Chroniqueuse : Marie Portolano
Alors que le trafic de stupéfiants à Marseille atteint de nouveaux records, le nombre de morts se comptent par dizaine. Parmi les victimes collatérales de cette guerre absurde, Amine Kessaci, président de l’association Conscience, a perdu son frère il y a trois ans. Ce dernier a été retrouvé calciné dans le coffre d'une voiture. Face à ce drame innommable, notre invité a décidé d’agir et se bat au quotidien pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers sensibles à Marseille. Sur le plateau de Télématin, il revient sur ce terrible fait divers et évoque son combat pour accompagner les familles de victimes liées au trafic de drogue.
Alors que le trafic de stupéfiants à Marseille atteint de nouveaux records, le nombre de morts se comptent par dizaine. Parmi les victimes collatérales de cette guerre absurde, Amine Kessaci, président de l’association Conscience, a perdu son frère il y a trois ans. Ce dernier a été retrouvé calciné dans le coffre d'une voiture. Face à ce drame innommable, notre invité a décidé d’agir et se bat au quotidien pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers sensibles à Marseille. Sur le plateau de Télématin, il revient sur ce terrible fait divers et évoque son combat pour accompagner les familles de victimes liées au trafic de drogue.
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00:00 Il est 8h14, l'interview d'actualité avec un témoignage très fort ce matin
00:03 alors que les morts liées au trafic de drogue se comptent par dizaines à Marseille.
00:06 Vous recevez Marie-Amine Kessassi qui a perdu son frère dans cette guerre absurde
00:10 et qui a décidé d'agir. Bonjour et bienvenue à vous.
00:13 Bonjour Amine Kessassi, merci beaucoup d'être avec nous.
00:16 Vous êtes fondateur de l'association Conscience.
00:18 Vous vous battez pour améliorer les conditions de vie dans les quartiers difficiles à Marseille.
00:24 Votre vie personnelle est marquée par un drame il y a trois ans.
00:27 C'est ça, il y a trois ans j'apprenais le 29 décembre 2020
00:31 que mon grand frère a été retrouvé calciné dans le coffre d'une voiture.
00:34 Et depuis, avec l'association que j'ai fondée, l'association Conscience,
00:37 on mène un combat sans relâche pour accompagner ces familles de victimes
00:41 mais aussi pour pouvoir offrir des perspectives d'avenir à ces jeunes de cité
00:45 qui au final aujourd'hui sont contraints à être assignés à résidence,
00:49 à ne se dire que la seule perspective qu'on puisse avoir dans nos cités,
00:53 c'est le trafic de stupes et la casse cimetière malheureusement.
00:56 Parce que vous étiez déjà engagé avant mais depuis vous vous battez encore plus
00:59 avec une cinquantaine de familles et votre association.
01:02 Lundi, vous avez décidé d'assigner l'État en justice
01:05 pour exiger le retour à un État de droit dans vos quartiers.
01:08 Pour vous, l'État vous a abandonné.
01:09 Déjà, est-ce que vous avez des nouvelles depuis lundi ?
01:12 Alors aujourd'hui non, on n'a pas encore de nouvelles.
01:14 On espère passer ce premier filtre
01:15 puisqu'on a déposé ce qu'on appelle un référé-liberté.
01:18 Et ce référé, il y a un premier filtre qui va juger de la recevabilité.
01:22 Si deux conditions de ce référé sont réunies,
01:26 on pourra donc passer devant un juge et être auditionné.
01:29 On le saura normalement dans la journée aujourd'hui.
01:31 Et ce référé pour nous, il est important
01:33 parce qu'on se base sur la charte de l'environnement.
01:36 Et cette charte de l'environnement, l'article premier,
01:38 il dit que chaque citoyenne et chaque citoyen sous la République
01:42 a le droit de vivre dans un environnement sain.
01:44 Et aujourd'hui, ce n'est clairement pas le cas à Marseille.
01:46 Aujourd'hui, on a des familles qui assistent quotidiennement à ces scènes de guerre,
01:48 qui assistent quotidiennement à ces scènes de crime
01:51 où on voit au pied de l'immeuble des enfants se faire tuer,
01:54 où on a vu à Nîmes notamment un jeune de 10 ans assassiner ce jeune Fayed.
01:58 Notre association aujourd'hui, elle est nationale,
02:00 on est présent dans 35 villes de France.
02:01 Et à Nîmes, on a pu notamment accompagner la famille de ce jeune Fayed.
02:05 Qu'est-ce que vous attendez de la justice suite à ce référé justement ?
02:09 Aujourd'hui, concrètement, ce qu'on attend,
02:11 c'est que la justice nous redonne notre dignité humaine,
02:13 c'est que la justice nous reconsidère comme des citoyens de pleine part.
02:16 Et aujourd'hui, c'est terrible de dire ça.
02:17 C'est terrible de dire que dans nos cités,
02:19 on se sent comme des sous-citoyens, on se sent comme abandonnés.
02:22 Vous dites qu'on a oublié que ce sont des humains qui meurent.
02:26 C'est ça, on a oublié que ce sont des humains,
02:27 parce qu'à chaque fois qu'on parle d'eux,
02:30 dans des médias, on a dit notamment sur l'année 2022,
02:32 il y a 32 voyous qui ont été assassinés.
02:34 Comment on peut qualifier ces jeunes de voyous ?
02:36 On ne les connaît même pas.
02:36 Parce que c'est lié au trafic de drogue.
02:38 Parce qu'à chaque fois, c'est lié au trafic de drogue,
02:40 mais parce qu'on oublie que derrière ces jeunes,
02:41 derrière ces délinquants, comme on peut les appeler,
02:43 il y a des familles, il y a des mamans, il y a des frères, il y a des sœurs.
02:46 Il y a tout un tas de personnes qui sont brisées,
02:48 qui sont endeuillées après ces homicides.
02:51 Et aujourd'hui, la seule chose que nous, on demande dans nos cités,
02:54 c'est de retrouver notre dignité humaine,
02:55 de pouvoir vivre normalement, de pouvoir aller à la boulangerie
02:58 sans risquer de se prendre une balle,
02:59 de pouvoir sortir après les cours sans risquer de se prendre une balle aussi,
03:02 et de pouvoir vivre comme on pourrait vivre partout d'ailleurs.
03:05 - Alors pourquoi la justice ?
03:06 Parce que rien ne marche ? Vraiment, rien ne marche ?
03:08 - Depuis plus de 40 ans, les acteurs associatifs marseillais,
03:11 les Marseillais se sont mobilisés autour de cette question.
03:14 On a fait des marches, il y a eu la marche de 83 ans,
03:16 on a fait des mobilisations, des manifestations
03:18 devant la mairie, devant la préfecture.
03:19 - Mais ça ne suffit pas ?
03:20 - Ça ne suffit plus aujourd'hui.
03:21 - Donc là, c'est votre dernier espoir ?
03:22 - Au-delà du dernier espoir, c'est la dernière main qu'on peut tendre à l'État.
03:25 C'est la dernière fois qu'on peut dire à l'État "sauvez-nous",
03:27 c'est la dernière fois qu'on peut dire à l'État
03:28 que les habitants ont décidé de prendre leur destin en main.
03:31 On nous a souvent dit "oui, mais vous ne faites rien pour changer les choses".
03:33 Alors aujourd'hui, on assigne l'État en justice et on montre qu'on a envie d'agir,
03:36 qu'on a envie de changer les choses ensemble.
03:39 - Alors je donne quelques chiffres quand même.
03:40 42 morts, 109 blessés, ce sont des chiffres liés au trafic de drogue à Marseille
03:44 depuis le début de l'année, c'est un record.
03:46 C'est plus en 8 mois que sur une année civile complète sur les années précédentes.
03:50 Pourquoi ça ne fait que monter ?
03:51 Vous, comment vous l'expliquez,
03:52 qu'il y ait de plus en plus de morts, de plus en plus de blessés ?
03:55 - Au-delà d'expliquer qu'il y ait de plus en plus de morts,
03:57 ce qu'on explique aussi, c'est qu'aujourd'hui,
03:59 les auteurs de ces crimes sont de plus en plus jeunes.
04:01 Des enfants qui ont 15 ans, 16 ans, 17 ans, qui aujourd'hui commettent ces crimes.
04:05 - Alors pourquoi ?
04:06 - Les victimes aussi sont de plus en plus jeunes,
04:07 parce que cette politique de la répression qu'on mène depuis des années,
04:10 elle ne sert à rien aujourd'hui.
04:11 - Alors vous, ministre de l'Intérieur, vous faites quoi ?
04:14 - Ministre de l'Intérieur, aujourd'hui, on renvoie la police de proximité immédiatement.
04:17 On met des policiers quotidiennement dans nos cités,
04:19 comme ce l'était avant Nicolas Sarkozy.
04:21 D'ailleurs, il explique aujourd'hui dans son livre...
04:22 - Et retirer la police de proximité en 2003.
04:24 - Il explique aujourd'hui dans son livre que c'est normal,
04:25 que les policiers ne sont pas censés jouer avec des enfants au ballon dans des cités.
04:29 Ce n'est pas vrai. La police, elle ne faisait pas ça.
04:31 La police, elle avait un lien permanent avec les habitants,
04:33 un lien permanent avec les citoyens.
04:35 Donc c'est la première mesure qu'il faut prendre.
04:36 Après, il faut aussi agir face à cette guerre de la drogue,
04:39 parce que moi, j'estime qu'aujourd'hui, face à la guerre de la drogue, on a perdu.
04:42 Quand on voit qu'il y a chaque matin des mamans qui pleurent la mort de leur enfant,
04:45 qu'il y a chaque matin des mamans qui se lèvent et qui viennent dans notre asso
04:48 pour pleurer ensemble la mort de leur enfant, ce n'est pas normal.
04:50 Ce n'est pas normal que ces familles ne soient pas accompagnées,
04:52 donc il faut un dispositif qui les accompagne.
04:54 Il faut aussi réagir dans les forces de douane,
04:56 remettre des moyens dans la douane,
04:58 et puis après réintégrer des services publics dans nos quartiers.
05:01 Des transports, du logement, de l'éducation,
05:04 et un tas d'autres mesures qui vont pouvoir permettre d'apporter juste un souffle
05:07 et de permettre aux gens de pouvoir vivre aujourd'hui.
05:09 C'est ce qu'on veut, nous, c'est pouvoir vivre.
05:10 Il y a eu des propositions faites par le président Emmanuel Macron,
05:13 elles ne sont pas suffisantes selon vous.
05:15 Il parlait de déploiement en compagnie de CRS,
05:17 de 25 enquêteurs supplémentaires pour lutter contre le crime,
05:20 des moyens supplémentaires pour acheter du matériel,
05:22 notamment, tout ça, ce n'est pas suffisant ?
05:24 Aujourd'hui, ce n'est clairement pas suffisant,
05:25 ce n'est pas moi qui le dis, c'est les chiffres.
05:26 Avant le président de la République, on était à 31 homicides par an,
05:29 aujourd'hui, on est à plus de 40 homicides,
05:30 donc les choses n'ont pas changé.
05:32 Bien au contraire, mais ce qu'on attend aujourd'hui,
05:35 c'est le plan des Marseillaises et des Marseillais.
05:36 On attend que ce soit à nous de porter nos mesures,
05:38 que ce soit à nous de porter nos solutions,
05:40 puisque c'est nous qui vivons au quotidien dans ces cités.
05:43 Donc là, vous dites qu'en gros, c'est le peuple qui reprend
05:48 l'idée du pouvoir de changer les choses.
05:50 C'est le peuple, c'est les victimes, c'est les gens,
05:52 parce que tant qu'on ne fait pas avec les gens,
05:53 les gens ne se sentiront pas concernés.
05:55 Tant qu'on ne donne pas l'opportunité aux gens
05:57 de se saisir de leur destin, d'être auteurs de leur destin,
05:59 les choses ne vont pas changer et c'est ce qu'il faut faire maintenant
06:01 parce que ce n'est même plus un capri,
06:03 ce n'est même plus de dire on veut des transports dans nos quartiers,
06:05 on veut ci, on veut ça, c'est juste de dire qu'on veut vivre,
06:07 on a simplement envie de vivre dignement comme tout le monde.
06:10 Est-ce que vous espérez que cette requête serve d'exemple,
06:13 par exemple, qu'on agisse dans d'autres villes
06:15 qui sont gangrénées par le trafic de drogue,
06:17 on l'a vu à Nîmes notamment ?
06:18 On est déjà en train de préparer un référé
06:21 qu'on déposera très très prochainement sur Nîmes,
06:23 on en déposera également à Béziers, à Cavaillon
06:25 et dans toutes les villes où ce sera nécessaire,
06:27 dans toutes les villes où en fait la République a tourné dos à ses cités,
06:29 dans toutes les villes où l'état de droit n'est plus présent dans les quartiers,
06:32 on déposera un référé, on fera en sorte que la République,
06:35 que les valeurs de la République reviennent dans nos cités.
06:38 Merci beaucoup Amine Kessassi,
06:39 vous êtes fondateur de l'association Conscience,
06:41 chef de file du combat des habitants des quartiers nord de Marseille.
06:43 Merci d'avoir été avec nous.
06:44 Merci à vous.
06:45 Merci à vous Odessi.