Discrimination capillaire, préjugés et injonctions... Manon, aka @dairing.tia, nous raconte comment elle a grandi avec des cheveux frisés et crépus, dans un monde où la beauté des femmes blanches est définie comme la norme. Aujourd'hui, elle se réapproprie sa chevelure qui lui offre une grande liberté capillaire et en fait un atout.
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Style de vieTranscription
00:00 Je me mets à arriver en portant mes cheveux naturels,
00:02 surtout lors des entretiens, d'avoir des commentaires hyper désobligeants, voire racistes,
00:05 où on m'explique que, par contre, les compétences, ok,
00:08 mais que ce ne sera pas possible si je viens au travail avec cette coiffure.
00:11 Je suis Manon, connue sous le pseudo Derinkia sur mes réseaux sociaux.
00:16 Je suis créatrice de contenu sur Paris et j'ai 28 ans.
00:19 Côté capillaire, avec mes cheveux frisés,
00:21 l'enfance, ça a été tout un truc parce que je suis issue d'un couple mixte.
00:26 Maman est noire, papa est blanc.
00:27 Ça a été très difficile, en fait, de me créer réellement une place
00:30 parce qu'il y avait deux types de cheveux face à moi
00:32 qui ne sont pas exactement les mêmes que les miens.
00:35 Et mes trois frères ont, eux aussi, des types de cheveux qui sont totalement différents.
00:38 Grandir dans des écoles où, aussi, il y avait des élèves
00:41 qui avaient uniquement des cheveux lisses, ça a été très difficile.
00:44 En fait, ça a été une enfance et une adolescence où maman a pas arrêté
00:48 d'essayer de m'insuffler le fait qu'il faut que tu t'acceptes
00:51 parce que ça fait partie de toi, parce que c'est dans ton identité, ça ne bougera pas.
00:55 Tu peux les lisser, mais quand ils vont repousser,
00:58 ils seront toujours sous leur nature, en fin de compte.
00:59 Donc, ça a été un combat.
01:01 Je vais être honnête là-dessus, ça a été un très long combat d'acceptation.
01:04 Quand on entend qu'on a un type de cheveux qui est justement difficile
01:06 et qu'on a un type de cheveux qui requiert obligatoirement énormément de soins,
01:10 énormément de temps, voire même carrément des séances de cardio pour les démêler,
01:14 c'est quelque chose qui nous conditionne, qu'on le veuille ou non,
01:16 dans le fait qu'on ait un cheveu qui soit moins bien que les autres.
01:19 J'ai jamais eu les cheveux défrisés.
01:21 Ils ont toujours été comme ça, il y a uniquement eu des brushings de temps en temps.
01:24 Donc oui, les moqueries, "tu ressembles à un mouton"
01:28 ou "quand je me fais des tresses, on dirait les rails d'un train".
01:30 Quand on est petit, ça n'a pas l'air de grand-chose,
01:32 mais c'est tout le temps un petit peu, un petit peu, un petit peu.
01:35 Et ce petit peu, en fait, il fait qu'à la fin de la semaine,
01:37 on a juste envie de demander à maman,
01:39 "c'est possible qu'on te fasse défriser ?"
01:40 Je pense que comme toutes les personnes aux cheveux frisés et crépus,
01:43 j'ai eu énormément d'expérience chez le coiffeur.
01:45 Parce qu'avant, toutefois, qu'on trouve vraiment le coiffeur pro
01:48 et spécialisé dans notre type de cheveux, qui nous connaissent
01:50 et qui sache vraiment les manier, on tombe sur plein de coiffeurs
01:53 qui nous disent "mais moi, je n'ai pas été formée là-dessus".
01:55 Et où on se dit "mais ce sont des cheveux, c'est bizarre".
01:57 J'ai même eu un coiffeur qui, pour juste un brushing, m'a fait un devis.
02:00 J'étais devant le devis, je me suis dit "mais j'installe de la moquette
02:03 dans mon appart ou je suis juste en train de demander un brushing, en fait".
02:06 Il y a eu un jour, un passage vers la seconde ou la première,
02:08 je ne sais pas ce qui s'est passé, mais donc je n'avais pas de tresse,
02:11 je n'avais pas de brushing, j'ai juste sorti mon afro
02:14 et je me suis rendu compte que j'aimais ce que je voyais.
02:15 Et après, bien entendu, il y a la découverte vraiment du feu.
02:18 Tous les soins le week-end, j'ai commencé à adorer ça.
02:21 Et c'est devenu limite un jeu presque.
02:23 Je suis vraiment rentrée dedans et je me suis rendue compte
02:25 qu'il y avait tellement de choses que mes cheveux pouvaient m'offrir
02:27 que toutes les années qu'il y a eu avant,
02:29 c'était un peu bête comme réaction ce que j'avais eu.
02:32 Et donc aujourd'hui, on est un peu meilleurs potes.
02:33 Il m'est arrivé en portant mes cheveux naturels,
02:35 surtout lors des entretiens, d'avoir des commentaires hyper désobligeants,
02:38 voire racistes, où on m'explique que par contre, les compétences, ok,
02:42 mais que ce ne sera pas possible si je viens au travail avec cette coiffure,
02:45 qu'il faut obligatoirement que j'ai l'air plus pro.
02:47 Il y a un énorme stigmate qui est sur le cheveu afro sous un peu toutes ses formes,
02:51 qu'il soit tressé, qu'il soit loxé ou qu'il soit naturel dans le monde professionnel.
02:55 À mon avis, c'est parce qu'il y a un manque de connaissances.
02:57 Tout simplement, peut-être les gens ne se rendent pas compte
02:59 qu'on n'a pas le choix, je ne sais pas.
03:01 Que le matin, si je sors comme ça, c'est parce qu'ils sont comme ça,
03:05 que je n'ai pas choisi autrement, que c'est juste leur nature.
03:08 Et que comme une personne aurait des cheveux lisses, lâchés,
03:11 moi, ils sont juste comme ça quand ils sont lâchés.
03:12 Ce fameux phénomène de la coiffure ou du petit truc culturel de la communauté noire,
03:18 qui est popularisé justement par, très souvent, des femmes très connues dans la communauté blanche,
03:22 on entend très facilement les Kardashian, comme je le répète très souvent.
03:25 C'est quelque chose qui fait très mal.
03:26 Sur nous, c'est juger pas pro, c'est juger pas beau, c'est juger ghetto.
03:30 On est sectarisé en fait, et derrière, cette personne blanche qui va reprendre tout ça,
03:34 va populariser le tout.
03:36 Les injonctions autour du cheveu de la femme afro sont tellement nombreuses en fait.
03:42 Qu'il soit naturel, qu'il soit justement défrisé, qu'il soit tressé,
03:45 ou l'énorme débat des réseaux sociaux, qu'il soit perruqué, on va dire ça ainsi,
03:49 c'est quelque chose qui arrive tous les quatre matins,
03:51 et c'est assez dingue parce qu'on a l'impression qu'on n'a pas le droit de faire juste ce que l'on veut en fait.
03:55 Moi, j'accepte mes cheveux et je les aime comme ils sont,
03:57 mais je sais que c'est pas le cas pour tout le monde.
03:59 Je sais qu'il y a des personnes qui n'ont pas eu d'accompagnement pour s'en occuper,
04:02 il y en a qui ne les aiment tout simplement pas.
04:03 Tout comme une personne aux cheveux lisses ou bouclés ne les aimera pas également.
04:06 Et donc, elles ont l'option de faire autre chose.
04:08 Et il y a ce jugement tout le temps,
04:10 parce qu'on dirait que le cheveu de la femme afro-descendante appartient à tout le monde.
04:14 Et c'est pour ça qu'il est au cœur de tous les débats et c'est assez éreintant.
04:17 Il faut énormément, énormément dédramatiser le soin autour du cheveu crépieux et frisé,
04:22 parce qu'on a toujours l'impression que c'est réellement un combat.
04:25 Et surtout, il y a ce truc de quand on sait que le fameux "wash day",
04:28 donc le jour du shampoing, arrive, il faut bloquer tout le planning de la journée.
04:32 Sauf qu'en fait, on s'est mis des barrières.
04:34 On s'est dit "il faut alors que je fasse un masque,
04:36 que je fasse un pré-shampoing, un shampoing, un après-shampoing,
04:39 et après, je laisse poser un bain d'huile".
04:41 J'estime totalement que mes cheveux aujourd'hui, c'est un atout.
04:43 C'est une des choses que je mets un peu tout le temps en avant.
04:45 Donc, c'est totalement une force chez moi et c'est une des choses que je préfère,
04:48 même quand on me demande "qu'est-ce que tu aimes chez toi ?"
04:49 Sur mes réseaux, j'essaye au maximum, je ne vais pas dire d'éduquer non plus,
04:53 mais au moins de déculpabiliser, d'enlever vraiment tout le poids qu'on a déjà avec nos cheveux,
04:59 parce que c'est tout le temps un débat autour de nos cheveux.
05:02 Et il y a ce poids qui est constant de se dire "si j'ai des frises, est-ce que je suis une mauvaise personne ?
05:07 Si j'ai tout le temps envie que mes baby hairs soient plaquées parce que moi, je trouve ça esthétique,
05:10 est-ce que ça veut dire que je rentre aussi dans un nouveau carcan ? Est-ce que ci ? Est-ce que ça ?"
05:13 Donc, j'essaye au maximum de montrer qu'on est tout type justement de femmes aux cheveux diaphores,
05:20 parce qu'il y a tout type justement de cheveux, même texturés, qui existent à la base,
05:24 et on n'a pas à les gérer d'une seule manière.
05:26 J'ai été très vindicatif pendant longtemps par exemple contre le défrisage.
05:29 Avant toutefois d'ouvrir les yeux sur une réalité, on ne pense pas tous de la même manière vis-à-vis de nos cheveux.
05:33 On a des appréciations qui sont différentes, on a des parcours qui le sont également.
05:36 Donc, j'essaye au maximum de faire en sorte que la personne en face puisse le comprendre maintenant.
05:41 Chacun ouvre les yeux à son rythme, mais si les gens peuvent le faire assez rapidement pour déculpabiliser les autres, ce serait pas mal.
05:47 [SILENCE]
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