• l’année dernière
Transcription
00:00 Ce n'est pas tout à fait la rentrée, mais c'est un des meilleurs moments de l'été forcément,
00:03 puisque c'est maintenant que sort La Palme d'Or 2023,
00:06 Anatomie d'une chute, le quatrième long métrage de Justine Trier.
00:09 Tu m'as dit que tu avais entendu tes parents, maman, t'es sortie de la maison, c'est ça ?
00:13 En fait, je n'entendais pas vraiment les mots, j'avais que des bouts de voix, mais ça faisait…
00:16 Si tu n'avais pas les mots, du coup, tu ne peux pas savoir si c'est une dispute ou pas.
00:19 Enfin, je sais ce que j'ai entendu.
00:21 Donc, comme tu le sais, le rapport de l'autopsie n'est pas conclu, mais à cause de la mort…
00:25 Arrête ! Je ne l'ai pas tué.
00:28 Ce n'est pas le point.
00:30 Ce n'est pas le point.
00:31 Il ne faut pas être rebuté par sa durée, parce que le film fait deux heures et demie,
00:35 mais il y a une entrée en matière qui va vous agripper,
00:38 pour ne plus vous lâcher sur toute la longueur du film.
00:42 C'est une balle qui chute dans un escalier, c'est la balle d'un chien.
00:47 Pendant ce temps-là, une femme, Sandra Huller, est interviewée par une thésarde, une étudiante,
00:53 parce que c'est une écrivaine accomplie.
00:55 Et tout à coup, la séquence la plus passive agressive de l'année,
00:58 c'est vraiment une agression sonore, c'est-à-dire la musique à fond,
01:03 qui vient des étages de cette maison, ce chalet à la montagne.
01:06 Ça résonne dans la maison au point d'interrompre l'interview de cette femme.
01:11 Mais qu'est-ce que c'est que cette baraque de dingue ?
01:13 Qu'est-ce que c'est que cette baraque de dingue ?
01:15 C'est la baraque de Sandra et de son époux.
01:18 Et de son époux qui va très vite disparaître du tableau,
01:20 puisque l'anatomie d'une chute, c'est le titre du film, c'est la chute du mari.
01:25 Les soupçons vont se porter sur Sandra.
01:28 Il apparaît évident que ce n'est pas un accident.
01:31 Est-ce un suicide ? Est-ce un homicide ?
01:33 Eh bien, pendant deux heures et demie, on va se poser la question.
01:36 Il parle de tromperie.
01:38 Je suis honnête.
01:39 Mais vous ne l'avez pas été l'année de sa mort avec cette fille avec qui vous l'avez trompé. Pourquoi ?
01:44 Il y a quand même quelque chose d'un peu étrange dans cette situation.
01:46 Vous admettez qu'il était jaloux ?
01:48 Non, je ne sais pas.
01:50 Allez, écoutez-vous, on a l'impression que vous l'avez trompé continuellement.
01:53 Quand il commence à se reprocher des trucs, moi je préfère mon ami.
01:55 Tu ne peux pas me dire qui était le plus énervé des deux ?
01:57 Non.
01:58 Le titre du film de Justine Trier fait évidemment référence au grand classique du film de procès
02:04 qui était Autopsie d'un meurtre d'Otto Prieminger.
02:07 Ce qui est intéressant, c'est que Justine Trier fait référence au titre original du film de Prieminger.
02:11 En anglais, ce n'était pas autopsie, c'était anatomie.
02:14 On n'est pas tant dans l'autopsie d'un couple que plutôt dans étudier comment il a fonctionné.
02:19 Avec un enjeu très fort qui est sur un couple où les deux personnes font le même métier,
02:24 avec toutes les rivalités de pouvoir que cela implique.
02:27 Il se trouve que le film n'est pas seulement un immense scénario écrit à quatre mains par Justine Trier
02:32 et son compagnon à la vie, Arthur Harari, qui est lui aussi auteur, cinéaste.
02:36 Le film est aussi passionnant dans la forme.
02:38 Il y a cette entrée en matière, on l'a vu.
02:40 Il y a une manière extrêmement intelligente, par exemple, d'évoquer le passage du temps.
02:45 Ça va se faire beaucoup en musique.
02:47 Le jeune Daniel, qui est donc cet enfant malvoyant et extralucide, qui voit tout en réalité
02:52 et à qui rien n'échappe de la couleur des relations de ses parents
02:56 et qui va être un témoin clé dans cette affaire.
02:59 Il apprend le piano et il y a un morceau qui va accompagner le film
03:04 et évoquer le passage du temps parce que le gamin progresse.
03:07 Je suis désolée de vous interrompre, mais...
03:10 Je ne sais pas...
03:12 Vous venez ici avec votre opinion et vous me dites qui était Samuel
03:20 et ce que nous avions vécu.
03:22 Mais ce que vous dites est juste une petite partie de la situation.
03:30 Vous savez...
03:31 Il faut redire à quel point Sandra Huller est une immense actrice.
03:34 Ce qu'elle fait dans le film est absolument prodigieux puisqu'elle s'engage à fond dans son rôle,
03:38 dans toutes les facettes, y compris les plus détestables de son personnage.
03:42 Ce qui est vraiment le cœur du film, c'est de maintenir l'opacité, le mystère sur ce personnage.
03:46 Quel que soit le verdict, il restera à la fin un doute sur son innocence ou sa culpabilité
03:52 parce qu'elle joue vraiment de cette opacité.
03:54 Et puis, il y a le jeune comédien qui est formidable.
03:58 Milo Machado-Graner, qui est vraiment une révélation.
04:02 Dieu sait que je n'aime pas les enfants au cinéma
04:04 parce que souvent les rôles ne sont pas du tout intéressants, très gnan-gnan,
04:07 des rôles un peu prétextes.
04:08 Alors c'est tout l'inverse.
04:09 S'il y a une femme qui sait écrire des personnages d'enfants, c'est bien Justine Trier
04:13 parce que ce ne sont jamais des accessoires.
04:15 C'est un personnage qui a droit à la même profondeur, la même complexité,
04:19 la même opacité que les autres
04:21 et dont le rôle va être vraiment déterminant dans l'histoire,
04:24 mais pas juste en termes utilitaires.
04:27 Ça se termine par un procès,
04:29 magistralement mis en scène, magistralement écrit là encore.
04:32 Le procès, c'est quand même une scène de théâtre, on le sait.
04:34 Et puis, il faut des bons comédiens pour interpréter cette pièce réelle
04:39 que constitue un procès.
04:40 Un procureur d'un côté, un avocat de l'autre.
04:42 L'avocat, Marion en a parlé, c'est Swan Harlow, qui est formidable comme toujours.
04:46 Et alors le procureur, c'est Antoine Reinhardt.
04:49 Il est odieux, il est horrible.
04:50 Et il joue ça vraiment avec une gourmandise absolument savoureuse.
04:54 Vraiment, on adore le détester.
04:56 Il est atroce, il est parfait.
04:58 Anatomie d'une chute, c'est top.
05:00 C'est probablement le meilleur film français de l'année.
05:02 Pour moi, c'est Bravo.
05:03 Anatomie d'une chute, c'est un grand Bravo.
05:05 ♪ ♪ ♪
05:08 ♪ ♪ ♪
05:11 Sous-titrage Société Radio-Canada

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