• il y a 2 ans
‍♂️ 5 ans après son évasion spectaculaire de la prison de Réau en hélicoptère, le procès de Rédoine Faïd, né à Creil dans l’Oise, s’ouvre aujourd’hui devant la cour d’assises de Paris, sous haute surveillance.

Nous avons rencontré Plana Radenovic, une journaliste qui a eu des échanges épistolaires avec le braqueur qui s’était également échappé de la prison de Sequedin en 2013. Elle en a fait un livre : “Depuis l’enfer gris”, dans lequel elle plonge dans la tête du spécialiste des attaques de fourgons blindés et raconte les conditions extrêmes de sa détention.

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Transcription
00:00 Edouard Nfait, c'est quelqu'un qui est placé à l'isolement de longue durée.
00:03 Donc là, ça fait cinq ans qu'il est dans une cellule tout seul, où il va en cours
00:08 de promenade seul, il côtoie jamais aucun détenu.
00:10 C'est quelqu'un aussi qui n'a pas le droit de toucher, de prendre dans ses bras personne,
00:16 aucun membre de sa famille.
00:17 Quand il a un parloir, c'est derrière une vitre en plexiglas, ça s'appelle un parloir
00:21 hijyaphone.
00:22 Pour info, on l'a retiré à Salah Abdeslam du Bataclan parce qu'on a considéré que
00:27 c'était inhumain.
00:28 Bonjour Kita, je suis Plana Radenovic, journaliste au Journal du Dimanche et auteure d'un livre
00:38 qui s'appelle Depuis l'Enfer Gris, qui raconte les conditions de détention de Edouard Nfait,
00:43 mais pas seulement, qui raconte aussi son humanité.
00:45 C'est un braqueur, c'est un homme qui a fait de sa vie une succession de faits délicatifs.
00:58 Sexuels, puis criminels, qui s'est professionnalisé dans le vol à main armée.
01:03 Depuis maintenant 2018, depuis qu'il a été repris en évasion de Réau, c'est aussi
01:12 un détenu qui est le détenu le plus surveillé de France.
01:15 Et puis évidemment, c'est aussi un être humain qui a eu une enfance qui s'est passée
01:23 dans une cité de Creil, dans l'Oise.
01:25 Et puis maintenant, c'est aussi un homme qui a quand même 50 ans et puis la vie devant
01:32 lui, c'est une vie en prison.
01:33 Ce qui s'est passé, ça a eu un retentissement énorme.
01:40 Je me souviens qu'on a fait plusieurs unes de suite avec ces histoires-là.
01:45 Et puis pour moi, j'étais jeune fédiversaire, je débutais.
01:53 Il y avait tous les médias nationaux qui étaient là, tout le temps.
01:57 Enfin bref, c'était vraiment la folie.
02:00 J'ai voulu, une fois qu'il a été repris, aller le rencontrer au Parloir, à la prison
02:09 de Vendin-le-Vieil, ici dans le Pas-de-Calais.
02:12 C'était une rencontre qui était destinée à faire une interview pour le JDD sur la
02:17 thématique de ces conditions de détention.
02:19 Et ensuite, il m'a écrit une première lettre, quelques mois après l'apparition
02:23 de l'article.
02:24 Et une première lettre qui en appelait une autre, en fait.
02:28 Donc j'ai répondu et puis on a entamé notre échange épistolaire comme ça.
02:32 Au fur et à mesure de nos échanges, comme j'ai vu qu'il écrivait très, très bien
02:40 et qu'il avait cette capacité à faire ressentir au lecteur ce que lui ressentait,
02:45 ce qui n'est pas donné à tout le monde, de traduire ses émotions en mots.
02:48 Quand on écrit une lettre, on réfléchit vraiment à chaque mot, le papier ça reste
02:53 et tout ça.
02:54 Donc on n'est pas dans la même démarche, on dit des choses plus importantes.
02:56 Et là, il y avait un côté assez brut de l'humanité brute qui m'a vraiment intéressée
03:05 à explorer.
03:06 C'est quelqu'un qui est à terre, qui n'a pas d'espoir, qui n'a pas de perspective.
03:14 Il n'y a même pas tellement de raison de manipuler.
03:17 Je ne vois pas trop à quoi je peux lui servir à part d'être sa porte-voix sur ses conditions
03:22 de détention.
03:23 Et moi, je n'appelle pas ça de la manipulation, c'est juste de m'utiliser pour publier son
03:28 combat comme font des militants associatifs, des politiques.
03:33 Redouane Fayid, c'est quelqu'un qui est placé à l'isolement de longue durée.
03:41 Là, ça fait cinq ans qu'il est dans une cellule tout seul, où il va en cours de promenade
03:46 seul.
03:47 Il ne côtoie jamais aucun détenu.
03:48 C'est dénoncé comme une torture blanche par la Cour européenne des droits de l'homme,
03:51 l'isolement à longue durée.
03:52 Longue durée, c'est plus d'un an.
03:53 Donc voilà, on est à cinq.
03:54 Donc premièrement.
03:56 Deuxièmement, c'est quelqu'un aussi qui n'a pas le droit de toucher, de prendre dans ses
04:02 bras personne, aucun membre de sa famille.
04:04 Quand il a un parloir, c'est derrière une vitre en plexiglas.
04:08 Ça s'appelle un parloir hijyaphone.
04:09 Pour info, on l'a retiré à Salah Abdeslam du Bataclan parce qu'on a considéré que
04:15 c'était inhumain.
04:16 Il a subi des fouilles à nu à répétition.
04:18 Fouilles à nu, on regarde même ce qu'il y a à l'intérieur de tous les orifices.
04:22 Enfin voilà, je ne vais pas faire un dessin.
04:23 C'est quelqu'un qui s'est évadé deux fois.
04:25 Évidemment qu'il y a un risque de récidive.
04:27 Je le comprends.
04:28 C'est juste que je pense qu'il faut faire quand même une balance entre les droits de
04:34 l'homme, les droits de l'homme qui doivent s'appliquer partout, et puis la sécurité
04:38 qui bien sûr est nécessaire aussi.
04:40 Mais cette balance, en fait, pour moi, elle n'est pas équilibrée.
04:42 J'ai à cœur d'envisager les gens d'abord comme des humains avant de les envisager
04:50 comme des criminels par exemple, ou des détenus, ou des policiers.
04:55 Toutes les qualifications, je vois d'abord l'humain.
04:58 Et en fait, ça fait que je ne juge pas les gens.
05:01 Je pense que ça se voit dans mon approche.
05:03 Et donc, je pense que lui, il s'est senti entre guillemets à l'aise.
05:07 Quand on est journaliste, police, justice, oui, on est pote avec des policiers, des
05:12 avocats, moi aussi avec des détenus.
05:15 Voilà, tout simplement.
05:16 Et il y a toute une galaxie de personnes que je fréquente, que je tutoie.
05:20 Quand on est journaliste politique, on fait des déjeuners avec des politiques et on se
05:24 tape dans le dos et on boit des coups ensemble.
05:26 En fait, ce qui compte, c'est ce qui paraît dans le journal.
05:30 Et moi, dans le journal, je fais que des papiers assez factuels, etc.
05:34 Là, on est dans un livre.
05:35 Donc, on n'est pas dans un livre que de journaliste.
05:39 C'est un échange épistolaire.
05:41 Forcément, il y a du personnel.
05:43 Et pour moi, oui, ça apporte une autre dimension à Redouane Fayid.
05:46 [musique]

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