La rentrée littéraire - La chronique de Clara Dupont-Monod

  • l’année dernière
La rentrée littéraire, ça n'existe... qu'en France.

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00:00 Clara, qu'est-ce que vous avez lu ?
00:02 Rien du tout.
00:04 Ah bravo !
00:06 Je vais quand même parler des livres.
00:08 Ah bah oui, parce que c'est la rentrée littéraire que je sache.
00:11 Et c'est ça que les vrais gens attendent en septembre.
00:14 Les faux gens je sais pas, mais les vrais gens, en tout cas de CNews, c'est ça qu'ils attendent.
00:18 Alors dites-vous bien que cette rentrée littéraire,
00:21 eh bien elle n'existe en fait qu'ici.
00:24 C'est une tradition franco-française,
00:26 un peu comme le cassoulet ou la maltraitance administrative.
00:30 Et chaque mois de septembre, le monde entier nous regarde,
00:34 mi-ahurie, mi-envieux,
00:36 parce que nous sommes le seul pays à réserver
00:40 quasi trois mois d'effervescence autour du livre.
00:44 Alors évidemment, cette fête, c'est aussi celle de la rentabilité.
00:47 C'est-à-dire que si un livre surnage,
00:50 voire décroche un prix littéraire,
00:53 ça peut représenter jusqu'à 60% du chiffre d'affaires d'un éditeur.
00:57 Il faut donc voir cette rentrée littéraire comme une espèce de giga-casino,
01:02 une sorte de Paris géant,
01:04 et on retrouve les mêmes personnages chaque année dans le même état de surchauffe.
01:10 Alors par exemple, il y a l'éditeur.
01:13 Lui, il est tendu depuis le mois de janvier.
01:17 Et mille fois, il s'est demandé...
01:20 « Hum, voyons, quel roman vais-je publier qui pourrait cartonner en septembre ? »
01:25 « Le Polar ésotérique, c'est déjà vu. »
01:28 « Les histoires de famille dysfonctionnelles. »
01:30 « Grand-père Colabo. »
01:31 « Mère disparue. »
01:32 « Frère handicapé. »
01:34 « Déjà vu aussi. »
01:36 « Je vais me rabattre sur une valeur sûre. »
01:38 « Je vais éditer les tourments d'un transfuge de classe. »
01:41 « La déprime d'un homme devenu riche. »
01:44 « Seul sur son canapé, Rochebeaubois. »
01:47 « Dans son salon de cent-dix mètres carrés. »
01:50 « Titre, le confort est ma douleur. »
01:53 « Ça peut cartonner. »
01:54 Et ça peut cartonner.
01:56 Autre personnage, le critique littéraire.
01:59 Alors lui, il reçoit tellement de livres
02:01 qu'il doit encaser dans son frigo.
02:04 Et il doit les garder, parce que beaucoup sont écrits par ses copains.
02:08 Alors il pense déjà aux mots qu'il va employer dans ses articles.
02:12 « Bouleversant. »
02:14 « Féroce et drôle. »
02:15 « Visionnaire. »
02:17 « D'une poignante modernité. »
02:19 « Jubilatoire. »
02:21 Et quand la rentrée littéraire sera passée,
02:24 certains d'entre eux se diront…
02:26 « Ça y est, j'ai bien chroniqué les livres. »
02:29 « Maintenant, j'ai le temps de les lire. »
02:32 Au-dessus de ce théâtre flotte le grand patron invisible,
02:36 c'est le lecteur.
02:38 Parce que c'est lui qui décide, du bouche à oreille,
02:41 de suivre ou non les recommandations des critiques.
02:44 C'est lui qui adoube ou qui bannit.
02:47 Sans jamais perdre de vue une chose, c'est que c'est très heureux.
02:51 On dit souvent que pour prendre le pouls d'un pays,
02:54 il faut rentrer dans une de ses librairies.
02:57 Eh bien, quelqu'un qui entrerait dans une librairie française
03:00 au mois de septembre, il se dirait…
03:03 « Voilà un pays qui va bien. »
03:05 « Qui a tellement de choses à dire qu'il lui faut une rentrée littéraire,
03:10 466 parutions et encore c'est un chiffre historiquement bas. »
03:15 Alors évidemment, on peut toujours objecter que 466, c'est trop.
03:20 Mais est-ce qu'on imagine l'inverse ?
03:22 La tristesse d'un pays qui ne publierait pas assez.
03:26 Donc on défonce les sourcils et on tend l'oreille vers nos libraires
03:30 qui sont en fait le thermomètre de l'énergie nationale. »
03:34 Bravo Clara !
03:36 C'est super Clara !
03:39 Mais ce n'est pas tout à fait dans la ligne éditoriale de CNews.
03:42 Pour la semaine prochaine, vous lirez « Mais sans plus belle recette,
03:44 avec juste du saucisson » de Jordane Bardella.

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