Matthieu Lartot : "La Coupe du Monde de rugby était mon objectif"

  • l’année dernière
Le journaliste sportif revient sur France Télévisions après des mois de combat contre le cancer et l’amputation de sa jambe droite

"Je vais très bien". C’est un Matthieu Lartot tout sourire et en forme qui s’apprête à reprendre le chemin de France Télé pour couvrir la Coupe du Monde de rugby à partir du 8 septembre (France TV diffusera 10 matches). Le présentateur de Stade 2 sort d’une éprouvante bataille contre un cancer, une récidive d’une tumeur au genou. En juillet, il est amputé de la jambe droite et un mois et demi plus tard, le voilà debout, avec une prothèse, après des semaines de rééducation.
Matthieu Lartot découvre le monde du handicap : prothèses non remboursées pour certains malades, non accessibilité du métro parisien pour les personnes à mobilité réduite, lenteur administrative pour recevoir un macaron destiné aux automobilistes handicapés…. De nouveaux combats commencent. Matthieu Lartot est l’invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt
Transcript
00:00 Bonjour Céline Béhidarcourt. Bonjour Célia. Votre invité média aujourd'hui est la voix du rugby sur France Télévisions.
00:05 Il va couvrir la Coupe du Monde qui démarre dans 9 jours après s'être absenté plusieurs mois de l'antenne pour soigner un cancer.
00:11 Bonjour Mathieu Larteau. Bonjour Céline, bonjour à tous.
00:13 On est ravis vraiment de vous accueillir ce matin et de voir que vous avez l'air en forme.
00:16 Ça a été un coup de tonnerre quand au printemps vous avez annoncé publiquement la récidive d'un cancer survenu à l'adolescence, un cancer du genou.
00:23 Vous avez été amputé de la jambe au mois de juin. D'abord comment allez-vous ?
00:27 Je vais très bien, je galope même. Je suis très content parce que j'ai tenu un petit peu les promesses que je m'étais faites à moi-même d'abord.
00:34 C'était la Coupe du Monde de rugby.
00:35 Oui, c'était un objectif, ça a été un moteur pour moi pendant ma rééducation d'essayer d'atteindre cet objectif.
00:42 Je me suis préparé en parallèle de l'équipe de France.
00:45 Vous n'avez pas disputé la Coupe du Monde de rugby.
00:47 Non, je ne vais pas la faire, je vous rassure.
00:48 Et moralement comment vous vous sentez ?
00:50 Très bien, j'ai eu cette chance-là d'être entouré par ma famille, par mes proches, d'avoir reçu un soutien aussi assez extraordinaire de la part du public.
00:59 Il y a des gens qui m'ont beaucoup écrit.
01:01 Ça aide vraiment ?
01:02 Oui, ils m'ont donné une énergie, ça m'a porté par moments.
01:05 Je relisais quelques messages, j'entretenais aussi parfois des correspondances avec des malades du cancer qui m'ont pas mal sollicité.
01:12 Donc évidemment que c'était assez vertueux parce que moi je servais d'exemple quelque part.
01:17 Et puis eux me donnaient leur force, leur énergie pour me battre avec leurs encouragements.
01:21 Donc ça a fait du bien.
01:23 Et puis mes proches évidemment, ma famille, ma femme qui a été extraordinaire.
01:26 Je dois lui rendre hommage.
01:27 Je suis forcé parce qu'elle a dû s'occuper des enfants, de s'occuper de pas mal de paperasse administrative aussi liées à mes soins.
01:34 Donc non, j'ai été entouré de manière remarquable.
01:36 Et vous êtes en rémission aujourd'hui ? La tumeur a disparu ?
01:38 Non, alors la rémission, vous savez quand on est atteint d'un cancer, on est surveillé étroitement.
01:43 Moi, je vais être surveillé pendant 10 ans, tous les 3 mois.
01:45 Je vais avoir des PET scans, je vais avoir des examens de contrôle.
01:47 On a toujours cette petite épée de Damoclès au-dessus de la tête.
01:51 Je l'ai déjà vécu il y a 26 ans.
01:53 J'avais passé ce cap des 5 ans et vous voyez, la récidive est intervenue 26 ans après.
01:58 Donc on n'est jamais totalement sorti de l'affaire.
02:00 Mais il faut pouvoir mettre tout ça de côté et puis reprendre sa vie parce qu'après la maladie, il y a la vie.
02:05 Donc il faut vivre.
02:07 On voit que vous êtes un guerrier, Mathieu Larteau.
02:09 Vous avez eu 2 cancers, vous l'avez dit, à 26 ans d'intervalle.
02:12 Là, moralement, vous dites que vous êtes très bien.
02:14 La rééducation, en un mois et demi, vous marchez.
02:16 Vous m'avez même dit tout à l'heure, je marche plus vite que vous.
02:19 Je n'ai pas dit ça.
02:19 J'ai dit, on peut peut-être faire des tests.
02:21 Je pense que vous gagnez.
02:23 Comment vous avez puisé vraiment cette énergie, cette force mentale ?
02:26 Vous l'avez depuis toujours.
02:28 Je crois déjà que quand on prépare bien son esprit, le corps suit.
02:32 C'est un petit peu comme ça que moi, je fonctionne.
02:34 Je m'étais préparé à cette éventualité un jour de perdre ma jambe parce que j'avais déjà un handicap qui était un peu invisible
02:42 lié à mon premier cancer.
02:44 J'avais une jambe quasiment raide, qui avait 4 cm de moins que l'autre.
02:48 J'étais vraiment handicapé dans mon quotidien.
02:50 C'était une jambe qui était malade.
02:52 Elle était atrophiée.
02:54 Donc, je savais que même si je n'avais pas une récidive d'un cancer,
02:59 il y avait une possibilité que je perde cette jambe,
03:02 puisque les durées de vie des prothèses, en général, c'est 25-30 ans.
03:05 Moi, j'arrivais à 26 ans.
03:06 Et ma chirurgienne, d'ailleurs, quand elle m'a annoncé le verdict de la récidive, m'a dit de toute façon,
03:10 si le cancer n'était pas revenu, il aurait fallu vous amputer.
03:14 Donc, je m'étais préparé psychologiquement à cette éventualité.
03:16 Et aujourd'hui, vous portez une prothèse.
03:18 Vous l'avez totalement intégrée à votre corps ?
03:20 Alors, je l'ai intégrée mentalement.
03:22 Ça, c'est une évidence.
03:23 Je m'affiche devant les gens sans aucun problème.
03:26 Je n'ai pas le problème du regard des autres, qui peut parfois être pesant.
03:32 Maintenant, je l'apprivoise tous les jours dans mon quotidien, à la marche, en centre de rééducation.
03:39 On est dans un endroit adapté, avec des sols plats.
03:42 Quand on sort de là, on se dit "je suis le plus fort, je sais marcher".
03:45 Et puis, quand on arrive dans les rues parisiennes, avec des trottoirs en pente, un peu cabossés, avec des pavés,
03:51 là, on prend de plein fouet la difficulté des personnes à mobilité réduite ou des personnes handicapées.
03:56 J'ai vu que vous aviez pris conseil auprès d'athlètes en disport pour pouvoir vous adapter dans votre quotidien.
04:01 Oui, et j'avais même visionné avant l'amputation, beaucoup, beaucoup de vidéos de gens qui étaient amputés.
04:07 Et je crois que ça aussi, ça m'a donné des clés.
04:09 Alors après, effectivement, j'ai pas mal discuté avec Pauline Desroulettes, notamment Stéphane Houdet,
04:13 qui sont des champions de tennis-fauteuille, qu'on a l'habitude de côtoyer à Roland Garros.
04:19 Alexis Anquin-Camp, champion paralympique aussi de triathlon.
04:23 Voilà, tous ces gens-là m'ont donné des conseils précieux pour pouvoir assez rapidement,
04:28 finalement, comprendre ce que ça représente que de marcher avec une prothèse.
04:32 C'est très énergivore. Ça demande énormément de préparation physique en amont.
04:37 Moi, j'ai jamais travaillé autant physiquement de ma vie que pendant cette rééducation de deux mois.
04:42 Je remercie tous les gens de l'ADAPT, de Châtillon.
04:44 On développe les muscles des bras, de l'autre jambe, des abdos aussi.
04:47 On a la ceinture abdominale, on fait un travail de gainage très important
04:50 parce qu'il faut pouvoir tenir à la marche toute la journée.
04:54 Alors vous avez dénoncé, Mathieu Larteau, la double peine que subissent les malades et les personnes amputées,
04:59 c'est le coût des prothèses.
05:01 Vous avez expliqué, vous allez nous le dire mieux que moi, que la meilleure, ça coûte 100 000 euros.
05:05 Bien évidemment, il n'y a pas grand monde qui peut se la payer parce qu'elle n'est absolument pas remboursée. Zéro.
05:09 Non. Alors il faut quand même préciser, on est un pays quand même bien fait,
05:14 avec une sécurité sociale qui permet de rembourser quand même pas mal de choses.
05:18 Moi, par exemple, la prothèse que je porte aujourd'hui, c'est une prothèse qui est remboursée par la sécurité sociale.
05:22 Elle coûte entre 15 et 20 000 euros.
05:24 Moi, ce que je dénonce, c'est effectivement la double peine pour les malades du cancer, notamment les jeunes.
05:29 Je vais vous prendre un exemple, comme ça tout le monde va comprendre.
05:32 Un enfant de 15 ans qui serait renversé par un chauffard sur la route,
05:37 lui, il pourra accéder à cette prothèse qui coûte 100 000 euros parce qu'il y aura un tiers et des assurances.
05:42 Et souvent, les assurances prennent en charge, à l'échelle d'une vie, ce type de prothèse.
05:46 En revanche, le même adolescent à 15 ans qui est victime d'un sarcome comme moi, par exemple,
05:51 d'une maladie, d'une pathologie, lui, il n'y aura pas d'assurance.
05:54 Et vous imaginez bien qu'on ne peut pas supporter à l'échelle d'une vie un investissement d'un million d'euros
05:58 parce que ces prothèses, il faut les changer tous les six ans.
06:01 Donc vous faites un investissement de 100 000 euros, six ans après, vous ne récupérez rien
06:05 parce que ce n'est pas une voiture, vous n'allez pas la revendre.
06:07 Et il faut remettre 100 000. Et comme ça, tous les six ans, jusqu'à la fin de sa vie.
06:10 Sachant que c'est une prothèse qui n'a pas d'équivalent parce qu'elle permet de retrouver une autonomie fulgurante.
06:17 Et pour s'insérer dans la vie active quand on a ces âges-là, je trouve que c'est une aberration, tout simplement.
06:22 Et depuis que vous avez dénoncé ça, est-ce que vous avez eu des retours, par exemple, du ministère de la Santé ?
06:26 Alors du ministère de la Santé, non. J'ai beaucoup de retours, évidemment, de gens et notamment des gens qui sont confrontés à ces problèmes-là.
06:33 Ça, c'est un problème parmi tant d'autres dans le monde du handicap.
06:35 Mais il faut que le gouvernement s'en saisisse.
06:37 Oui, alors le gouvernement a fait des efforts, je crois, très récemment sur le remboursement du prix des fauteuils roulants.
06:43 Mais voilà, il y a toujours beaucoup à faire. On parle beaucoup d'accessibilité en ce moment.
06:49 On est à un an des Jeux paralympiques. Là aussi, il y a un chantier assez colossal pour rendre, par exemple,
06:53 le métro parisien accessible aux personnes à mobilité réduite.
06:57 Donc voilà, c'est des combats dans lesquels j'ai envie de m'inscrire un petit peu.
07:00 J'ai même quelques idées qui germent, notamment une association qui pourrait venir en aide à des personnes victimes de cancer pour s'équiper en prothèse.
07:07 On aura l'occasion d'en reparler à l'approche de ces Jeux. Merci beaucoup, Mathieu Larteau.
07:11 Bon courage et bonne chance pour la suite.
07:13 Merci.
07:14 Merci Mathieu Larteau. On vous retrouve le 10 septembre aux commandes de Stade 2 sur France 3.
07:16 Et pour commenter, évidemment, la Coupe du Monde de rugby. On a hâte. Merci Céline.

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