• l’année dernière
Alice Renard nous livre son premier roman, "La Colère et l'Envie", publié aux Éditions Héloïse d'Ormesson. C'est l'histoire d'une jeune fille mutique et mystérieuse qui s'ouvre au monde par la grace d'un amour fou. Ce livre c’est l’éclosion d’une voix, celle d’Isor, une petite fille qui ne rentre dans aucune case et avec laquelle ses propres parents n’arrivent pas à communiquer. Un personnage que tout le monde tente de saisir mais qui ne cesse de s'échapper. Un livre qui interroge le langage, à travers ce personnage qui choisi le silence pour accéder à la sincérité pure avant de trouver ce stratagème des langues fantômes. Enfin, ce livre c'est aussi l’histoire d’une rencontre, d’une amitié qui va changer sa vie et l’émanciper. 

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Transcription
00:00 une entrée fracassante en littérature.
00:01 J'aimerais peut-être que vous nous parliez de cette iseur,
00:03 de quoi elle est née, comment elle vous est apparue,
00:05 ou peut-être l'avez-vous entendue ?
00:07 Ça me touche beaucoup quand Amélie dit qu'elle fait ses rêves
00:13 où elle est un oiseau et qu'à un moment dans le livre,
00:16 elle dit qu'elle est persuadée d'avoir volé un jour, je crois.
00:20 Et je pense que l'acte d'écrire,
00:25 c'est le fait de se connecter à des choses
00:27 qu'on a vécues peut-être avant de naître.
00:29 Et que c'est en arrivant à se connecter à ces choses-là
00:36 que le livre arrive à prendre une autre dimension
00:41 en liant des boucles du temps.
00:42 Et Isor, j'ai l'impression de l'avoir rencontrée,
00:45 j'ai l'impression d'avoir été elle.
00:46 Les autres personnages de mon livre,
00:48 donc on me dit "Vous avez 21 ans,
00:50 comment vous pouvez décrire un personnage qui a 80 ans ?"
00:52 J'ai eu 80 ans plein de fois !
00:54 Nous aussi, 16 mois.
00:59 Et oui, Isor m'est apparue très clairement devant moi
01:02 et j'avais l'impression de prendre la dictée de ce qu'elle faisait,
01:05 qu'elle était là et que moi j'étais juste un scripteur
01:08 qui écrivait ses faits et gestes comme son secrétaire.
01:12 Pourtant, ce qui est intéressant dans ce personnage,
01:14 je trouve moi personnellement,
01:15 c'est que tout le monde essaye de la saisir,
01:17 tout le monde essaye de la comprendre, de la capturer,
01:19 mais elle échappe sans cesse.
01:20 Elle s'échappe.
01:23 Oui, je voulais que...
01:23 Donc la narration est particulière parce que dans la première partie,
01:27 c'est le père puis la mère qui parlent alternativement,
01:29 dans la deuxième partie, c'est un voisin qu'elle rencontre, Lucien,
01:33 et je voulais qu'on ait cette impression
01:35 qu'il y ait une caméra qui tourne autour d'elle,
01:36 un peu comme sur ce plateau,
01:38 avec des caméras qui nous tournent autour,
01:40 et que ça soit comme des images d'elle prises sous plein d'angles,
01:45 mais qui fassent comprendre une sorte d'impossibilité
01:49 à savoir qui elle est vraiment.
01:50 La seule possibilité d'accéder à son être,
01:52 c'est ces photographies très brèves.
01:55 Il faut comprendre, il y a toujours cette question du langage
01:58 qui est absolument centrale dans ce livre,
02:00 et d'ailleurs dans tous vos livres,
02:01 puisque quand on parle d'enfance,
02:03 étymologiquement, l'infance, c'est celui qui ne parle pas.
02:06 Il n'est pas étonnant que vos quatre livres interrogent aussi le langage.
02:09 Vous dites qu'Isor, ou plutôt c'est sa mère qui dit ça, je crois,
02:12 je parle sous votre contrôle, qu'elle parle des langues fantômes.
02:15 Qu'est-ce que ça veut dire ? C'est très beau.
02:18 Isor, ce qu'elle a à dire, c'est plus grand que les mots,
02:23 et elle cherche longtemps un moyen d'arriver à exprimer ça.
02:27 Au début, elle le fait par le silence,
02:29 parce que dans le silence, on est nu, on est face à face,
02:33 et on n'a pas le choix que de se confronter à la présence de l'autre.
02:35 Je pense que Isor, c'est un personnage qui est très avide
02:40 de la présence et du fait d'accéder vraiment à la sincérité pure.
02:50 Après, elle trouve ce stratagème des langues fantômes,
02:54 où elle peut émettre une mélodie,
02:57 mais sans encore que les mots aient une signification
03:00 en dehors de la sensation qu'ils procurent,
03:03 et ensuite des mots qui ont un sens.
03:05 En fait, ce qu'elle devient, c'est de la poésie, de la musique.

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