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Chaque jour, cent cinquante milliards d'e-mails sont échangés dans le monde.
Les SMS, les fils d'actualité́ et les réseaux sociaux font également partie intégrante de notre quotidien connecté, tant au bureau que dans notre vie privée. Nous disposons ainsi de tout un attirail technologique qui sollicite sans cesse notre attention.
Comment notre cerveau réagit-il face à cette avalanche permanente de données ? Existe-t-il une limite au-delà̀ de laquelle nous ne parvenons plus à traiter les informations ? Perte de concentration, stress, épuisement mental, voire dépression...
Si les outils connectés augmentent la productivité au travail, des études montrent aussi que le trop-plein numérique tend à diminuer les capacités cognitives.

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Transcription
00:00 Aujourd'hui, la moitié de la population mondiale utilise Internet
00:04 et nous échangeons 150 milliards de mails chaque jour.
00:09 Des déluges de données qui nous submergent quotidiennement
00:12 et provoquent un stress sans précédent.
00:16 On est stressé à la fois parce que
00:18 il y a trop d'informations à traiter,
00:20 que cette information arrive trop vite sur un volume que de toute façon
00:24 humainement on ne pourra pas traiter.
00:26 On a toutes les conditions pour être dans un stress assez avancé.
00:33 Pour Thierry Venin,
00:34 auteur d'un livre sur la survie dans la société numérique,
00:37 les technologies de l'information sont responsables de l'augmentation du
00:41 stress au travail.
00:44 Désormais,
00:45 l'humanité produit autant d'informations en deux jours qu'elle ne l'a fait en
00:49 deux millions d'années.
00:52 Des quantités tellement énormes qu'elles en deviennent abstraites.
00:56 Pour en avoir une idée,
00:57 il faut les convertir.
00:59 Par exemple, en bibliothèque nationale de France,
01:02 l'une des plus importantes au monde avec ses 14 millions de livres.
01:08 Chaque seconde, l'équivalent de deux bibliothèques est diffusée sur le web.
01:13 Soit 63 millions de bibliothèques par an.
01:19 Je pense que nous vivons à l'âge du far-ouest de la technologie.
01:24 Où nous avons toutes ces applications et ces appareils numériques,
01:29 et les gens ne cessent de passer d'un appareil à l'autre,
01:32 d'une application à l'autre.
01:35 C'est vraiment le far-ouest, parce que c'est le chaos.
01:42 Nous vivons une situation paradoxale,
01:44 où les outils qui auraient dû nous faciliter la vie,
01:47 semblent la compliquer.
01:52 Comment en sommes-nous arrivés là ?
01:55 Comment le numérique a-t-il bouleversé notre univers professionnel ?
01:59 C'est ce qu'a voulu savoir Cindy Félio,
02:02 chercheuse en sciences de l'information et de la communication,
02:05 en interrogeant des cadres sur leur rapport au numérique.
02:12 Mon objectif, c'était d'aller voir où en était vraiment le travail,
02:15 et où en étaient les travailleurs équipés du numérique dans leur quotidien.
02:21 Et par la même occasion, il s'agissait de savoir
02:24 si le numérique faisait apparaître de nouveaux risques psychosociaux au travail.
02:32 Pour mener sa recherche, Cindy Félio a rencontré une centaine de cadres,
02:37 car ce sont eux les premiers touchés par le stress numérique.
02:43 Toutes ces tâches de gestion de l'information,
02:46 ou de manutention de l'information, comme on pourrait dire,
02:49 viennent empiéter sur le cœur de métier.
02:52 Certains ont parlé d'un sentiment de déqualification,
02:55 de s'éloigner quelque part de son réel travail.
02:59 Et au final, on se rend compte, à partir des analyses que j'ai réalisées,
03:04 qu'avec ces technologies, le travail est densifié, il est aussi intensifié.
03:09 Donc avec cette course à l'urgence, cette pression temporelle,
03:13 l'instantanéité que permettent ces outils-là.
03:16 Bernard Mananès fait partie des cadres interrogés par Cindy Félio.
03:23 Dans son poste précédent, il vivait mal la pression due aux outils numériques.
03:29 Il a préféré changer d'emploi pour réduire le stress.
03:34 Vous allez commencer, mettons, à travailler à 8h30 sur un sujet.
03:40 A 8h36, vous allez recevoir un mail urgent.
03:43 Mais quasiment 60% des mails de Mananès sont marqués "urgent",
03:46 parce que sinon, les gens ont peur qu'on n'y réponde pas.
03:48 Puis entre-temps, vous allez avoir un SMS, puis un coup de fil,
03:52 et puis vous allez revenir sur votre dossier que vous avez commencé à 8h30,
03:55 vous allez y revenir à 10h15, 10h30, 11h,
03:58 en ayant perdu le fil de ce que vous souhaitiez faire.
04:02 C'est-à-dire... Excusez-moi.
04:05 Je suis en réunion, je peux vous rappeler plus tard ce numéro ?
04:09 Et c'est vrai que quand on est entouré de sonneries, de bips, de signaux d'alerte,
04:18 on perd le fil de la concentration.
04:22 Le fil de la concentration.
04:25 On voit bien que quand il est interrompu, il a beaucoup de mal à reprendre le fil de son idée.
04:32 Et ça, c'est extrêmement caractéristique de ces environnements
04:35 que je qualifierais de bombardement électronique ou de torture de la goutte d'eau.
04:39 C'est-à-dire que, par exemple, sur les groupes de travail que j'ai animés,
04:42 on était à une interruption toutes les 6 minutes.
04:45 Et finalement, le nouvel écosystème de travail numérique
04:48 va être complètement organisé pour qu'on ne puisse pas y travailler.
04:51 C'est exactement ce qui se produit là.
04:55 Ces sollicitations incessantes nous obligent à donner des réponses.
05:01 Un mécanisme qui peut s'avérer chronophage.
05:05 Les chercheurs estiment que la seule gestion des mails
05:08 représente 30 % de la journée d'un salarié.
05:12 Mathieu Pédelahor travaille dans une société qui gère des réseaux informatiques.
05:19 Il n'a pas le choix, il doit se connecter en permanence.
05:23 Oui, Francis.
05:26 Ben non, vas-y, je t'écoute. Rapidement.
05:30 Je dois pouvoir être rejoint 24 heures sur 24, n'importe quand, week-end, la nuit.
05:34 Et d'ailleurs c'est le cas, parfois je suis appelé même la nuit,
05:37 lorsqu'il peut y avoir des problèmes importants.
05:39 D'accord. Bon, je te laisse et puis on se rappellera plus tard sur le sujet.
05:43 On aimerait bien tous, et moi le premier, pouvoir de temps en temps souffler un petit peu
05:47 et pouvoir déconnecter.
05:50 Je viens de voir le mail.
05:52 Et voilà, moi ça me plaît pas du tout.
05:54 Donc de toute façon on a une réunion tout à l'heure.
05:57 Même en repos, même en week-end, même dans n'importe quel moment de la vie.
06:04 Si vous recevez un mail, il faut lire pour voir s'il n'y a pas quelque chose à dire d'important.
06:11 Et là d'ailleurs c'est le cas.
06:13 Donc ma promenade va s'arrêter assez vite.
06:17 Ou alors je vais faire une petite pause de quelques minutes
06:19 pour soit téléphoner à quelqu'un, soit prendre le temps de répondre à ce mail.
06:25 Aujourd'hui, un cadre sur deux ne s'autorise pas à se déconnecter du travail le soir.
06:31 Et dans le monde du travail, il est devenu presque impossible de faire autrement.
06:37 Il y a une forme d'injonction, de règle implicite d'être connecté en permanence,
06:45 de répondre aux mails que l'on reçoit, puisqu'on est équipé de ce téléphone
06:49 et que, en lui-même, cet outil est fait pour ça.
06:54 Le fait de pouvoir être connecté avec son travail à toute heure et en tout lieu
06:59 va poser question dans la sphère privée.
07:02 Il peut y avoir eu des cas de divorce ou de dispute avec le conjoint
07:08 à cause de l'intrusion trop forte du smartphone professionnel au domicile familial.
07:14 Et quand le travail devient envahissant,
07:21 le stress numérique peut conduire à l'épuisement professionnel, au burn-out.
07:26 Stéphanie Lecin, qui travaille désormais sur une propriété viticole,
07:32 en a fait l'expérience dans son précédent poste.
07:35 Il m'arrivait fréquemment de me relever la nuit, puisque je travaillais avec la Chine et l'Inde,
07:42 et de me relever pour faire des mails pour que ça aille plus vite.
07:46 Je pensais que c'était efficient, que c'était pour le bien de la société.
07:51 Je ne me sentais pas investie, mais il me semblait que la vie de la société allait en dépendre.
07:56 Mais j'avais complètement oublié ma vie.
07:58 C'est moi qui me sentais dans l'obligation de me connecter,
08:03 parce que c'était une addiction, une addiction complète.
08:06 Je ne vivais pas sans la connexion.
08:08 Il fallait que je me connecte, que je sache ce qui se passe,
08:11 même le week-end, même en vacances, tout le temps.
08:14 Je regardais tout le temps mes mails.
08:17 Même en lune de miel, en vacances.
08:21 À un moment, j'en ai pris conscience.
08:24 Je me suis rendue compte qu'il fallait que j'arrête.
08:27 Il y a eu un gros déclencheur.
08:31 C'est Lilou, ma fille, qui un jour m'a dit
08:34 « Maman, tu ne fais que crier. Tu es vraiment trop méchante.
08:37 Il va falloir que tu te fasses opérer. »
08:40 J'ai décidé de prendre des mesures et d'arrêter de me connecter.
08:47 Bien sûr, dans son nouvel emploi, Stéphanie a toujours besoin de se connecter.
08:53 Mais désormais, elle s'impose un cadre horaire approuvé par sa direction.
08:58 Si la jeune femme a évité le burn-out de justesse,
09:01 tous ne peuvent pas en dire autant.
09:04 J'ai été soumis moi-même à un burn-out il y a quelques années.
09:08 Maintenant, je sais comment le gérer et le traiter différemment.
09:12 Mais je pense sincèrement que c'est la surcharge d'informations
09:16 qui vient de ces nouveaux outils informatiques qui me l'a provoqué.
09:21 La surcharge, c'est quelque chose qui va amener forcément à un état de fatigue,
09:27 de fatigue mentale et, dans certains cas, de burn-out.
09:30 C'est le terme à la mode, mais pourquoi c'est un terme à la mode ?
09:33 Parce qu'il est apparu avec ces nouvelles technologies.
09:36 [Musique]
09:42 Parce que ces technologies font aujourd'hui partie de nos vies,
09:45 nous allons devoir apprendre à mieux les gérer.
09:48 [Musique]
09:54 En France et en Allemagne, selon Thierry Venin,
09:57 12 % des actifs auraient un risque élevé de burn-out.
10:01 [Musique]
10:09 Une situation étroitement liée au TIC,
10:12 les technologies de l'information et de la communication.
10:15 Je pète les plombs quand j'ai le sentiment que ce qu'on attend de moi,
10:20 je n'ai pas les moyens de l'exercer.
10:22 C'est-à-dire que je ne vais pas arriver au but.
10:24 Et à partir du moment où on prend cette définition,
10:27 on comprend très bien pourquoi les TIC ont un très fort impact.
10:31 Puisque dans le fait que je n'y arrive pas, il y a quoi ?
10:34 Il y a le fait que je suis tout le temps en train de travailler,
10:36 que je sois chez moi, que je sois dans le métro, que je sois ailleurs.
10:39 Je travaille, sans les TIC, je ne pourrais pas.
10:42 Il faut que j'aille toujours trop vite.
10:44 Donc à chaque fois, on va reboucler sur des effets
10:49 des technologies de l'information et de la communication
10:51 dans cet écosystème stressant.
10:54 Pour la France, par exemple, on évalue le coût du stress au travail
11:00 entre 2 500 et 3 500 décès.
11:03 Donc là, on peut être sur des burn-out extrêmement violents.
11:07 Et quelques centaines de milliers de journées d'arrêt maladie.
11:12 Donc on est sur un coût social de la pandémie du stress au travail extrêmement élevé.
11:17 La prise de conscience du stress numérique ne fait que commencer.
11:22 Mais peut-on analyser la nature de ce stress ?
11:25 Avons-nous un comportement, un nouveau mode de fonctionnement
11:28 lié à ces outils qui menacent notre équilibre ?
11:31 C'est ce que le professeur Gloria Mark veut comprendre.
11:35 Chercheuse en psychologie dans le département d'informatique
11:39 d'une université américaine, Gloria Mark s'intéresse aux interactions
11:43 entre les humains et les ordinateurs.
11:46 Depuis 20 ans, elle analyse sur le terrain
11:49 comment la place grandissante du numérique nous transforme.
11:53 Quand j'ai commencé mes recherches, j'interrogeais les gens.
12:03 Et ils me disaient tous que le mail est une source de distraction.
12:07 Alors j'ai cherché une organisation qui accepterait
12:10 de bloquer les mails de ses employés.
12:13 Et ça m'a pris 6 ans pour en trouver une.
12:17 Une agence de l'armée américaine près de Boston
12:20 a bien voulu se prêter à l'une de ses expériences.
12:23 Objectif, évaluer les effets des emails sur les membres du personnel.
12:27 Pour mener ces recherches, Gloria Mark observe les salariés
12:31 et réalise des mesures physiologiques.
12:34 Sarah, bonjour, je suis Gloria Mark.
12:37 Nous faisons une étude et je vous remercie d'avoir accepté de participer.
12:41 Voici quelques appareils que j'aimerais que vous portiez.
12:45 La chercheuse équipe le personnel d'un dispositif
12:48 qui va mesurer la fréquence cardiaque.
12:51 Cet indicateur permet de déduire le niveau de stress.
12:54 Elle ajoute un capteur qui mesure le nombre d'interactions entre collègues.
12:59 Quand vos collègues viennent vous voir et qu'ils sont près de vous,
13:05 les signaux émis par ces badges sont détectés.
13:08 Et ils nous disent que vous êtes près de quelqu'un
13:11 et que vous interagissez avec cette personne.
13:15 Bon, maintenant, on va couper vos mails pendant 5 jours.
13:19 En analysant les résultats obtenus, avant et après blocage des mails,
13:27 Gloria Mark constate une augmentation des interactions directes
13:31 entre les membres du personnel.
13:34 Et son étude démontre que le mail est le premier responsable du stress au bureau.
13:43 Nous avons découvert que plus les gens passent de temps sur leurs mails,
13:48 plus ils sont stressés.
13:51 On a aussi trouvé que quand le temps passé à faire des mails augmente,
13:56 les gens témoignent d'une baisse de leur productivité.
13:59 C'est un résultat fiable car nous l'avons vérifié,
14:02 quelles que soient les caractéristiques du métier.
14:05 Ça veut dire que peu importe le poste,
14:08 que vous soyez manager, agent administratif,
14:11 chercheur, ingénieur, quel que soit le travail,
14:15 c'est le même résultat.
14:18 Depuis plus de 10 ans, Gloria Mark s'est attachée à mesurer avec précision
14:23 nos temps de concentration sur les écrans.
14:26 Et elle constate une évolution spectaculaire.
14:30 En 2004, nous avons mesuré que la durée moyenne
14:38 de concentration des gens par activité était de 3 minutes.
14:43 En 2012, nous avons trouvé que la durée moyenne d'attention
14:48 sur les écrans d'ordinateur n'était plus que de 1 minute et 15 secondes.
14:53 Leur centre d'attention changeait plus souvent.
14:57 J'ai également mené une vaste étude auprès d'étudiants
15:02 de la génération de l'an 2000.
15:05 Ceux qui sont nés et ont grandi avec Internet,
15:09 les outils numériques, les smartphones,
15:13 et leur durée d'attention sur les écrans d'ordinateur est encore plus courte.
15:18 Elle n'est plus que de 45 secondes.
15:22 Je pense que les gens font plusieurs choses à la fois,
15:31 depuis longtemps déjà.
15:35 Ils répondent au téléphone, ils écoutent la radio.
15:39 Mais ce qui est différent aujourd'hui sur le lieu de travail,
15:43 c'est que les gens ont accès, via les médias numériques,
15:47 à beaucoup plus d'informations, à une vitesse sans précédent dans l'histoire.
15:51 Les gens sont en burn-out, parce qu'à chaque fois
15:55 qu'ils doivent changer de tâche, c'est une épreuve.
15:59 Et ça montre que le mode multitâche et les interruptions qu'il impose
16:03 créent du stress et une surcharge cognitive.
16:07 Dans nos sociétés de plus en plus numériques,
16:15 la pression et le mode multitâche sont devenus habituels.
16:19 Comment et jusqu'à quel point notre cerveau
16:23 peut-il faire face à une telle charge ?
16:27 C'est ce qui intéresse Stéphane Buffat,
16:31 médecin militaire, spécialiste de l'aéronautique.
16:35 Ce chercheur étudie la charge mentale chez les pilotes,
16:39 c'est-à-dire l'effort psychique fourni pour accomplir
16:43 les tâches à effectuer pendant un vol.
16:47 Le concept de charge mentale a commencé
16:51 à être élaboré dans les années 1930,
16:55 avec la transformation des usines.
16:59 De là, on a exporté ce concept dans d'autres domaines
17:03 et l'aéronautique a été très porteur.
17:07 Les enjeux sont très importants en termes de sécurité aérienne.
17:11 On a une forte demande pour améliorer les choses
17:15 ou en tout cas comprendre ce qui se passe dans les cockpits.
17:19 Sur les premiers avions, il n'y a aucun instrument
17:23 qui est en train de faire des choses.
17:27 La quantité d'informations a augmenté
17:31 jusqu'à un maximum de cadrans dans le Concorde.
17:35 On a besoin de cadrans pour gérer le vol.
17:39 Il y a une rupture, l'arrivée des écrans multifonctions
17:43 qui vont permettre de transformer la façon
17:47 dont on présente l'information.
17:51 Pour étudier la charge mentale chez les pilotes,
17:55 Stéphane Buffat effectue des mesures
17:59 de l'activité électrique du cerveau,
18:03 du rythme cardiaque et observe leur comportement pendant le vol.
18:07 Avec ces paramètres, on va évaluer une partie
18:11 de ton état interne et de ton activité
18:15 qu'on va pouvoir mettre en lien avec la charge mentale
18:19 de ton cerveau.
18:23 L'intérêt de ces mesures,
18:27 c'est qu'elles vont nous donner une dynamique des états
18:31 pendant le vol et pendant les actions.
18:47 Avec ce type de simulateur, on peut simuler
18:51 un vol et l'arrivée d'un certain nombre de pannes.
18:55 Ces pannes vont devoir être gérées par le pilote
18:59 qui va avoir besoin de mobiliser son énergie devant cette demande.
19:03 Le pilote a besoin de mobiliser toutes ses ressources,
19:13 qu'elles soient mémorielles, attentionnelles.
19:17 Si on lui met plusieurs tâches concurrentes,
19:21 il va devoir gérer ses priorités pour faire son action.
19:41 Quand le pilote d'hélicoptère va avoir une panne et une ligne à haute tension,
19:45 il va choisir le danger le plus immédiat qu'il va traiter en urgence,
19:49 très rapidement, probablement la ligne à haute tension.
19:53 Donc changer de tâche, ça a un coût en termes de temps de traitement de l'information
19:57 et en termes d'erreur. On peut le constater dans une mission de simulateur.
20:01 Avec cette simulation de panne, le pilote affronte
20:07 une brusque augmentation du flux d'information. Il est donc crucial pour lui
20:11 de ne pas commettre d'erreur alors qu'il a plusieurs tâches à accomplir.
20:15 "Activation de panne, moteur couche 0"
20:19 "Bon là Denis, il y a une panne, vous avez de la place pour faire la conversation en plus ?"
20:27 "Oui on va voir" "Je pourrais aussi vous dire 3x4"
20:31 "Je vous réponds 12 pour l'instant" "D'accord, et vous pouvez me réciter l'alphabet à l'envers"
20:35 "Alors un petit instant simplement, donc Z"
20:39 "Y"
20:43 "A chaque fois que vous allez changer de tâche, vous allez ralentir votre réponse, vous allez vous fatiguer également, et donc l'impression de traitement de multiples tâches va en fait être un leurre puisque chacune de ces tâches va être traitée principalement en superficie. Pour le travailleur qui réussit à donner une apparence de performance dans ses multiples tâches,
21:12 quand on scrute un petit peu plus dans le détail, on s'aperçoit que dans son changement de priorité, il va potentiellement modifier ses critères de performance à la baisse, c'est-à-dire qu'il va estimer que son travail est bon alors qu'il a baissé son critère de performance, donc il y a un réel impact de ce mode multitâche."
21:32 "Désactivation de tête de panne"
21:37 "Après analyse des données enregistrées sur cette carte mémoire, l'expérience montre que le mode multitâche réduit les performances, même chez un pilote expérimenté."
21:52 "Avec les outils numériques, nous sommes nombreux à nous vanter de pouvoir travailler en multitâche, mais le plus souvent, l'impression d'efficacité que nous avons de la multitâche est un effet de réduction."
22:05 "L'impression d'efficacité que nous en retirons n'est qu'une illusion."
22:12 "Pourquoi ? Que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous traitons plusieurs tâches en même temps ? Et quel est l'impact du mode multitâche sur notre attention ?"
22:26 "C'est ce qu'étudie Aurélie Bidécollet, chercheuse en neurosciences à Lyon."
22:34 "La scientifique veut comprendre comment interagissent les différents types d'attention en fonction de notre environnement."
22:43 "Je considère qu'il n'y a pas un seul type d'attention, mais qu'il y a plusieurs types d'attention, et que ces types d'attention reposent sur différents mécanismes cérébraux, différents types d'activités dans le cerveau, et c'est ça que j'essaye de décortiquer."
23:02 "Parmi les différents types d'attention, Aurélie Bidécollet étudie l'attention soutenue, qui nous permet de rester attentifs plusieurs minutes ou plusieurs heures."
23:13 "Ou encore l'attention sélective, qui élimine les bruits inutiles de notre environnement."
23:20 "La chercheuse veut comprendre quels mécanismes interagissent lorsque nous sommes en situation de double tâche."
23:28 "Il y a une expérience dans laquelle on essaye de mesurer l'activité du cerveau dans une situation de double tâche, et de voir si c'est possible de faire deux activités à la fois."
23:38 "Donc tu vas entendre ton prénom, et il faut que tu comptes le nombre de fois que tu entends ton prénom, donc le nombre de fois que tu entends Judith."
23:53 "Et en même temps, il y a des chiffres qui vont s'afficher, et il faudra que tu cliques sur le bouton gauche de la souris dès que tu vois un 2."
24:00 "D'accord."
24:01 "D'accord?"
24:02 "Ça va commencer."
24:07 "Ça marche."
24:08 "Hop, hop, Judith."
24:12 "Hop, hop, hop, hop, Judith. Hop, Judith."
24:20 "Donc là, on va apparaître sur les électrodes qui sont à l'arrière de la tête, des oscillations lentes, qui montrent que sa vigilance est en train de baisser, donc en fait, elle est moins attentive à ce qu'elle est en train de faire."
24:33 L'analyse des ondes cérébrales de Judith montre que les deux tâches à réaliser entrent en conflit dans son cerveau, car elles utilisent le même réseau de neurones.
24:44 "Judith."
24:45 "Quand on essaie de répondre au téléphone et d'écrire un e-mail en même temps, le cerveau va plutôt alterner entre les deux activités, et ce qui va se passer, c'est qu'au moment où vous allez écrire un bout de l'e-mail, vous allez rater ce que votre interlocuteur vous dit au téléphone."
25:02 "Si on fait deux activités qui reposent sur le même réseau du cerveau, donc écrire un e-mail et répondre au téléphone, on utilise le réseau du langage dans les deux cas, et donc le réseau va saturer, et forcément, il y a au moins une des deux activités qui va en pâtir."
25:16 En entreprise, nous travaillons souvent dans le bruit, les sonneries de téléphone, les conversations des collègues, ce que les chercheurs appellent des informations non pertinentes.
25:29 Comme les bips de cette expérience, ces sons viennent perturber notre attention, même si la plupart du temps, nous sommes capables d'en faire abstraction.
25:36 "Le cerveau a des mécanismes d'inhibition qui vont réduire les réponses aux sons non pertinents, un peu comme si les sons, par exemple, le cerveau les rendait silencieux, et vraiment les atténuer, et arrêter de réagir à ces informations-là."
25:56 Ces mécanismes d'inhibition sont indispensables, puisque notre cerveau est sans cesse bombardé d'informations sonores, visuelles, tout ce qui vient de notre environnement immédiat.
26:05 Mais la situation de double tâche perturbe ces filtres, comme le montre l'expérience menée par Aurélie Bidécollet.
26:16 "Quand on se retrouve en situation de double tâche, les mécanismes d'inhibition sont fortement affectés, donc on arrive beaucoup moins à inhiber les stimuli non pertinents de l'environnement, comme le bruit de la machine à café à côté, ou quelqu'un qui passe dans le couloir."
26:32 Résultat de l'expérience, en situation de double tâche, nous sommes beaucoup moins capables de faire abstraction du bruit, et notre attention empathie.
26:42 Le fait que certains seraient multi-tâches est donc réfuté par les travaux des chercheurs.
26:46 "Le fantasme qui consiste à renforcer les jeunes dans l'idée qu'ils pourraient être plus multi-tâches que leurs aînés ne correspond à aucune étude cognitive sérieuse, et les conforte dans un zapping compulsif qui va leur faire beaucoup de mal.
27:02 Ce qui est remarquable, c'est qu'on pourrait s'attendre à ce que les jeunes générations fassent mécaniquement baisser le taux de stress, puisqu'ils sont nés avec le numérique, ils sont soi-disant à l'aise avec le numérique, etc.
27:13 Et là, les enquêtes sont étonnantes, puisqu'on est exactement sur la pente inverse, notamment une grosse enquête européenne auprès de 30 000 salariés, où tous les taux de stress des jeunes par rapport aux aînés, en lien avec les technologies d'information et de la communication, sont très sensiblement supérieurs."
27:32 Cette enquête, menée par l'institut GFK dans 29 pays, montre que 39% des moins de 30 ans souffrent du fait que le travail prend trop de place dans leur vie.
27:42 Parce que les outils numériques captent sans cesse notre attention, il devient nécessaire d'apprendre à résister aux sollicitations multiples, et ce, dès le plus jeune âge.
27:56 Pour la première fois en France, des ateliers d'apprentissage de l'attention à l'école ont été élaborés à partir de travaux de recherche.
28:07 Ces ateliers sont le fruit de la collaboration du neuroscientifique Jean-Philippe Lachaud avec des équipes pédagogiques de la région lyonnaise.
28:23 Le chercheur en est convaincu. Nous pouvons résister à l'appel des sirènes numériques.
28:29 "Alors je pensais pas du tout à me retrouver dans une école un jour. Enfin, je pensais en avoir fini avec tout ça. Et puis en fait, je me suis retrouvé à essayer de relever le défi, et aller dans les classes pour essayer de mettre en place un programme d'entraînement ou d'éducation à l'attention chez les enfants."
28:48 "Oh, mais qui voilà ? - Voilà les chercheurs. Ça va les petits loups ? - Ouiiii !"
28:53 Le programme débute dès la classe de maternelle. Polytechnicien de formation, Jean-Philippe Lachaud ne rechigne pas à mettre la main à la pâte pour expliquer le fonctionnement du cerveau aux enfants.
29:05 "Tout au long de l'année, nous allons apprendre un petit peu ce qu'est le cerveau, comment il fonctionne, et comment l'utiliser pour mieux maîtriser notre attention. C'est le programme ATOL."
29:17 "AT" c'est pour attention, et "OL" c'est pour école. Le chercheur sur l'attention, soit il reste dans son coin, dans sa tour d'ivoire, soit à un moment il doit s'intéresser à la société et essayer de proposer des solutions."
29:26 Un millier d'élèves participent à ce programme qui permet de préparer les enfants à résister aux sollicitations massives du numérique.
29:35 Le but est de montrer que tous les enfants peuvent apprendre à maîtriser leur attention, avec des bénéfices jusqu'à l'âge adulte et la vie professionnelle.
29:45 Si l'expérience fait ses preuves, elle sera étendue à tous les établissements scolaires de France.
29:50 "A quoi il sert le cerveau ? A diriger les yeux, à réfléchir, à être attentif."
30:06 "Il sert pas à faire que les choses sérieuses, il sert aussi à faire toutes les choses amusantes."
30:10 "Ce qui va être important, peut-être, et qui va créer une différence aussi entre individus, c'est la valeur qu'on accorde à l'attention.
30:16 C'est-à-dire que si pour une personne, voire même pour sa famille, c'est très important d'être attentif, si l'attention a été valorisée, on aura peut-être des enfants qui vont être plus attentifs.
30:27 Si vous êtes avec un enfant qui est tout jeune, il a un an, deux ans, vous commencez à lui dire des histoires, si dès que son regard par ailleurs vous interrompez, l'enfant va sentir que vous attendez de lui une certaine qualité d'attention.
30:39 Donc à partir de là, il y a moyen par des tas de petits gestes de la vie quotidienne de favoriser l'attention, le comportement attentif chez l'enfant, puis après ça va se prolonger par la suite."
30:49 Nous devons donc faire attention à notre attention.
30:52 Trop souvent malmenée par les médias numériques, elle joue pourtant un rôle central dans notre vie.
30:57 "Moi, je suis trop content avec mon cerveau."
31:00 "Dans un cerveau attentif, vous allez avoir l'implication de régions qui sont, dans le cerveau, chargées de fonctions cognitives de haut niveau, donc par exemple mémoriser, planifier, comprendre.
31:13 Dans ces régions-là, tout d'un coup, elles vont s'activer, elles vont réagir. Alors que quand le cerveau n'est pas attentif, au contraire, elles vont rester silencieuses ou occuper à autre chose tout simplement."
31:20 Les exercices d'entraînement s'enchaînent. Sur la poutre, les enfants doivent sans cesse restabiliser leur attention pour éviter de tomber.
31:32 L'image de la poutre les accompagnera tout au long de leur apprentissage.
31:42 "Rester en équipe sur la poutre, c'est arriver à rester stable malgré des forces qui vont avoir tendance à me faire partir d'un côté ou de l'autre.
31:47 De la même façon, pour l'attention, c'est pareil. J'essaie d'être concentré, j'ai un exercice, il y a un point A et un point B, par exemple, le début et la fin de l'exercice,
31:55 et je vais essayer de rester concentré, même si j'ai des forces qui font dévier mon attention, que j'ai envie de parler aux copains, que j'ai une idée, que je vais avoir décollé de mon exercice.
32:04 Comment est-ce que j'apprends à résister à ces forces en remarquant, par exemple, qu'il y a cette trace dans le corps, que je pars, je vais détendre tout ça, essayer de le ramener.
32:13 Donc, stabilisation du corps, stabilisation de l'esprit, stabilisation de l'attention."
32:17 Pour stabiliser notre attention, Jean-Philippe Lachaud a imaginé d'autres outils.
32:22 Pour mieux gérer leur capacité d'attention, les enfants apprennent à fractionner les activités.
32:30 "Il va falloir ranger ma chambre."
32:34 Ranger une chambre, c'est une tâche complexe pour un enfant.
32:38 Mais si elle est découpée en petites missions, ranger les poupées dans une caisse, les voitures dans une autre, faire le lit, l'attention ne s'éparpille pas.
32:47 "Très souvent, c'est ça, les enfants, ils essaient de faire tout en même temps. Et c'est une des raisons pour lesquelles parfois ils se déconcentrent.
32:53 Donc là, ce qu'on leur apprend, c'est à bien séparer en accumulant ces petites missions, ces petits objectifs.
32:59 Comme ça, elle est rangée assez rapidement."
33:01 Et nous, pourrions-nous découper notre journée de travail en mini-missions ?
33:07 La clé d'une bonne attention, c'est d'arriver à séquencer les tâches en se donnant un objectif après l'autre.
33:18 A priori, ça n'a pas l'air compliqué, mais nous sommes peu nombreux à nous y tenir, car nous pensons aller plus vite en mélangeant nos objectifs.
33:28 "Un des problèmes des enfants, mais même des adultes, c'est que souvent, on se laisse distraire.
33:32 C'est-à-dire qu'on n'a pas une intention très claire de ce qu'on cherche à faire.
33:35 On a un petit peu plusieurs objectifs en même temps.
33:37 Et du coup, il faut bien imaginer qu'à ce moment-là, le cerveau doit prendre des décisions plusieurs fois par seconde sur ce qui est important ou non.
33:43 Et cette prise de décision peut devenir terriblement compliquée si justement on essaie de faire plusieurs choses à la fois, si on n'est pas très au clair sur son intention.
33:50 Et en plus de ça, on a vu que le numérique va solliciter énormément un système attentionnel.
33:57 Au lieu d'avoir deux ou trois choses potentiellement intéressantes, j'en ai 15 000.
34:02 C'est-à-dire que je suis sur Internet, je cherche à répondre à une question particulière que j'ai en tête,
34:07 puis tout d'un coup, je vais voir une publicité sur le côté ou un lien, cliquer sur ce lien pour...
34:11 Tout d'un coup, je clique, ça y est, je suis parti, j'ai oublié ce que je cherchais.
34:15 Donc j'ai oublié mon intention initiale.
34:17 Quand on essaie de faire plein de choses en même temps, même si on affectionne ce mode multitâche,
34:24 ça va quand même faire leur garder en mémoire toute une quantité très importante de choses.
34:27 Il va falloir se souvenir de tout ce qui concerne la tâche 1, la 2, la 3, la 4,
34:31 et ça finit par s'encombrer et vraiment à devenir très lourd sur le plan cognitif.
34:35 Donc autant se créer ces petites mini-missions qu'on peut clore à chaque fois
34:40 pour pouvoir être entièrement disponible pour une nouvelle mission.
34:43 Pour Jean-Philippe Lachaud, pas de doute.
34:48 L'attention, ça s'apprend, et surtout ça s'entraîne, un peu comme un muscle.
34:54 Même si les outils numériques ont envahi notre quotidien et sollicitent sans cesse notre attention,
34:59 certains s'en sortent mieux que d'autres.
35:02 Joubine Rahimi est entrepreneur à Cologne.
35:09 Pour lui, l'hyperconnexion n'est pas un problème, il compartimente ses activités.
35:14 Quand je voyage, je rentabilise chaque minute.
35:20 Ici, je peux écrire des mails, je peux aussi téléphoner,
35:24 ou même tout simplement trouver de nouvelles informations.
35:28 Et qu'il y ait beaucoup de bruit autour de moi ou non, ça ne change rien, ça ne me dérange pas du tout.
35:34 On peut oublier le monde extérieur quand on est concentré sur quelque chose.
35:38 À la tête d'une entreprise de marketing numérique,
35:47 Joubine considère l'information comme une matière première, indispensable à l'exercice de son métier.
35:52 Et il a sa méthode pour arriver à la gérer.
35:57 Il ne faut pas réagir en permanence à toutes les informations.
36:04 Il faut un temps bien précis pour s'en occuper.
36:07 Il faut par exemple se dire, j'ai une heure pour traiter les informations dans tel ou tel domaine.
36:15 Et de cette manière, on se met en position d'agir et on ne se laisse pas dépasser.
36:21 Si Joubine Raimi sait comment préserver son attention dans le bruit et les sollicitations multiples, c'est grâce au jeu d'échec.
36:31 Tout jeune, il a bénéficié d'un entraînement de haut niveau avec des méthodes pour le moins surprenantes.
36:42 Nous avons poussé l'entraînement si loin que nous nous sommes mis à faire des choses fantaisistes.
36:47 Comme par exemple, de jouer aux échecs au milieu d'un stade de foot où deux équipes s'affrontent.
36:53 Et le gag, c'était que les personnes qui jouaient au foot devaient jouer au plus proche du plateau pour déranger les joueurs d'échec.
37:03 Mais évidemment, on ne pouvait pas leur tirer dessus, sinon cela comptait un but pour l'équipe adverse.
37:11 Et donc, il fallait essayer de se concentrer sur le jeu alors qu'il y avait beaucoup de bruit autour, alors qu'on risquait de se prendre le ballon.
37:18 Et ce type de jeu, ce type d'entraînement, nous ont appris à nous concentrer même dans un environnement bruyant.
37:25 Et au bout du compte, cela m'a rendu capable, par exemple, de me concentrer au beau milieu d'un aéroport et de faire complètement abstraction du reste.
37:36 L'exemple de Joubin Rahimi prouve que l'entraînement de la tension permet de mieux faire face aux sollicitations du numérique.
37:42 Mais même en admettant que nous sachions filtrer et nous concentrer,
37:49 pouvons-nous en permanence stimuler notre cerveau sans qu'il en pâtisse à long terme ?
37:54 Et bien, il faut le faire.
37:59 Pour le scientifique, il est indispensable de laisser à notre cerveau la possibilité de se déconnecter.
38:05 Et c'est ce que nous avons fait.
38:10 Nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:14 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:18 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:22 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:27 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:30 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:34 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:38 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:42 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:46 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:50 Et nous avons fait un travail de recherche sur le cerveau.
38:55 Or, dans notre cerveau, il existe un réseau de neurones pour lequel ces pauses sont indispensables.
39:01 Le réseau par défaut.
39:03 C'est un réseau qui s'active quand le cerveau est au repos.
39:07 Quand on ne fait pas grand chose, mais on n'est pas du tout dans un mode où on est endormi ou somnolent.
39:14 Quand nos pensées vagabondent et que nous n'avons pas l'air très actifs, le cerveau, lui, continue de travailler, mais différemment.
39:24 Un réseau de neurones spécifiques s'active, le réseau par défaut.
39:28 C'est lui qui fait tout le travail quand nous ne sommes pas concentrés sur une tâche précise, comme calculer ou écrire un mail.
39:36 Ce réseau recoupe plusieurs régions du cerveau.
39:41 On voit ces zones rouges, donc c'est le réseau par défaut, avec la partie antérieure du cerveau, le cortex préfrontal médian,
39:51 et puis la partie plus postérieure, qu'on appelle le gyrus singulaire postérieur.
39:56 Alors ça correspond schématiquement un petit peu en avant, ici, des régions qui sont un peu sur le front, ici,
40:03 et puis au contraire, des régions qui sont en arrière, mais qui sont dans le repli des hémisphères cérébraux.
40:08 Ce réseau s'active lorsque, par exemple, nous conduisons sur une route que nous connaissons bien, par beau temps, et que la circulation est fluide.
40:18 On ne manque pas de vigilance, et on a une attention, mais qui est une attention diffuse.
40:24 Et s'il y a un danger, on réagit tout de suite.
40:27 Tout en surveillant, c'est un peu la merveille de notre machinerie cérébrale, on est capable de faire autre chose.
40:33 Et quelque chose, vraisemblablement, qui paraît simple, mais qui est très élaboré, très important pour, j'ai envie de dire, notre équilibre psychique.
40:43 Les travaux de Francis Eustache montrent que le réseau par défaut joue un rôle fondamental pour notre mémoire.
40:49 Or, il est fragile.
40:53 Une fragilité que l'on constate dans certaines maladies neurologiques, où le réseau par défaut ne fonctionne plus correctement.
41:00 C'est un réseau qui est impliqué dans la mémoire, qui nous permet le travail de synthèse de la mémoire,
41:09 le lien entre ce qui est ancien, ce qui est nouveau, la projection dans le futur, le lien certainement avec d'autres personnes.
41:17 C'est un réseau qui est extrêmement important pour, à la fois, notre bien-être et pour notre insertion dans le monde.
41:24 Pour ménager notre mémoire, il semble donc essentiel de prendre soin du réseau par défaut.
41:38 Et pour cela, nous devons savoir faire des pauses, loin du numérique.
41:42 Je pense que le travail cérébral, le travail de synthèse de la mémoire, c'est aussi se ménager des moments à soi,
41:55 qui nous permettent, et qui permettent à notre cerveau, de synthétiser, de réfléchir, de ne pas être simplement répondeur,
42:03 d'être pas simplement à la merci des stimulations externes.
42:08 La mémoire, ce n'est pas seulement avoir de nombreux souvenirs.
42:11 C'est surtout une construction, une synthèse, d'où l'importance de l'aménager.
42:17 Mais l'attrait de l'information numérique est tel que le désir de connexion est souvent le plus fort.
42:25 Les gens n'arrivent pas à contrôler leurs besoins de vérifier leurs mails, d'aller sur leur page Facebook,
42:34 de jeter un oeil à Internet.
42:37 Quand on les interroge, ils disent qu'ils se sentent obligés d'y aller.
42:43 Il m'est déjà arrivé de passer dans des zones de non-couverture au niveau téléphonique,
42:49 et d'avoir un stress qui commençait à monter, à me dire que j'étais oublié de la civilisation,
42:58 que je n'étais pas joignable, que je ne pouvais pas moi-même joindre quelqu'un si j'en avais besoin,
43:04 et de passer comme ça pendant une demi-heure, une heure dans une zone où il n'y avait pas de couverture,
43:08 et de me sentir stressé, mais vraiment de me sentir stressé.
43:12 D'où vient ce besoin de se connecter, de chercher à tout près une information ?
43:19 Les mécanismes sont-ils les mêmes que pour l'addiction à l'alcool ou à la drogue ?
43:26 Vous avez dans le cerveau un système qui s'appelle le circuit de la récompense,
43:30 qui est composé de neurones dont le travail, la fonction essentielle, c'est de mémoriser ce qui nous fait plaisir.
43:35 C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'on ressent du plaisir à faire quelque chose, à manger quelque chose, à voir quelque chose,
43:40 ils vont s'en souvenir, garder une mémoire de ça.
43:43 Donc c'est très bien parce que ça nous permet de boire quand on a soif, de manger quand on a faim.
43:47 Le problème du circuit de récompense, c'est qu'il réagit à plein d'autres choses,
43:51 sans aller jusqu'aux addictions, mais par exemple, le circuit de la récompense réagit à la nouveauté, ce qui est nouveau.
43:56 On a même montré qu'il réagissait à l'information.
43:59 Si vous disposez de ces petits appareils qu'on appelle téléphone portable,
44:03 qui vous bombardent d'informations en permanence et de contenus nouveaux,
44:06 donc ces petites machines sont extrêmement puissantes pour stimuler le circuit de récompense.
44:10 Comme avec les drogues, le numérique active donc le circuit de la récompense.
44:18 Mais en l'absence de graves dommages psychiques et physiques,
44:21 on ne peut pas parler d'addiction au sens médical du terme.
44:25 On va plutôt parler de comportements excessifs vis-à-vis de ces technologies,
44:33 notamment l'excès de connexion.
44:36 Finalement, ce qui est intéressant de savoir, c'est ce qui se cache derrière ces usages dits intensifs.
44:42 Est-ce que c'est une problématique sociale ? Est-ce que c'est une problématique familiale ?
44:47 Ce que je préconise en tout cas aujourd'hui, c'est d'ouvrir un espace de discussion sur ces questions-là,
44:51 parce que ça fait partie intégrante aujourd'hui du travail des salariés.
44:56 Si nous voulons survivre au stress numérique,
44:59 il nous faut donc accepter de remettre en cause notre utilisation des ordinateurs et des smartphones.
45:05 Mais dans le dialogue entre l'humain et les machines,
45:15 peut-être est-ce aussi du côté des machines que viendra le progrès.
45:18 Perfectionner les outils informatiques pour alléger notre charge mentale,
45:23 c'est ce qui passionne le professeur Robert Jacob, chercheur en informatique.
45:28 L'objectif est ambitieux,
45:34 faire en sorte que l'ordinateur s'ajuste en temps réel à notre charge mentale lorsque nous accomplissons une tâche.
45:43 Autrement dit, que l'ordinateur nous envoie beaucoup d'informations
45:46 quand notre cerveau est disponible et moins lorsqu'il fatigue.
45:50 Nous voyons la personne et l'ordinateur comme deux gestionnaires d'informations,
45:57 connectés l'un à l'autre par une liaison très limitée,
46:00 via l'interface que sont l'écran, le clavier, la souris.
46:04 Donc nous essayons d'augmenter la quantité d'informations qui passent entre les deux.
46:11 En particulier, nous voulons améliorer l'information qui va de l'utilisateur à l'ordinateur,
46:15 car c'est ça qui est insuffisant avec la technologie actuelle.
46:19 Il ne s'agit pas encore pour l'ordinateur de lire dans nos pensées,
46:26 mais de connaître notre charge de travail en temps réel.
46:29 Grâce à une technique d'imagerie,
46:32 un logiciel analyse l'oxygénation du flux sanguin au niveau du cortex préfrontal.
46:39 Plus le cerveau consomme d'oxygène, plus il travaille.
46:42 L'ordinateur devient ainsi capable de faire varier la quantité d'informations qu'il nous envoie,
46:49 en fonction de notre charge mentale.
46:51 Ici, les tests sont faits pour une tâche qui consiste à contrôler des avions.
46:57 L'utilisateur contrôle plusieurs avions à la fois.
47:02 Il doit partager son temps entre les différents avions.
47:06 D'abord guider l'un, puis l'autre, puis revenir au premier.
47:09 Ce que nous avons cherché à faire, c'est ajuster le nombre d'avions en fonction de la charge mentale.
47:15 S'il n'y a pas assez d'avions, l'utilisateur s'ennuiera.
47:18 S'il y en a trop, il ne pourra pas les contrôler tous.
47:21 Nous voudrions ajuster le nombre d'avions à son état mental.
47:25 Nous pouvons aussi employer ce type de mesure pour décider s'il est possible d'interrompre l'utilisateur et à quel moment.
47:35 Si on est en train de faire quelque chose de difficile, ce n'est pas le bon moment.
47:38 Si on est à la fin d'une tâche, c'est le bon moment pour l'interrompre.
47:42 Notre but, c'est de faire ce que nous appelons une interface utilisateur implicite,
47:48 qui extrait l'information de l'utilisateur sans qu'il en ait conscience.
47:53 Les recherches du professeur Jacob pourraient d'abord s'appliquer aux aiguillères du ciel,
47:59 soumises à un abondant flux d'informations qui provoquent un stress constant.
48:04 A terme, il envisage d'étendre le fruit de ses recherches à d'autres univers de travail.
48:10 Si vous ne pilotez pas d'avion, mais que vous travaillez dans un bureau, ça s'applique aussi.
48:16 On pourra s'ajuster à votre charge de travail.
48:19 Robert Jacob a également imaginé un système qui filtre les informations que nous recevons sur nos outils numériques,
48:27 par exemple des mails, en fonction de notre charge mentale.
48:33 Si nous sommes très occupés, nous recevrons des résumés, sinon nous aurons des informations détaillées.
48:38 Si des recherches comme celles de Robert Jacob aboutissent, notre surcharge informationnelle devrait s'alléger.
48:45 Est-ce une bonne nouvelle ou le signe d'une intrusion supplémentaire des outils numériques dans l'intimité de nos cerveaux ?
48:52 Il est un peu tôt pour répondre aujourd'hui à cette question.
48:55 Difficile de dire aussi jusqu'à quand nous pourrons nous adapter à notre insatiable inventivité technologique.
49:03 Les outils nous façonnent, ce qui montre bien que l'outil n'est pas passif dans sa relation avec l'homme et qu'il a bien une influence.
49:09 Si on se contente de dire que le numérique c'est comme un marteau, je peux planter un clou ou fracasser le crâne de mon voisin,
49:15 mais dans le fond le marteau il n'est pour rien, on se met dans l'incapacité de maîtriser ses effets.
49:20 Nous vivons à une époque où nous inventons sans cesse de magnifiques technologies que nous déversons sur les gens.
49:30 Et nous en sommes à ce point où les gens ne savent plus très bien comment les utiliser.
49:35 Et donc nous devons concevoir la technologie pour qu'elle s'adapte mieux à notre mode de pensée.
49:42 Nous concevons des technologies qui bien sûr augmentent notre productivité, mais ça ne devrait pas être au détriment de notre bien-être.
49:58 Le flux numérique qui irrigue toujours plus largement nos sociétés questionne notre propre place.
50:03 Il nous appartient désormais de limiter les effets néfastes de la surcharge informationnelle,
50:09 de ne pas laisser notre attention errer au gré des technologies et d'inventer le droit à la déconnexion.
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