos insectes auxiliaires.
29:32 Le but, quand on fait les observations,
29:35 c'est aussi de les compter et de faire des observations
29:39 d'une semaine à l'autre pour voir si la population augmente ou diminue.
29:43 -Vous faites ce contrôle tous les jours ?
29:46 -Tous les collaborateurs de l'entreprise sont formés
29:49 à la détection, parce qu'ils travaillent dans les lignes
29:53 de la nature. C'est un équilibre fragile.
29:55 -C'est très fragile.
29:57 ...
30:05 -En 20 ans, les progrès de la science ont permis de réaliser
30:08 les dangers sanitaires des pesticides répandus dans nos champs.
30:12 Les plus nocifs ont été interdits.
30:15 Parmi les pesticides qui restent autorisés en Europe,
30:18 les plus toxiques sont en phase de substitution depuis 2011.
30:22 Il est prévu de les diminuer de moitié d'ici 2030. Rassurant ?
30:26 En fait, pas tellement, si l'on en croit l'ONG Pan Europe,
30:29 basée à Bruxelles.
30:31 Dans une étude parue en mai 2022, ils ont décrypté
30:35 10 ans de données officielles sur ces fameux résidus de pesticides
30:38 les plus toxiques, ceux qui doivent être réduits d'ici 2030.
30:42 Leur conclusion est extrêmement inquiétante.
30:45 ...
30:48 Les citoyens européens ont été exposés à une augmentation
30:52 spectaculaire de la fréquence et de l'intensité des résidus
30:55 de pesticides les plus toxiques sur les fruits et légumes
30:59 vendus dans l'Union européenne. Ce rapport et sa principale conclusion
31:03 contredisent les affirmations officielles selon lesquelles
31:06 l'utilisation des pesticides toxiques est en baisse
31:09 et que les niveaux de résidus dans les aliments sont sous contrôle.
31:13 ...
31:15 Salomé Roanel est porte-parole de l'ONG Pan Europe.
31:18 -On ne s'attendait pas à des résultats aussi spectaculaires,
31:22 mais l'idée, c'était de tirer la sonnette d'alarme.
31:25 Aujourd'hui, l'Union européenne et l'ensemble des Etats membres
31:28 se sont fixés l'objectif de réduire par 50 % l'utilisation
31:31 de ces pesticides les plus toxiques d'ici 2030.
31:34 Au cours des 10 dernières années, on a peu au prouf et à l'inverse.
31:38 ...
31:42 -Elle résume l'ampleur du problème en 4 fruits.
31:45 -Par exemple, ici, des pêches, qui font partie des produits
31:50 qui sont les plus contaminés.
31:55 On a des poires, des pommes.
31:57 Avec les kiwis, on est sur le top 4 des produits
32:02 qui ont connu une croissance de contamination la plus rapide
32:05 au cours des 10 dernières années.
32:07 -La pomme, numéro 1 des ventes de fruits,
32:11 contient des résidus de pesticides parmi les plus toxiques,
32:14 en particulier ceux de Hollande ou du Portugal.
32:17 Et il y a les fraises aussi.
32:20 -Les consommateurs devraient être au courant
32:25 que 50 % des fraises qui sont produites dans l'Union européenne,
32:28 qui sont censées être des produits locaux,
32:31 sont contaminées par au moins un des pesticides les plus dangereux
32:35 qui sont mis sur le marché.
32:38 Pommes, poires, kiwis, fraises,
32:40 mais pas seulement tous les fruits sont concernés.
32:43 Et ces fruits européens sont ceux que l'on retrouve aussi chez nous.
32:47 -En 2011, 18 % des fruits étaient contaminés
32:57 par des résidus de pesticides les plus toxiques.
33:00 Ils étaient 29 % en 2019.
33:03 En moyenne, en 9 ans, cela représente une augmentation de 53 %.
33:09 -Il y a 10 ans, sur 100 fruits,
33:10 on en avait une vingtaine de contaminés
33:13 par ces pesticides les plus toxiques.
33:15 Aujourd'hui, on en a 30.
33:17 Ce qui signifie que les probabilités qu'un consommateur choisisse
33:21 un produit qui contient des résidus de ces pesticides
33:24 n'ont fait que grandir au cours de ces années.
33:26 -Pour les légumes, l'augmentation est un peu moins drastique,
33:30 mais de 20 %, tout de même, et certains en particulier.
33:34 -Typiquement, on a les concombres qui en font partie.
33:37 On compte aussi les épinards ou la salade.
33:40 Un certain nombre de légumes qui sont verts
33:42 est associé à une connotation très détox ou healthy.
33:45 C'est là que le babelaise, car ce sont les plus contaminés.
33:49 -Le pire des légumes, selon l'étude, c'est le céleri.
33:52 54 % contiennent des résidus de pesticides
33:56 parmi les plus toxiques, en particulier ceux en provenance d'Italie
33:59 ou d'Espagne.
34:01 Mais l'étude PanEurope révèle une autre inquiétante progression.
34:05 Il y a de plus en plus un mélange de résidus de différents pesticides
34:09 dans nos fruits et légumes.
34:11 -En 2019, plus d'un tiers des fruits contaminés
34:14 contenaient un cocktail d'au minimum 2 pesticides
34:17 parmi les plus toxiques.
34:19 -10 % des fruits contiennent plusieurs pesticides.
34:27 C'est un risque qu'on appelle l'effet cocktail.
34:30 -Vous avez déjà entendu parler de l'effet cocktail ?
34:34 -Pas du tout, non.
34:35 -Non, jamais entendu parler de l'effet cocktail.
34:38 -On en entend parler, oui, mais voilà.
34:41 -Ca vous inquiète pas ? -Pas à mon âge, non.
34:43 -Et pour les jeunes générations, pour le futur ?
34:47 -Il faut que nous nous débrouillions.
34:49 -Je crois que c'est le fait d'accumuler...
34:52 On peut avoir une petite dose, mais si on consomme beaucoup de produits
34:57 avec des faibles doses de résidus, ça crée un problème.
35:02 -L'effet cocktail,
35:03 le chimiste cantonal le connaît bien.
35:06 -Oui, bien sûr, parce que dès le début,
35:09 on s'est rendu compte que quand on faisait une analyse,
35:12 on trouvait pas un pesticide, mais 2, 3, 4, parfois 12.
35:16 Si on imagine en plus une assiette globale sur une journée,
35:19 ça représente quand même pas mal de substances.
35:22 Aujourd'hui, c'est vrai que les normes légales
35:25 ne tiennent pas du tout compte des effets de mélange
35:29 ou des effets d'additivité, par exemple,
35:32 mais on a toujours des normes par substance.
35:34 -Effet de mélange, d'additivité, c'est complexe.
35:38 Nous avons demandé l'aide de Martin Wilks,
35:41 directeur du Swiss Centre for Applied Human Toxicology,
35:44 un groupe d'experts qui conseille notamment le gouvernement
35:48 sur des questions scientifiques.
35:50 Malheureusement, M. Wilks a le Covid au moment du tournage.
35:54 Nous l'appelons par Zoom.
35:55 Comment allez-vous, M. Wilks ?
35:59 -Je vous remercie. Je me sens déjà mieux.
36:01 -Tant mieux.
36:02 Avec votre institut, vous avez beaucoup étudié l'effet cocktail.
36:08 Mais qu'est-ce que c'est, l'effet cocktail ?
36:12 -Dans ce cas, on parle d'effet cocktail
36:16 lorsqu'il s'agit de résidus de produits phytosanitaires
36:20 dans les aliments,
36:22 lorsque plus d'une substance est détectée.
36:29 On parle alors de résidus multiples.
36:33 Cela signifie que plus d'un produit phytosanitaire
36:37 peut être détecté dans un échantillon donné.
36:41 Un effet cocktail pourrait se produire
36:44 si ces résidus se combinent spécifiquement entre eux
36:47 et pourrait avoir des effets sur la santé.
36:54 -Pouvez-vous nous donner des exemples ?
36:57 -Prenons par exemple le traitement des fraises.
37:02 Si l'agriculteur se rend compte
37:05 qu'il doit utiliser un insecticide à cause d'une invasion,
37:10 il peut le faire.
37:12 Mais il se peut aussi qu'il ait une attaque de champignons
37:16 sur les fraises.
37:18 Dans ce cas, il utiliserait un autre produit.
37:21 Cela signifie que si je récolte ensuite les fraises,
37:25 des résidus des deux produits peuvent être éventuellement détectés.
37:29 -Lorsque deux pesticides sont combinés,
37:39 ils produisent chacun un effet, qui peut être une simple addition.
37:43 Un effet + un effet = deux effets.
37:47 Mais en chimie, les substances interagissent et s'influencent.
37:51 On peut donc imaginer que deux pesticides ensemble
37:54 diminuent ou annulent leur action.
37:57 Mais ça n'aurait pas de sens en agriculture.
38:00 Le 3e cas est celui qui nous interpelle le plus.
38:03 Parfois, un pesticide combiné à un autre pesticide
38:07 démultiplie l'effet final,
38:09 qui pourrait devenir 10 fois plus efficient.
38:13 On parle d'effet multiplicateur ou synergique.
38:17 Et c'est exactement ce que les agriculteurs recherchent.
38:23 Ils mélangent les pesticides pour accroître leur efficacité
38:27 contre une maladie ou des insectes.
38:30 Comment être sûr que l'effet de ces mélanges
38:32 n'agit pas de la même manière sur l'être humain
38:36 lorsqu'il mange des fruits et légumes
38:38 qui contiennent des résidus de ces produits ?
38:41 -C'est un défi pour la science
38:43 et pour les autorités de régulation.
38:47 Nous avons beaucoup de substances différentes
38:50 et donc potentiellement beaucoup de mélanges différents.
38:53 Il est impossible d'étudier tous ces mélanges
38:57 de manière à être sûr de n'avoir aucun effet.
39:02 -Comme on sait qu'il y a 380 pesticides autorisés en Suisse,
39:07 le nombre de possibilités d'effet cocktail est infini.
39:16 Cependant, ces effets de synergie sont extrêmement rares.
39:20 Pourquoi ? Parce que la quantité de résidus est si faible
39:25 que même s'il y a une amplification,
39:28 l'effet global sera si petit qu'il ne devrait pas causer de dommages.
39:33 -Par prudence, ne devrait-on pas limiter le nombre de pesticides ?
39:39 -La question est de savoir comment faire au cas par cas.
39:44 Le principe de précaution est l'un des fondements
39:47 de la manière dont nous prenons des décisions
39:51 et dont nos autorités de régulation devraient prendre des décisions.
39:56 Mais dans la pratique, ce n'est pas si simple.
39:59 Je dois introduire une limitation des quantités
40:03 ou interdire d'utiliser plus de 2 substances ?
40:07 Si oui, lesquelles ?
40:09 Le problème, c'est que nos agriculteurs ont besoin
40:13 d'un arsenal de mesures qu'ils pourraient utiliser.
40:16 Si je limite à 1 ou 2 substances,
40:19 je vais voir se développer des résistances en peu de temps.
40:23 Cela signifie que les produits ne seront plus efficaces.
40:27 Nous devrions réduire l'utilisation des produits phytosanitaires.
40:31 -L'argument n'est pas à négliger.
40:35 Un usage trop fréquent
40:37 d'un seul pesticide peut entraîner le développement
40:41 de résistances définitives des maladies ou des insectes.
40:45 Cela explique aussi pourquoi les fruits et légumes
40:49 contiennent de plus en plus de résidus multiples.
40:52 Comment faire autrement ?
40:55 Réduire encore les dosages ? Être plus strictes ?
40:59 Les producteurs redoutent un impact radical
41:02 sur l'agriculture conventionnelle, ce que confirme Jérémy Blondin,
41:06 qui a un avis à la culture sans pesticides.
41:09 -On ne pourrait pas produire de tout et suffisamment.
41:13 Quand on parle d'une législation plus sévère,
41:16 c'est déjà le cas aujourd'hui.
41:19 Les cultures plein champ sont plus fragiles à ce niveau-là
41:23 car elles sont en plein air.
41:26 Plus de problématiques arrivent.
41:28 Il y aura une diminution de la production,
41:32 de la sécurité alimentaire
41:34 et de la diminution du volume.
41:37 -La betterave à sucre en est l'illustration.
41:40 En 2019, les pesticides à base de néonicotinoïdes,
41:44 trop dangereux, sont enfin interdits.
41:47 Un an plus tard seulement, un puceron porteur de la jonis
41:51 que seul ce pesticide pouvait combattre, fait des ravages.
41:55 La France et 10 autres pays européens cèdent
41:58 et acceptent de réintroduire le pesticide pour 120 jours par an.
42:03 Le pays a perdu la moitié de ses récoltes de betterave à sucre.
42:07 -Il y a des cultures qui risquent de disparaître.
42:11 Les agriculteurs parlent du colza qui risque de poser des soucis.
42:15 Dans les légumes, il y a beaucoup de produits.
42:18 La carotte ou des choses du genre.
42:21 Le maraîchage serait en danger.
42:32 -Pourtant, il faut bien agir.
42:34 Les découvertes scientifiques démontrent un lien
42:37 entre résidus de pesticides par l'alimentation
42:40 et une modification structurelle de l'ADN.
42:43 -Certains collègues ont fait ces études
42:47 avec des très faibles doses de pesticides.
42:51 En général, ils essaient de prendre les doses admissibles journalières
42:57 et vont exposer soit des modèles cellulaires
43:00 soit des modèles animaux, comme avec des souris.
43:03 Ils vont les exposer à des très faibles doses
43:07 et ils vont regarder les modifications.
43:10 -Il ne s'agit pas d'une mutation de l'ADN,
43:16 mais d'une modification structurelle de l'ADN.
43:19 Un peu comme si on changeait non pas un ingrédient,
43:23 mais une virgule dans le texte d'une recette de cuisine
43:27 qui permettrait d'interpréter la recette
43:30 et d'avoir un plat un peu différent au final.
43:33 Le problème, c'est que cette modification va se transmettre.
43:40 -Ces changements vont se retrouver dans une ou deux générations,
43:49 alors que les nouvelles générations ne seront pas exposées
43:53 aux substances qui nous intéressent.
43:56 Derrière ça, se posent des tas de questions
43:59 de savoir quel est le rôle de ces modifications de l'ADN,
44:04 qui ne sont pas des mutations,
44:06 mais qui vont peut-être faire qu'on va pouvoir avoir
44:10 une expression plus ou moins importante de tel ou tel gène
44:14 qui pourrait être plutôt même protecteur
44:17 et pas forcément délétère.
44:19 -On fait un santé.
44:23 -Santé ! -Santé !
44:25 -Protecteur et pas forcément délétère,
44:28 c'est la note positive que l'on espère au moins
44:31 pour les générations futures.
44:34 Mais jusqu'à ce que la science puisse y répondre clairement,
44:38 limiter les dosages semble bien minimal comme mesure de précaution.
44:42 Car la question des effets à long terme
44:45 de ces multiples résidus de pesticides reste ouverte.
44:48 Et en attendant, on mange des fruits et légumes innocemment
44:52 en pensant ne se faire que du bien.
44:55 -Ce que je voulais faire, c'était ça.
44:58 -Oh ! -Pas mal, hein ?
45:00 -Très sympa.
45:01 -T'as vu les tranches de citron ?
45:03 -Je vais pas y remettre tout ce que j'ai.
45:06 -Ca va être très sympa.
45:08 -Je vais les obtenir.
45:10 -T'as vu, il n'est pas beaucoup trop grand.
45:13 ...

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