Interview d'Hervé Renard par Alexandre Ruiz

  • l’année dernière
Nouvelle émission d'Alexandre Ruiz, "Signatures". Avec comme premier invité, le sélectionneur de l'équipe de France féminine de football, Hervé Renard

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Sports
Transcript
00:00 je lâche l'Arabie Saoudite et j'y vais.
00:02 Je fonctionne au Challenger.
00:04 Les amis, salut à tous.
00:11 Très heureux de vous retrouver pour le premier épisode
00:14 d'une nouvelle série intitulée "Signature".
00:17 Notre premier hôte, M. Hervé Renard,
00:20 le sélectionneur de l'équipe de France féminine aujourd'hui.
00:22 Salut Hervé !
00:28 Mais dans "Signature", tout commence par un contrat moral.
00:32 Et il s'engage à me répondre avec la plus grande franchise.
00:35 C'est ça, ce qu'on aime chez Fairplay.
00:38 Bon déjà, chez toi, ici, c'est une première signature,
00:41 c'est le 125e déménagement d'Hervé Renard.
00:44 T'as signé quand d'ailleurs ici ?
00:46 J'ai signé il y a deux ans, mais ça restait un pied-à-terre.
00:51 Parce que dans notre métier, il faut toujours un pied-à-terre.
00:53 On sait jamais ce qui peut se passer.
00:55 Le football, ça peut durer un jour ou toujours.
00:57 Le petit enfant qui était un passionné de football,
01:00 il ne s'imaginait pas voyager autant.
01:02 Je vais te montrer quelques photos de tout ça d'ailleurs.
01:07 Tu vois qu'on a quelques bons petits dossiers.
01:11 Alors, je te montre un peu tout ça.
01:13 C'est effectivement les couleurs rouge et blanche.
01:15 Déjà, là tu étais en minime.
01:19 Là c'était X-les-Bains,
01:22 que j'ai eu la chance d'avoir pendant deux, trois saisons.
01:25 Et puis un jour, il y a un garçon de cet effectif
01:29 qui s'appelle Xavier Graa, qui a été contacté par l'Ice Can
01:32 parce qu'il avait énormément de qualité.
01:34 Et mon entraîneur de l'époque, Bernard Chevalier et Daniel Guillaume,
01:38 ont demandé à l'Ice Can s'ils pouvaient amener un deuxième joueur
01:41 qui avait quelques petites qualités.
01:43 Mais c'était à voir.
01:45 C'était le grand gaillard qui était là.
01:46 Donc j'ai fait un essai à l'Ice Can.
01:48 Et malheureusement, j'ai été pris, mais pas de Xavier.
01:52 Moi j'étais ce leader déjà, mais avec beaucoup moins de qualité.
01:56 Athlétique, oui, mais techniquement beaucoup plus faible.
01:59 Et c'est parfois l'histoire du football.
02:02 Ça se joue à un virage qui se prend ou qui ne se prend pas.
02:06 À cette époque, c'était fabuleux.
02:09 C'était comme tous ceux qui ont joué au football dans des clubs amateurs.
02:13 Ma mère qui suivait tout ça.
02:15 Tu m'avances ces positions tutélaires des parents.
02:19 La position de ta maman, assez peu la position de ton papa finalement.
02:25 Parce que mes parents se sont séparés.
02:28 À l'origine, mon père était dirigeant dans un club de cyclistes.
02:32 J'ai été baigné dans cet univers où on allait voir les kermesses d'été.
02:36 Oui, très bien.
02:38 Puis mes parents se sont séparés.
02:40 Et donc mon père m'a moins suivi de par le fait que
02:46 quand les relations se dégradent, malheureusement,
02:48 ça crée des distances.
02:50 Toute cette beauté à cet âge-là, elle a un peu disparu du fait qu'ils se séparent.
02:55 Et du coup, cette relation avec ce père,
03:00 c'est quelque chose que tu as entretenu, retrouvé, abandonné ?
03:06 On s'est séparés, vous voyez, de par la vie des adultes.
03:12 On prend position, alors qu'à 8-10 ans, on ne devrait pas prendre position.
03:19 On essaye de ne pas faire les mêmes erreurs.
03:21 Malheureusement, parfois, les tiraillements de la vie font qu'on commet les mêmes erreurs.
03:26 Et ça crée des distances.
03:28 Donc j'ai été un peu distant avec mon père.
03:31 Je le regrette, oui.
03:32 Il est toujours en vie ?
03:33 Non, non, il est décédé.
03:34 Mais quoi qu'il ait fait, ça reste mon père.
03:37 Ça restait mon père.
03:38 Et c'est vrai qu'il y a eu une petite distance.
03:40 Parce que j'avais des choses aussi à lui reprocher dans son comportement.
03:44 Ce qui a peut-être fait aussi que je suis devenu un homme différent.
03:49 Voilà, je ne bois pas d'alcool.
03:53 La raison, c'est parce que ça vient de mon enfance.
03:59 Mais moi, ça m'a servi, en tout cas.
04:01 Du coup, tu as eu une notion un peu de protection de ta mère ?
04:04 Ma mère, c'est d'origine polonaise.
04:07 C'est un caractère, elle a travaillé toute sa vie durement.
04:13 Elle est un peu dure, même très dure.
04:17 Parfois un peu rigide.
04:19 C'est ses qualités et ses défauts.
04:22 C'est ce que tu es ?
04:23 Un peu, oui.
04:24 Mais à un degré moins, non.
04:26 Parce qu'elle, c'est...
04:27 Elle est une secrète.
04:30 Mais parce qu'on n'a pas eu la même vie non plus.
04:32 Les aléas de la vie font aussi que notre caractère change un petit peu.
04:37 Elle a toujours tout fait pour moi.
04:39 Et quand je suis parti à 15 ans presque,
04:42 elle m'a dit "c'est ce que tu veux faire ?"
04:44 Quand j'ai été recruté par l'Ice Can en 1983.
04:47 Ça fait 40 ans.
04:48 On n'imagine pas, mais...
04:50 Elle me dit "c'est ce que tu veux faire ?"
04:52 Mais elle me perdait, puisque je n'avais pas de frères et soeurs à la maison.
04:55 Mais je sais que c'est un manque énorme.
04:57 Et il y a quelque temps, elle m'a dit
04:59 "depuis que tu es parti, on ne se sera pas beaucoup vus."
05:02 Et ça, ça...
05:03 Oui, oui, cette phrase m'a marqué.
05:06 Cette phrase date de...
05:08 De quelques mois.
05:10 Mais sans doute qu'elle a raison.
05:11 J'ai beaucoup voyagé.
05:12 On prend 3-4 jours par-ci, une semaine par-là, maximum.
05:16 Donc...
05:17 Et puis pour les parents, ce n'est pas assez.
05:19 Comme c'est notre thème, cette signature,
05:21 cette première signature à Cannes,
05:23 tu l'as vécu comment, toi ?
05:25 Un rêve ?
05:26 On est en 1983, donc.
05:27 C'est un adolescent qui pense qu'au football,
05:31 ou presque.
05:32 Un directeur d'école qui lui dit
05:34 "M. Renard, il faudra peut-être..."
05:36 Bosser un peu.
05:37 Tu n'étais pas un bon élève ?
05:38 Non, je faisais le minimum.
05:40 Minima.
05:41 Minima.
05:42 Voilà.
05:43 Moi, je n'avais qu'une idée en tête, c'est le football.
05:45 Ce qui n'est pas bien, hein.
05:46 Il ne faut pas dire ça aux jeunes.
05:47 Je dis ça à mes enfants aussi, mais...
05:49 Et il s'avère que, juste derrière nous,
05:51 dans ton dos, à 100 mètres,
05:54 Vol d'oiseau.
05:55 100 mètres, à Vol d'oiseau,
05:57 cette même pelouse, je la vois.
05:59 La plaine de Jeules est là.
06:00 Je vois des petites tribunes qui ont l'air anciennes.
06:02 C'est les mêmes.
06:03 C'est les mêmes ?
06:04 Ça, ça n'a pas bougé ?
06:05 Alors raconte-moi, c'est quoi cette pelouse de Cannes ?
06:07 Mai 1983.
06:09 Presque jour pour jour, il y a 40 ans.
06:12 Je viens avec un de mes entraîneurs de l'époque,
06:16 Bernard Chevalier, qui m'amène ici,
06:18 avec Xavier Gras, qui fait un essai.
06:20 Donc j'ai l'autorisation de faire l'essai aussi.
06:22 Et donc, on fait ce match.
06:24 C'est le stade des Esperides à Cannes.
06:26 Un stade emblématique pour les anciens de l'Ice Cannes.
06:30 Exact.
06:31 Parce qu'ils aimaient même que l'équipe joue ici.
06:33 Et voilà où j'ai été recruté
06:37 pour passer sept ans, sept saisons à l'Ice Cannes.
06:42 Tu te rends compte, 40 ans après ?
06:44 En plus, quand tu as signé cet appartement,
06:46 tu t'es dit quoi ?
06:47 Quand tu as vu ça ?
06:48 C'est ici.
06:49 C'est déjà...
06:50 C'est un signe.
06:51 C'est un signe.
06:52 C'est un signe et c'est un endroit qui me marque, bien sûr.
06:57 Aujourd'hui, mon cœur, il est toujours à l'Ice Cannes, un petit peu.
07:03 C'est mon club formateur.
07:05 C'est le club où j'ai passé sept ans.
07:07 Aujourd'hui, il remonte en National 2.
07:09 Je suis allé les voir il y a deux jours
07:12 pour un match de championnat.
07:13 Voilà, c'est mes origines.
07:15 Donc je démarre la saison en août de 1983.
07:19 Jean-Marc Guillot, entraîneur de l'équipe de Ligue 2.
07:21 Et Arsène Wenger, entraîneur du centre de formation.
07:24 Donc c'est l'Ice Cannes.
07:30 Tu te verrais dans cet esprit-là, un jour peut-être ?
07:33 Prendre l'Ice Cannes ?
07:35 Oui, j'aimerais bien.
07:36 Mais aujourd'hui, j'ai envie de faire des choses que j'aime
07:41 et que j'ai vraiment envie de faire.
07:44 J'adore.
07:45 Qui étaient tes idoles d'ado ?
07:47 Bernard Hinault.
07:48 Michel Platini.
07:50 Oui.
07:51 Björn Borg.
07:52 Oui.
07:53 Yannick Noah.
07:54 Oui.
07:55 Voilà.
07:56 Que des kings, quoi.
07:57 Là, c'est nostalgie.
08:00 J'en ai rencontré quelques-uns, comme Michel Platini,
08:06 mais je n'ai pas eu le temps d'échanger assez avec lui.
08:09 Alain Giresse.
08:10 J'ai une photo avec Alain Giresse.
08:12 Les gens ne le savent peu,
08:14 tu as joué un match en première division.
08:16 À la fin des années 80, au Parc des Princes.
08:19 Oui, c'est ça.
08:20 Jean Fernandez, coach de la SCAN,
08:22 en face, le Matra Racing,
08:24 ce qui était la grosse équipe parisienne des années 80.
08:27 Il y avait une grosse énergie financière.
08:29 C'était le Matra qui portait les couleurs de Paris,
08:32 et non, aujourd'hui, le Paris Saint-Germain.
08:35 Et tu as fait ce match.
08:36 Jean Fernandez avait décidé de faire tourner
08:39 avant un match de Coupe de France.
08:41 On était quelques jeunes à avoir joué ce match.
08:45 C'est un manque pour toi de ne pas avoir vécu
08:47 quelque chose d'énorme en tant que joueur.
08:50 J'entends sur la scène européenne,
08:53 est-ce que c'est un manque chez toi, ça ?
08:56 Moi, j'ai eu la chance pendant 3 ans, 4 ans,
08:59 de m'entraîner avec un effectif de Ligue 1.
09:01 J'ai souvent allé à l'entraînement,
09:03 on faisait 11 contre 11, c'était Zlatko Vurovic.
09:06 Oui, très bien.
09:07 C'était un joueur de classe internationale.
09:10 On l'a peut-être oublié.
09:11 Aujourd'hui, il a jeune génération,
09:13 mais il a joué au PSG,
09:14 il a fini meilleur buteur de la Championnat de France.
09:16 Il jouait dans l'équipe de Yougoslavie,
09:18 il y avait Borupri Morac,
09:20 Edu Sanchevic, Marco Mlinaric.
09:22 C'était des joueurs...
09:24 Moi, je n'avais pas le niveau.
09:26 Même si je me défendais,
09:28 il manquait quelque chose.
09:30 Moi, j'ai toujours beaucoup de lucidité.
09:32 C'est peut-être l'une de mes seules qualités,
09:35 mais j'ai au moins celle-ci.
09:37 Tu es quand même en équipe de France ?
09:39 Oui.
09:40 84 ? Je vais la remontrer,
09:42 parce qu'elle est superbe, cette photo.
09:43 Elle est surtout superbe parce qu'il y en a
09:45 qui ont réussi des carrières exceptionnelles.
09:47 Elle est superbe, cette photo.
09:49 Et puis, il y a notre sélectionneur national,
09:51 Didier Deschamps,
09:53 Marcel Decelli.
09:55 Tu es là, à droite.
09:56 Il y a aussi Jean-Luc Vasseur.
09:58 Exact !
09:59 Henri Guérin, le coach.
10:01 David Ziteli, qui a fait une carrière...
10:03 Pascal Fugier, qui a joué...
10:05 Vous étiez une bonne petite bande, là.
10:07 J'ai joué avec David Ducci,
10:09 qui est un de mes assistants aujourd'hui.
10:11 C'était le gardien qui ne jouait pas ce tournoi
10:14 parce qu'il était avec la catégorie supérieure.
10:17 OK.
10:18 Et là, c'était Olivier Pédémas.
10:20 Oui.
10:21 Et t'étais comment, Marcel, à ce moment-là ?
10:23 Ah oui ?
10:24 Sincèrement, c'était deux monstres.
10:26 Là aussi, il y avait un écart.
10:28 Marcel et Didier ?
10:29 Didier Deschamps, c'était la maturité.
10:31 On avait l'impression qu'en termes de maturité,
10:34 de leadership, on jouait avec un adulte,
10:37 alors que nous, on était à 16 ans, 15 ans.
10:39 C'était naturel.
10:42 Marcel, il suffisait qu'il accélère un petit peu.
10:45 Il faisait rien de différent,
10:47 que ce soit derrière ou au milieu.
10:49 Le résumé, c'est que j'ai toujours eu plus
10:51 de qualité athlétique que de qualité technique.
10:53 Et puis, dans la vie, il y a deux sortes de personnes.
10:57 Il y a les besogneux et les talentueux.
11:00 Et moi, je fais plutôt partie des besogneux.
11:02 J'ai compris.
11:04 Je te montre un petit document.
11:10 Un petit coucou d'Avignon.
11:12 Tu es avec le Palais des Papes derrière,
11:15 le Luberon devant moi, le Mont Ventoux.
11:18 C'est ici, chez moi, en plein cœur d'Avignon,
11:21 que je l'ai reçu pour la première fois
11:24 pour lui parler de ce projet en Chine.
11:27 Et quand on s'est quitté, quand je lui ai dit
11:29 "à bientôt, les mots ont un sens pour moi",
11:31 ça voulait dire "je vais te rappeler".
11:34 Et lui, il a dit à sa femme,
11:36 qui n'était même pas remontée,
11:37 parce qu'il était un peu timide à l'époque,
11:39 alors j'ai pu, même s'il a gardé
11:41 cette même authenticité, cette même pureté.
11:44 Il m'a dit "à bientôt", ça veut dire "à jamais".
11:46 Et le lendemain, je l'ai rappelé pour lui demander
11:49 s'il était d'accord pour partir,
11:51 prendre son visa et m'accompagner en Chine.
11:55 Et voilà, ça a été le début de notre aventure professionnelle,
11:59 mais ça a été surtout le début d'une magnifique amitié.
12:04 Je me pensais à ça tout à l'heure,
12:06 sur cette terrasse du 4ème,
12:08 je me disais "mais Hervé, en 2023,
12:14 on efface tout et on se retrouve au début du 21ème siècle,
12:19 comme ça, tous les deux et tout,
12:21 est-ce que tu serais prêt à repartir avec moi ?"
12:24 On ne changerait rien.
12:26 Mon parcours, il est atypique,
12:28 mais il est magnifique à la fois.
12:30 Un jour, dans l'équipe, il y a marqué
12:33 "Claude Leroy signe à Shanghai",
12:35 Costco, c'était un club en Chine,
12:37 et il cherche un adjoint.
12:39 On avait fait un repas en commun,
12:41 6 mois avant, mais en se parlant un peu,
12:43 j'étais pratiquement en face de lui.
12:45 Ma femme me dit "je vais appeler Pierre Romero".
12:47 Je dis "non, mais quand il faut aller dans un stade,
12:50 demander des places, pour moi,
12:52 c'est, par exemple, assez une épreuve".
12:54 Je suis toujours un peu timide,
12:56 comme il disait, mais je le suis resté.
12:58 On n'a pas l'impression, mais je le suis resté.
13:00 Et ce monsieur, Pierre Romero, fait la liaison,
13:02 et dit "mais reçois-le".
13:04 Donc je vais chez lui,
13:06 pendant, je pense, 2 heures.
13:08 On parle de football, moi je suis là.
13:10 Ça paraît invraisemblable
13:12 qu'il puisse me choisir.
13:14 Et puis le lendemain, il me rappelle,
13:16 et la première chose qu'il me dit,
13:18 il me dit "si t'es d'accord, prends tes affaires,
13:20 et tu viens avec moi".
13:22 C'est ce qu'il m'a dit textuellement.
13:24 Et là,
13:26 c'est une vie qui change.
13:28 Déjà, j'ai une entreprise de nettoyage
13:30 avec ma femme sur Cannes.
13:32 Je suis entraîneur
13:34 du Sporty Club de Draguignan
13:36 jusqu'au mois d'août.
13:38 Et c'est le départ
13:40 le 1er janvier 2002.
13:42 Direction Shanghai.
13:44 Avec ma femme, le plan,
13:46 c'est qu'on garde l'entreprise pendant un an,
13:48 on voit ce qui se passe, parce que le football,
13:50 on ne sait pas ce qui peut se passer.
13:52 Et au bout d'une semaine, je l'appelle
13:54 et je lui dis "tu vends tout".
13:56 Elle me dit "mais si ça fonctionne".
13:58 Non, je lui dis "ça va marcher".
14:00 Signature d'entrée dans un nouveau monde,
14:02 et on signe, on ferme.
14:04 Oui, parce que l'autre,
14:06 c'était pour bien gagner sa vie,
14:08 c'était un métier difficile, où je me levais
14:10 à 2h30, 3h du matin.
14:12 T'es un maniaque ou pas ?
14:14 De propreté tout ça ?
14:16 Je t'ai vu, je t'ai vu.
14:18 Moi je sortais des containers,
14:20 je nettoyais des appartements pour des gens
14:22 qui venaient pour le festival du film.
14:24 Mais c'est bien, c'était une formidable école.
14:26 J'imagine, celui qui a fait que du football
14:28 dans sa vie, des fois, il a du mal
14:30 à avoir des repères, on va pas se le mentir.
14:32 Tu as raison, tu as raison.
14:34 Ce parcours-là, avec ça que tu gardes en tête,
14:38 je retrace effectivement
14:40 ce parcours depuis donc
14:42 Shanghai, donc t'es passé au Vietnam.
14:44 Oui.
14:45 Zambie, Côte d'Ivoire, Maroc, Cambridge.
14:47 Est-ce qu'il y a une signature que tu as regrettée ?
14:50 La plus grosse blessure,
14:52 c'est Lille.
14:54 Mais ça fait partie de la vie,
14:56 quelque part, il y en faut.
14:58 Ça fait partie des obstacles,
15:00 on ne peut pas avoir une carrière
15:02 toujours linéaire et
15:04 remplie de succès, ça n'existe pas.
15:06 Qu'est-ce qui t'a emmerdé dans cette histoire,
15:08 pour me dire qu'aujourd'hui tu la regrettes, si je choisis ce terme ?
15:10 On part dans un projet
15:12 où on doit recruter des jeunes joueurs.
15:14 Il faut rappeler que
15:16 le club prend Mike Maignan
15:18 sous mes conseils,
15:20 mon adjoint actuel avec l'équipe de France Féminine
15:22 en Arabie Saoudite, Laurent Bonady,
15:24 qui est au centre de formation du Paris Saint-Germain,
15:26 et qui me dit
15:28 qu'il faut prendre Mike Maignan,
15:30 il le paye un million d'euros.
15:32 Dans cet effectif, il y a Benjamin Pavard,
15:34 qui a 19 ans.
15:36 Et puis on fait 13 matchs,
15:38 7 matchs nuls,
15:40 0-0 à Monaco, 0-0 à Nice,
15:42 on ne marque pas, 0-0 à Lyon,
15:44 on ne marque pas. Quand je pars,
15:46 il y a Frédéric Antonetti qui vient,
15:48 qui fait un super travail, mais ils prennent 3 joueurs
15:50 de plus de 30 ans, Morgan Amalfitano,
15:52 Eder, l'attaqué en portugais,
15:54 et Rony Lopez, qui a moins de 30 ans,
15:56 mais qui est prêté par Monaco,
15:58 et ça change quand même offensivement,
16:00 ça a changé quelque chose.
16:02 À Lille, ça se passe moins bien, avec M. Sédou,
16:04 c'est comme ça.
16:06 Ça fait partie de la vie.
16:08 Dans notre métier,
16:10 je n'aime pas les entraîneurs
16:12 qui, quand ils arrivent, se disent
16:14 "on va se mettre à travailler",
16:16 donc tu déduis qu'avant, ça ne travaillait pas.
16:18 Toutes ces réflexions
16:20 qu'ils font, "on va remettre de l'ordre,
16:22 il faut rester mesuré",
16:24 il faut un respect, et je trouve que
16:26 dans le football français,
16:28 il n'y a pas assez
16:30 de solidarité entre les coachs.
16:32 Les portugais, les brésiliens,
16:34 ils voyagent partout,
16:36 mais ils s'entraident.
16:38 Nous, on s'entraide moins,
16:40 si on veut faire un résumé
16:42 de notre carrière.
16:44 Mais c'est grâce à lui,
16:46 Sébastien De Sabre, il était entraîneur
16:48 au Canet Rocheville,
16:50 au National 3,
16:52 et un jour, j'ai un ami à Abidjan
16:54 qui me dit "tu ne connaîtrais pas
16:56 quelqu'un", et je le mets en contact,
16:58 et il signe à la SEC d'Abidjan,
17:00 et aujourd'hui, il est sélectionneur
17:02 de la République démocratique du Congo,
17:04 il est entraîneur de New York en Ligue 2,
17:06 voilà, mais il faut
17:08 s'entraider,
17:10 il y a des gars qui ont des qualités,
17:12 je l'ai toujours dit, ça parce que moi, je viens du football amateur.
17:18 Quelle relation tu entretiens aujourd'hui
17:20 avec Didier ? Est-ce que vous partagez
17:22 le même burlingue à Clairefontaine ?
17:24 Oui, on m'a autorisé
17:26 à rentrer dans sa chambre.
17:28 Vous avez la même piole aussi ?
17:30 C'est drôle, est-ce que c'est un peu comme dans
17:32 les bronzés, tu sais, où chacun
17:34 accroche son cadre, et quand il arrive et qu'il jette...
17:36 Non, on n'accroche pas notre cadre, c'est la fédération
17:38 qui met le nom, mais ils mettent le nom
17:40 quand tu gagnes quelque chose.
17:42 Cette signature aujourd'hui,
17:44 avec les bleus, la question que je te pose,
17:46 c'est la question lambda du gars du quartier
17:48 qui me dit "attends, tu me dis
17:50 que tu es en poste en Arabie Saoudite
17:52 jusqu'en 2027,
17:54 avec des émoluments
17:56 de fous furieux, ce qui fait partie
17:58 aussi de la réflexion, c'est normal, avec
18:00 cette Coupe du Monde, avec ces matchs fous, l'Argentine,
18:02 on va y revenir, et tu choisis l'équipe de France Féminine.
18:04 Je ne dénigre pas le poste,
18:06 attention, je parle d'envergure
18:08 et de volume et d'enveloppe. Explique-moi.
18:10 Ah oui.
18:14 Je ne fonctionne pas comme ça.
18:16 Je fonctionne au challenge.
18:18 J'ai toujours dit,
18:20 en regardant les bleus,
18:22 ES,
18:24 j'aimerais bien un jour faire une grande compétition
18:26 avec cette équipe. Oui, je trouve que
18:28 ça joue de mieux en mieux, il y a des qualités,
18:30 et puis les grandes compétitions,
18:32 j'ai eu la chance de les faire
18:34 au niveau masculin, mais j'imagine
18:36 qu'au niveau féminin, ça doit être pas mal.
18:38 De toute façon, quand la FIFA fait quelque chose,
18:40 c'est grandiose, c'est comme la Champions League pour les clubs.
18:42 Donc voilà, là, il y a un fantastique
18:44 programme, il faut quand même remettre
18:46 les choses dans son contexte.
18:48 Il y a la Coupe du Monde,
18:50 la Ligue des Nations Féminines
18:52 qui démarre, entre temps,
18:54 et les Jeux Olympiques après, c'est-à-dire
18:56 qu'en un an et demi, en 18 mois de
18:58 contrat, il y a tout ce qu'il faut pour
19:00 aller chercher
19:02 de belles performances,
19:04 et puis, c'est un challenge, voilà, ça va
19:06 m'apporter quelque chose. J'ai signé le 1er
19:08 avril, mais je suis arrivé
19:10 2-3 jours avant. J'ai vu
19:12 plein de choses qui, dans ma vie, vont m'apporter
19:14 quelque chose. J'ai passé un stage avec des
19:16 filles qui étaient différentes de ce que j'ai pu
19:18 avoir dans le football masculin, mais
19:20 c'est des choses qui...
19:22 C'est enrichissant. - À quel moment tu t'es
19:24 dit "Allez, j'y vais, je
19:26 lâche l'Arabie Saoudite et j'y vais".
19:28 - Non, dans mon esprit, j'ai pris la
19:30 décision en 3 secondes.
19:32 Et j'ai fait savoir. J'ai fait
19:34 savoir, si vous êtes intéressés,
19:36 moi j'aimerais bien. - Tu as porté
19:38 candidature. - Ah oui, oui, oui. - Clairement.
19:40 - Carrément, c'est moi qui ai fait la démarche.
19:42 Et on m'a dit non. - C'est rare pour le grand timide.
19:44 Non ? - Oui, mais là, on se
19:46 dit, de toute façon, ils pensaient
19:48 pas à moi. Parce qu'ils se disent
19:50 "Ah non, c'est pas possible". - C'est pas possible. - Ils me connaissent
19:52 pas. - Merci de dire ça.
19:54 - Je suis capable d'aller
19:56 au fin fond de l'Afrique et
19:58 entraîner des jeunes, comme prendre
20:00 une équipe amateur n'importe
20:02 où, parce que c'est le plaisir.
20:04 C'est le plaisir. Moi, je fais ce métier,
20:06 c'est pas un métier, c'est une passion.
20:08 Déjà. C'est comme
20:10 le journalisme. Il y a quelque chose,
20:12 on a des... - Qui nous animent. - On est des
20:14 privilégiés. - Oui. - Pour moi,
20:16 entraîneur de football, c'est
20:18 une relation humaine. Avec un joueur,
20:20 mais avec un être humain.
20:22 Quelque part, alors, j'ai pas
20:24 fait des études pour, mais j'aurais aimé
20:26 être psychologue.
20:28 En fait, je cherche toujours des arguments
20:30 ou des explications
20:32 aux choses.
20:34 Voilà. Surtout à la personne.
20:36 Voilà. Ce qui veut pas dire
20:38 qu'on puisse tout pardonner, mais
20:40 il y a des explications.
20:42 Plus on va creuser,
20:44 plus je suis persuadé qu'on peut
20:46 en tirer le maximum au niveau
20:48 sportif. Voilà.
20:50 Ça marche là-haut, de toute façon.
20:52 Après, il y a les aptitudes,
20:54 mais quand on est à ce niveau,
20:56 elles ont toutes des aptitudes, ou ils ont tous
20:58 des aptitudes, mais il y a des choses qui font
21:00 la différence. - Justement, en parlant d'aptitudes
21:02 et de positionnement dans ce rapport humain,
21:04 on a tous en tête le discours que tu as eu
21:06 sur la condition de la femme, la condition des mamans,
21:08 de pouvoir être en équipe de France,
21:10 et compagnie. Ça, c'est toi.
21:12 - Je lis plus ce qui me concerne,
21:14 je regarde pas ce qui me concerne.
21:16 Mais je fais les choses de façon naturelle.
21:18 Je peux pas...
21:20 J'ai toujours une pensée
21:22 pour celle que je vais laisser dans la tribune.
21:24 C'est difficile, mais ça fait partie
21:26 de notre métier. Il faut choisir.
21:28 Mais je sais. Il faut trancher.
21:30 J'ai quand même du caractère,
21:32 et j'aime bien l'affronter
21:34 les yeux dans les yeux. J'aime pas
21:36 les gens qui fuient. - Un bon entendeur.
21:38 C'est ta signature actuelle.
21:40 Tu m'as parlé de la signature
21:42 que tu regrettes un poil.
21:44 Quelle serait la signature rêvée ?
21:46 - Je suis pas un grand rêveur.
21:48 J'ai passé les premières
21:50 années de ma carrière d'entraîneur
21:52 à avoir peur du lendemain.
21:54 Vous savez, aujourd'hui,
21:56 il y a un nombre de coachs qui ont
21:58 pas de travail. - Oui.
22:00 - Il y en a certains qui ont beaucoup de qualité.
22:02 C'est comme ça. Il y a beaucoup de monde.
22:04 Il y a peu d'élus. Je peux pas abandonner
22:06 ce que j'ai commencé, là.
22:08 La mission, par exemple, en Arabie saoudite,
22:10 pour revenir, elle était terminée
22:12 pour moi après la Coupe du monde.
22:14 J'avais du mal à repartir.
22:16 Et après, on m'a fait re-signer jusqu'en 2027.
22:18 Donc, ils avaient confiance en moi.
22:20 Et quelque part, quand je vais les voir,
22:22 pareil, je vais voir mon président
22:24 les yeux dans les yeux.
22:26 C'est difficile. - Hervé Daniel, une dernière question.
22:28 Je voulais te montrer ce petit papier
22:30 qui marquait dans la presse
22:32 Savoyard une présélection
22:34 pour aller éventuellement porter
22:36 les couleurs régionales.
22:38 Je lis, je cite, "Stomper, au gabarit
22:40 impressionnant, doit soigner son jeu de tête défensif
22:42 et sa relance. Très bon état d'esprit
22:44 et maturité très avancée."
22:46 C'est tout toi. Est-ce que tu es d'accord
22:48 avec le commentaire qui est marqué, là, du coup ?
22:50 - Par un jeu de tête défensif ?
22:52 Ou je pense que quand le ballon
22:54 venait... Mais bon, si je l'avais dit,
22:56 il fallait l'améliorer, mais...
22:58 Après, tout le reste, oui,
23:00 c'est juste...
23:02 - Regarde, je te montre une dernière petite
23:04 photo.
23:06 Qu'est-ce que tu dirais à ce gamin,
23:08 Hervé, aujourd'hui ?
23:10 - Beau parcours,
23:12 mais c'est pas terminé.
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