Le journaliste et écrivain Franz-Olivier Giesbert était l’invité de #LaMatinale sur CNEWS pour évoquer les Mémoires de Nicolas Sarkozy.
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00:00 On va décrypter, analyser cette prise de parole de Nicolas Sarkozy avec notre invité,
00:05 l'écrivain, le journaliste, François-Olivier Gisbert, qui est en liaison avec nous.
00:09 François-Olivier, bonjour, merci d'être avec nous ce matin.
00:14 Je sais que vous êtes en vacances, donc merci de vous être libéré.
00:18 Pour décrypter cette prise de parole de Nicolas Sarkozy, à quelques jours de la rentrée,
00:23 il sort donc ses mémoires politiques, s'exprime dans les colonnes du Figaro,
00:27 au moment où Emmanuel Macron, lui, reprend également la parole ce soir,
00:32 avant une rentrée politique chargée. Ce n'est pas anodin ?
00:37 Ce n'est pas anodin. Vous savez, il y a toujours, depuis très longtemps,
00:41 une bonne façon d'avoir des interviews qui ont beaucoup de reprises,
00:45 ça, toute la classe politique le sait, c'est de faire des interviews en août.
00:48 Surtout quand les gens commencent un peu à rentrer, pensent à la rentrée.
00:51 Et là, c'est vrai que ça résonne un peu comme un coup de tonnerre,
00:54 parce que finalement, cette interview, il y a plein de choses dedans.
00:57 Et puis, ça excite beaucoup pour le livre à venir.
01:00 Moi, je n'ai pas encore lu le livre, mais c'est vrai qu'il y a beaucoup de choses,
01:04 apparemment, qui vont faire du bruit, comme cet adoubement dans le livre à Gérald Darmanin.
01:09 Justement, adoubement à Gérald Darmanin, effectivement, c'est ce qu'on retient ce matin.
01:13 Est-ce que ça veut dire que Nicolas Sarkozy, qui jusque-là soutenait Emmanuel Macron,
01:18 est en train de le lâcher ?
01:21 Ce n'est pas ce que je dirais.
01:22 Je pense que d'abord, par rapport à Macron, on le voit très bien, d'ailleurs, dans l'entretien,
01:27 c'est un soutien critique.
01:29 Il est même assez critique sur certains points.
01:31 Ce qu'il dit, par exemple, sur la politique algérienne d'Emmanuel Macron,
01:36 ce n'est pas gentil du tout.
01:38 Il lui reproche une forme de naïveté, et puis, d'une certaine manière,
01:42 d'ailleurs, même s'il ne le dit pas comme ça, d'avoir rompu avec le Maroc,
01:47 finalement, pour arranger ses relations avec l'Algérie.
01:51 Évidemment, ça n'a pas marché du tout,
01:53 parce que les dirigeants algériens feront toujours tout pour que la France
01:58 soit considérée comme le bouc émissaire de tous leurs problèmes,
02:01 du fait que c'est un État qui ne fonctionne plus,
02:06 avec beaucoup de corruption, beaucoup d'incompétence, etc.
02:09 Donc, cette interview, elle est importante, évidemment,
02:14 et puis, je pense que l'adoubement de Tarmanin,
02:19 c'est quelque chose qui va changer un petit peu la donne.
02:22 Je ne veux pas dire du tout qu'il est parti pour la présidence de la République,
02:25 c'est un long chemin et on est encore très loin des échéances,
02:29 mais ça lui fait quand même une petite carte en plus.
02:32 C'est vrai que le candidat des médias, on le voit très bien, c'est Édouard Philippe,
02:38 ce qui est toujours une mauvaise chose,
02:39 parce que les candidats qui font la course en tête très longtemps à l'avance
02:44 dans une élection présidentielle, en général, ça ne va pas très loin.
02:47 Et puis, les personnalités qui sont au sommet des parades,
02:51 ce ne sont pas celles en général qu'on retrouve,
02:53 Jacques Lang, sinon il aurait été président de la République,
02:55 Bernard Kouchner aussi, Simone Veil.
02:58 Non, je pense que le fait que Tarmanin, maintenant,
03:04 puisse peut-être apparaître comme le candidat de la Macronie,
03:07 c'est effectivement, d'une certaine partie de la Macronie,
03:11 c'est quelque chose qui va changer un peu la donne.
03:12 Bon, et puis, je dirais aussi, ça finit un peu cette espèce de rupture
03:17 qui a commencé au moment de la présidentielle avec Heller,
03:21 puisque le candidat, pour l'instant, celui qui ressort pour Heller,
03:27 c'est Laurent Wauquiez.
03:28 Bon, ce n'est pas très gentil pour Laurent Wauquiez,
03:30 mais vous savez, en politique, ce qui est favorable,
03:33 parfois, d'un côté peut être défavorable de l'autre,
03:38 et inversement, donc vous savez, la campagne présidentielle,
03:42 elle n'est pas commencée,
03:44 et il y a beaucoup de choses qui vont arriver d'ici.
03:46 -Cet annouement, au fond, il n'embarrasse pas Gérald Darmanin,
03:49 selon vous, au contraire ?
03:51 -Ah, au contraire, bien sûr, parce que Gérald Darmanin,
03:53 il n'a pas trop de cartes, vous savez, pour l'instant.
03:56 Il n'a pas réussi à accéder à Matignon,
03:59 parce que je pense que Macron le redoute un peu.
04:05 Macron, vous savez, il n'a pas confiance en personne.
04:08 Il a tendance plutôt à s'entourer de zombies ou de cloches.
04:11 Et c'est vrai que Darmanin, c'est quelqu'un, on le voit très bien,
04:13 qui a beaucoup d'ambition, qui a un profil.
04:16 Et puis, c'est vrai que...
04:22 Pour moi, si vous voulez, il y a très peu de personnages
04:27 qui peuvent ressortir de la Macronie.
04:28 Il y a évidemment Gabriel Attal.
04:30 C'est clair que c'est quelqu'un qui est très au-dessus du lot,
04:34 mais beaucoup trop jeune, et d'une certaine manière,
04:38 pas vraiment d'expérience.
04:39 Et je pense que les Français, ils voudront plutôt,
04:41 après, quelqu'un d'expérimenté.
04:42 Alors vous me direz, Darmanin est très jeune aussi,
04:44 mais énormément d'expérience.
04:47 Élu local, d'ailleurs avec succès.
04:50 Quand on voit, c'est vraiment quelqu'un qui tient sa ville,
04:53 qui tient sa région, et puis une belle expérience gouvernementale.
04:58 Donc, ce n'est pas du tout le même profil.
05:00 Je pense que c'est lui plutôt qui fera la course en tête.
05:04 Et donc, ça, pour lui, c'est important.
05:06 Oui, évidemment, c'est une carte en plus.
05:08 Et je pense qu'on va le voir dans les prochaines semaines.
05:11 Mais en face, vous avez d'autres candidats possibles.
05:14 Il y a Laurent Wauquiez, évidemment, qui est très fort chez LR.
05:17 Et puis, vous avez d'autres prétendants,
05:20 comme David Lissnard, le maire de Cannes et quelques autres.
05:23 Donc, cette histoire, elle n'est pas finie.
05:25 Et puis, vous n'avez pas aussi quelqu'un qui peut surgir au dernier moment.
05:27 - Effectivement, on l'a déjà connu.
05:29 Vincent Roy, qui est à mes côtés, souhaite vous interpeller,
05:32 François-Olivier Gisbert.
05:33 - Oui, François-Olivier Gisbert, adoubement de Darmanin.
05:37 Mais quand même, Darmanin n'a pas fait son discours de Grenoble.
05:43 Il n'a pas lié immigration et délinquance,
05:45 comme l'avait fait Sarkozy.
05:47 Pour devenir le fils naturel de Sarkozy,
05:50 il va falloir qu'il fasse sa mue, qu'il fasse son discours de Grenoble.
05:53 On ne va pas se contenter des Matteo et des Kevin lors des émeutes.
05:58 Il va falloir aller plus loin, non ?
06:01 - Oui, vous avez tout à fait raison.
06:02 C'est-à-dire qu'en fait, si, quand on voit les résultats de la Macronie,
06:07 on ne va pas se raconter d'histoire,
06:08 pour qu'un macronien puisse être élu à la suite de Macron,
06:15 il faut forcément qu'il ait pris un peu de distance avec Macron
06:20 dans les années précédentes, dans le scoutin.
06:22 Parce que le bilan de Macron n'est pas tel que les Français ont envie
06:27 de reprendre encore pour cinq ans de macronisme sous un autre nom.
06:32 Mais c'est absolument évident.
06:33 Donc là, je pense qu'on est au début d'un processus.
06:38 Et je pense qu'effectivement, ça je suis d'accord avec vous,
06:41 il y a un moment où Darmanin prendra ses distances.
06:46 C'est évident.
06:47 S'il veut être candidat, il faudra qu'il quitte le gouvernement
06:49 et puis qu'il fasse du soutien critique.
06:53 Ou comme Giscard disait, du changement dans la continuité.
06:57 Il ne peut pas rester comme ça dans ses positions intermédiaires,
07:02 comment dire, ondoyantes.
07:04 On voit très bien, c'est quelqu'un qui a gêné aux entournures, bien entendu.
07:08 Qui ne dit pas ce qu'il pense.
07:09 En tout cas, François-Olivier Gisbert, cet entretien de Nicolas Sarkozy
07:13 dans les colonnes du Figaro, il bouscule le politiquement correct,
07:17 notamment sur la question de la guerre en Ukraine.
07:21 Nicolas Sarkozy qui prône un retour à la diplomatie.
07:25 Au fond, je le rappelle, il affirme que l'Ukraine doit rester neutre
07:28 sans rejoindre l'Europe ou l'OTAN.
07:30 Une prise de position à rebours des alliés, à rebours d'Emmanuel Macron également.
07:35 À quoi joue Nicolas Sarkozy sur cette question de l'Ukraine, selon vous ?
07:40 Il se positionne déjà pour la suite, parce qu'à un moment donné,
07:43 il faudra bien négocier.
07:44 Mais pour l'instant, on n'en est pas là.
07:46 Et c'est vrai qu'on peut considérer que ce n'est pas très à droit
07:49 de parler de négociation au moment où, pour l'instant, c'est le temps de la guerre.
07:54 Et vous savez, c'est toujours la formule de Sun Tzu,
07:59 pourtant c'est le 6e siècle avant Jésus-Christ qu'il a écrit ça,
08:01 ce général chinois.
08:03 Oui, la meilleure façon de gagner la guerre, d'avoir la paix,
08:07 c'est de faire semblant de faire la guerre.
08:10 C'est en ne faisant pas la guerre, d'ailleurs, qu'on fera la paix.
08:14 Et là, il faut être en position de force.
08:16 Et c'est vrai qu'il donne comme ça quelques arguments à la Russie.
08:18 Je ne comprends pas très bien, d'ailleurs, son idée de la Crimée,
08:21 que la Crimée est russe et qu'elle doit retourner à la Russie.
08:24 La Crimée n'a jamais été russe.
08:26 C'est une fake news.
08:27 C'est clair que la Crimée, on peut dire qu'elle appartenait à l'Empire ottoman
08:32 et à la fin du 18e siècle, les Russes l'ont envahi.
08:38 Et puis après, Staline a fait des déportations massives,
08:41 des Tatars, il les a envoyés partout.
08:43 Mais au départ, c'est quand même un pays grec.
08:47 Il y a beaucoup de Grecs pontiques, il y avait beaucoup d'Arméniens.
08:51 Les Tatars sont arrivés.
08:52 Tous ces gens ont été dispersés.
08:55 On ne peut pas dire que c'est un pays...
08:57 Mais simplement, en même temps, ce qui est intéressant dans cet entretien,
09:01 c'est vrai, c'est qu'il ouvre de nouvelles perspectives.
09:06 Parce que cette guerre, on ne va pas faire la guerre pendant des années avec la Russie.
09:11 Justement, pardonnez-moi, je vous coupe, France-Olivier Gisbert,
09:14 mais est-ce qu'en prenant cette position, il permet au fond à Emmanuel Macron
09:18 de remettre la question de l'Ukraine au cœur du débat ?
09:21 Ou au contraire, il se détache très clairement de la politique internationale,
09:25 du chef de l'État ?
09:28 Je ne dirais pas ça.
09:29 On ne peut pas dire qu'il se détache.
09:31 Mais c'est vrai qu'il est déjà dans le temps d'après.
09:35 Et il peut le faire dans la mesure où il n'est pas en charge,
09:39 il n'est pas en position.
09:40 Si Macron tenait ce type de discours, évidemment, personne ne le comprendrait.
09:44 Parce que là, pour l'instant, on est dans le temps de la guerre.
09:46 Mais cette guerre, elle ne sera pas éternelle.
09:48 Alors en même temps, moi, je ferais une critique,
09:50 parce que j'en ai déjà fait une sur la Crimée,
09:53 qui n'a jamais été rue, sauf que quand on regarde les livres d'histoire,
09:56 ce n'est pas vrai.
09:58 Mais je dirais autre chose aussi, je pense qu'il peut-être
10:01 qu'il surestime la position de Poutine.
10:06 Moi, je pense que Poutine est certainement beaucoup plus en difficulté qu'on le pense.
10:11 Vous savez, il y a beaucoup de dirigeants importants qui sont,
10:15 comment dire, contestés apparemment un peu sur l'autorité,
10:18 en tout cas, qui sont toujours en place.
10:20 Je ne suis pas sûr que Poutine tienne les choses comme on croit.
10:23 Et puis, il ne faut pas oublier que Poutine, c'est un, comment dire,
10:26 c'est avant tout un caïd.
10:28 C'est l'un des hommes les plus riches du monde.
10:30 La Russie est le grand paradis de la corruption.
10:34 Et c'est vrai qu'il y a un côté désespéré dans son combat de Poutine,
10:39 qui est qu'effectivement, il ne veut pas qu'un jour, on ouvre les dossiers.
10:44 Voilà, il est dans la position, vous savez, de ces grands corrompus
10:49 qui ont tenu des pays, notamment par exemple en Amérique latine,
10:52 et qui ne pouvaient pas laisser le pouvoir parce qu'ils savaient que,
10:54 bon, après, ça se terminerait très mal pour eux.
10:56 Et c'est ça aussi qui fait que Poutine essaie de s'accrocher.
10:59 Mais je ne suis pas sûr que c'est parce qu'il veuille s'accrocher
11:01 qu'il ne parvient pas à s'accrocher longtemps.
11:03 - Avant de vous libérer, François-Olivier Gisbert,
11:05 peut-être cette dernière question.
11:06 Nicolas Sarkozy, qui revient aussi sur les accusations qu'il vise
11:09 concernant la Libye, l'arrestation de Boulet.
11:12 - Le problème de Nicolas Sarkozy et de la justice,
11:19 vous le savez très bien, c'est une sorte de vengeance des juges
11:22 qui, depuis son départ du pouvoir en 2012, ont décidé de régler des comptes.
11:28 N'oubliez pas qu'il avait fait une réforme,
11:31 il avait tenté de faire une réforme où il supprimait le juge d'instruction.
11:34 Il avait tenu des propos parfois peu amènes, d'ailleurs, sur les magistrats.
11:38 Et il y a un côté vengeance.
11:41 Et c'est quelque chose d'absolument effrayant.
11:43 Et moi, je suis absolument consterné, d'ailleurs, par, comment dire,
11:47 la complaisance d'un certain nombre de médias sur ce qui est fait,
11:52 puisqu'il y a des moyens considérables à la justice,
11:54 sur des dossiers qui n'aboutissent à rien, qui ne tiennent pas la route,
11:58 avec des procès qui, par exemple, le dernier procès sur la soi-disant affaire Bismuth,
12:04 les témoins, pour raconter que ça ressemblait vraiment à un procès de Moscou,
12:08 avec des preuves tronquées.
12:10 Vous savez, on fait écouter un petit extrait de conversation téléphonique,
12:13 par exemple, entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog.
12:17 Ça dure 15 secondes.
12:18 Alors, on ne sait pas avant, on ne sait pas après.
12:20 Ce qui s'est dit, c'est totalement décontextualisé.
12:23 Et si vous voulez, ça, c'est une justice.
12:24 Ça ne peut plus continuer comme ça.
12:26 Je pense que...
12:27 Je pense qu'il y a beaucoup de Français qui ressentent ça.
12:30 Il y a vraiment une...
12:33 Je ne dirais pas que c'est toute la justice française,
12:35 mais c'est quand même une justice de plus en plus partisane.
12:37 Et je pense que les Français ne supporteront pas ça très longtemps.
12:41 Et vous verrez, ce sera un des sujets qui sera soulevé pendant la campagne présidentielle.
12:45 - Un grand merci, François-Olivier Gisbert, d'avoir décrypté,
12:49 analysé pour nous la prise de parole de Nicolas Sarkozy.
12:53 Un grand merci. Bonne fin de vacances également à vous.
12:56 Merci beaucoup de vous être libéré.
12:58 L'actualité continue tout de suite sur CNews.
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