Hervé Berville était l'invité de franceinfo lundi 24 juillet
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00:00 Après les gisements sur terre de nombreux pays et d'industriels s'intéressent aux réserves sous-marines, cobalt, nickel, manganèse,
00:07 la mer regorge de richesses minières. La Chine, l'Inde, le Japon ou encore la Norvège ont déjà lancé ou imaginé des programmes d'extraction.
00:14 En revanche, d'autres nations se battent contre cette exploitation au nom de la défense de l'environnement et c'est le cas de la France.
00:21 Bonjour Hervé Berville.
00:22 Bonjour et merci de l'invitation.
00:23 Secrétaire d'État en charge de la mer, vous serez après-demain en Jamaïque pour un sommet au siège de l'Autorité internationale
00:29 des fonds marins à Kingston, 167 pays réunis au total pour débattre du sujet.
00:35 De quoi sera-t-il question précisément lors de ce sommet ?
00:38 Il sera question de ce qui est pour moi et ce qui est pour le président de la République aussi quasiment le combat du siècle pour la protection des océans.
00:47 Et la France avec des pays comme le Vanuatu, comme le Palau ou encore le Chili, nous avons demandé à ce que pour la première fois
00:56 dans cette instance internationale soit discuté le fait de ne pas se lancer dans l'exploitation minière des fonds marins.
01:03 Et donc nous allons porter le débat pour expliquer que se lancer dans cette exploitation minière des fonds marins,
01:10 ce serait une aberration écologique et puis ça nous empêcherait de lutter contre le changement climatique.
01:15 Ça amènerait l'effondrement des écosystèmes sous-marins.
01:18 On va regarder sur toutes ces raisons Hervé Berville.
01:20 Les océans sont vraiment clés dans le combat climatique et donc pour nous l'essentiel c'est de ne pas se lancer cette année
01:28 comme c'était prévu avec des licences d'exploitation et de faire en sorte de prendre le temps d'évaluer notamment
01:34 et de les donner la science pour bien montrer que ce sont des écosystèmes qu'il faut protéger et préserver.
01:40 Pour que tout le monde comprenne bien avec cette exploitation, ce que recherchent certains ce sont des nodules polymétalliques.
01:45 Qu'est-ce que c'est ?
01:46 Ce sont des espèces de cailloux qui permettraient pour certains de pouvoir accélérer la transition énergétique.
01:56 Ça se trouve à plus de 4000 mètres sous terre.
02:00 Vous pouvez en trouver au large de Clipperton.
02:04 Et nous ce que nous portons avec ces autres pays, c'est de dire,
02:08 nous n'avons pas suffisamment de connaissances pour se dire que faire de l'exploitation minière des grands fonds marins,
02:13 ce n'aurait pas de dommages irréversibles sur les écosystèmes.
02:16 Nous connaissons à peine 3% des grands fonds marins.
02:19 Il y a plus de gens qui sont allés sur la Lune que de gens qui sont allés à moins de 4000.
02:23 Donc pourquoi se lancer dans cette opération qui est au fond une espèce de chimère économique ?
02:27 Parce que certains font miroiter que ça pourrait...
02:29 Parce que c'est quoi ces drapés du nickel, du cobalt, de ces fonds marins, ensuite de les utiliser pour des batteries électriques.
02:34 Mais vous voyez bien qu'il y a quelque chose de là qui est illogique.
02:38 Comment mener véritablement une transition énergétique, écologique, si nous allons détruire des écosystèmes
02:44 pour aller trouver des métaux rares pour alimenter des batteries ou pour alimenter de nouvelles technologies ?
02:48 Ça n'a pas de sens.
02:49 Après, nous, nous entendons le fait que des gens se disent,
02:52 "Bon, il y a des métaux rares dans tel et tel endroit, regardons comment les exploiter."
02:59 Et c'est pour ça que ma présence au nom de la France et à la demande du président de la République,
03:03 elle est importante parce qu'il faut écouter pour ne pas être dans une position simplement,
03:07 "Nous, on est content parce qu'on ne fait pas d'exploitation minière dans nos eaux."
03:10 C'est ce que la France a porté, c'est ce qu'on portera au cours des prochaines décennies.
03:14 Mais si en haute mer, si dans les eaux internationales, on fait ce type d'exploitation,
03:19 vous voyez bien qu'il n'y a pas de frontières dans les océans et qu'il y aura des conséquences chez nous.
03:23 Et donc l'ambition, c'est de faire grandir encore cette coalition d'États
03:26 qui sont en faveur d'une pause de précaution ou d'un moratoire pour l'exploitation minière des fonds marins.
03:31 Et surtout de dire à ces pays qui sont intéressés par l'exploitation minière des fonds marins
03:35 qu'ils se lancent dans une opération qui vraiment endommagerait ad vitam aeternam,
03:41 les écosystèmes marins qui sont vitaux pour la vie sur Terre tout simplement.
03:46 - Hervé Berville, secrétaire d'État en charge de la mer,
03:48 vous avez cité plusieurs de vos alliés dans ce combat, le Vanuatu, le Chili.
03:53 En face, il y a la Chine, la Russie, la Norvège, pour n'en citer que quelques-uns.
03:58 C'est un peu David contre Goliath, ce n'est pas un combat perdu d'avance ?
04:01 - À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, comme disait l'autre.
04:05 Et puis aussi, il faut savoir qu'il y a un an tout pile, nous n'étions que quatre pays,
04:11 que quatre pays, et la France n'était pas dedans d'ailleurs, à être en faveur de cette pause de précaution.
04:16 Le président de la République a pris une position très forte à la COP 27 à Charmel-Cher,
04:19 où il a dit la France sera le premier pays à interdire dans ses eaux et à porter dans les eaux internationales
04:24 cette interdiction de l'exploitation minière des fonds marins.
04:27 Et on était crédible parce que nous avons le deuxième espace maritime au monde.
04:30 Donc potentiellement, nous, nous nous coupons de beaucoup de ressources financières.
04:34 Maintenant, nous sommes à 21 pays, parce qu'au fil des réunions internationales,
04:39 au fil des réunions bilatérales, nous avons fait grandir cette coalition.
04:42 Et donc, moi, je suis raisonnablement optimiste, mais très lucide sur le fait que ce sera une bataille très dure,
04:47 surtout quand il y a la Norvège, par exemple, qui s'y lance.
04:50 Mais si je prends l'exemple d'un autre grand combat pour les océans,
04:53 qui était celui de protéger la haute mer.
04:55 Vous savez, la haute mer, c'est cet espace qui n'a pas de juridiction nationale,
04:58 qui représente 45% de la surface.
05:00 Ça faisait 15 ans que c'était dans les abysses des négociations onusiennes.
05:06 En mars de l'année dernière, grâce à l'impulsion de la France, de l'Union européenne,
05:10 nous avons signé aux Nations unies un texte qui vise à protéger la haute mer.
05:15 Et il y avait dedans la Chine, il y avait dedans la Russie, il y avait dedans d'autres pays.
05:18 Donc il faut mener le combat, il faut s'appuyer sur la science, il faut s'appuyer aussi,
05:23 et je les en remercie, je les salue, sur les ONG, la société civile,
05:26 qui à travers des campagnes dans tous les pays, auprès de tous les parlements,
05:30 donne à voir la nécessité d'en faire une priorité.
05:33 Et ensuite, il faut continuer à faire ce travail diplomatique intense,
05:36 qui sera la condition de notre succès politique.
05:39 – Deux questions pour bien comprendre la position de la France.
05:41 Notre pays n'a pas toujours défendu cette position-là, vous allez nous expliquer.
05:46 Et puis on a toujours des licences d'exploitation, pourquoi si l'on n'y va pas ?
05:49 – Alors, en effet, c'est en 2022 que la France, eu égard aux premières remontées,
05:56 aux premières données scientifiques, a décidé qu'il était hors de question
06:01 d'aller vers de l'exploitation.
06:03 J'ai arrêté tous les financements de tests ou d'expérimentations
06:07 pour de l'exploitation minière des fonds marins,
06:09 et le Président de la République a pris cette position très forte et inédite à la COP 27.
06:15 Et puis ensuite, nous avons en effet des licences, mais ce sont des licences…
06:18 – En 2022, ça veut dire que dans la première partie du quinquennat,
06:20 Emmanuel Macron y était favorable ?
06:21 – Non, il n'y était pas favorable, mais c'est un sujet qui n'était pas remonté à la surface,
06:25 si vous me permettez l'expression.
06:27 Et surtout, c'est le Président de la République qui a fait des océans,
06:29 avec le One Ocean Summit, vous vous rappelez, à Brest en 2022,
06:32 un sujet de diplomatie environnementale et un sujet aussi de protection du climat
06:37 et de la biodiversité.
06:38 Et donc, on a regardé tout ce qui existait en la matière
06:42 et on a vu que ce sujet de l'exploitation était un sujet qui était incohérent
06:46 avec la politique que nous portions de protection des océans.
06:49 Et donc oui, nous avons des licences, mais qui ne sont pas des licences
06:52 nécessairement pour de l'exploitation.
06:54 C'est pour ça que ce que je vais porter à l'IFM, c'est de dire,
06:57 nous avons des licences qui vont nous permettre de faire de l'exploration,
07:01 de faire de la recherche, de la connaissance,
07:03 pour mieux connaître la fragilité de ces écosystèmes,
07:06 pour mieux connaître aussi la diversité, la richesse.
07:08 Et donc, nous les gardons aussi, ces licences, pour éviter que d'autres pays
07:12 qui eux, veulent aller vers l'exploitation, s'en emparent
07:16 et commencent des opérations.
07:18 Mais vous dire que tout n'est pas perdu, comme vous le disiez tout à l'heure,
07:21 parce que depuis déjà la prise de position de la France et d'autres pays,
07:24 nous avons obtenu des victoires et des avancées.
07:26 Premièrement, Nauru, qui était un pays qui voulait se lancer dès 2023,
07:30 a renoncé à se lancer dans l'exploitation minière cette année.
07:34 Et surtout, tous les pays se sont mis d'accord il y a de cela quelques heures
07:38 pour dire qu'il ne fallait pas commencer l'exploitation
07:41 sans qu'il y ait des règles admises communément
07:44 et sans qu'il y ait au fond un consensus sur des règles
07:48 qui permettraient de faire quelque chose qui n'aurait pas de dommages irréversibles.
07:51 Donc, vous voyez, il y a de l'espoir, on continue
07:54 et on va parter la bataille au niveau diplomatique.
07:56 Et ce sera à Kingston, en Jamaïque, pour ce sommet
07:59 au siège de l'Autorité internationale des fonds marins.
08:02 Merci Hervé Berville d'être passé par le studio de France Info,
08:05 secrétaire d'État en charge de la mer.