Documentaire Sur Les Canaux De Paris.
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00:00 Les canaux de Paris, le canal Saint-Denis, le canal Saint-Martin et le canal de l'Ourc.
00:07 Ces trois voies d'eau représentent un patrimoine industriel exceptionnel.
00:12 Prenant sa source à près de 100 km de la capitale, le canal de l'Ourc traverse 2 régions, 5 départements et 43 communes,
00:21 avant de rejoindre Paris et les deux autres canaux jusqu'à la Seine.
00:25 Ces voies d'eau dessinent le visage de la capitale depuis le 19e siècle.
00:30 Leur construction a représenté un défi hors du commun, un chantier titanesque qui a duré plus de 20 ans.
00:37 - C'est avec des pelles, des houles, des brouettes et des prisonniers.
00:42 Cette méga structure hydraulique renferme des secrets totalement méconnus du grand public.
00:47 - Cette partie cachée du canal Saint-Martin, très peu de gens la connaissent.
00:50 Mais aussi des prouesses d'ingénierie comme ces oculis toujours utiles aujourd'hui.
00:55 - C'est pensé comme un élément qui doit perdurer dans le temps. C'est un élément qui dure et qui doit passer les siècles et les décennies.
01:02 Depuis 200 ans, leur mission est de transporter de l'eau et des marchandises.
01:07 Mais pour permettre la navigation des bateaux, les ingénieurs ont dû relever d'immenses défis technologiques,
01:13 comme construire 26 écluses dont une de 10 mètres de haut, l'équivalent d'un immeuble de 3 étages.
01:19 - Cette écluse avait une particularité, donc elle a été la plus haute d'Europe parce qu'elle avait une dénivelé de 10 mètres.
01:25 Il a fallu ériger aussi des ponts tournants. L'une des plus grandes roues à eau de l'époque est le premier pont-levant hydraulique de Paris.
01:34 - En mettant une pression de 3 bar, c'est-à-dire la pression de l'eau du robinet, vous créez un déséquilibre qui vous permet de monter le pont.
01:45 Aujourd'hui, ces canaux sont surveillés 24 heures sur 24 pour garantir une sécurité maximale de leurs installations.
01:54 - Une écluse qui ne fonctionne pas, il n'y a plus de bateau qui passe. C'est très simple.
01:58 L'entretien de ces 130 km de voies d'eau constitue une mission indispensable à leur bon fonctionnement.
02:05 Nous allons vous faire découvrir toutes les inventions mises en œuvre pour bâtir de tels ouvrages d'art,
02:12 comment les architectes et ingénieurs ont réussi à maîtriser l'eau pour mieux la distribuer,
02:17 et comment les canaux se sont réinventés pour rester à la pointe de l'innovation.
02:23 Nous allons vous dévoiler les secrets des canaux de Paris.
02:37 A l'instar de la Tour Eiffel ou du Louvre, les canaux de Paris sont des repères incontournables de la capitale française.
02:44 Au nombre de trois, le plus emblématique est le canal Saint-Martin.
02:49 Construit en plein Paris, reliant la Seine au bassin de la Villette, il traverse la ville sur 4,5 km,
02:56 dont plus de la moitié coule secrètement sous les rues de la capitale.
03:00 Il propose une navigation de plaisance et attire des dizaines de milliers de touristes chaque année.
03:06 Le deuxième canal, le canal Saint-Denis, long de plus de 6 km, relie la Seine et le bassin de la Villette.
03:13 Sa vocation principale est le transport de marchandises.
03:17 Enfin, le canal de Lourdes, au nord-est de la ville, est le plus long et le plus ancien des trois canaux,
03:23 s'écoulant sur presque 100 km au-delà de Paris.
03:27 S'ils font partie du quotidien des touristes et des Parisiens, les canaux restent largement méconnus
03:35 et cachent d'étonnants secrets.
03:37 - Les Parisiens, à chaque fois, quand ils voient les canaux, voient un mystère.
03:40 Parce que je vois plein de Parisiens qui regardent les canaux.
03:42 Ils savent pas toujours à quoi ça sert. Ils savent pas d'où ça vient.
03:46 Découvrir l'histoire des canaux, c'est découvrir tout un aspect de l'histoire de Paris.
03:51 Mais à quoi servent les canaux ? Pourquoi ont-ils été construits ?
03:56 Pour le savoir, il faut remonter au 19e siècle.
04:00 À cette époque, Paris voit sa population considérablement augmenter.
04:05 Le problème, les habitants manquent d'eau potable.
04:08 Ils boivent l'eau de la Seine, mais à l'époque, elle est insalubre.
04:13 - Paris, à l'époque, n'a pas d'égout. Et donc, toutes les eaux polluées sont rejetées dans la Seine.
04:20 Et donc, on repompe cette eau pour la distribuer en eau potable à Paris,
04:25 ce qui va engendrer d'énormes pollutions et d'énormes épidémies qui vont frapper Paris.
04:31 Napoléon Bonaparte, alors premier consul, veut renforcer sa popularité.
04:36 Il décide donc d'améliorer les conditions de vie des habitants.
04:40 - Un jour, le consul Bonaparte se promène avec le préfet Chaptal dans Paris et dit
04:45 « qu'est-ce que je pourrais amener aux Parisiens qui leur feraient plaisir, qui pourraient leur servir ? »
04:49 Et le préfet Chaptal aurait répondu « de l'eau ».
04:52 Napoléon Ier reprend alors d'anciens projets architecturaux avec un objectif,
04:58 amener de l'eau potable aux Parisiens depuis les campagnes.
05:03 Pour cela, il décide d'aller chercher l'eau à 66 km à vol d'oiseaux de Paris.
05:08 Là-bas coule une rivière, l'Ourc, facilement accessible.
05:13 Ce canal va avoir une autre fonction essentielle.
05:20 - On va décider d'amener l'eau potable, mais aussi que ce canal serve au transport de marchandises,
05:26 à l'approvisionnement de la capitale en marchandises.
05:28 Donc ça va être la grande spécificité de ce canal parisien.
05:33 Et 200 ans plus tard, c'est toujours sa spécificité.
05:37 C'est même l'activité la plus importante et spectaculaire sur les canaux.
05:43 Tous les jours, d'énormes péniches remplies de tonnes de sable ou de béton empruntent ce réseau hydraulique.
05:49 Et ce sont ces immenses structures métalliques qui leur permettent de franchir leur parcours.
05:54 Les écluses. Au total, les 3 canaux parisiens n'en comptent pas moins de 26.
06:01 - Les écluses, ça sert en fait à passer d'un point haut en fait à un point bas.
06:08 Donc si on prend l'exemple du canal Saint-Martin, on part du bassin de la Villette en fait,
06:14 que le point haut est le réservoir d'eau pour les canaux mais aussi pour l'eau potable.
06:20 Il faut passer d'un point haut à un point bas la Seine.
06:24 Les écluses reposent sur le principe des vases communicants.
06:28 Pour un bateau qui souhaite descendre le canal, les premières portes de l'écluse s'ouvrent en amont.
06:33 Puis une fois le bateau passé, elles se referment pour que le sas puisse se vider progressivement
06:39 jusqu'à ce que le niveau d'eau soit identique à celui du canal en aval de l'autre côté de la 2e porte.
06:46 Il ne reste plus qu'à ouvrir celle-ci pour que le bateau continue sa route quelques mètres plus bas.
06:53 La technique paraît simple mais il a fallu résoudre un problème pour éviter tout danger.
07:00 Contrairement à ce qu'on imagine, il serait absolument impossible d'ouvrir les portes d'un seul coup
07:06 à cause des très grandes masses d'eau qui créent une énorme pression de plusieurs barres sur celle-ci.
07:11 La force de l'eau est telle que si on ouvrait brutalement les portes de nos écluses,
07:18 elles exploseraient, elles seraient arrachées de leur pivot.
07:21 Il y aurait une masse d'eau telle que ça pourrait inonder tout le voisinage, la voie publique, les capes d'immeubles.
07:29 Ça pourrait provoquer d'énormes dégâts.
07:33 Dès le début de leur construction au 19e siècle, on a aménagé un élément clé dans ces premières écluses.
07:40 Ce sont les ventelles.
07:42 Situées dans les portes, ces petites ouvertures coulissent verticalement dans des glissières.
07:48 Les ventelles font office de vanne pour contrôler le passage de l'eau et équilibrer les niveaux de part et d'autre.
07:59 Dans la conception des écluses, une autre solution a été trouvée pour maîtriser la pression de l'eau s'exerçant sur les portes.
08:07 Les portes au canal Saint-Martin ne sont pas droites, elles sont en angle.
08:11 C'est pour absorber la pression de l'eau.
08:13 Et la pression, c'est de l'ordre de plusieurs tonnes, bien évidemment.
08:16 À chaque passage de bateau, selon la taille de l'écluse, jusqu'à plusieurs millions de litres d'eau sont utilisés.
08:23 Mais la pression de l'eau n'est pas le seul danger auquel les écluses doivent résister.
08:29 - La force hydraulique est considérable. Si l'écluse ferme mal, parce qu'il y a un arbre qui vient, par exemple, se mettre en travers des portes, on va endommager la porte.
08:40 - On peut aller jusqu'à son arrachage.
08:43 Pour affronter tous ces dangers, les écluses se sont perfectionnées et modernisées avec le temps.
08:48 Pour ouvrir leurs portes, on a très vite remplacé les simples ventelles par des turbines hydrauliques.
08:54 On a simplement aujourd'hui abandonné l'idée des ventelles incorporées dans les portes.
09:01 C'est un peu fragile, ça peut se coincer, ça crée des gros remous juste au niveau de la porte, donc ça risque de la détériorer.
09:07 - Donc on est sans arrêt dans une évolution au niveau de la main du tension, que ce soit pour le remplissage ou la vidange des sasses ou pour les manœuvres des portes d'écluse.
09:18 - Et c'est beaucoup plus efficace, ça fait des remous qui sont répartis sur l'ensemble de l'écluse, donc moins de remous, c'est plus rapide, c'est plus efficace.
09:25 - Et c'est aujourd'hui le principe qui est universellement adopté dans toutes les grandes écluses du monde.
09:31 Les écluses fonctionnent toujours aujourd'hui aussi efficacement qu'il y a plus de 2 siècles et constituent un héritage inestimable.
09:40 Elles ont été mises en place au moment de la construction du premier des 3 canaux, le canal de l'Ourcq.
09:47 Le canal de l'Ourcq, c'est une immense voie d'eau qui se construit. Long de 96 km, le canal de l'Ourcq représente la pièce maîtresse de ce réseau hydraulique.
09:59 Le point de départ de l'aventure des canaux. Avec 6 écluses et 3 ponts mobiles, c'est le plus important des 3 canaux.
10:07 Et sa construction constitue un défi titanesque au début du 19e siècle.
10:12 - C'est possible d'avoir transport d'eau potable et transport de marchandises, mais sous certaines conditions.
10:19 - 2 conditions, d'avoir un courant suffisamment rapide et très peu d'obstacles.
10:25 Mais justement, dans la région, aucune de ces conditions n'est réunie. Les géographes redoublent d'ingéniosité pour diriger au mieux la voie d'eau vers Paris.
10:35 La pente du futur canal doit être minutieusement calculée. Pour obtenir le courant idéal, les ingénieurs tracent de grandes boucles.
10:45 - Donc ça demande aussi un art du nivellement, c'est-à-dire de pouvoir bien mesurer le canal pour ne pas qu'il soit évidemment trop pontu, pour que ce soit juste la pente suffisante.
10:57 À vol d'oiseaux, la source du canal de Lourdes se trouve à seulement 66 km de Paris. Grâce à ces lacets, le canal sera beaucoup plus long, puisqu'il mesura en réalité 96 km.
11:12 - Quand on regarde le plan, on est assez stupéfaits de voir les boucles à vraisemblable. En fait, ils suivent tout simplement les méandres de la Marne.
11:18 Pour l'ériger, un travail colossal attend les ouvriers. D'abord, ils creusent une large tranchée de 2 m de profondeur à coups de pelles et de pioches.
11:29 Pour éviter que la terre ne s'effondre, les berges sont ensuite consolidées. Pour cela, on plante des poteaux de 2 à 3 m de long, profondément enfoncés au fond du canal, qui permettent de positionner ce que l'on appelle des fascines.
11:43 Les fascines vont aussi avoir pour rôle d'amortir le contact entre les bateaux et la rive.
11:50 - On va tresser, en fait, des petites branches d'arbre devant, derrière ces poteaux. Ça fait exactement comme un rail de sécurité de nos jours.
11:59 - L'avantage que ça a, c'est que la bâtellerie n'est pas motorisée. Quand un bateau veut s'arrêter, longe la berge. Et que l'avantage de ces structures, c'est qu'on va en aucun cas détériorer les coques des bateaux qui sont en bois.
12:13 - Et donc le bateau va glisser comme sur un rail de sécurité le long des berges.
12:19 Il faut également rendre le canal étanche. Une épaisse couche d'argile de 15 à 20 cm est donc déposée au fond du canal. Ce n'est qu'après cette opération que la mise en eau est possible.
12:35 Sur certains tronçons, on a utilisé le lit de la rivière Ourk déjà existant, mais il a tout de même fallu l'aménager sur plusieurs kilomètres afin de permettre une navigation en amont du canal, comme entre Mareuil-sur-Ourk et Port-aux-Perches.
12:50 Pour transformer la rivière en voie navigable, ces berges naturelles ont dû être redressées et aménagées. Là encore, on a utilisé des fascines et des poteaux pour les consolider.
13:02 Un chemin de halage permettant de tirer les bateaux à la force des chevaux a également été créé sur l'une des rives.
13:10 Au 19e siècle, il existait peu de moyens techniques mécanisés pour le terrassement à grande échelle.
13:23 C'est avec des outils qui sont quand même plus rudimentaires que ceux qu'on peut voir maintenant. Donc c'est avec des hommes, c'est avec de l'huile de coude, c'est avec des pelles, des houes, des brouettes, etc.
13:37 Le chantier est tellement long qu'on fait même appel à une main d'œuvre bien particulière.
13:46 L'essentiel de la main d'œuvre, ça va être les prisonniers de guerre des troupes napoléoniennes et puis pas mal de condamnés aux travaux forcés qui vont être employés sur les chantiers.
13:56 Mise à disposition des entreprises adjudicataires, charge à elles de les nourrir et de les loger. Donc beaucoup d'hommes, ça va relativement vite en fait.
14:05 Malgré cette complexité, trois ans après le lancement de ce chantier, on utilise les mêmes techniques de construction pour réaliser un deuxième canal au nord de Paris, le canal Saint-Denis.
14:17 Mais la construction de ces canaux va créer de nouvelles contraintes.
14:22 Donc on va avoir une masse d'eau qui va arriver à Paris, qui va bien falloir stocker. Donc on a obligatoirement à construire un bassin pour les recevoir, qui est le bassin de la Villette.
14:32 Le bassin de la Villette, un ouvrage spectaculaire. En fait, deux bassins de 70 000 mètres carrés au total, 7 hectares, l'équivalent de 10 terrains de football.
14:43 Le plus grand plan d'eau artificielle de Paris, mis en eau le 2 décembre 1808.
14:49 Au 19e siècle, ce bassin sert tout d'abord de réserve d'eau potable pour les Parisiens.
14:55 Un réservoir de 140 millions de litres d'eau, l'équivalent de 56 piscines olympiques.
15:02 Sa position géographique idéale le rend très vite stratégique.
15:06 Situé au nord-est de la capitale, il devient le pivot de tout ce réseau hydraulique.
15:11 Le bassin de la Villette qui est établi en partie haute, qui va permettre de capter les eaux, d'avoir une espèce de grand réservoir en fait à ciel ouvert.
15:20 Une fois les trois canaux construits, le bassin de la Villette aura la mission de redistribuer l'eau venant du canal de l'Ourcq vers le canal Saint-Denis et le canal Saint-Martin.
15:30 Une infrastructure hydraulique unique grâce à laquelle la capitale française rayonne à la fin du 19e siècle.
15:37 Des dépôts de marchandises se construisent le long de ces berges.
15:41 Le port de la Villette devient tout simplement incontournable.
15:46 [Musique]
15:52 Ça a permis un développement industriel très important dans Paris.
15:55 Il faut savoir que la Villette à la fin du 19e siècle était le 4e port français derrière le Havre, Bordeaux et Marseille dans le désordre.
16:02 Les constructions du canal Saint-Denis et de l'Ourcq ont demandé aux architectes et aux ingénieurs de relever d'immenses défis à une période où les moyens techniques étaient beaucoup moins développés qu'aujourd'hui.
16:13 Il a fallu canaliser une rivière sur près de 100 km ou encore édifier un immense réservoir, le bassin de la Villette.
16:22 Mais le plus grand défi technique a résolument été de concevoir un canal dans Paris au milieu des habitations.
16:30 Le canal Saint-Martin.
16:33 [Musique]
16:39 Long de 4,5 km en plein Paris, il est le plus connu des trois canaux.
16:44 Attirant des milliers de touristes chaque année grâce à ses croisières, ses vues romantiques et ses espaces piétons aérés.
16:55 Pourtant, il a failli ne jamais voir le jour.
16:58 Au 19e siècle, cette voie d'eau a été particulièrement compliquée à construire.
17:04 La première raison de ces blocages, le sous-sol parisien.
17:09 Le canal repose sur en fait d'anciennes carrières et notamment il y avait du gypse.
17:15 Or le gypse pose un problème, c'est quand il est au contact de l'eau, ça devient une matière très savonneuse qui glisse.
17:22 À cet endroit de Paris, le sous-sol est parcouru de trous, de tunnels et de carrières.
17:27 Impossible de construire une infrastructure sur ce qui ressemble à un gruyère.
17:32 Mais les ingénieurs trouvent une solution.
17:35 Pour construire le lit du canal, ils ont l'idée d'appuyer le radier de meulière qui forme le fond sur une forêt de pieux,
17:42 enfoncée chacun de 10 m dans le sol.
17:46 Ces solides voûtes ont pour rôle de séparer le canal de ce sous-sol instable, un chantier particulièrement difficile.
17:54 Mais le sous-sol n'est pas le seul problème.
17:58 Il existe une différence de 25 m entre le bassin de la Villette au nord et la Seine au sud.
18:04 La seule solution trouvée par les ingénieurs, construire des écluses.
18:09 Mais il n'en faudra pas moins de 9 pour permettre au bateau de descendre vers la Seine sans encombre.
18:16 Une construction ambitieuse mais bientôt victime de son succès.
18:21 Sur ces quais se côtoient entrepôts, vitreries et meuneries.
18:26 Grâce au transport de fret sur le canal Saint-Martin, ce quartier de Paris connaît un développement industriel exponentiel.
18:34 Pièce maîtresse au départ, le canal devient finalement un obstacle qui coupe de nombreux quartiers de Paris en deux.
18:42 - C'est la navigation du canal qui a priorité. Tout le monde dit quand un bateau arrive, on empêche les séculations routières.
18:50 Et on va avoir des embouteillages monstrueux très vite dans Paris parce que le trafic croissant, les ponts vont être plus souvent fermés qu'ouverts.
18:58 - Ce qu'il faut dire, c'est que le canal, c'est une coupure dans la structure urbaine existante.
19:03 Une coupure très forte, en fait, qui sépare deux territoires.
19:09 Le canal Saint-Martin devient un réel inconvénient quand Haussmann lance ses grands projets de modernisation.
19:17 Le préfet de Paris souhaite construire le boulevard du Prince Eugène, l'actuel boulevard Voltaire. Mais problème. Ce boulevard doit traverser le canal Saint-Martin.
19:27 - Les ingénieurs vont se pencher dessus et vont se rendre compte que la seule manière, en fait, de pouvoir maintenir ce boulevard, c'est d'avoir un pont fixe.
19:39 Problème, à cet endroit précis de Paris, aucun bateau ne pourrait passer sous ce pont. On décide alors de déplacer les deux écluses situées à cet endroit après avoir creusé le canal de 5,50 m.
19:52 - On s'aperçoit qu'en creusant le canal de 5,50 m, des miasmes qui peuvent arriver, les courants d'air et tout, tout ce qui peut être dangereux. On y fait très attention.
20:03 Pour éviter que d'éventuels microbes ne se propagent dans Paris, on décide de recouvrir ce canal sur toute la partie creusée. La partie voûtée du canal Saint-Martin est la réponse idéale à toutes ces contraintes.
20:17 - Ca va permettre aussi, bien sûr, de créer une continuité, en fait, entre le centre et l'est parisien.
20:24 Les travaux de cette partie couverte du canal durent presque un siècle, entre 1814 et 1906. Le résultat cache un trésor méconnu en plein coeur de Paris.
20:35 - Nous sommes à l'entrée, en fait, de ce que l'on appelle la voûte, communément la voûte Richard Lenoir, bien que la construction de l'ensemble de la partie couverte du canal Saint-Martin se compose de 6 voûtes.
20:48 6 voûtes, 6 tronçons différents construits en plusieurs étapes. Des ouvrages de plus de 2 km s'enchaînent sous la chaussée. A la surface, impossible d'imaginer cette construction cachée.
21:02 - Là, on est sous le boulevard Richard Lenoir avec les oculis qui sont ces ouvertures qui permettent la ventilation et l'éclairage du canal.
21:11 Au 19e siècle, ces puits de lumière étaient également indispensables à l'évacuation de la fumée des bateaux à vapeur. Aujourd'hui, pour des raisons de sécurité, des lumières artificielles ont été ajoutées.
21:24 Toutes ces voûtes sont construites en pierre calcaire, la meulière, la pierre la plus courante à cette époque. Mais la dernière voûte fait exception. En béton, elle témoigne des progrès techniques de son temps.
21:38 - Cette voûte a une particularité puisque l'épaisseur du béton n'excède pas 50 cm et à la clé de voûte, on n'a que 75 cm.
21:48 Difficile à croire, mais seuls 75 cm de béton soutiennent tout un quartier transformé en partie en promenade plantée.
21:58 - Cette partie cachée du canal Saint-Martin, très peu de gens la connaissent parce que souvent, ils parcourent le boulevard Richard Lenoir en surface, ils entendent des bruits en dessous, mais ils n'arrivent pas à réaliser qu'en fait, sous leurs pieds, il y a un canal qui passe avec de la navigation.
22:14 Ces voûtes transforment littéralement le destin du canal Saint-Martin. Il devient l'axe principal du transport commercial à Paris jusqu'à la fin du 19e siècle. C'est pourquoi il deviendra impératif de moderniser et remplacer tous ces ouvrages techniques et particulièrement ces ponts mobiles.
22:33 - Au fond, le canal Saint-Martin va être l'occasion de développer des techniques qui sont un peu d'avant-garde pour l'époque.
22:41 - Quand on parle de défis technologiques, on peut penser aux 4 ponts tournants qu'on trouve sur tout le réseau des canaux.
22:49 - Ce sont des ponts urbains qui doivent fonctionner d'une manière un peu continue, pouvoir s'ouvrir, se fermer d'une manière facile et rapide parce qu'il y a des problèmes de circulation.
22:58 L'un de ces ponts tournants est un ouvrage d'art classé aux monuments historiques. Le pont tournant de la Grand-Jobel est construit en 1885 sur le canal Saint-Martin et se situe dans le 10e arrondissement.
23:11 Pour faire passer les bateaux, le pont tournant de la Grand-Jobel propose un système ingénieux. Tout d'abord, un vérin hydraulique assez puissant pour soulever légèrement le pont le sort de sa position de sécurité.
23:25 Un second mécanisme prend alors le relais. Une roue crantée de presque 2 mètres de diamètre fichée dans le socle du pont est actionnée et l'entraîne dans une rotation de 75 degrés afin de le rabattre le long du quai.
23:40 - On va le faire tourner pour le ranger en fait sur le côté, libérer le chenal qui est l'espace pour le passage du bateau et on va le reposer.
23:51 - Et ensuite, le bateau peut passer. Le principe est simple. Et ensuite, ça refonctionne sur le même principe mais dans l'autre sens. Il est re-soulevé, il tourne et il se remet sur sa fosse mais en position routière.
24:04 Au fil du temps, toutes ces infrastructures hydrauliques ont évolué, bénéficiant des incroyables progrès techniques. Au 19e siècle, les éclusiers ouvraient ces portes manuellement.
24:16 Aujourd'hui, tout est piloté à distance dans ces grands centres de commande.
24:21 - Il suffit d'avoir un élément de contrôle. Par exemple, le canal Salmé, toutes les écluses sont pilotées par deux postes de contrôle simplement situés sur le canal.
24:31 - Donc on n'a pas besoin d'avoir l'éclusier sur place avec sa manivelle qui soulève le pont. Tout ça, c'est commandé à distance.
24:38 - Il y a des caméras qui permettent à distance de voir ce qui se passe depuis le poste de commande. L'éclusier, il est derrière son poste mais c'est surtout pour surveiller que tout se passe de manière sécurisée, de manière optimale.
24:58 Devant plusieurs écrans, l'éclusier d'aujourd'hui ressemble à un contrôleur aérien.
25:03 - Notre objectif, c'est d'assurer une navigation optimale presque 365 jours par an pour que les bateliers, les plaisanciers, les croisiéristes puissent passer nos écluses de manière sécurisée, de manière optimale.
25:19 En plus de faire fonctionner les écluses, ces agents assurent une mission insoupçonnée, maintenir en permanence le même niveau d'eau partout sur les canaux.
25:29 - Il faut qu'il y ait un niveau d'eau satisfaisant pour la navigation mais il faut surveiller aussi pour pas que ça déborde.
25:39 Trop d'eau dans les canaux pourrait créer des dommages dramatiques pour les Parisiens.
25:44 - Si par malheur le canal Saint-Martin ou le bassin de la Villette venaient à déborder, effectivement, il y aurait un impact énorme. Les caves des immeubles parisiens seraient inondées, ça c'est sûr, c'est indéniable.
25:57 Pour éviter ce désastre, les éclusiers gèrent à distance les variations d'eau.
26:05 - Quand il y a un excès d'eau parce qu'il a beaucoup plu, l'éclusier est amené à faire ce qu'on appelle dans notre jargon des lâchures. C'est-à-dire qu'en fait on va ouvrir les ventelles au niveau des portes des écluses, sur le Saint-Martin je parle, pour ensuite amener de l'eau jusqu'à la Seine, au port de l'Arsenal.
26:23 - On fait des lâchures pour garder constamment un niveau d'eau pour la navigation et pour éviter que les plans d'eau débordent.
26:31 Malgré un contrôle minutieux, les risques subsistent car tout ne peut pas se contrôler à distance.
26:41 Comme quand il faut débloquer les portes d'écluse, régulièrement des hommes interviennent pour repêcher ce qui pourrait entraver la navigation.
26:49 Des plongeurs professionnels au savoir-faire unique interviennent aux endroits où aucune machine ne pourrait agir.
26:55 - Là on effectue en fait une maintenance sur une écluse du canal Saint-Denis.
27:08 Une mission à haut risque, ces scaphandriers sont équipés pour pouvoir rester sous l'eau de longues minutes.
27:17 - Et en fait il va en plus avoir tout ce qui est système de communication pour pouvoir parler avec la surface.
27:35 - On a le problème, c'est le centre de couteau.
27:38 - Ouais bien pris, vas-y remonte on t'envoie ça.
27:40 - Ouais.
27:42 - Merci.
27:44 Leur activité est dangereuse car ils s'approchent très près des portes d'écluse pour retirer ce qui les obstrue.
27:51 A cet endroit précis, la pression de l'eau et l'eau courant sont au maximum.
27:56 - La problématique sur les écluses je dirais c'est tous les risques liés au phénomène d'aspiration.
28:01 Pour éviter tous les dangers, les équipes disposent d'un équipement d'urgence.
28:08 - Avoir une bouteille ce qu'on appelle un biberon secours qui lui permet si jamais il y avait un problème avec l'alimentation principale de pouvoir respirer via cette petite bouteille.
28:20 - Et dans ce cas là on estime qu'il est en mode dégradé et il va remonter en surface.
28:25 Les scaphandriers repêchent plusieurs tonnes de déchets par an dans les canaux parisiens.
28:30 Si ces détritus restent coincés dans les écluses, c'est qu'ils sont souvent prisonniers de plantes aquatiques qui poussent dans les canaux.
28:37 Pour les enlever, une seule solution. Utiliser un bateau unique en son genre et spécialement conçu pour les canaux de Paris.
28:45 Originalement, il s'agit de bateaux utilisés par des austréiculteurs totalement modifiés pour cette mission singulière.
28:59 - Un canal qui est fait pour la navigation il doit pouvoir fonctionner pas la nuit mais au moins tous les jours pour permettre aux bateaux simplement de passer.
29:07 - Donc il y a une espèce de contrainte d'entretien de présence aussi humaine pour faire fonctionner tout cela qui est nécessaire.
29:14 Une méthode rigoureuse pour ne jamais interrompre la circulation.
29:19 Mais encore faut-il qu'il reste assez d'eau sur l'ensemble du parcours des 130 km que forme cet immense réseau hydraulique.
29:26 Car à la moindre pénurie d'eau, tout le réseau risque d'être interrompu.
29:31 Le problème s'est déjà posé au 19e siècle.
29:36 40 ans après la construction des canaux, l'eau n'arrive plus en quantité suffisante jusqu'à Paris.
29:42 On découvre que cette pénurie provient d'un élément pourtant essentiel au bon fonctionnement des canaux, les écluses.
29:50 - Une écluse consomme de l'eau. A chaque fois qu'un bateau rentre, descend, l'eau est évacuée.
29:59 - Ça fait un volume d'eau qui est égal au volume de l'écluse à chaque fois, à chaque fois que le bateau passe.
30:03 - Ça fait beaucoup d'eau par jour.
30:05 A cela s'ajoute le problème récurrent des sécheresses.
30:09 C'est le cas en 1865.
30:11 À cette époque, le canal de Lourdes manque d'eau.
30:14 Une situation inattendue qui met en péril l'approvisionnement de la capitale.
30:19 - Lourdes n'apporte pas assez d'eau pour qu'on puisse faire fonctionner le canal de Lourdes et le canal Saint-Martin.
30:24 - Et donc on va avoir l'idée de faire remonter de l'eau de la Marne, parce qu'on n'est pas loin de la Marne, bien sûr, on suit le cours de la Marne.
30:31 - De remonter pour réalimenter en eau le canal de Lourdes.
30:35 Problème, la Marne se trouve 12 mètres plus bas que le canal. Impossible, a priori, d'acheminer son eau facilement.
30:44 - Et là, on va avoir une grande réflexion. Qu'est-ce qu'on fait pour monter cette usine ? Et on va utiliser tout bêtement la force hydraulique.
30:52 À l'endroit où Lourdes et la Marne sont les plus proches, on construit une usine élévatoire.
30:59 Mais pour remonter 12 mètres de dénivelé qui sépare la Marne du canal, il faut énormément de puissance.
31:06 À l'époque, on utilise des roues à aube qui actionnent ces turbines. Un inventeur de génie, Alphonse Sajebien, va trouver la solution.
31:16 Il crée une roue à aube avec un rendement beaucoup plus important que la moyenne.
31:25 - Ce sont des grandes roues à aube, les plus grandes qu'on ait faites jusqu'à présent. 11 mètres de diamètre. C'est quand même 3 étages, quasiment.
31:32 - Vous voyez la dimension des roues. Et ces roues vont être mues par une petite chute, 80 centimètres, simplement. Donc un petit barrage qui est sur la Marne.
31:41 Contrairement aux roues habituelles, cette roue n'est pas plongée dans l'eau. Mais surtout, c'est le poids de l'eau seule et non le courant qui la fait tourner.
31:50 Pour cela, première trouvaille de Sajebien. Il utilise une vanne plongeante qui remonte l'eau assez haut pour qu'elle tombe sur les aubes et que son poids fasse tourner la roue.
32:00 Cette nouvelle technique fournit un rendement inégalé jusqu'alors.
32:03 - Un rendement de 90% annoncé par Sajebien et en fait qui fonctionne grâce à une vanne courbe située à quelques centimètres de la roue
32:14 - qui permet de monter en charge l'eau derrière cette vanne et de retomber sur les pales. Et c'est vraiment le poids de l'eau sur ces pales qui actionne la rotation de cette roue.
32:26 Et pour en augmenter encore plus le rendement, Sajebien oriente les pales de 45 degrés. L'angle idéal selon ses calculs pour augmenter la performance de la roue.
32:37 C'est ainsi que l'eau de la Marne va pouvoir être relevée de 12 mètres jusqu'au canal de l'Ourcq.
32:44 - Ces roues vont permettre d'avoir la puissance suffisante pour remonter l'eau et surtout avec un débit suffisant pour alimenter le canal de l'Ourcq et donc le canal Saint-Martin et Saint-Denis en aval.
32:56 Grâce à cette invention astucieuse, à chaque seconde, 3200 litres d'eau sont réinjectés dans le canal de l'Ourcq en direction de Paris. L'équivalent de 4 piscines olympiques toutes les heures.
33:10 Grâce à cette usine élévatoire, on règle les problèmes de pénurie en eau dans les canaux. Mais il reste encore de nombreux défis de taille à relever.
33:20 La population parisienne ne cesse de croître. On a besoin de plus en plus de marchandises dans la capitale. Comment les ingénieurs vont-ils parvenir à adapter les canaux à ces nouveaux besoins ?
33:34 - Lorsqu'on a commencé à construire des canaux, les canaux étaient beaucoup plus petits et on les faisait circuler des bateaux beaucoup plus étroits. Pourquoi ? Parce que c'est moins cher de construire un petit canal qu'un très grand canal.
33:46 Au 19e siècle, on construit d'abord des bateaux étroits appelés des flûtes adaptées à la largeur des canaux.
33:53 - À mesure que la révolution industrielle se développe, que la circulation sur les canaux également se développe, que la motorisation, les machines à vapeur apparaissent, on va faire des pénis beaucoup plus grosses.
34:05 - Ce qui va permettre de transporter des charges beaucoup plus importantes, des pénis qui seront motorisés, qui ont leur propre moteur. C'est plus des pénis qui sont tirés, allés soit par des armor-coeurs, soit allés à partir des rives.
34:16 - C'est des pénis qui sont automotrices, en quelque sorte.
34:19 Paris saisit alors l'occasion de tirer profit de cette évolution.
34:24 - En 2e partie du 19e siècle, la ville donc rachète le canal de Lourdes qui est le canal Saint-Ni en 1876 et décide entièrement de le moderniser.
34:35 - On va s'adapter aux nouveaux frets, aux nouveaux transports industriels, aux nouvelles tailles des bateaux, aux nouveaux formats. On va vouloir transporter sur des barges de 800 tonnes. Donc il faut réélargir les canaux.
34:48 Problème ? Les bateaux plus larges ne peuvent plus passer dans ces canaux d'origine devenus trop étroits. On décide alors de modifier entièrement leur gabarit.
34:59 - Et un ministre de la 3e République, qui s'appelle Frécinet, va définir un gabarit 39 m de mémoire.
35:06 Pour accueillir les plus grosses péniches, les écluses vont devoir suivre un nouveau gabarit appelé le gabarit Frécinet qui fixe à 39 m la nouvelle longueur des Sasses et on les élargit également jusqu'à 5,20 m de large.
35:25 En permettant aux péniches plus larges de naviguer sur ces voies d'eau, Paris connaît un développement économique exponentiel.
35:34 - En implantant ce gabarit, on va pouvoir développer un transport beaucoup plus important de fret qui va venir notamment de Rouen, du Havre et qui va pouvoir remonter jusqu'au bassin de la Villette.
35:50 Le bassin de la Villette se développe à grande vitesse. Son port est équipé de hangars perfectionnés pour stocker de grandes quantités de marchandises.
35:58 A l'époque, pour rendre les canaux encore plus performants, la décision est prise de supprimer tout ce qui fait perdre du temps aux bateaux durant la navigation, notamment leur passage dans les écluses.
36:10 Certaines écluses sont tout simplement supprimées et remplacées par de plus grandes.
36:16 Sur le canal Saint-Denis, on passe alors de 12 écluses à 7, dont la plus impressionnante est celle du pont de Flandre, située à l'entrée du canal Saint-Denis au nord-est de Paris.
36:29 - Cette écluse avait une particularité, donc elle a été la plus haute d'Europe parce qu'elle avait une dénivelée de 10 m entre le plan d'eau à Mont et le plan d'eau à Val, ce qui est énorme.
36:41 L'écluse hors norme mesure 10 m de haut, l'équivalent d'un immeuble de 3 étages.
36:50 - En aval sur le canal Saint-Denis, on a des portes d'écluse qui font 6 m de haut, qui sont absolument impressionnants.
36:58 Le problème ? Une écluse aussi grande perd une masse d'eau considérable à chaque fois que ses portes s'ouvrent. Il est alors difficile de maintenir le même niveau d'eau sur tout le réseau des canaux.
37:10 Là encore, les ingénieurs innovent en ajoutant une structure parallèle à l'écluse et en changeant son principe de fonctionnement.
37:18 - Ils avaient innové en créant ce qu'on appelle un bassin d'épargne, c'est-à-dire qu'au lieu que le volume d'eau qui se trouvait dans le sas soit envoyé vers l'aval, on envoyait une grande partie de ce volume d'eau dans un bassin d'épargne où il était conservé.
37:33 Et quand un bateau montant, c'est-à-dire qui venait de l'aval, arrivait dans le sas, on rouvrait une vanne qui permettait à l'eau qui était dans le bassin d'épargne de venir remplir le sas.
37:44 L'objectif est ainsi rempli. Le volume d'eau qui se serait perdu à chaque passage de bateau est économisé grâce à cet ingénieux bassin de rétention. Aujourd'hui, l'écluse fonctionne toujours grâce à ce système.
37:58 Vitrine technologique au 19e siècle, grâce à une écluse hors norme, une usine élévatoire ou encore des voies élargies, les canaux de Paris continuent encore à s'adapter en permanence à de nouveaux défis.
38:18 Aujourd'hui, on a même agrandi encore plus les canaux. Ça permet des écluses beaucoup plus larges aussi, ce qui permet d'accommoder des bateaux plus importants qui remontent la Seine, des barges qui vont être poussées.
38:27 Enfin, il y a tout un trafic à la fois de matériaux, de charbon, de sable, etc., qui vient pour visionner Paris. On évacue des déblés. On apporte aussi parfois des containers.
38:37 La transformation des canaux fait émerger des idées nouvelles, des constructions inédites. À la fin du 19e siècle, un pont en particulier devient le symbole de ces progrès techniques permanents.
38:48 On élargit le canal, on l'approfondit et donc se pose la question d'un nouveau franchissement au niveau de la rue de Crimée. Et donc, après différents projets, on décide de la réalisation d'un pont Levant, qui est une innovation technique.
39:05 Le pont de Crimée est situé à l'intersection du bassin de la Villette et du canal de Lourdes, au nord-est de Paris, dans le 20e arrondissement. Au passage des bateaux, il ne tourne pas, mais se soulève avec une facilité déconcertante, malgré son poids de 86 tonnes.
39:23 Classé aux monuments historiques, ce pont représente un joyau du patrimoine industriel français.
39:31 Quand vous voyez le pont Levant de la rue de Crimée, vous vous dites que technologiquement, c'est performant et vous vous dites que c'est beau.
39:41 C'est un pont qui se compose de ce qu'on appelle un tablier, c'est-à-dire la partie horizontale du pont vers laquelle vont pouvoir circuler les voitures.
39:51 Et on dispose de quatre colonnes aux quatre angles, surmontées d'une poulie. Dans ces colonnes, on va pouvoir, avec des chaînes, lever le pont.
40:01 Comment parvient-on à soulever un pont de ce poids en le conservant à l'horizontale ? Le principe choisi par les ingénieurs est celui du contrepoids, comme pour une balance ou un ascenseur.
40:12 Ils conçoivent quatre colonnes sur lesquelles ils placent quatre contrepoids de 20 tonnes chacun. Le poids total est donc identique à celui du tablier de 80 tonnes.
40:22 Le pont est alors comme une balance à l'équilibre. Et plus surprenant, pour amorcer la poussée, les ingénieurs ont une idée révolutionnaire.
40:31 En mettant une pression de 3 bar, c'est-à-dire la pression de l'eau du robinet, vous créez un déséquilibre qui vous permet de monter le pont.
40:39 Un simple filet d'eau du robinet permet donc de créer un déséquilibre dans un sens ou dans un autre et ainsi de soulever 80 tonnes.
40:47 Provenant d'une vanne située sous le pont, l'eau est injectée dans les vérins qui soulèvent automatiquement l'ouvrage. Pour effectuer le mouvement inverse, on vidange les vérins et le tablier redescend.
40:59 Ces colonnes sont en fonte et après les contrepoids sont à base de plomb. C'est des grosses structures comme des camemberts qui sont mis dans des puits et qui descendent ou qui montent en fonction de la levée ou l'abaissement du pont.
41:14 Lorsque le pont Levant est en position haute pour laisser passer un bateau, les piétons peuvent traverser à côté sur une passerelle fixe et surélevée. A l'époque, ce pont est le troisième à voir le jour en France, mais le premier à soulèvement hydraulique de Paris.
41:31 Depuis sa construction il y a plus d'un siècle, son mécanisme s'est adapté aux évolutions technologiques.
41:39 Dans tous les grands ouvrages aujourd'hui, bien sûr, ce sont des moteurs électriques qui ont remplacé ces mécanismes hydrauliques qui étaient très utilisés au 19e siècle, y compris pour les ascenseurs d'ailleurs.
41:49 Et aujourd'hui, on a bien sûr sur le même principe de contrepoids qui permettent de soulever le pont. Simplement, on a remplacé la force motrice par électricité.
42:00 Le pont de Crimée joue un rôle stratégique dans la circulation des bateaux, mais aussi dans la circulation routière. Son fonctionnement permanent et donc indispensable.
42:10 Si tombe en panne, il va y avoir un impact très rapidement sur la circulation routière. Ça va être énorme.
42:19 Il ne faut aujourd'hui pas plus de quelques petites minutes pour laisser passer les péniches sous le pont de Crimée et 20 minutes pour les gros convois.
42:29 Entièrement commandés à distance, ils se soulèvent encore 25 fois par jour.
42:34 Ces trois canaux et leurs ouvrages d'art constituent un réseau hydraulique exceptionnel pour la capitale française.
42:41 Un patrimoine inestimable qui s'inscrit dans le paysage parisien depuis le 19e siècle.
42:51 C'est pensé comme un élément qui doit perdurer dans le temps. C'est un élément qui dure et qui doit passer les siècles et les décennies.
42:59 Et pourtant, dans les années 60, le canal Saint-Martin est menacé de disparition. En cause, la baisse du trafic de marchandises sur cette voie d'eau.
43:08 À l'époque, on ne lui envisage plus aucun avenir.
43:16 Donc on a cette idée que une grande ville comme Paris ne doit pas être un obstacle dans ce réseau autoroutier qui se met en place à l'échelle encore une fois du territoire entier.
43:23 On a failli le supprimer pour le remplacer par une immense autoroute. Une voie express qui devait ainsi relier Paris du nord au sud plus rapidement.
43:32 Une décision impensable pour les habitants de ce quartier attachés à cette voie d'eau séculaire.
43:42 Il y a beaucoup d'associations de défense qui sont créées à l'époque pour sauver le canal.
43:48 Face à la pression populaire, le projet est finalement abandonné. Le canal Saint-Martin va miraculeusement retrouver son attrait grâce à de nouvelles activités.
44:00 Ce canal aujourd'hui devient un canal de loisirs, de circulation de bateaux touristiques où on se promène à pied sur ses berges.
44:10 On n'est plus du tout dans le schéma initial, on va dire productiviste.
44:15 Les canaux ont su se réinventer et s'adapter aux besoins de leurs habitants.
44:20 À l'extrémité du canal Saint-Martin, le port de l'arsenal est situé entre la Bastille et la Seine.
44:26 Autrefois, c'était un port de marchandises florissants. Aujourd'hui, il s'est transformé en un port de plaisance en plein cœur de la capitale.
44:36 Sur ses 900 mètres de ponton, ce port accueille 1500 plaisanciers par an, dont la moitié s'arrête ici avant de traverser l'Europe.
44:45 On a des gens qui vivent sur leur bateau et qui vont passer quelques jours ici chez nous et qui vont continuer leur voyage à travers le monde.
44:53 Ils peuvent remonter l'ensemble du canal Saint-Martin jusqu'au bassin de la Villette, ensuite emprunter le canal de l'Ourc ou le canal Saint-Denis pour rejoindre la Seine.
45:00 Et dans ce même bassin de l'arsenal, les constructeurs d'aujourd'hui marchent sur les traces des bâtisseurs d'hier.
45:07 L'architecte Bernard Altabecoiti entreprend aujourd'hui une grande transformation du port de l'arsenal.
45:14 L'architecte mène un projet ambitieux, ouvrir totalement la perspective entre la place de la Bastille et le port de l'arsenal.
45:22 Une percée inédite sur ce bassin grâce à un escalier à trois volets pour rendre encore plus accessibles les canaux aux Parisiens.
45:31 Donc on a agrandi le quai de 6 mètres de ce côté-là, de 9 mètres de l'autre côté, de façon à faire une véritable promenade.
45:40 Et l'escalier que vous voyez là, en fait, il n'est pas parallèle à la géométrie du trou qu'on a ouvert.
45:46 On l'a décalé de façon à permettre une vue sur la colonne dans la montée. Donc la colonne est dans l'escalier. Vous montez vers la colonne.
45:54 Un nouveau trait d'union entre la ville et les canaux parisiens, vu aujourd'hui comme des îlots de fraîcheurs exceptionnels pour les habitants.
46:02 Un projet possible à une seule condition, faire disparaître ce qui a été construit à la fin du 19e siècle.
46:10 -Il y avait un ouvrage qui s'appelle le Pont Bastille, qui était une série de 8 très grandes poutres construites en même temps que le métro.
46:20 -Et qui, en fait, faisaient la liaison entre la place, l'ancienne place et la station de métro.
46:26 -Et en regardant attentivement les choses, on a vu que ces 2 ouvrages étaient parfaitement disjoints l'un de l'autre. Et donc on pouvait enlever un certain nombre de poutres.
46:35 Mais problème. Le sous-sol du canal Saint-Martin est constitué de multiples galeries. Son instabilité empêche une grue d'être facilement positionnée pour soulever ses poutres de plusieurs dizaines de tonnes sans s'effondrer.
46:49 La grue a finalement dû être installée assez loin du chantier.
46:54 -C'est une grue de 700 tonnes, d'une portée de 40 mètres. Les poutres, elles, faisant entre 27 et 22 tonnes.
47:03 En une seule journée, cette immense grue a pu dégager 5 poutres historiques pour offrir une perspective nouvelle sur le bassin de l'Arsenal en contrebas.
47:13 -On a enlevé des mètres carrés dans Paris et on a gagné une liaison très proche de l'eau avec donc un grand escalier qui va descendre le long de cette ouverture depuis la place vers le quai.
47:30 Pour ce faire, en reprenant les méthodes datant de la construction des canaux, les ouvriers ont planté 17 pieux en acier plongés à 12 ou 15 mètres dans le sol.
47:44 Un aménagement inédit pour les canaux et une nouvelle façon pour les Parisiens de découvrir le port de l'Arsenal et la partie cachée du canal Saint-Martin.
47:54 (Musique)
48:00 Le canal Saint-Martin, le canal Saint-Denis, le canal de l'Ourcq. Aujourd'hui, ces voies d'eau ont profondément évolué dans leurs usages, leurs fréquentations, leurs exploitations.
48:12 -Les canaux en fait sont une ressource pour demain, étaient une ressource au 19e siècle en termes de transport, d'alimentation en eau potable. Donc voilà, mais sont une ressource aussi pour ses habitants, pour ses territoires, pour demain.
48:28 Dans les esquisses du Grand Paris et des Jeux Olympiques à venir, ces voies d'eau devenues des centres attractifs incontournables de la capitale joueront encore un rôle déterminant.
48:39 L'évolution de Paris fera sûrement de ce lieu mythique une promenade piétonne tout le long du canal Saint-Martin.
48:47 -Ce canal peut être un élément aussi de climatiseur urbain. L'eau peut devenir une denrée rare et que du coup, le canal peut peut-être trouver d'autres fonctions et d'autres usages pour demain.
48:58 Dans le futur, pour tous les transports industriels, les canaux de Paris pourraient même rejoindre l'ambitieux canal Seine-Europe.
49:06 -C'est un canal qui doit rejoindre, je dirais, le bassin parisien et la Seine, voilà, au nord de l'Europe et essayer de mettre en lien les grands ports d'Europe entre Rotterdam, le Havre, voilà.
49:22 -Donc avoir un développement du transport, en tout cas, à l'échelle européenne.
49:27 Les canaux de Paris connaîtront encore de grandes mutations dans le prolongement de ce passé mythique.
49:35 Suivant le chemin tracé au XIXe siècle grâce à des ouvrages qui ont révolutionné la technique et apporté un cachet exceptionnel à Paris.
49:48 -Ce qui est fascinant quand on se promène au bord des canaux, c'est qu'on peut autant être satisfait du point de vue de la curiosité historique, du point de vue de la curiosité technologique, du point de vue urbain aussi.
49:58 -C'est à chaque fois un renouvellement urbain constant.
50:01 L'histoire des canaux témoigne d'une vision ambitieuse de l'évolution de la capitale et constitue un patrimoine exceptionnel en plein cœur de Paris.
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