Quelle est la stratégie de l'UE pour réduire sa dépendance économique à la Chine ?

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L'Union européenne recherche des solutions pour réduire sa dépendance aux matières premières critiques provenant de la Chine et d'autres pays. Découvrez les mesures envisagées dans cet épisode de Real Economy.

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00:00 C'est la raison pour laquelle, après la réduction des risques par le biais de la
00:05 diplomatie, le deuxième volet de notre future stratégie envers la Chine doit être la réduction
00:10 des risques par le biais de l'économie.
00:14 Après le discours de la présidente de la Commission européenne ce mois de mars, l'Union
00:19 a confirmé sa stratégie de réduction des risques.
00:22 Comment la mettre en œuvre alors que l'Union européenne dépend fortement de ses importations
00:26 depuis la Chine ?
00:27 Qu'est-ce que la réduction des risques comme stratégie économique signifie et implique
00:33 pour l'Europe et ses industries ? Est-ce la bonne approche pour créer un environnement
00:36 économique plus stable et résilient ? Je suis en France pour rencontrer des experts
00:41 et des entreprises technologiques pour en savoir plus.
00:45 A Paris, John Seaman de l'Institut France et des Relations Internationales rappelle
00:50 le contexte d'instabilité géopolitique actuelle.
00:52 Au fur et à mesure que nous avançons dans ces grandes transformations structurelles,
01:00 en particulier dans la transition vers une société à zéro émission nette et une
01:04 société numérique, nous constatons que l'Europe est de plus en plus dépendante
01:08 des pays qui sont disposés à utiliser cette dépendance comme moyen de pression dans un
01:14 environnement mondial plus litigieux ou plus conflictuel.
01:17 A mesure que nous avançons dans la transition énergétique vers les véhicules électriques,
01:24 l'énergie solaire et les énergies renouvelables, nous constatons que nombre de nos chaînes
01:29 d'approvisionnement dépendent en fait d'une seule source, et en particulier de la Chine.
01:34 L'Union européenne dépend fortement d'autres pays pour les matières premières critiques,
01:42 utilisées par exemple pour la fabrication de téléphones, véhicules électriques ou
01:46 semi-conducteurs.
01:47 Par exemple, la Chine fournit 100% de son approvisionnement en éléments de terre rare
01:51 lourde, la Turquie 98% en bords et l'Afrique du Sud 71% en platine.
01:57 La question qui se pose aujourd'hui est de savoir comment atténuer les risques liés
02:03 à ces dépendances, et comment négocier avec la Chine pour essayer de faire en sorte
02:10 qu'elle n'utilise pas ses leviers pour faire des affaires au détriment des intérêts
02:13 de l'Europe.
02:14 Quelle est la stratégie de l'Europe pour renforcer sa sécurité économique ? Voici
02:23 notre cours accéléré.
02:24 La stratégie de l'Europe visant à réduire sa dépendance économique à l'égard de
02:31 la Chine, de la Russie et d'autres pays repose sur quatre piliers.
02:34 Le premier consiste à rendre l'industrie plus compétitive et plus résistante.
02:39 Il s'agit de stimuler les technologies numériques, vertes et de santé, et de diversifier l'approvisionnement
02:44 en terre et métaux rares importants.
02:46 Le deuxième pilier consiste à mieux utiliser les règles commerciales existantes.
02:50 L'Europe veut empêcher que les marchés soient perturbés par une concurrence déloyale
02:55 et réduire les préoccupations en matière de sécurité liées à des technologies telles
02:58 que la 5G.
02:59 Le troisième pilier consiste à défendre les secteurs critiques tels que l'informatique
03:03 quantique, la robotique ou l'intelligence artificielle.
03:06 L'Union européenne veut s'assurer que son savoir-faire ne soit pas utilisé pour renforcer
03:10 les capacités militaires ou de renseignement de ses rivaux.
03:13 Le quatrième pilier consiste à tirer le meilleur parti des accords de libre-échange
03:16 conclus avec l'Australie, le Mexique et le Chili.
03:19 L'objectif est de diversifier les chaînes d'approvisionnement et les échanges commerciaux.
03:23 Ces ambitions font-elles écho chez les acteurs industriels ? Direction Lyon pour rencontrer
03:32 Émilie Jolivet de Yolgroupe, un cabinet de conseil qui travaille avec l'ensemble de
03:36 l'industrie des semi-conducteurs au centre des enjeux économiques mondiaux.
03:40 On a parmi nos clients beaucoup de gens qui cherchent à reprendre la main sur la mise
03:45 en boîtier en particulier, qui est forcément dépendante de la Chine et de Taïwan et qui
03:51 cherche à se relocaliser en Asie du Sud-Est par exemple.
03:55 Il faut savoir que le semi-conducteur pèse 600 milliards de dollars et que c'est donc
04:01 une industrie qui est scrutée de près par les gouvernements, qui met tout en œuvre
04:06 pour maintenir leur position dans cette course à la technologie mais aussi aux revenus.
04:11 L'Europe a donc lancé le « European Chips Act » dans le but de porter la capacité
04:17 de production de puces électroniques à 20% du part de marché mondial d'ici 2030.
04:22 On ne pourra pas détricoter des chaînes d'approvisionnement qui sont complexes,
04:28 où le coût du composant est aussi très important.
04:31 L'effort qui est fait par l'Union Européenne de mettre 43 milliards sur la table est assez conséquent.
04:36 Il ne suffira pas à avoir une totale autonomie dans le semi-conducteur, mais c'est déjà
04:42 un premier pas vers une maîtrise ou une remaîtrise de cette industrie.
04:48 La France, avec sa stratégie de réindustrialisation, tente de reconstruire les chaînes d'approvisionnement,
04:56 notamment pour les semi-conducteurs, mais aussi les batteries.
04:59 Au cœur du territoire industriel de Grenoble se trouve un des sites du CEA.
05:04 Ce centre de recherche mène des projets d'innovation sur tout le long de la chaîne de valeur industrielle.
05:10 Avec l'accélération de la transition verte, la demande de matières premières critiques
05:14 devrait augmenter de 500% d'ici 2050, selon la Banque mondiale.
05:19 Elles sont au cœur des industries de demain, comme par exemple les véhicules électriques.
05:23 L'expert Simon Perrault explique.
05:25 Si la France et l'Europe ne maîtrisent pas la chaîne de valeur industrielle des batteries,
05:30 alors la France et l'Europe ne maîtriseront pas leur futur système énergétique.
05:34 Aujourd'hui, la Chine détient plus de la moitié des capacités de production
05:39 sur les différents segments de la chaîne de valeur.
05:41 Il y a une concurrence très forte dans ce domaine, donc c'est important d'investir
05:44 et de poursuivre la R&D pour soutenir tout cet écosystème industriel.
05:48 Par exemple, pour allonger l'autonomie des véhicules électriques,
05:52 des batteries avec moins de matériaux critiques, les procédés de recyclage des batteries
05:56 quand elles arrivent en fin de vie, pour récupérer davantage de métaux,
06:01 et tout ceci à un coût plus faible.
06:03 Fabriquer des batteries avec moins de matériaux critiques,
06:07 c'est l'objectif de la start-up All Energy, basée près de Paris.
06:11 Elle développe des batteries dites lithium fer phosphate, sans cobalt ou manganèse
06:16 pour le stockage massif des énergies renouvelables ou pour alimenter des data centers.
06:22 Nous, on va faire le choix au départ d'utiliser des matériaux qui doivent se retrouver
06:26 à peu près partout sur la planète, qui peuvent être recyclés facilement.
06:30 Et ça, ça va nous permettre de pouvoir fabriquer des batteries qui vont avoir une durée de vie
06:34 au moins quatre fois plus élevée que le lithium conventionnel,
06:38 et puis surtout qui vont être très sensibles à l'optimisation digitale.
06:42 Moins puissantes mais plus respectueuses de l'environnement,
06:45 ces batteries sont adaptables grâce à l'intelligence artificielle.
06:48 Leur coût est 20% plus élevé par rapport à la Chine,
06:51 pour se démarquer sur le marché des batteries LFP très concurrentielle,
06:55 il faut produire beaucoup et vite.
06:57 Le marché de la batterie, l'industrialisation de la batterie, c'est une course mondiale.
07:01 Et donc nous, on est lancé dans cette course-là, course à l'investissement,
07:04 course à la rupture technologique, pour pouvoir se démarquer
07:08 et être souverain dans nos développements technologiques.
07:12 L'ambition est d'ouvrir leur première giga-usine dès 2026.
07:15 Diversifier la chaîne de production, produire en Europe tout en poursuivant
07:19 la transition numérique et verte, John Seaman rappelle que cette stratégie a un coût.
07:25 Il est donc certainement possible de diversifier les chaînes d'approvisionnement,
07:29 notamment en établissant une production ici en Europe.
07:33 Il y a des exploitations minières qui sont possibles ici en Europe, en Suède par exemple,
07:37 mais tout cela demande beaucoup d'argent, il faut beaucoup d'investissement et beaucoup de temps.
07:42 Il y a donc une très longue chaîne d'approvisionnement qu'il faut essayer de reconstruire.
07:46 Et cela se traduira nécessairement par une hausse des prix et de l'inflation,
07:49 car cela coûte plus cher ici en Europe qu'ailleurs, en particulier en Chine.
07:55 Merci.
07:56 ♪ ♪ ♪

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