Le spécialiste chanson française, Fabien Lecoeuvre, revient sur les propos de Juliette Armanet qui critique vigoureusement Michel Sardou : «Il n’y a pas de chansons de droite et de chansons de gauche».
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00:00 Ces propos sont très justifiés puisque chacun a le droit d'avoir une opinion,
00:03 aujourd'hui, une opinion je le rappelle ce n'est pas un délit,
00:06 donc Juliette Armanet a le droit de s'exprimer comme tout un chacun.
00:09 Le vrai fond de ce problème, c'est quand elle affirme
00:12 qu'il y a des chansons de droite et des chansons de gauche.
00:15 C'est ça en fait le fond du propos de Juliette Armanet.
00:18 Et c'est là où je veux revenir sur ces explications,
00:22 parce que moi je suis persuadé, étant l'auteur de beaucoup de livres
00:25 où vous avez pas la chanson, qu'il n'y a pas de chanson de droite
00:27 et pas de chanson de gauche, parce que le public,
00:30 vous réagissez quand vous aimez un artiste,
00:32 soit Juliette Armanet ou Michel Sardou,
00:34 dans des carrières totalement différentes évidemment,
00:36 c'est la vibration qui vous fait aimer une chanson,
00:38 c'est l'instant, c'est l'événement.
00:41 Et je réponds toujours à cela, j'avais déjà pris la défense
00:43 d'un garçon comme Michel Sardou,
00:45 quand si Maxime Le Forestier, en 1975,
00:49 avait chanté la chanson "Le France" de Michel Sardou,
00:53 "Le France" serait devenue une chanson de gauche.
00:56 Eh bien pour les lacs de Connemara, c'est la même chose,
00:58 c'est-à-dire que si Jean Ferrat avait chanté "Les lacs de Connemara",
01:02 ça serait une chanson de gauche.
01:04 C'est pour ça que, et si Sardou avait chanté "La montagne" de Jean Ferrat,
01:07 par exemple, eh bien "La montagne" serait devenue une chanson de droite.
01:12 Donc je crois qu'il faut bien comprendre que tout ça,
01:14 c'est figuratif, ce n'est pas sur le fond,
01:17 et le public français, les 67 millions de français que nous sommes,
01:20 s'en moquent, c'est-à-dire pour eux,
01:23 et moi je suis le premier concerné,
01:25 moi j'aime les grandes chansons de Jean Ferrat,
01:27 j'aime Juliette Armanet, j'aime aussi bien Gauvin Serre,
01:31 et je me souviens d'un entretien un jour avec Yves Montand dans un cinéma,
01:35 lors d'une projection privée,
01:37 il faut savoir que Yves Montand,
01:39 qui n'était pas réputé pour être un chanteur de droite,
01:41 adorait, mais il adorait Michel Sardou.
01:44 Et aujourd'hui vous prenez Patrick Bruel,
01:47 qui n'est pas non plus un chanteur de droite,
01:48 en tout cas il n'est pas connu pour ça,
01:50 Patrick Bruel adore Michel Sardou.
01:54 Et sur les lacs du Connemara,
01:56 quelle est l'origine de cette chanson ?
01:58 Si on regarde les paroles,
02:00 est-ce que vous pouvez nous faire une petite analyse de ces paroles
02:03 qui sont quand même sur l'histoire de l'Irlande ?
02:07 Oui, c'est évidemment, mais en même temps au départ,
02:11 quand Pierre Delannoy et Michel Sardou,
02:13 les deux auteurs du texte du lac des Connemara,
02:16 cherchaient une chanson sur l'Ecosse.
02:18 Et puis comme à l'époque on n'avait pas Internet en 1981,
02:24 ils sont allés dans une agence de tourisme et d'une agence de voyage
02:29 et là ils ont trouvé un dépliant,
02:31 non pas sur l'Ecosse mais sur l'Irlande.
02:32 Donc ça a fini, la chanson qu'ils devaient faire sur l'Ecosse
02:35 s'est finie en Irlande.
02:36 Voilà la vraie histoire.
02:37 Mais en même temps, vous savez les chansons,
02:40 même si les propos sont sérieux dans des débats,
02:43 dans des positionnements politiques, religieux,
02:45 comme c'est le cas quand Sardou fait l'inventaire
02:48 un peu de la situation irlandaise,
02:51 je vais vous dire que ça reste très léger.
02:52 D'ailleurs dans toutes les fêtes,
02:53 et vous l'avez très justement rappelé ce soir d'ailleurs,
02:55 toutes les fêtes d'étudiants...
02:59 Pourquoi cette musique, elle a cet effet de communion ?
03:02 Pourquoi elle rassemble d'après vous par rapport à d'autres chansons ?
03:06 Est-ce qu'il y a aussi des comparaisons que vous pourriez faire
03:10 avec des chansons qui font cet effet de communion ?
03:13 Je pense peut-être à "Ramenez la coupe à la maison",
03:15 des choses comme ça, "Free from desire",
03:17 "Les démons qui nuient"...
03:18 Demandez-moi, j'étais à Saint-Martin-la-Costa,
03:19 j'irai en fête dans le chum !
03:20 Mais pourquoi cette chanson réunit autant les personnes
03:24 sur la piste de danse ?
03:25 On ne peut jamais expliquer le pouvoir d'une chanson,
03:28 mais elle a un pouvoir indiscutablement,
03:31 par la vibration que les gens ressentent.
03:33 Alors quand vous entendez "Les lacs du Connemara"
03:35 à 2h du matin, déjà à 1h du matin,
03:37 vous avez fait "Alexandre, Alexandra",
03:39 après vous faites "Les sardines" à 4h du matin,
03:42 je vais vous dire, on ne sait pas pourquoi,
03:43 c'est parce que d'un seul coup, il y a une vibration.
03:45 C'est la musique, c'est le savant mariage de la musique
03:48 et des paroles.
03:49 Ça, il ne faut jamais le perdre d'idée,
03:51 c'est-à-dire qu'il y a des chansons qui vont marcher
03:53 et d'autres qui ne vont pas marcher.
03:54 On ne sait pas pourquoi.
03:55 Si vraiment on avait tous la recette,
03:58 je pense que tous les chanteurs seraient les premiers
03:59 à l'appliquer déjà.
04:00 - C'est pas bien le cœuvre.
04:01 [Musique]
04:04 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]