Trottinettes, SNCF… les confidences de Clément Beaune, ministre des Transports, en marge LaREF

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00:00 Bonjour à tous, bienvenue sur Capital.fr.
00:08 Nous sommes à La Rêve et nous vous accueillons aujourd'hui Clément Beaune.
00:11 Bonjour Clément Beaune.
00:12 Bonjour.
00:13 On avait envie de vous poser quelques questions d'actualité.
00:15 Dans deux jours, nous sommes à Paris, et dans deux jours, les trottinettes, 15 000 trottinettes, vont être sorties de la ville de Paris.
00:21 Ce sont des moyens de locomotion, de déplacement, de mobilité durable.
00:25 Est-ce que vous avez le sentiment que c'est un gâchis ?
00:27 Oui, je le regrette beaucoup. Je pense que c'est un gâchis et que ça a été aussi mal expliqué.
00:32 Il y a eu une forme de référendum sans campagne, sans vote en ligne, avec un taux de participation inférieur à 10%.
00:39 C'est un choix de la mairie de Paris en l'occurrence, qui est très isolé en France, puisque la plupart des grandes métropoles,
00:44 quelle que soit d'ailleurs leur couleur politique, ont fait d'autres choix.
00:48 Je pense à Lyon par exemple, qui a fait un choix que comme ministre des Transports, je pense préférable,
00:52 qui est un choix de régulation très exigeante.
00:55 D'ailleurs, j'ai moi-même au niveau national renforcé les exigences sur l'âge minimum pour prendre les trottinettes,
01:00 sur les sanctions quand on a des comportements dangereux, parce que ça existe évidemment.
01:04 Quand on est deux, quand on téléphone en trottinette, tout ça est inacceptable.
01:07 Mais comme tous les modes de transport, de toute façon, il ne faut pas se leurrer, ils vont exister.
01:10 Donc il vaut mieux les organiser, les réguler. Je crois que c'est ça être un responsable public et politique.
01:15 Parce que qu'est-ce qui se passe quand on interdit de manière pure et simple ?
01:18 On ne va pas interdire la trottinette privée.
01:20 Donc ça coûte 600, 800, 1000 euros. Donc il y a, je pense, une discrimination par l'argent.
01:25 Et ces trottinettes en plus, elles sont moins régulées, puisque avec les opérateurs,
01:28 si vous êtes exigeant et si vous êtes efficace, vous arrivez à avoir des limitations de vitesse,
01:32 l'interdiction d'aller dans certaines zones, la trottinette se bloque, etc.
01:35 C'est exactement ce que fait une ville comme Lyon, c'est ce que font d'autres villes comme Le Havre par exemple.
01:39 Et donc moi, je préfère, même si c'est une liberté bien sûr laissée aux collectivités locales,
01:43 qu'on ait une régulation exigeante.
01:45 C'est le chemin de l'immense majorité des villes de France.
01:48 À Paris, il y a eu une incapacité à réguler qui s'est soldée par un échec et par la réponse la plus basique,
01:54 mais aussi la plus caricaturale, qui est l'interdiction plus récente de la même ville qui avait introduit 15 000 trottinettes.
01:59 Est-ce que vous n'avez pas l'impression que c'est l'attractivité de Paris ?
02:02 On sait que Paris est un laboratoire de mobilité, c'est à Paris qu'est née l'idée même de Uber et des VTC.
02:08 Ça a été un eldorado pour les plateformes de quick commerce.
02:12 Est-ce que vous n'avez pas peur de l'attractivité, soit entachée, qu'on ne vienne plus innover à Paris ?
02:16 Je ne veux pas caricaturer, Paris est une ville dynamique, parce que notre pays est dynamique et parce que sa capitale est attractive.
02:23 Heureusement, il ne faut pas être un esprit chagrin.
02:26 J'aime Paris, j'en suis fier. Il y a beaucoup de choses qui marchent grâce à l'innovation, grâce à la culture, grâce à l'esprit d'entreprise, à la jeunesse, etc.
02:33 Maintenant, je pense qu'effectivement, si l'image qu'on donne alors que Paris avait été à l'avant-garde de l'innovation,
02:39 c'est qu'on ne sait pas organiser et réguler de nouveaux moyens de transport qui posent des questions.
02:43 C'est dommage et effectivement, c'est l'inverse de ce qui avait été fait quand, par exemple, Bertrand Delanoë avait lancé les vélos libre-service.
02:51 C'était un grand défi, comme ça a été fait sur d'autres innovations que je revendique aussi.
02:57 Ce qu'on a appelé l'uberisation, c'est dangereux quand c'est dérégulé, mais avoir de nouveaux moyens de transport, c'est important.
03:02 L'État, par exemple, est en train de donner des nouvelles licences de taxi pour tous ceux qui s'équipent pour accueillir les personnes en fauteuil et à mobilité réduite.
03:09 Ce sera combien de licences ?
03:10 Ce sera à peu près 800 licences supplémentaires, un peu moins, et au total, on aura 1000 taxis accessibles d'ici les Jeux olympiques et paralympiques.
03:17 Là, on en a à peu près 200 aujourd'hui.
03:19 Je pense que Paris doit être le moteur, c'est l'État qui l'encourage, de ce type d'innovation.
03:24 Après, il y a des régulations, c'est vrai pour le commerce.
03:26 Moi, je les ai dit aussi comme élu parisien dès l'an dernier, ce qu'on appelait les dark stores.
03:30 Je suis favorable à leurs régulations, l'État le permet, les villes le font, dont Paris pour le coup.
03:34 Et ça, c'est très bien d'avoir un cadre de réglementation et de régulation.
03:37 Je pense d'ailleurs qu'on peut aller plus loin sur les scooters électriques, sur l'encouragement aux mobilités propres,
03:41 mais pas en ayant une approche en quelque sorte malthusienne.
03:44 On mettrait sous le tapis l'innovation en pensant qu'on peut l'annuler.
03:48 Ce n'est pas vrai, ça ne marche pas comme ça.
03:49 Vous n'avez pas évoqué les Jeux olympiques.
03:51 On est à un an des Jeux paralympiques.
03:53 On sait que le métro parisien n'est absolument pas adapté, notamment aux déplacements en fauteuil roulant.
03:58 Est-ce qu'on n'a pas raté quelque chose dans l'accessibilité des transports publics pour les personnes en situation de handicap ?
04:03 Il y a plusieurs choses.
04:04 Effectivement, on est à 365 jours exactement du début des Jeux paralympiques qui sont très importants.
04:10 C'est un accélérateur de nos transformations en matière d'accessibilité.
04:14 C'est parfois un révélateur de nos faiblesses aussi.
04:16 Je l'ai dit sans détour, on est en retard dans l'adaptation en France en général de nos grands transports,
04:22 de nos grands réseaux de transports, c'est clair.
04:24 Les réseaux historiques, c'est un atout, c'est parfois aussi une contrainte,
04:28 parce qu'ils n'ont pas été pensés en termes d'inclusion, d'accessibilité, il y a parfois plus d'un siècle.
04:33 C'est le cas à Londres, c'est le cas à Paris, etc.
04:35 C'est le cas à Madrid où toutes les stations sont équipées.
04:37 Oui, c'est vrai, c'est un réseau de transport moins dense.
04:40 On sait, il faut être très clair, que ça prend beaucoup de temps,
04:43 qu'il y a des chantiers compliqués, si vous mettez en accessibilité toute une ligne,
04:46 c'est des années et plusieurs milliards d'euros.
04:49 Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas rien faire.
04:51 Je préfère qu'on fasse du concret, rapide, qu'on sait tenir,
04:55 plutôt que de repousser des transformations encore plus importantes.
04:58 On sait, par exemple, renforcer un certain nombre de choses, des ascenseurs, des points d'accessibilité.
05:02 Toutes les nouvelles stations du Grand Paris Express, notamment,
05:05 quatre lignes de métro supplémentaires, le prolongement de la ligne 14,
05:08 elles sont évidemment 100% accessibles.
05:10 L'État et la région financent cela.
05:12 Et tout sera prêt pour les JO, on est d'accord.
05:14 Ça doit être prêt, il y a encore du travail.
05:16 Ça doit être prêt.
05:17 Ça doit être prêt, il faut être clair.
05:18 Je ne vais pas vous dire que tout est réglé dans les moindres détails un an avant.
05:20 Ce serait bizarre.
05:21 Mais il y a du boulot qui a été fait, il y a du boulot qui reste à faire.
05:25 Et moi, ce sur quoi j'insiste, parce que ça a été évoqué par beaucoup d'associations,
05:28 beaucoup de sportifs en fauteuil aussi,
05:30 c'est que l'accessibilité, ce n'est pas seulement des infrastructures,
05:33 parce que parfois, ça prend du temps et ça, chacun le comprend,
05:35 même si toutes les infrastructures nouvelles, on les met en accessibilité.
05:38 Ce sont des changements un peu plus modestes, tous les taxis accessibles.
05:41 Et parfois, c'est une culture.
05:42 On n'a pas assez d'agents qui aident et qui accompagnent.
05:45 On n'a pas parfois la considération nécessaire quand vous avez un agent
05:48 de la SNCF, de l'RATP, il va toujours former pour prendre en charge une personne handicapée.
05:52 Et puis, dernier point, j'en ai fait un grand chantier,
05:54 parce que justement, ça, ça peut se faire vite.
05:56 C'est l'accessibilité sonore et visuelle.
05:58 Quand vous n'avez pas forcément un handicap en fauteuil,
06:00 un handicap moteur, vous pouvez avoir un problème d'audition,
06:03 un problème d'être aveugle ou malvoyant.
06:06 Eh bien, on peut améliorer les choses dans nos stations de métro.
06:09 Ça ne coûte pas trop cher, ça peut se faire vite.
06:11 Et avec le numérique aussi, les applications, on peut faire beaucoup mieux.
06:13 C'est de l'accueil et de la communication.
06:14 Accueil, communication et le service.
06:16 Ce n'est pas seulement l'infrastructure, c'est le service.
06:18 Et là-dessus, Londres a fait une énorme transformation à l'occasion de ces Jeux.
06:21 Et Paris est en train de la faire,
06:22 mais on doit encore mettre les bouchées de loup pour la réussir.
06:24 Alors, on est à la rentrée, c'est la préparation du budget.
06:27 Expliquez-nous ce que compte faire le gouvernement.
06:29 On parle notamment d'une hausse de taxation sur les billets d'avion,
06:33 sur les taxes aéroportuaires.
06:35 Vous voulez en fait faire payer davantage les transports carbonés.
06:38 C'est ça l'idée ?
06:39 Ça, c'est un outil.
06:40 La philosophie générale, c'est la transition écologique,
06:43 dans notre budget comme dans beaucoup de nos actions.
06:45 Évidemment, si vous voulez réussir une grande politique publique
06:48 et celle de l'écologie, de la transition écologique,
06:50 vous avez besoin de tous les outils, dont le budget, dont la fiscalité.
06:52 Je l'assume.
06:53 Le but aussi, et c'est ce qu'on fait depuis 6 ans,
06:55 c'est globalement de baisser la fiscalité,
06:57 et y compris de baisser, notamment de baisser la fiscalité des ménages.
07:00 On va continuer cette trajectoire.
07:02 Maintenant, on fait ce qu'on appelle un verdissement de la fiscalité.
07:05 C'est-à-dire qu'on taxe plus certaines activités qui polluent,
07:07 et ça redonne de l'investissement et du pouvoir d'achat
07:10 pour d'autres activités, pour faire des bornes électriques,
07:12 pour acheter des voitures électriques avec le leasing social,
07:14 pour investir dans le train.
07:16 On voit bien qu'on a un manque encore de transport ferroviaire
07:18 et des prix parfois trop élevés.
07:20 Ça sert à ça, cet argent, qu'on va effectivement,
07:22 par un certain nombre de cas, aller chercher sur des activités
07:24 qu'on appelle brunes ou polluantes,
07:26 que je ne stigmatise pas, c'est l'histoire,
07:28 mais qui doivent contribuer à la transition écologique.
07:30 Sur la taxe sur les billets d'avion, on parle juste de 100 millions d'euros de plus par an.
07:34 C'est en train d'être défini, je ne veux pas préjuger du budget.
07:36 C'est suffisant pour améliorer le train.
07:38 D'abord, je vais le dire, il ne faut pas faire croire que l'avion n'est pas taxé.
07:40 Aujourd'hui, l'avion, il est taxé.
07:42 Il y a notamment ce qu'on appelle cette éco-contribution,
07:45 qui avait été renforcée par Elisabeth Borne, ministre des Transports à l'époque,
07:48 qui a financé un plan d'investissement dans le ferroviaire et dans la transition écologique en général.
07:52 On va mobiliser le même type d'outils.
07:54 Les montants sont encore en discussion,
07:56 mais je suis très vigilant comme ministre des Transports
07:58 à ce que les secteurs de l'aviation, nos compagnies comme Air France,
08:02 nos grands acteurs comme l'aéroport de Paris,
08:04 ne soient pas entravés ou pénalisés,
08:06 parce qu'ils contribuent eux-mêmes à la transition écologique
08:08 en investissant dans les carburants propres,
08:10 dans un certain nombre de transformations de leur propre secteur.
08:12 Il faut aussi les aider à ça.
08:14 Une dernière question, si vous voulez bien Clément Borne.
08:16 On voulait faire un bilan avec vous de l'été de la SNCF,
08:19 qui d'un point de vue commercial a été très très bon.
08:21 On parle en ce moment d'une hausse possible du prix des billets de train avec la carte avantage.
08:29 Est-ce que c'est un signal prix qui va dans le bon sens ?
08:32 Est-ce qu'on peut encore augmenter le prix des billets de train ?
08:35 Les gens ont l'impression de payer toujours trop cher.
08:38 Je veux quand même le redire.
08:40 Un, l'été a été bon.
08:42 En effet, dans le sens où il y a,
08:44 on verra les derniers chiffres,
08:46 mais certainement plus de Français que l'an dernier,
08:48 qui étaient déjà des années record l'été 2022,
08:50 qui ont pris le train.
08:52 On dépassera les 23 millions de passagers dans le train de l'été 2022,
08:56 cet été 2023.
08:57 C'est une bonne nouvelle.
08:58 Ça veut dire que les gens ont pris le train,
08:59 qu'ils ont voulu prendre le train.
09:00 Après, la question du prix.
09:01 Je vais être aussi très clair.
09:03 Il faut rappeler que ce qu'on fait déjà,
09:05 l'État, les régions par exemple,
09:07 c'est qu'on subventionne très massivement le prix du billet de train.
09:09 Ce n'est pas tout à fait vrai sur le TGV, c'est exact.
09:11 Mais les intercités, les trains de nuit, le métro, les transports publics,
09:15 c'est à peu près 80% qui est pris en charge par la puissance publique
09:18 et pas par l'usager.
09:19 Et on en est fier, c'est très important.
09:21 Il faut quand même le rappeler.
09:22 Maintenant, si on veut que les billets de train ne soient pas trop chers,
09:25 et que les prix baissent, y compris sur le TGV,
09:27 il faut développer des offres sociales, si je puis dire, ou compétitives,
09:30 le WeGo.
09:31 Il faut acheter plus de trains.
09:32 C'est aussi bien que la SNCF ait parfois de bons résultats,
09:34 parce qu'elle va pouvoir acheter des trains,
09:36 ce qui fera baisser les prix,
09:37 parce qu'il y aura plus de capacités à partir de l'année prochaine et de 2025.
09:40 Et puis, parfois, il faut de la concurrence encadrée.
09:43 Mais je l'assume, quand une ligne comme Paris-Lyon s'est ouverte à la concurrence,
09:46 on a déjà vu une baisse de 10% en moyenne des prix.
09:48 Et moi, j'ai demandé un engagement à la SNCF maintenant, pour l'année 2023,
09:52 c'est que dans un contexte d'inflation,
09:54 où les coûts d'énergie ont augmenté parfois de 15-20% pour elles-mêmes,
09:57 eh bien, on n'augmente pas trop le billet de train.
09:59 Ce sera un mauvais signal.
10:00 Et donc, il y a un bouclier tarifaire qui est toujours, pour cette année,
10:03 qui est en vigueur à 5%.
10:04 La hausse sur la carte avantage, ce n'est pas la carte elle-même.
10:07 Ce sont les billets, pardon, les plafonds de prix maximum
10:11 qui sont appliqués à certains billets.
10:13 Donc, c'est encore une carte très utile.
10:14 C'est encore une carte qui aboutit en moyenne à 30% de réduction
10:17 pour tous ceux qui l'utilisent.
10:18 Donc, on va continuer ces offres attractives sur le train.
10:21 La concurrence, c'est satisfaisant aujourd'hui d'avoir un opérateur et demi
10:25 qui revient en face de la SNCF.
10:27 Mais c'est un début.
10:28 On sait que ça prend du temps, mais comment je suis jugé ?
10:30 D'abord, je suis attaché à ce qui est un opérateur historique et public
10:32 qu'est la SNCF, que je défends, parce que c'est un grand service public.
10:35 Et que sur certaines lignes, les régions sont en train de l'organiser
10:38 pour le TER dans certains cas.
10:40 Et ça va produire ses effets aussi sur le prix, j'en suis sûr.
10:43 Les grandes lignes comme Paris-Lyon, on a vu aussi des lignes internationales.
10:46 Marseille-Madrid, ça s'est ouvert cet été.
10:48 Lyon-Barcelone aussi, avec des opérateurs étrangers.
10:50 Ça va augmenter.
10:51 Il y a sans doute d'autres lignes à grande vitesse en particulier
10:54 qui vont s'ouvrir et attirer des concurrents.
10:56 La SNCF le fait à l'étranger.
10:58 Donc, c'est normal aussi qu'on le fasse chez nous.
11:00 Dès lors que les règles du jeu, la sécurité ferroviaire bien sûr,
11:03 un certain nombre d'encadrements sont fixés par la puissance publique.
11:06 Merci Clément Bonne.
11:07 Merci à vous.
11:08 Merci à tous et bonne journée.
11:10 A bientôt sur Capital.fr.

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