Mort de Geneviève de Fontenay: "Elle ne se laissait impressionner par rien, ni par personne", se remémore l'écrivain Henri-Jean Servat

  • l’année dernière
Geneviève de Fontenay, figure du concours Miss France, est décédée dans la nuit de lundi à mardi, à l’âge de 90 ans. Prônant une image conservatrice de la féminité, la “dame au chapeau” avait claqué la porte du concours en 2010 du fait de divergences.
Transcript
00:00 - Non, moi, j'avais connu Geneviève à la fin des années 70,
00:03 pour vous dire, parce que j'étais jeune journaliste stagiaire à Midi Libre
00:06 et j'ai été affectée au concours Miss France.
00:09 Donc, elle est venue à la fin des années 70.
00:11 Elle ne s'appelait pas De Fontenay.
00:12 Elle s'était, pardon, je l'adorais, mais elle était la concubine de la...
00:16 Elle partageait l'avis de M. Boireau.
00:18 Et elle était arrivée, je vous jure que c'est vrai,
00:20 elle était arrivée pour inaugurer le casino de la Grande Motte
00:23 avec l'élection de Miss la Grande Motte,
00:26 avec le correspondant local du comité Miss France,
00:29 à l'époque, elle démarrait, fin des années 70.
00:32 Ils n'avaient pas beaucoup d'argent,
00:33 ce n'est pas la gloire que ça allait devenir plus tard.
00:35 Elle était arrivée, le correspondant local était un producteur de tomates et de melons.
00:40 Elle était arrivée devant le casino de la Grande Motte
00:42 dans le camion d'un producteur.
00:44 Il y avait les cageots de tomates et les caisses de melons qui étaient là.
00:48 Mais je veux dire, elle est sortie de là,
00:49 parce qu'il m'a toujours frappé avec elle.
00:50 Elle avait une classe, elle avait une aisance.
00:52 Elle était à l'aise dans toutes les situations.
00:54 Elle ne se laissait impressionner par rien ni par personne.
00:57 Elle avait du franc parler.
00:58 Elle disait… et elle est sortie du camion de tomates.
01:01 Moi, j'étais impressionné, j'étais con con.
01:02 À l'époque, Madame de Fontenay, je l'imaginais comtesse du chèvre ou quoi.
01:05 Et elle est sortie avec une aisance, on aurait cru,
01:07 l'impératrice Marie Thérèse qui rentrait au Grand Bal de Schöndrün.
01:10 Elle a parlé aux gens.
01:12 Et elle venait organiser le concours de Miss.
01:14 Alors, j'ai copiné avec elle.
01:15 Du coup, je la suivais pour midi libre d'une ville de la façade méditerranéenne à une autre.
01:20 Et une fois, je me suis même retrouvé, il y avait l'animateur qui n'était pas arrivé.
01:22 Elle m'a mis le micro en tenue des mains et elle m'a dit,
01:24 allez Henri-Jean, tu vas présenter le truc.
01:26 Donc, elle était décontractée, à l'aise.
01:28 Elle disait ce qu'elle pensait.
01:29 Mais ce qui était, si je pouvais me permettre, ce que je voudrais dire d'intéressant,
01:31 c'est que moi, j'étais avec elle, j'ai connu la gloire.
01:34 Et j'ai connu Damien quand il s'occupait d'elle,
01:36 qui était un garçon délicieux et très gentil, bien évidemment.
01:38 Et j'ai connu la gloire.
01:40 Moi, elle m'a mis dans le jury de Miss France officielle au Puy-du-Fou.
01:44 Et j'ai fait un documentaire sur elle.
01:46 Elle m'avait ramené à Longoui, dans sa maison.
01:48 J'ai interviewé son frère prêtre, les petites filles.
01:51 Je crois qu'elle avait une sœur qui était religieuse,
01:53 ou sœur-sœur-sœur-converse, quelque chose comme ça.
01:55 J'ai découvert toute la famille dont je viens de me fontener.
01:58 Et c'était insensé.
01:59 Les coulisses, quand elle faisait les compétitions,
02:01 quand il y avait les élections de Miss,
02:03 c'était elle qui, dans les coulisses, repassait les robes des filles.
02:06 Elle leur retirait le chewing-gum de la bouche.
02:08 Elle leur enlevait le trop de maquillage qu'il y avait.
02:10 Elle leur apprenait au moins à marcher ou à se tenir droite,
02:12 à avoir pas telle expression, pas telle expression.
02:15 Elle était vraiment comme une espèce d'institutrice de jeune fille en uniforme
02:20 auquel elle apprenait les débuts de la vie.
02:22 Mais ce que je voulais dire, c'est que j'ai connu la gloire,
02:25 j'ai connu sa gloire.
02:27 Et après, j'ai vu quand elle a vendu,
02:30 et que, honnêtement, le comité Miss France s'est mal comporté avec elle.
02:33 Et j'ai vu cette femme, je l'ai vue au fait de la gloire,
02:36 et puis après, je l'ai vue quand elle a été humiliée,
02:39 quand elle a été mal considérée.
02:41 Moi, je la voyais pas tous les jours, c'était pas ma meilleure amie.
02:45 Mais je trouvais qu'elle était…
02:47 - Mais ça vous a peiné, à l'époque ?
02:49 - Ah oui, mais surtout parce que cette femme qu'on encence maintenant,
02:53 elle a été mal considérée.
02:54 Alors elle a voulu prendre sa revanche,
02:55 elle a voulu organiser un concours de Miss Prestige Nationale.
02:59 Ça s'est passé au Lido, il y avait plein de gens qui l'aidaient.
03:01 Séguéla, plein de gens, plein de gens qui l'aidaient.
03:03 Elodie Giosuin a été géniale et formidable avec elle.
03:07 Moi, je trouvais qu'on pouvait pas mal considérer cette femme-là,
03:09 parce que, si vous voulez, c'était une certaine idée de la France,
03:12 Geneviève Contenay.
03:13 Un peu surannée, un peu disuète, un peu…
03:16 Mais c'était quelque chose qui…
03:17 Elle avait des valeurs.
03:18 Alors maintenant, quand on dit des valeurs,
03:20 on se moque et on ricane ou quoi.
03:22 Je me souviens de ces animateurs de télévision que je déteste,
03:24 qui la faisaient venir pour se moquer d'elle et pour ricaner.
03:28 Mais elle était plus intelligente qu'eux,
03:29 et c'est elle qui les retournait dans la farine.
03:31 Mais elle représentait quelque chose.
03:32 Elle croyait en l'élégance, elle croyait en l'honneur,
03:35 elle croyait en l'amour, elle croyait en la gloire,
03:37 elle croyait en la beauté.
03:39 Elle croyait en des choses comme ça.
03:40 Je veux dire, on pouvait pas traiter ça par-dessus la jambe.
03:43 - Vous voulez dire qu'il y avait de la sincérité dans ce qu'elle faisait ?
03:46 - Ah mais totale !
03:47 Moi je trouve, elle était tout sauf calculatrice.
03:50 Bon, elle s'arrangeait pour faire ce qu'il lui faisait,
03:52 mais elle jouait pas, elle composait pas un personnage ou une façade.
03:55 Écoutez, il suffisait de voir, Damien l'a suivie,
03:57 moi je l'ai suivie dans des rues, dans des...
03:59 Elle rentrait au Plaza Athénée,
04:00 le Plaza Athénée, j'habitais à côté,
04:02 qui est un des hôtels les plus chics de Paris, sublime.
04:04 Les garçons lui faisaient la haie d'honneur
04:06 pour l'amener jusqu'à sa table,
04:07 alors que c'était pas une familière,
04:09 elle était d'un milieu modeste.
04:10 Elle allait dans le bar au café des autobus,
04:12 à Pont Saint-Esprit ou ailleurs,
04:14 elle avait pareil, elle avait l'adoration des gens,
04:16 parce qu'elle était adulée par les foules sentimentales,
04:19 et on comprenait parce qu'elle les aimait les gens,
04:21 elle aimait les gens.
04:22 Jamais elle s'est agacée de faire une photo,
04:24 de signer en autographe, jamais.
04:26 Elle avait compris mieux que n'importe qui d'autre, je trouve.
04:29 Elle avait compris la prense profonde,
04:30 elle avait compris ce qu'est le...
04:33 que chacun voulait être célèbre un moment ou un autre,
04:35 que chacun rêvait d'être beau,
04:36 que chacun aimait des valeurs qui étaient pas...
04:38 pas le sale, pas le gracieux, pas le laid.
04:40 On avait le sentiment de se faire enlever avec elle,
04:43 qu'elle voulait vous faire vous envoler,
04:44 elle vous donnait des idées de...
04:47 de beauté, de légèreté, de grâce, de splendeur.
04:50 C'est ça qui était beau, c'est cette espèce de leçon
04:52 qu'elle a donnée à la France entière,
04:54 qui fait qu'elle est patrimoniale, Jeanne-Bièvre de Fontenay,
04:56 elle est complètement ancrée dans l'inconscient collectif,
04:59 dans l'imaginaire populaire.
05:00 On vit avec elle, et c'est une page de la France,
05:02 une page de la France qui n'existera plus bientôt,
05:05 qui n'existe peut-être déjà plus,
05:06 qui s'est tournée cette nuit,
05:08 et c'est pour ça que les gens sont...
05:09 il y a une véritable émotion populaire,
05:10 une véritable ferveur, parce qu'ils ont compris
05:12 qu'elle était des nôtres, si je veux dire,
05:13 ou qu'on était à sa suite,
05:15 qu'on lui portait sa traîne avec déférence et gentillesse.
05:17 Et deux, trois fois, elle a dit des conneries,
05:19 deux, trois fois, mais tout le monde en dit,
05:20 c'est pas grave, elle était généreuse, de gauche,
05:22 elle adorait les animaux, elle était contre la corrida,
05:24 elle ramassait les chiens dans les poubelles.
05:26 Elle était formidable, Jeanne-Bièvre.
05:27 J'adorais Jeanne-Bièvre de Fontenay,
05:28 et la France, je crois, l'adore aussi.

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