1992 - Mohamed Boudiaf

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la mort du président de l'espoir

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00:00 Algers, 1er juillet 1992. Les Algériens conduisent à sa dernière demeure leur président,
00:14 Mohamed Boudiaf, qui vient d'être assassiné. Dans l'hommage spontané que lui rend la
00:20 foule, notamment les jeunes, se perçoit la colère contre un système discrédité, contre
00:26 des politiciens accusés de corruption, mais aussi la peur du vide, l'angoisse des lendemains.
00:31 L'espoir n'est pas mort, la sécurité n'est pas morte.
00:48 Les Algériens sont en colère. Le président de l'Assemblée nationale de l'Allemagne, les
01:13 Algériens sont en colère. Il disait en arabe, Boudiaf est mort, il laisse un message, la
01:30 jeunesse arrive et fera le nécessaire. Ali Haroun, membre du haut comité d'état, avocat
01:37 et ministre des droits de l'homme en 1991. A mort, assassin, vous les avez tués, vous
01:51 faites semblant de pleurer, vous êtes des crocodiles, vous les suivez, c'est une comédie,
01:56 c'est inadmissible, c'est encore une insulte. Et alors on nous avait pris pour des gens
02:01 qui étaient les ennemis de Boudiaf et qui en plus, pour se camoufler, faisaient semblant
02:06 de pleurer sa mort. Ahmed Jébar, conseiller de Mohamed Boudiaf. Je sentais que c'était
02:17 foutu, c'est-à-dire qu'on allait réellement entrer dans la confrontation, que vraiment,
02:24 ça allait être la guerre. Malika Abdelaziz, journaliste. Boudiaf a été
02:51 populaire le jour où il a été assassiné parce que les gens ont aperçu qu'il avait
02:58 été assassiné pour des raisons bien précises. Jean Oudiber, ambassadeur de France à Alger
03:04 de 1989 à 1992. La société algérienne n'a pas encore fini de payer les conséquences
03:17 de l'assassinat de Mohamed Boudiaf. Ahmed Ben Naoum, sociologue.
03:22 Six mois plus tôt, le 16 janvier 1992, c'était un homme seul qui était rappelé à Alger,
03:38 un homme oublié, un inconnu pour la jeunesse algérienne.
04:05 Le président de la République algérienne, Mohamed Boudiaf, a annoncé à la télévision
04:21 qu'il allait être arrêté. Il a été arrêté. Il a été arrêté. Il a été arrêté.
04:39 Il a été arrêté. Il a été arrêté. Il a été arrêté. Il a été arrêté.
04:59 Il a été arrêté. Il a été arrêté. Il a été arrêté. Il a été arrêté.
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27:05 Il a été arrêté. Il a été arrêté. Il a été arrêté. Il a été arrêté.
27:33 ce qui n'a pas été accompli en cette circonstance jusqu'au terme prévu, devra l'être,
27:41 et que les dirigeants algériens s'honoreront en retrouvant le fil de la démocratisation nécessaire,
27:51 qui passe forcément par des élections libres.
27:54 Je viens en France où je vois les membres du cabinet de Mitterrand, j'essaye d'expliquer,
28:02 ça ne passe pas.
28:03 En tant que ministre des Droits de l'Homme,
28:07 je considère que lorsqu'une situation exceptionnelle se présente pour la vie d'un peuple,
28:19 et qu'il s'agit à ce moment-là de défendre tout ce peuple,
28:24 parce que ce qui nous menaçait, nous, après le 15 janvier,
28:29 c'était l'état islamique tel qu'il est conçu dans certains pays que je ne veux pas nommer ici.
28:36 Ce que j'ai constaté à cette époque-là,
28:40 c'est que dans les pays où on comprenait les motifs profonds de l'arrêt du processus électoral en Algérie,
28:48 l'intégrisme islamiste ne trouvait plus tellement de compréhension.
28:56 Par contre, dans les autres pays, il a continué à s'installer et à se développer.
29:02 Donc là, le 11 soir, après le départ de Chenely, on ne savait pas encore très bien qu'est-ce qui allait advenir.
29:10 Donc il a fallu attendre le 13, la réunion du Conseil national de sécurité.
29:16 Un haut comité d'État est créé à la hâte pour éviter une vacance du pouvoir,
29:21 mais il lui faut aussi un président qui soit un symbole fort.
29:24 Un soir, vers 11h, minuit, nous sommes à quatre, nous discutons,
29:30 et puis je dis à Belkaïd, je lui dis "mais écoute, et si on demandait à Boudièvre de venir ?"
29:37 Belkaïd me dit "bien sûr, ce serait merveilleux, mais tu ne vas pas accepter ?"
29:43 Quand il l'a eu au téléphone, il a dit "j'aimerais venir te voir".
29:50 Bon, sa réaction ça a été "pourquoi ?"
29:53 Il a dit "il faut que je te voie absolument", il a dit "si c'est pour encore une histoire de parti",
29:59 parce que c'était les créations des partis à l'appel à ce moment-là.
30:02 Il a dit "si c'est pour une histoire de parti, je ne veux rien savoir, je suis observateur de loin, je ne..."
30:09 Alors il a insisté, il a dit "bon, tu n'as qu'à venir".
30:14 Et il me dit "mais non, ce n'est pas possible".
30:17 Alors au bout d'une heure de discussion, je lui dis "écoute, je comprends parfaitement,
30:21 et je vais te faire une proposition.
30:26 Tu ne dis ni oui, ni non.
30:30 Tu viens, clandestinement, incognito, passer une nuit à Alger,
30:36 tu vas voir ces gens de l'armée, tu vas voir le gouvernement d'abord,
30:40 tu vas voir le ministre de la Défense, tu vas voir les syndicats,
30:43 tu vas voir tout ce qui compte actuellement en Algérie,
30:47 pour te donner une idée plus réelle, plus concrète que ce que moi je peux te dire en une heure".
30:55 Arrivé à Alger, Boudiaf consulte toute la nuit.
30:59 Au petit matin, sa décision est prise.
31:01 Il me dit "la situation est dramatique".
31:05 Il l'accepte parce qu'il pense que sa stature, son histoire,
31:12 sa capacité de rassemblement lui permettront de jouer un rôle dans cette transition
31:19 et donc peut-être de surmonter les difficultés qui pourraient naître
31:24 du pouvoir militaire ou de telle coterie au pouvoir.
31:29 Donc je crois que c'est ça, c'est vraiment un patriote sincère
31:34 et qui a en même temps peut-être des rêves d'être le De Gaulle de l'Algérie.
31:41 On a voulu le faire endosser, un personnage qui visiblement ne voulait pas endosser,
31:44 il le disait, il n'était pas le sauveur de l'Algérie.
31:47 Il n'y avait pas de Zorro, il le disait "sauvez-vous-mêmes".
31:50 C'était vraiment son message.
31:52 Moi je suis là, je vous appuie, je compte avec vous et sur vous,
31:56 mais il n'y a pas de sauveur, il n'y a plus de sauveur, il n'y a jamais eu de sauveur.
32:00 (Musique)
32:13 (Parle en arabe)
32:21 La conviction de Boudiaf n'a pas changé.
32:24 Il n'y a de salut pour l'Algérie que dans la modernité.
32:27 Pour restaurer l'état, il faut que les dirigeants regagnent la confiance du peuple.
32:31 Il vient, mais il se méfie de la sécurité militaire
32:36 et des gens qui pourraient faire pression sur lui.
32:39 Donc il veut bien avoir des rapports normaux avec un certain nombre d'institutions internes,
32:44 mais il ne veut pas être prisonnier d'un clan, d'un groupe,
32:49 et donc il s'entoure d'anciens collaborateurs à lui, d'anciens du PRS.
32:55 J'étais responsable des discours de Boudiaf, en arabe.
32:59 Enfin, il n'y avait pas de discours en France, c'était en arabe.
33:01 L'arabe de Boudiaf, parce que l'arabe de Boudiaf, c'était un arabe classique,
33:07 un peu de l'arabe populaire, dialectal, et un peu de français dedans.
33:10 Donc un mélange.
33:11 À part les grands discours qu'il a faits au début, en particulier les deux premiers,
33:15 c'est de l'arabe classique où il lisait,
33:17 et encore de temps en temps il avait des tendances à vouloir sortir de son texte.
33:20 Bismillah, walhamdulillah, wassalatu wassalamu ala rasulillah,
33:27 ikhwani akhawati, assalamu alaikum.
33:33 Il avait été censuré par la télévision,
33:36 on voyait bien que son discours avait été monté,
33:38 qu'on avait coupé des passages qui ne convenaient pas, je ne sais pas à qui.
33:43 Donc c'était quand même assez surprenant.
33:45 On faisait venir cet homme qui ne demandait rien à personne
33:48 pour jouer le rôle de sauveur de la nation,
33:51 après une espèce d'échec politique total,
33:55 et la première chose qu'il subit, c'est la censure de ses propres services.
33:59 Donc c'était inquiétant pour l'avenir.
34:02 - Allez-vous garder M. Sidi Armaïd Rosali comme Premier ministre,
34:05 ou bien estimez-vous qu'il constitue encore un gage de stabilité et de crédibilité de l'Algérie à l'étranger ?
34:10 - M. Sidi Armaïd Rosali, je l'ai dit, reste au gouvernement,
34:14 il y aura un remand ministériel prochainement pour resserrer cette équipe,
34:18 et de faire que, M. Sidi Armaïd Rosali, nous n'avons rien contre tous les cadres de l'Algérie,
34:23 nous voudrions seulement trouver des équipes capables de travailler.
34:26 - Changer de gouvernement, c'est lorsqu'on a un programme politique.
34:31 Alors moi j'avais compris ça en tout cas, mes camarades aussi,
34:34 nous avions vécu une période de transition,
34:37 le gouvernement gère tous les dossiers de l'Algérie qui étaient liés à la gestion quotidienne,
34:44 les dossiers sensibles étaient gérés à la présidence.
34:47 - Cette édition spéciale de la marche du siècle ne recevra en effet qu'un seul invité.
34:57 Il s'agit de M. Mohamed Boudiaf, qui est président du Haut Comité d'État depuis exactement deux mois.
35:05 - On en a marre des apprentis sorciers, on en a marre des apprentis sorciers dans la politique,
35:09 des dinosaures du pouvoir qui font du népotisme, qui posent leurs frères comme ministre,
35:14 qui font de la magouille, qui pillent le pays, on en a marre des apprentis sorciers religieux
35:19 qui disent qu'ils se prennent pour de nouveaux prophètes alors qu'il y a un seul prophète,
35:23 c'est Mohamed et il n'y en aura jamais d'autre, tu vois, il y en a marre qu'on nous la fasse.
35:27 - Toutes ces jeunesses qu'on a mis de côté, ces jeunesses qui ont été marginalisées,
35:32 mon but c'est de faire que ces jeunesses puissent s'organiser autour de ces difficultés
35:37 et être un élément de dialogue et un contre-pouvoir.
35:40 Tant que cette société ne se structure pas, tant qu'il n'y a pas de partis représentatifs,
35:46 cette armée jouera le rôle qui est joué.
35:48 Et la révolte dans cette situation est l'avance difficile,
35:51 c'est parce qu'on lui fait supporter les erreurs de politique,
35:56 telles que les événements du 98 que l'armée n'oublie pas.
36:00 - Il s'est créé des conditions en Algérie où s'enrichir,
36:03 ça donnait à la corruption, au privilège c'est devenu quelque chose de normal,
36:09 et l'exemple vient d'en haut.
36:11 Maintenant avec cette justice, que peut-on faire ?
36:13 Mais j'ai rencontré dans ce corps de juge des gens révoltés,
36:16 autant que celui de la rue, et qui sont décidés réellement à faire le même acte.
36:21 Des dossiers, nous allons les préparer,
36:23 seulement je ne voudrais pas que ça soit la chasse aux sorcières.
36:28 - Au fond c'est un appel à ce que vous fassiez, le ménage, en avez-vous les moyens ?
36:31 - Pour l'instant non.
36:33 Au début nous n'avions pas conscience que c'était une cousse contre la montre,
36:37 mais très vite, avec l'expérience que nous avions eue pendant les premières semaines,
36:44 les premiers mois, on sentait que ça résistait quelque part.
36:48 Et que par conséquent, il y a d'un côté des résistances qui pouvaient être efficaces,
36:55 qui pouvaient être rapides, et qui pouvaient être absolument fatales,
36:59 mais d'un autre côté, il y avait des potentialités extraordinaires,
37:03 si le relais pouvait être créé, elle pouvait contrer les résistances,
37:08 et elle pouvait les balayer.
37:10 C'est le relais avec la jeunesse et avec le peuple profond.
37:13 - Je lui parle de la corruption, il me dit "oui, la corruption, mais...
37:17 la corruption c'est un... c'est systémique."
37:24 - Des gens qui ont utilisé leur position dans le pouvoir pour faire des affaires,
37:28 et qui n'ont même pas eu la décence d'investir ce qu'ils ont volé ou gagné en Algérie.
37:36 Ils investissent en achetant des hôtels boulevard Saint-Germain,
37:40 ou en achetant des affaires aux Etats-Unis ou au Canada.
37:43 Ils n'aident même pas, leurs vols n'aident même pas,
37:46 par l'investissement, à construire une économie nationale.
37:51 - Boudiaf a fait un tabac, si je peux m'exprimer ainsi,
37:54 à partir du moment où il a commencé à parler de la mafia politico-financière.
38:01 - Boudiaf a accepté de signer le texte disant qu'il faut absolument
38:07 qu'un ancien général à la retraite soit jugé pour corruption.
38:12 Il a posé sa signature pour qu'un ancien juge à la retraite soit jugé.
38:18 Il a signé aussi la décision d'arrêter de mettre en prison et de juger Hach-Battou,
38:23 considéré comme un symbole de trafic transfrontière.
38:28 - Mais pour mener une action contre la corruption, il faut quand même un appareil,
38:32 il faut une administration, il faut des magistrats,
38:35 il faut mettre en place quelque chose, une machine à réprimer.
38:39 Donc il faut le temps. Et c'est ça qu'il n'a pas eu.
38:44 (Propos en arabe)
39:08 - M. le Président, il y a eu des critiques au sujet de l'utilisation des mosquées
39:13 à des fins, à des discours politiques.
39:15 Et quel est le rôle que vous envisagez pour la religion en politique ?
39:18 Est-ce qu'il y a un projet de limitation, voire même d'interdiction,
39:21 comme dans d'autres pays, de l'utilisation de la religion à des fins politiques ?
39:25 - Nous visons à travers la démocratie une société égalitaire,
39:29 une société moderne, une société qui s'ouvre sur l'extérieur,
39:32 une société qui s'ouvre sur l'universel, au lieu d'une société
39:35 qui va nous ramener très certainement en retard.
39:37 C'est pourquoi nous pensons que la mosquée dans ce domaine
39:41 doit nous aider dans le domaine des mœurs, dans le domaine du comportement,
39:43 dans le domaine, dans divers domaines, à servir cette société,
39:47 à ne pas la desservir. Et l'islam n'a jamais été, l'islam sunnite,
39:50 n'a jamais été pour les extrêmes, n'a jamais été pour le sang.
39:53 Parce que quand un type se prétend être un musulman
39:56 et que ça permet d'envoyer des jeunes pour tuer d'autres jeunes
39:59 de la même nationalité, ça ce n'est pas notre islam.
40:01 Notre islam c'est l'islam de la tolérance, notre islam c'est cette religion
40:08 qui va nous aider à nous trouver nous-mêmes.
40:11 Et l'Algérie, l'Algérie a déjà son islamité, son arabité, sa berbérité,
40:17 tout ça c'est le contenu de la société.
40:19 Nous ne voudrions pas que l'arabité ou la berbérité soient utilisées
40:24 ou manipulées en vue de diviser ce peuple.
40:26 Nous sommes en état de guerre subversive.
40:30 Est-ce qu'il faut employer les moyens de guerre
40:34 ou est-ce qu'il faut employer les moyens de paix ?
40:37 Ce n'est pas tout à fait la guerre classique,
40:41 mais c'est tout de même une force armée terroriste.
40:50 Nos cinq portraits étaient placardés dans les mosquées
41:03 avec "condamnés à mort par le fils".
41:06 Ce sont des tyrans et quiconque exécute l'un de ces hommes
41:10 ira droit au paradis.
41:12 Vous avez dit en recevant la presse nationale
41:14 parler de dialogue national.
41:16 Est-ce que ce dialogue irait jusqu'à discuter avec le fils
41:20 ou certains de ses dirigeants actuellement emprisonnés ?
41:24 Il faut dialoguer avec les gens qui posent le problème de la démocratie
41:27 en termes sains, en termes clairs,
41:30 mais pas avec des gens qui utilisent la mitraillette et le reste, et de deux.
41:34 Je pense que s'il y a dialogue avec la société algérienne
41:38 qui est constituée dans sa grande majorité par la jeunesse algérienne,
41:42 c'est de pousser cette jeunesse à s'organiser autour de ses difficultés,
41:47 à présenter des programmes.
41:49 Et je crois que c'est là le grand dialogue.
41:51 Boudiaf, quand il est venu en Algérie,
41:54 dans son esprit, il n'était pas venu pour combattre le fils.
41:57 Sa préoccupation, ce n'était pas ça.
42:00 Sa préoccupation, c'était "l'Algérie est en crise,
42:04 le fils était un aspect".
42:05 Parce qu'après, on l'a montré comme étant celui qui est venu,
42:08 son action pendant les six mois, c'était contre le fils, mais pas du tout.
42:12 Son action s'inscrit dans un cadre beaucoup plus global,
42:14 et puis lui, il était venu pour débloquer une situation de crise.
42:18 Le 4 mars 1992, sur plainte de l'armée,
42:21 le Front Islamique du Salut est dissous par le tribunal administratif d'Alger.
42:26 Lorsqu'on a posé la question à Boudiaf,
42:30 il a répondu, si j'ai bonne mémoire,
42:33 "Effectivement, il y a 9 000 détenus dans les camps.
42:39 S'il fallait en placer 20 000 ou 30 000,
42:45 je le ferai sans état d'âme, parce que je suis à un niveau,
42:50 il faut que je restaure l'ordre".
42:53 Entre 10 000 ou 15 000 personnes détenues,
42:59 et les dangers que court le pays,
43:01 moi, au poste où je suis, je suis responsable,
43:06 et j'interne ces personnes-là.
43:09 Il y a toujours l'inquiétude à l'étranger, sur les droits de l'homme, ici.
43:16 Il faut sauver l'Algérie.
43:18 Et ça, ça passe au-dessus de toutes ces considérations.
43:21 Notre but, c'est que si, par exemple, on avait les possibilités,
43:26 on aurait bien voulu que ça marche bien,
43:28 que la situation économique soit resplendissante.
43:30 Nous nous sommes devant un état de fait,
43:32 contre lequel il faut agir avec discernement,
43:36 dans les cadres de certains principes.
43:38 Nous ne sommes ni pour la repression, ni pour brimer des gens,
43:41 mais nous voulons que notre pays revienne à une certaine stabilité,
43:45 à un certain ordre de l'égalité.
43:48 Et cela ne peut pas se faire, après tout ce qui a été fait pendant ces temps derniers.
43:51 Et cela, nous sommes obligés de supporter, de corriger.
43:55 Et bien, on ne peut pas corriger facilement comme ça.
43:58 Ils jouissaient d'un prestige personnel,
44:01 mais pas d'une autorité légale, j'allais dire, émanant de désurnes.
44:09 Estimez-vous avoir une manœuvre assez large
44:11 pour mener la politique que vous souhaitez ?
44:14 A savoir qui j'ai les coups des franges,
44:16 il y a une communauté de pensée, de tous ces petits groupes,
44:20 qui travaillent dans le même sens,
44:22 et dont le but est de redresser l'Algérie,
44:24 de faire dépasser cette situation, que j'irais dire, un peu difficile.
44:29 Ils ne pouvaient pas faire abstraction de ce qui existait,
44:33 et de ce qui étaient les éléments du pouvoir.
44:37 A la fois du pouvoir au sens de l'État,
44:40 au sens de la gestion au quotidien, donc du gouvernement,
44:43 et aussi de tous les éléments du pouvoir,
44:46 qui sont les partis politiques, ceux qui en restaient du parti unique,
44:50 l'armée, les services de sécurité,
44:55 toutes les institutions structurées du pays, les syndicats,
44:59 parce que le pouvoir, on se trompe quand on dit qu'en Algérie,
45:02 le pouvoir est uniquement à tel endroit.
45:05 Il est diffus, même si c'est très facile ensuite de dire,
45:10 l'opacité permet de conclure que c'est uniquement
45:14 telle ou telle personne qui tire les ficelles.
45:16 C'est beaucoup plus complexe que ça.
45:18 On n'a pas envie de tirer les ficelles, on ne les tire qu'avec un minimum de consensus.
45:23 Ça c'est très important pour l'Algérie, et c'est lié à sa culture,
45:27 et à ses traditions, pas ses traditions de parties uniques,
45:30 ses traditions profondes.
45:31 Alors les clans dans le pouvoir, ils se regroupent comment en Algérie ?
45:35 Ils se regroupent le plus souvent sur une base régionaliste,
45:40 pas régionale, mais régionaliste.
45:42 C'est l'un des obstacles majeurs à la construction de la démocratie
45:47 et à la culture démocratique dans la société.
45:52 Pour faire évoluer ce système, Boudiaf commence à formuler l'idée
45:57 du Rassemblement Patriotique National, le RPN,
46:00 qui doit permettre aux forces vives du pays de s'organiser,
46:04 de devenir le levier du changement.
46:06 Qu'est-ce que vous allez dire à des jeunes qui vivent à 10 dans une pièce,
46:09 qui sont au chômage, qui n'ont pas d'argent,
46:11 et il y en a chaque année, comme vous le savez beaucoup,
46:13 qui vont venir sur le marché, qui ne trouveront pas de travail dans les années à venir.
46:16 Comment on peut les convaincre qu'il va se passer quelque chose ?
46:19 C'est pourquoi j'ai posé le problème du rassemblement démocratique
46:22 en m'adressant aux jeunes. Je sais que les jeunes attendent tout.
46:25 Et il dit que c'est un parti ou un mouvement qui va se créer
46:31 et qui va, lui, il fallait le créer rapidement, au mois de mai-juin,
46:36 pour lui permettre de préparer les élections présidentielles.
46:42 Mais pas comme un relais uniquement, comme un "débuny oui oui".
46:46 C'était conçu comme concevait Boudiaf le rôle du peuple.
46:49 Le rôle du peuple, c'est une force pour concrétiser une politique,
46:53 mais c'était aussi, lui, le gardien du temple, pas le pouvoir.
46:57 C'était lui qui devait, à chaque fois, exprimer le réajustement.
47:00 Tous les petits partis et les grands partis et certains leaders historiques
47:05 qui pensaient que peut-être c'était à eux d'être là et non pas à lui,
47:09 d'être là où il était, c'est-à-dire dans le siège de la présidence,
47:13 on commençait tous à l'accuser de vouloir recréer le FLN,
47:16 de vouloir je sais pas quoi, de vouloir coiffer, de vouloir diriger.
47:20 Il y a eu ce type d'accusation.
47:22 Dans la plateforme du RPN, il y a quelque chose qui est absolument inouï,
47:25 en tout cas inhabituel, pour la culture politique des Algériens
47:29 pour les 30 ans d'indépendance.
47:31 Il y a le mot "il faut que les militants qui sont dans le RPN
47:36 fonctionnent comme un contre-pouvoir".
47:38 Vous avez encore des questions s'il vous plaît ? Allez-y.
47:42 Je vais arrêter parce que je pense que nous avons fait le tour
47:45 de toutes les questions et je vous remercie beaucoup.
47:49 Je vous fixe rendez-vous pour la prochaine, pour nous expliquer.
47:52 Merci beaucoup.
47:54 Il me dit, comme on dit, enfin comme il a dit en arabe,
47:58 "Allah y kharraja al-akhair".
48:00 Alors moi tout de suite je lui dis "on repart chez nous".
48:03 Il me dit "c'est pas facile".
48:05 Repartir, c'est pas facile, mais enfin pourvu qu'on me laisse le temps.
48:11 Et ça il le disait toujours, pourvu qu'on me laisse le temps,
48:15 parce que quelque part il savait que ça arriverait.
48:19 D'ailleurs la veille de notre retour il l'a dit.
48:22 Il a dit "ici je vais rentrer mais je suis sûre qu'ils me tueront".
48:26 Et quand je lui ai dit "c'est un suicide", il m'a dit "non, c'est le devoir,
48:31 pourvu qu'on me donne le temps de faire quelque chose".
48:40 ...
48:50 Boudiaf entreprend pour la première fois une tournée de voyage à l'intérieur du pays.
48:55 Après cinq mois à la présidence, il a besoin d'un dialogue direct avec la population.
49:00 Il veut faire connaître son projet de rassemblement en expliquant le programme.
49:06 ...
49:10 -Pendant ces 166 jours, le pouvoir était crédible.
49:15 Et le pouvoir pouvait faire tout ce qu'il voulait en direction de la société.
49:21 Et la société aurait adhéré, commencé à adhérer d'une manière très forte.
49:26 -Il faut pas exagérer, je dirais l'opinion favorable qu'on avait de Boudiaf en Algérie.
49:34 C'est vrai qu'il touchait les gens.
49:37 Les gens étaient intéressés par son discours.
49:40 Mais, comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, le fait qu'il y ait toujours le même gouvernement,
49:45 que rien n'ait changé par ailleurs, enlevait un peu de crédibilité à la nouveauté de son discours.
49:51 D'une part.
49:53 Et d'autre part, cette venue, cette arrivée, ce discours nouveau,
50:00 coïncidait aussi avec une phase de répression très forte, qui touchait beaucoup de familles.
50:05 -C'est rare, dans l'histoire des peuples, qu'il y ait une rencontre entre un homme et son peuple.
50:12 Moi, je pense que l'Algérie a eu chance.
50:16 C'est arrivé avec Boudiaf. Excusez-moi de l'émotion.
50:20 C'est arrivé.
50:22 Et pour ça, le combat de Boudiaf continue.
50:28 -Le 29 juin, à Annaba, qui est pour lui une ville test,
50:32 il saisit l'occasion d'une rencontre avec les jeunes cadres et chefs d'entreprise
50:37 pour prononcer un discours qui doit faire date.
50:40 -On a un projet qui est déterminé.
50:43 On a dit "qu'est-ce que votre projet d'économie ?"
50:46 Et l'économie a évolué, les sciences ont évolué, et la religion islamique a été élargie.
50:51 Les musulmans ont été les premiers à faire cela.
50:55 Ceux qui méritent la valeur de la population ne acceptent pas ce genre de choses.
50:58 Nous, on voit que ces pays nous ont élargis, mais pas pour cela.
51:02 Ils nous ont élargis pour l'économie et pour la religion islamique.
51:06 ...
51:31 -Dans son rapport, la commission d'enquête conclut
51:35 "Nous sommes amenés à considérer que l'assassin n'a pas agi seul,
51:39 "que derrière lui, il y a des instigateurs, un groupe, une organisation.
51:43 "Qui sont-ils ? C'est la question fondamentale."
51:46 Cette même commission se déjugera plus tard
51:49 et classera le dossier en officialisant la thèse d'un acte isolé.
51:53 -Pour eux, c'était un vieillard de 73 ans qui était loin de la réalité nationale,
52:00 ...
52:04 qui n'était au courant de rien.
52:06 Donc, ils pouvaient l'utiliser ou le manipuler comme ils voulaient,
52:10 mais ils se sont rendus compte non seulement qu'ils ne pouvaient pas le manipuler,
52:16 mais d'un autre côté, il a balayé tout ce monde.
52:21 Et je crois qu'ils ont pris peur quand il a commencé de parler de corruption,
52:27 de cette mafia, d'ailleurs.
52:31 D'ailleurs, tout le monde l'a dit après ses déclarations.
52:35 Ils ont dit "je crois qu'il vient de signer son arrêt de mort"
52:39 et moi-même, je l'ai dit quand il les a défiés à la télé.
52:43 -Ceux qui l'ont tué ont fait d'une pierre deux coups, peut-être même trois coups.
52:50 Ils ont protégé leurs intérêts de clan, de gang, de mafia.
52:55 Ils ont tué une possibilité d'échappatoire, d'alternative
53:02 au système politique que nous connaissons depuis 1962
53:07 et qui est allé en dégénérant au fil des ans.
53:10 -On ne saura jamais la vérité, nous vivant.
53:12 On le saura plus tard, parce que l'histoire découvrira, des archives peut-être.
53:16 Par contre, la mort de Boudiaf aurait dû être une renaissance.
53:22 Sans faire une renaissance, c'est-à-dire un démarrage politique
53:26 ou une continuité politique.
53:28 -L'assassinat a coupé court.
53:31 Et évidemment, le soupçon est revenu.
53:35 Et le pouvoir est devenu un pouvoir illégitime parce que non crédible.
53:41 Jusqu'à maintenant, malgré les élections, malgré toutes les élections qu'on peut faire,
53:46 le pouvoir n'a pas reconquis un semblant de crédibilité.
53:51 Les Algériens sont de plus en plus méfiants
53:55 et n'ont jamais été aussi méfiants que maintenant.