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Dans un documentaire diffusé mardi 26 septembre sur France 5, Marina Carrère d'Encausse se questionne sur la fin de vie à travers l'histoire d'Antoine, son compagnon. Atteint de la maladie de Charcot, il aimerait avoir le droit de mourir.

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00:00 Léa Salamé, nous recevons ce matin une journaliste, médecin, visage bien connu des français,
00:05 pour ses émissions consacrées à la santé. Avec elle, nous allons parler du documentaire
00:09 qu'elle consacre à la fin de vie. Fin de vie, pour que tu aies le choix, qui sera diffusé
00:15 sur France 5, le 26 septembre prochain, à 21h. Vos questions, amis auditeurs, amis auditrices,
00:23 sur le site web de France 5, le 26 septembre prochain, à 21h45 24/7000, et sur l'application de France Inter.
00:30 Marina Carère d'Ankos, bonjour.
00:31 Bonjour, merci de m'accueillir.
00:32 Bienvenue, soyez la bienvenue sur Inter pour parler de ce documentaire qui nous a littéralement
00:38 bouleversé avec Léa. On va donc aborder avec vous la question de la fin de vie, sur
00:44 laquelle une convention citoyenne a travaillé et rendu des conclusions très claires en
00:48 avril dernier. La fin de vie sur laquelle le gouvernement doit désormais présenter
00:54 un texte. Mais ce sujet, ce matin, on y entre avec vous, parce que vous le vivez intimement.
01:00 Votre compagnon Antoine souffre de la maladie de Charcot, une maladie dégénérative incurable.
01:06 Dites-nous pour commencer, pourquoi avoir choisi de vous mettre à nu dans ce film ? Pourquoi
01:13 avoir choisi d'ouvrir les portes sur ce sujet qui est parmi les plus intimes, les
01:19 plus douloureux qui soient ? D'abord parce que c'est une réflexion personnelle que
01:24 j'ai depuis longtemps sur des choix que je trouve absolument essentiels et avec une
01:28 loi française, moi, qui ne me paraît pas suffisante. Donc c'est quelque chose qui
01:31 me travaillait depuis longtemps. Et puis voilà, un jour Antoine a poussé la porte de mon
01:36 bureau, je ne le connaissais pas, et il venait d'apprendre qu'il avait une maladie de
01:40 Charcot et il est médecin. Il avait arrêté de travailler tout de suite et il est venu
01:47 nous proposer de faire un documentaire consacré à sa maladie, pour que sa maladie éclaire
01:54 une évolution de la loi, avec le but vraiment d'avoir une évolution de la loi à propos
01:58 de sa maladie, comme exemple. J'ai trouvé ça évidemment passionnant, lui je l'ai
02:05 trouvé très émouvant, je me suis posé un peu la question quand même, parce que les
02:08 choses sont allées très vite, 15 jours de comment est-ce qu'on tombe amoureux de
02:11 quelqu'un qui a une maladie incurable. Mais ça c'est une des questions du film, parce
02:15 que c'est vrai que… J'ai pas la réponse ! Le film commence comme ça, bien sûr qu'il
02:19 est à la question de la fin de vie et de la maladie, mais aussi il y a la question
02:22 d'une femme qui tombe amoureuse d'un homme qui vient de lui dire qu'il a la maladie
02:25 de Charcot. Et surtout qu'il vient lui proposer un documentaire pour qu'on le suive jusqu'à
02:28 sa mort quand même. Donc c'est quand même extrêmement questionnant. Bon, je me suis
02:33 posé la question quelques temps, pas très longtemps. Charcot n'a pas empêché votre
02:37 amour, et on le voit. Pas du tout, pas du tout. Ça le rend sûrement
02:41 beaucoup plus intense, beaucoup plus essentiel, parce qu'on n'a pas vraiment de temps
02:45 à perdre. Mais c'est vrai que commencer une histoire en parlant d'aide, de fin de
02:51 vie, de comment on va se comporter quand le handicap sera là, enfin tout ça c'est
02:55 quand même extrêmement compliqué. Mais justement, est-ce que vous pouvez dire
02:57 juste un mot à nos auditeurs sur ce que c'est Charcot ? Vous dites vous-même que c'est
03:02 la pire chose qu'on peut annoncer à un patient. Tu as la maladie de Charcot, et qui
03:06 plus est un médecin qui a suivi des patients qui avaient des Charcot, qui a tout lu sur
03:12 le sujet, qui connaît les choses par cœur. C'est une maladie effectivement dégénérative
03:16 incurable. Aujourd'hui en tout cas, on n'a aucun traitement qui puisse stopper la maladie.
03:23 Des essais de médicaments qui essayent de ralentir l'évolution de la maladie, mais
03:27 pour l'instant les Français n'ont pas accès à ces médicaments. Sauf les plus
03:30 jeunes qui peuvent rentrer dans des protocoles. Et donc c'est une maladie qui en moyenne
03:35 tue entre 3 à 5 ans après le diagnostic initial, avec des malades qui meurent beaucoup
03:40 plus vite, des malades qui meurent beaucoup plus lentement. Et des formes qui sont très
03:43 variables. Il y a des formes où c'est la parole, la déglutition qui sont touchées
03:47 en premier, d'autres c'est la marche. Mais c'est une paralysie progressive des
03:50 muscles avec une conscience et un intellect qui restent intacts jusqu'au bout.
03:54 Le cerveau voit tout et le corps ne suit plus.
03:57 Il n'est jamais touché.
03:58 On va entendre Antoine parler de sa maladie de Charcot et de la manière dont il envisage
04:04 l'évolution de cette maladie.
04:06 Aujourd'hui quand je fais 5 mètres, je suis dans le même état que si j'avais
04:08 fait un marathon. Je sais qu'il n'y a pas d'issue. Je ne connais aucun Charcot
04:12 dans la littérature médicale. Je la lis tous les jours sur l'ordinateur. Je n'ai
04:16 jamais vu un Charcot survivre. Si demain je ne peux pas me servir mes mains, que je
04:20 suis dépendant pour manger, pour m'essuyer, je pense qu'à ce moment-là je n'aurais
04:24 plus envie de vivre sur cette terre. Je préfère partir.
04:26 Je vais dire une connerie, mais je continue à fumer. C'est pas bien, mais avec un
04:32 peu de chance, un petit infarctus, ça me rendrait service. S'il m'arrive quelque
04:36 chose, un infarctus comme ça, surtout ne me réanime pas. J'ai écrit qu'on ne
04:40 me réanime pas, qu'on me laisse tranquille.
04:42 Il va continuer à fumer.
04:44 Non seulement il va continuer à fumer, mais surtout, comme il dit, un infarctus ça me
04:48 rendrait bien service. Cet été, il a fait un infarctus massif. Il a réfléchi un petit
04:53 peu quand même pour savoir ce qu'il faisait, alors qu'il souffrait quand même le martyr.
04:56 Et il a appelé les secours lui-même. Il savait, il a fait son diagnostic lui-même,
04:59 il a appelé les secours lui-même, il s'est fait héliporter, il a été opéré dans
05:02 les deux heures qui ont suivi et il est sauvé de son infarctus. Donc c'est quand même
05:06 étonnant, parce que c'était ce qui l'aurait sauvé et il a quand même accepté de se
05:10 faire réanimer.
05:11 Et ça, c'est ce qui est très fort, une des choses qui est très forte dans ce documentaire,
05:14 c'est que vous montrez bien qu'on est fragile face à la mort. Ce que je veux dire,
05:19 c'est qu'on est tous à dire, avant d'être malade ou avant d'être vraiment
05:23 empêchés, de dire "bon bah moi, vous me débranchez, vive mon infarctus, comme ça
05:26 je termine d'un coup etc.". Sauf que quand ça vous arrive, et ça lui est arrivé,
05:31 et bien en fait, quand les choses deviennent vraiment concrètes, qu'on est au bout du
05:34 bout, et là on hésite.
05:36 Mais c'est ça qui est intéressant, je le vois avec lui, sur l'évolution de ce
05:39 qu'il pensait. Quand je l'ai rencontré effectivement, et son documentaire c'était
05:42 aussi ce qu'il voulait montrer, c'est qu'au moment où il ne pourrait plus servir
05:46 de ses mains, c'était une limite qui s'était fixée, il irait ailleurs pour pouvoir
05:53 terminer sa vie de manière digne. Ça c'était il y a plusieurs mois, aujourd'hui,
05:58 la maladie évolue, il est beaucoup plus gêné qu'il n'était, il a besoin de
06:03 beaucoup plus d'assistance respiratoire, il marche de moins en moins bien, il est
06:07 de plus en plus fatigué. Aujourd'hui, c'est plus la limite qui s'est fixée,
06:12 la limite elle n'est même plus fixée. Il arrive qu'il me dise "le jour où je
06:17 serai dans une chambre sans plus pouvoir bouger, il faudra peut-être que je
06:20 déménage, parce que là c'est un salopé basque, il est bien, il dit peut-être qu'il
06:23 faudra que j'aille ailleurs". Donc, sa pensée et ses limites évoluent aussi, c'est
06:27 ça qui est absolument incroyable. C'est d'une force, d'une dignité, d'un courage
06:31 qui me fascine, mais il repousse les limites de ce qu'il accepte ou pas tous les jours.
06:35 - Parce qu'il a un désir de vie. - Parce qu'il a une force et un désir de
06:38 vie incroyable, peut-être avec des choses nouvelles dans sa vie.
06:42 - Vous par exemple. - Un petit peu moi, ses enfants, ses amis,
06:46 il veut continuer pour l'instant, il veut continuer à vivre.
06:48 - Et d'ailleurs, je précise juste qu'il sort son livre le 4 octobre prochain.
06:52 - Voilà, bonne année. - "La Sœur Antoine" chez Bukamola, où il raconte
06:56 depuis le jour du diagnostic de la maladie, il raconte comment il vit ça.
06:59 - Il y a votre doc et il y a son livre. - Et puis il y a un moment très fort où
07:03 un homme et une femme qui s'aiment, tous les deux médecins, vous deux donc, vous
07:07 parlez de la fin de vie, lui vous dit "je ne veux pas que ce soit toi qui fasse le
07:12 geste, la piqûre". Vous répondez "s'il faut le faire, et même si je suis dans
07:18 l'illégalité, je serai prête à le faire". - Oui, j'assume, mais j'assume, je pense
07:23 toujours la même chose, je continue à penser qu'à partir du moment où en France
07:27 on oblige ces patients-là à aller jusqu'en Belgique pour avoir le droit de mourir
07:31 comme ils le souhaitent, avec une espérance de vie qui n'est pas à court terme,
07:36 mais c'est tout le problème, donc avec des patients qui n'en peuvent plus
07:39 physiquement ou psychologiquement, qui ne bénéficient d'aucun traitement et qui
07:43 savent que de toute façon la fin est inéluctable, il ne va faire que se dégrader.
07:46 Si effectivement, comme une cinquantaine de Français, il devait partir en Belgique
07:50 pour faire ce geste-là, moi je serais prête à le faire en France, bien évidemment,
07:53 mais étant hors la loi, j'en suis parfaitement consciente, mais je considère
07:56 que c'est un geste, alors peut-être en tant que médecin, moi je considère que c'est
08:00 un geste de médecin, mais je ne suis pas son médecin, mais c'est un geste d'humanité
08:04 que je considère tout à fait normal. - Et ce qui est aussi intéressant dans le
08:08 documentaire, c'est que vous montrez que vous avez, vous Marina Karrir-Dancos,
08:11 très informée sur la question, médecin vous-même, évoluée sur la question.
08:15 Qu'est-ce que vous pensiez, quelles étaient vos convictions avant, et en quoi
08:19 vous avez changé à l'aune de cette loi qui arrive ? - Vous savez, quand j'étais
08:22 jeune médecin, j'étais cartésien comme tout jeune médecin, j'avais prêté le
08:26 serment d'Hippocrate, je considérais que les médecins n'étaient pas là pour tuer
08:29 leurs patients, qu'ils devaient les soigner jusqu'au bout, on soulageait la douleur
08:32 toujours, évidemment, mais je n'étais pas du tout dans l'idée qu'un médecin
08:37 pouvait faire ce geste ultime, donc ça c'est effectivement très important, et
08:42 puis bon, j'ai réfléchi quand même sur l'IVG à l'époque de la loi sur l'IVG,
08:46 les médecins ont quand même dit "on a prêté le serment d'Hippocrate, on n'est
08:49 pas là pour tuer des bébés, et il y aura une explosion de cas d'IVG si on
08:54 légalise". Évidemment, certains médecins ont pratiqué l'IVG, on n'a pas besoin
08:58 de tous les médecins pour 200 000 IVG par an, il n'y a pas eu d'explosion de
09:02 cas de l'IVG, et les médecins l'ont fait par humanité, pour éviter que des
09:06 femmes aillent mourir ou doivent aller à l'étranger. Donc ça déjà, ça m'a fait
09:09 réfléchir, et puis on a suivi dans un documentaire un médecin belge, il y a
09:13 quelques années, qui effectivement racontait ce geste ultime, et ça, ça m'a
09:18 convaincu sur ce rôle du médecin.
09:20 - Alors, ce médecin, il y a un médecin de famille, effectivement, je vous
09:24 suivez, le médecin de famille en Belgique est autorisé à faire ce geste ultime,
09:32 vous lui posez la question, vous lui dites "en France, on pourrait vous dire
09:37 que vous tuez". Comment réagissez-vous à cette question ? Qu'est-ce qu'il vous
09:41 répond ?
09:42 - Lui, il considère, comme les médecins qui pratiquent l'euthanasie de manière
09:46 légale en Belgique, que c'est le geste ultime de soin du médecin, et de soin,
09:51 ils le disent bien, et qu'un médecin doit accompagner son patient de la naissance
09:55 à la mort. Alors, c'est vraiment des vrais médecins généralistes accompagnants
09:59 qui les suivent, et le patient qu'on a vu qui a un cancer du pancréas et qui est
10:02 mort depuis, il y allait tous les jours, il avait accepté la demande d'euthanasie,
10:07 et on sentait que c'était l'accompagnement ultime qui se termine ou pas par ce geste,
10:13 parce que c'est ce que m'avait dit ce patient qui est mort depuis, qui était
10:16 jeune, qui me disait "depuis que je sais que j'ai droit à cette euthanasie, peut-être
10:20 que je ne m'en servirai pas". Et les médecins le disent, ça n'aboutit pas
10:22 forcément au geste.
10:23 - Minoritairement même, d'ailleurs, c'est ce que dit le médecin belge, il dit
10:27 très peu de... on le fait rarement en fait. On en parle, le patient dit "je veux
10:34 être euthanasié", mais en fait ça arrive rarement dans les faits.
10:37 - Oui, en fait, quand c'est pour du court terme, c'est-à-dire pour des patients
10:39 en général qui ont des cancers à un stade ultime, du coup parfois ils vont jusqu'au
10:42 bout de leur chemin de manière naturelle. Alors, ce n'est pas vrai pour les
10:46 patients comme les patients Charcot ou d'autres maladies neurodégénératives qui
10:49 eux, effectivement, il faut l'euthanasie si on veut à un moment pouvoir abréger
10:53 la vie. Mais effectivement, ce médecin dit que c'est le geste ultime de soin.
10:57 - Et on va écouter les mots de Françoise, atteinte d'un cancer. Elle est à
11:02 l'hôpital en Belgique et a donc fait le choix de l'euthanasie.
11:08 - Je suis une personne plutôt très autonome. J'ai pensé en premier à la
11:14 Suisse. Ça s'appelle le suicide assisté. Mais quand j'ai vu tout le bazar que
11:21 c'était, je me suis dit, ce n'est pas pour moi ça. L'euthanasie, au moins, c'est
11:27 clair, c'est médical. C'est médical. Ça signifie que le médecin aide son patient
11:36 à se libérer d'un mal pour lequel la médecine ne peut rien faire. Pour moi, ça
11:42 s'appelle l'humanisme et ça s'appelle aussi faire son métier de médecin dans
11:48 l'éthique. - Faire son métier de médecin dans l'éthique. Sacrée question éthique
11:53 et analyse éthique que pose Françoise, dont on entend le dernier souffle dans
11:59 ses documentaires. - Oui. C'est vrai qu'il y a une question, moi je ne suis pas
12:03 d'accord avec tous les médecins que j'ai pu rencontrer. Mon plus gros débat
12:07 éthique, j'allais dire, c'est que quand j'entends les médecins, notamment de
12:11 soins palliatifs en France, qui expliquent que quand on fait une sédation profonde
12:15 et continue, ce qui est dans le cadre de la loi Leonetti, on soulage, le but est
12:20 de soulager le patient, alors que la mort est au bout dans les 4 ou 5 jours ou un
12:24 peu plus, et que quand on fait une euthanasie, on tue le patient. Éthiquement,
12:29 je suis désolée, je ne vois pas cette nuance entre tuer parce qu'on fait un
12:33 geste d'euthanasie qui tue en quelques minutes et soulager parce qu'on fait une
12:36 sédation profonde et continue qui va aboutir à la mort. Moi l'éthique là-dedans, je
12:39 la vois pas. Franchement. Donc c'est pour ça que je pense qu'il faut vraiment
12:42 qu'on évolue. C'est hypocrite d'une certaine manière, dans les deux cas, la mort
12:47 est au bout. La mort est au bout, sauf que ça met une semaine dans un cas ou 3
12:50 minutes dans l'autre, c'est ça ? Exactement. Moi je vois pas cette nuance, moi
12:54 éthiquement je n'arrive pas à m'accrocher à ça et je sais que les médecins de
12:57 soins palliatifs s'accrochent à ça de manière éthique et je le respecte
12:59 parfaitement. Mais comment vous expliquez que la majorité, enfin je ne sais pas si
13:02 c'est la majorité, mais beaucoup, beaucoup de médecins sont opposés à faire évoluer
13:07 la loi Clasle Leonetti ? Agnès Fiamma-Lebaudeau me le confirmait, elle a rencontré
13:11 beaucoup de médecins aussi qui souhaitent faire partie de ce protocole
13:16 d'accompagnement ultime. Donc il y a quand même des médecins qui sont tout à fait
13:20 prêts à accompagner leur patient jusqu'au bout, des médecins réticents, ce qui est
13:24 tout à fait compréhensible et dans ce cas-là, si la loi évolue, il y aura une
13:28 double clause de conscience comme il y a pour l'IVG, c'est-à-dire que les médecins
13:32 qui ne veulent pas pratiquer ne le font pas et c'est parfaitement normal, simplement
13:36 ils s'engagent à confier leur patient à un autre médecin. Mais c'est exactement
13:40 ce qu'il y avait avant l'IVG, il y a énormément de médecins qui ne voulaient pas,
13:44 aujourd'hui les médecins qui le souhaitent le font et on y arrive, et c'est ça qui est absolument
13:48 essentiel. Et on vous suit aussi en France, où ce qui est proposé aux malades
13:52 en fin de vie, ce sont les soins palliatifs, en tout cas pour ceux qui peuvent en bénéficier,
13:56 c'est-à-dire la prise en charge de la douleur.
14:00 On va écouter Claire Fourcade, qui vous y accueille.
14:04 Est-ce qu'il y a des patients qui arrivent ici avec un désir de mort vraiment et qui l'expriment ?
14:08 C'est pas très fréquent mais ça arrive. Il y a pas longtemps j'ai vu un patient en consultation,
14:12 il s'est assis, il m'a dit "Bonjour madame, je suis athée, je suis expert comptable
14:16 et je veux mourir dans la dignité". Bon, c'est posé.
14:20 "Bonjour, qu'est-ce que ça veut dire pour vous mourir dans la dignité ?" "Je veux pas souffrir,
14:24 je pense qu'on va pouvoir faire affaire ensemble". Parfois ça arrive
14:28 comme ça. La première chose qu'on va faire c'est s'asseoir et dire
14:32 "Dites-moi". C'est toujours douloureux pour moi d'entendre des patients dire "C'est la première fois que quelqu'un m'écoute".
14:36 Je trouve ça tellement difficile d'arriver si loin dans la maladie sans avoir pu
14:40 exprimer ce qu'on ressent difficile. C'est comme s'il posait un poids.
14:44 "Aller si loin dans la maladie sans avoir pu exprimer ce poids-là"
14:48 Ce poids qui est magnifiquement accueilli par ailleurs dans le service que vous utilisez.
14:52 Non mais ce service est absolument remarquable, cette femme Claire Fourcade est absolument remarquable
14:56 et je pense vraiment que si la loi évolue, il faut surtout pas que ça soit au détriment
15:00 des soins palliatifs. En Belgique par exemple où la loi existe depuis plus de 20 ans, on a
15:04 beaucoup plus de lits de soins palliatifs que chez nous donc c'est pas du tout incompatible. Il faut développer les soins palliatifs
15:08 il faut donner beaucoup plus de moyens, il faut qu'il y ait des soins palliatifs à domicile, il faut former
15:12 les médecins, c'est absolument indispensable. - Mais vraiment on est très en retard en France
15:16 sur les soins palliatifs, il manque énormément de moyens
15:20 et selon que vous avez de l'argent ou vous n'en avez pas, vous avez le droit à ça ou pas.
15:24 - Il y a 300 000 personnes en gros qui devraient bénéficier des soins palliatifs, il y a à peine 100 000 places
15:28 donc il y a un gros manque. Mais le problème, et c'est ce que je continue
15:32 de maintenir, c'est que les soins palliatifs, tout remarquable qu'ils soient, ne peuvent pas répondre à
15:36 toutes les problématiques. A tous les patients en fin de vie, oui, puisque c'est l'application de la loi
15:40 Claes-Leonetti bien sûr, mais pas pour les patients qui ont des maladies de l'opioïde. - Et en cela vous êtes en
15:44 désaccord avec Claire Fourcade qui elle pense que la loi Leonetti-Claes suffit
15:48 si on mettait le paquet sur les soins palliatifs. - Oui, et moi je considère, c'est pas pour
15:52 énormément de patients, c'est vrai que la loi doit évoluer, c'est pour aussi les loquets de syndrome
15:56 comme avait eu Jean-Dominique Boby qui auraient pu vivre encore comme ça 2 ans
16:00 complètement emmurés. Voilà, c'est ça le problème aussi. - Claire Fourcade qui est, je le précise,
16:04 la présidente de la Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs.
16:08 On passe au Standard Inter, où Thierry nous appelle de Haute-Savoie. Bonjour Thierry.
16:14 - Oui, bonjour messieurs-dames, excusez-moi je suis un petit peu ému, mais ma question en fait,
16:20 et je donne mon explication rapidement après, ma question c'est qu'est-ce que je peux faire en France ?
16:26 Qu'est-ce qu'il me reste ? Explication, j'ai tourné un documentaire chez la mine du Réunion en France,
16:32 j'ai été fortement irradié, mon cerveau a été touché, et j'ai désormais une maladie dégénérative
16:38 qui touche la substance blanche, qui s'appelle la locupative vasculaire de phasoca,
16:44 et je perds progressivement mes capacités cognitives et physiques.
16:52 Ça se passe par palier, c'est-à-dire que je peux passer plusieurs mois sans rien,
16:58 et d'autres mois je perds la mémoire, je range mes bouquins dans le frigo, je bute dans les objets,
17:06 je perds l'équilibre, etc. Donc, in fine, j'ai rempli mes directives anticipées,
17:14 mon docteur généraliste les a, le neurologue aussi, j'ai choisi une amie pour décider à ma place si je partais,
17:25 et en plus j'ai eu de la pénurie du sommeil qui n'est pas traitée.
17:29 Mais vous avez le sentiment d'insécurité par rapport à l'état de la loi en France, c'est ça ce que vous nous dites ?
17:37 Moi, le législateur n'est pas allé assez loin à ce jour. C'est-à-dire que comme je n'ai pas envie de me suicider,
17:45 le moment venu, je voudrais... Voilà, ma question c'est... Il ne reste rien les amis, le moment venu,
17:52 c'est-à-dire que je ne voudrais pas passer le cap du moment où je ne pourrais plus décider et dire
17:58 "Est-ce qu'on pourrait m'arrêter s'il vous plaît ?" Voilà, c'est ça mon problème en France,
18:05 et mon problème particulier, je ne suis pas le seul. Je suis désemparé.
18:11 Merci Thierry pour ce témoignage, on entend votre émotion Marina Carrère d'Ancos.
18:17 C'est ce que je disais, la loi ne va pas assez loin pour certains patients, et c'est vrai qu'on médiatise les patients charcot,
18:23 il y a beaucoup de patients qui ont des pathologies de ce type-là. S'il n'est pas, parce que je ne connais pas l'histoire de cet homme,
18:29 mais s'il n'est pas en fin de vie à court terme, il ne peut pas bénéficier d'une sédation profonde et continue,
18:35 donc il ne peut pas avoir une fin de vie comme il le souhaite en France. Là, il est obligé, effectivement, pour l'instant,
18:41 s'il souhaite abréger sa vie, de partir à l'étranger, mais c'est très difficile cette question à lui,
18:47 parce qu'il faut qu'il reste conscient pour pouvoir dire de manière libre et éclairée qu'il souhaite qu'on abrège sa vie.
18:53 Mais c'est pour ces patients aussi qu'il faut que la loi évolue. C'est indigne qu'on envoie des patients qui ont les moyens,
18:59 et c'est injuste parce qu'il y a des patients qui ont les moyens financiers et des moyens encore physiques de pouvoir aller à l'étranger.
19:06 C'est d'une injustice terrible.
19:07 Combien ça coûte d'aller en Suisse ou en Belgique ?
19:09 Honnêtement, ce n'est pas une question que je... Enfin, je sais qu'en Suisse, j'avais vu des patients qui disaient que c'était plusieurs milliers d'euros.
19:16 Je ne sais pas. Honnêtement, je ne me suis pas intéressée sur le chiffre exact, mais il y a l'injustice, bien sûr financière,
19:26 parce qu'il faut les moyens, mais aussi des patients qui ont des proches pour les accompagner,
19:29 parce qu'on ne part pas comme ça tout seul quand on est en fauteuil roulant ou des choses comme ça.
19:33 Donc c'est un ensemble d'injustices qui est, moi je trouve, indigne de notre pays.
19:37 On ne peut pas en plus faire une différence financière, sociale, et voilà, ce n'est pas possible.
19:42 Anne Lor au Standard d'Inter, bonjour !
19:44 Bonjour !
19:46 On vous écoute, mais oui, on vous entend parfaitement bien.
19:49 Je vais essayer de contrôler l'émotion. Moi, je vous ai appelée sur un coup de tête en vous entendant dans la voiture.
19:53 J'ai ma maman qui a été diagnostiquée début août de la maladie de Charcot.
19:57 Je me suis dit qu'il fallait que je vous appelle pour vous remercier de porter la parole des malades et des aidants,
20:02 parce qu'on est pour l'instant très seules, malgré le fait qu'elles entrent dans le protocole à la pitié salpêtrière.
20:08 Donc on est très tristes parce qu'on voit chaque jour, la maladie va très très vite.
20:12 Donc presque chaque jour, on voit qu'elle perd des facultés, des capacités, des barrières émotionnelles qui tombent.
20:17 C'est très compliqué.
20:18 Et en même temps, moi, en tout cas, j'éprouve de la colère parce que je sais qu'elle est victime de tout ça.
20:24 Je sais qu'elle va décéder, qu'elle va décéder dans des conditions terribles.
20:28 Et on se sent très très seules, malgré le fait qu'on soit entouré par nos proches.
20:32 Et heureusement qu'on est entouré par nos proches, mais à part ça, on est vraiment très très seuls.
20:36 On met tout en place, on essaye de bricoler des solutions.
20:41 Pourquoi de la colère, Anne-Laure ?
20:44 De la colère parce qu'il n'y a pas de médicaments.
20:47 Donc on nous a dit, on sait que maman va partir, on ne sait pas dans combien de temps, on sait juste que ça va être très très compliqué.
20:54 Et de la colère parce que pour l'instant, chaque jour, on la voit perdre une faculté.
20:58 Elle parle très difficilement, elle ne mange plus que mixée, elle ne marche presque plus, elle a perdu l'usage d'un bras.
21:04 C'est terrible, le quotidien est terrible.
21:07 Et on doit gérer ça tout seul.
21:09 C'est compliqué, et donc quand on en parle autour de nous, il y a plein de gens qui ne connaissent pas.
21:14 Mais moi la première, il y a quelques mois, j'avais la chance de ne pas connaître.
21:17 Et donc que vous portez notre voix, c'est précieux pour nous.
21:20 Merci infiniment pour votre intervention, et saluez votre mère de la part de toute l'équipe du 7-10 d'Inter.
21:27 Marina Carrère d'Ancos.
21:29 Justement quand j'entends ça, je mesure à quel point il est important dans le texte de loi qui va arriver, j'espère prochainement, en tout cas avant la fin de l'année,
21:38 qu'il soit bien indiqué dans le texte que ce qui va être proposé, que ce soit le tas nazi, que ce soit le suicide assisté,
21:45 soit proposé aux personnes qui ont des souffrances physiques et/ou psychologiques réfractaires.
21:51 Ensuite le terme va être précisé à moyen terme, à long terme, je ne sais pas.
21:55 Je sais que le gouvernement et dans beaucoup de pays, la crainte c'est d'ouvrir cette aide à mourir aux personnes qui souffrent de maladies mentales.
22:03 En France on ne le souhaite pas, ce que j'entends parfaitement.
22:06 Et que du coup le mot psychologique ou psychique est très difficile à mettre dans le texte de loi.
22:11 Et je souhaite pour ces patients-là, parce qu'il y a beaucoup de patients qui ne souffrent pas physiquement,
22:15 mais qui sont dans ce cadre extrêmement délicat, qu'on puisse mettre le terme psychique,
22:20 parce que sinon ils ne pourront pas, eux, bénéficier de ça.
22:24 C'est absolument essentiel.
22:25 Marina Kariadankous, comment il va Antoine aujourd'hui ? Comment il va votre amoureux ?
22:29 Il va selon les jours, il est plus ou moins fatigué, il a une vie qui est assez monacale,
22:37 puisqu'il est allongé la majorité de sa journée avec un masque pour bien respirer sur le visage.
22:42 Il fait de la kiné matin et soir pour les muscles, pour la respiration.
22:47 C'est une vie qui est extrêmement difficile.
22:49 Vous faites le café toujours ?
22:52 Parce qu'il dit que vous le faites mal le café.
22:55 Ça, il n'est pas entièrement tort, mais il le fait moins parce qu'en fait, il a un peu les mains qui lâchent un peu,
23:00 et qui cassent beaucoup de choses.
23:02 Et vous, vous avez perdu votre mère cette année, vous accompagnez votre compagnon depuis plusieurs mois dans Charcot.
23:09 Comment vous allez-vous ?
23:11 Moyennement, honnêtement, c'est difficile.
23:13 C'est difficile d'affronter l'inéluctable avec un amoureux, même si on en croit au miracle.
23:22 Moi, je n'y crois pas trop, lui, j'espère toujours.
23:24 C'est difficile au quotidien, c'est difficile, cela dit, c'est lui qui souffre physiquement et psychologiquement.
23:30 Moi, je ne fais qu'accompagner, le courage, c'est lui qui l'a, ce n'est pas moi.
23:33 Mais c'est compliqué, très honnêtement, à vivre, c'est difficile.
23:36 J'espère lui apporter justement cet élan de vie et cette envie de vivre.
23:41 Et voilà, c'est des années très difficiles, honnêtement, mais très essentielles.
23:48 Régis Debray, qu'on avait reçu à ce micro sur aussi la même question de la mort,
23:53 disait "je crois que nous vivons une sorte de révolution culturelle, au XIXe siècle, on a sorti la sexualité de la clandestinité,
23:58 aujourd'hui, nous avons sorti la mort de la clandestinité".
24:00 Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?
24:02 Est-ce qu'on arrive, on commence à arriver à affronter la question de la mort ?
24:07 Dans notre pays, je ne suis pas convaincue, je trouve qu'on continue à ne pas vouloir...
24:12 Les Français veulent quand même mourir chez eux, une minorité de Français meurent chez eux.
24:17 On continue à avoir peur de la mort au domicile,
24:21 et quand certains patients disent effectivement que le suicide assisté, ils voudraient le faire chez eux,
24:26 beaucoup de proches disent "bah non, on n'a pas envie d'avoir ce souvenir dans le salon, dans telle pièce, etc."
24:31 On continue un peu à cacher les morts.
24:33 Je pense qu'on n'a pas encore la culture, par exemple, espagnole, où jusqu'à la fin de vie, on accueille les gens au domicile.
24:39 Ou orientale.
24:40 Oui, ça reste compliqué, effectivement.
24:42 Ne manquez pas en tout cas ce documentaire absolument exceptionnel,
24:46 "Fin de vie pour que tu aies le choix" de Magali Cotard.
24:50 Il sera diffusé sur France 5 le 26 septembre prochain à 21h.
24:55 Merci infiniment Marina Carrère d'Ancos d'avoir été à notre micro ce matin.
25:00 Merci beaucoup.

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