• l’année dernière
Alors qu'il s'apprête à s'élancer pour son 4e UTMB, l'ultra-traiteur Mathieu Blanchard s'est confié sur son rapport à ses limites.

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Sport
Transcription
00:00 Une paire de baskets, un jogging en avant, il n'y a rien de plus simple qu'aller courir.
00:06 Ça fait partie en fait de la vie d'avoir mal à un certain degré.
00:12 J'ai fait tout trop vite, trop tôt et j'ai eu beaucoup de douleurs.
00:16 C'est pour ça aussi que j'ai progressé parce que j'ai pris des risques avec mon
00:19 corps.
00:20 La course à pied, c'est ça qui est beau dans ce sport, c'est que c'est évident
00:33 et c'est assez direct, nous avec nous-mêmes.
00:35 Je pense que j'ai toujours eu ce truc un petit peu extrême en moi, recherche de l'adrénaline,
00:38 grosse prise de risque.
00:39 Moi, la toute première course que j'ai fait, c'est un marathon.
00:42 Ce n'est pas l'école classique, normalement on commence par un peu de pistes, 5 km, 10
00:47 km, demi-marathon, marathon.
00:48 Moi, j'ai commencé tout de suite par un marathon, d'ailleurs je n'ai jamais couru
00:50 de 5 km ou de 10 km.
00:51 Je suis arrivé après sur le trail de manière un petit peu hasardeuse.
00:56 Un ami qui m'a proposé d'aller courir un trail, je ne savais pas que ça existait.
00:58 Ça me plaisait plus parce que des descentes techniques, des météos un peu plus capricieuses,
01:05 c'est moins cadré que la route finalement.
01:06 Et l'ultra trail a encore rajouté une couche d'extrême.
01:09 Les volumes, bon je ne parle pas en kilomètres, mais je peux passer 20-30 heures dans une
01:22 semaine à crapahuter en nature.
01:24 Mais je pense que c'est comme pour tous les sports extrêmes, à force de le faire, on
01:29 finit par un petit peu s'habituer aux sensations et à maîtriser l'extrême.
01:34 Je kiffe tellement courir en nature, je kiffe tellement passer du temps en nature qu'à
01:42 force de pratiquer, parce que je le fais toute la journée le plus possible, je progresse.
01:48 Et quand je progresse, ça donne des résultats de performance, mais je ne m'entraîne pas
01:54 pour performer en fait.
01:55 La limite c'est la société, c'est l'éducation, c'est les gens qui nous entourent, mais au
02:08 final, les réelles limites, on ne sait pas trop où elles sont et c'est à nous-mêmes
02:11 d'aller les chercher, les explorer.
02:13 Et on n'a pas tous les mêmes limites en fonction de notre degré de folie.
02:19 Moi je ne cours pas après les limites de mon sport ou les limites des records, je cours
02:24 après mes limites.
02:25 C'est ce qui fait la différence entre les coureurs professionnels et les coureurs récréatifs,
02:32 c'est d'avoir cette capacité à de temps en temps jouer un peu avec la limite.
02:36 C'est une courbe de quantification, de stress mécanique ou de stress physiologique et le
02:42 jeu c'est de toujours venir jouer, charger, décharger sous cette courbe.
02:45 Tu la dépasses et quand tu augmentes le volume au point de te réveiller le lendemain matin
02:53 avec des gros raideurs, des courbatures, c'est là que tu joues autour mais en même temps,
02:59 c'est là aussi où tu peux avoir des gains physiologiques et mentaux les plus forts.
03:04 C'est pas parce qu'on est professionnel qu'on souffre moins, en fait on souffre pareil.
03:25 On réussit mentalement à plus le tenir mais c'est exactement la même douleur, on va
03:29 plus vite.
03:30 Les officiels internes nous protègent et nous mettent des signes avant-coureurs qui
03:36 sont bien plus loin que la réelle limite où on va se mettre en danger.
03:42 Et ça tu l'apprends quand tu vas jouer avec ces limites-là, que tu vas ressentir ces
03:49 douleurs mais au moment où tu la ressens, tu te rends compte que tu peux aller beaucoup
03:52 plus loin.
03:53 Je veux pas paraître sadique mais ça me fait du bien d'avoir mal, ça me rend plus
04:00 vivant en fait, ça intensifie un petit peu le moment dans lequel on est, c'est comme
04:05 une relation avec la douleur qui est finalement saine pour pouvoir progresser mentalement,
04:12 progresser physiquement et intensifier leur vie.
04:15 C'est la course où tout se passe.
04:26 Il y a eu quelque chose d'assez mythique l'année dernière avec cette UTMB, outre
04:30 la deuxième position il y a aussi ce passage sous la barrière mythique des 20 heures et
04:35 c'est drôle parce que j'aime bien casser un petit peu les idées reçues, les paradigmes
04:43 et d'être assez ouvert.
04:44 Moi ce que j'ai vécu, je sais pas l'expliquer en fait, c'est du marvel quoi, je me suis
04:48 transformé comme un mutant en un moment donné juste parce que dans mon cerveau il y a une
04:53 clé qui s'est déverrouillée qui a permis de me donner une énergie folle dans mon corps
04:57 que je n'avais jamais eue et que dans tous les cas par rapport à l'entraînement que
05:02 j'avais fait que je n'avais pas en fait.
05:03 Comment je me sens, c'est qu'au 130ème kilomètre, c'est comme si je venais de
05:06 prendre le départ en fait, j'ai aucune douleur dans mes jambes, j'ai envie de continuer
05:10 d'accélérer, je passe des paces comme si c'était mon premier kilomètre et je
05:15 comprends pas en fait.
05:16 J'ai mon rythme cardiaque hyper bas, j'ai pas mal aux jambes, j'ai juste une envie
05:22 c'est d'accélérer.
05:23 Cet état de transcendance, je l'ai jamais ressenti ailleurs que sur l'UTM, c'est-à-dire
05:34 d'être capable de continuer à pousser, de maîtriser mon effort après plus de 15
05:37 heures, d'avoir aucun trouble digestif, d'avoir aucune douleur musculaire, aucune
05:42 douleur physique d'articulation, ça fait limite un petit peu peur en fait parce que
05:47 je me dis qu'il ne faut pas que ça arrive trop souvent parce que ça nous permet de
05:51 nous mettre dans des circonstances qui sont quand même finalement assez extrêmes.
05:56 On me croit ou on me croit pas, mais le lendemain de l'UTMB j'avais zéro courbature.
06:00 J'aurais pu repartir, courir un UTMB.
06:03 On peut courir 170 bornes sans douleur et le lendemain se lever sans courbature.
06:08 Alors elles sont les limites du corps humain.
06:10 Moi je ne suis pas un super héros, je m'entraîne juste très fort, j'amène mon corps dans
06:14 des dispositions et puis dans des dimensions qui peuvent paraître extrêmes pour un système
06:19 mais qui peut être pour un autre système sans rien du tout.
06:26 Aujourd'hui, moi je n'ai pas peur que mes limites régressent parce qu'elles ne font
06:31 que augmenter.
06:33 J'aimerais bien moi un jour, ce qui ne m'est jamais arrivé un jour, tomber de fatigue
06:37 à dire je ne peux plus faire un pas devant l'autre.
06:40 Et ça c'est ma limite, mais ça ne m'est jamais arrivé.
06:43 Je suis encore trop jeune dans ce sport et je n'ai pas expérimenté encore assez loin
06:46 pour l'avoir trouvé celle-là.
06:48 [Musique]
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