• l’année dernière
C'était une première en France, en mars 2023, une ancienne infirmière mosellane qui a travaillé de nuit à l'hôpital pendant 28 ans a obtenu la reconnaissance de son cancer comme maladie professionnelle.
Cet événement a apporté la preuve de l'influence de notre horloge biologique sur notre santé. Lorsqu'elle est déréglée, les conséquences peuvent être graves. Cette horloge, aussi appelée rythme circadien, détermine la qualité de notre sommeil mais elle régule aussi la plupart des fonctions de notre organisme : notre température corporelle, notre fréquence cardiaque, notre humeur ou encore nos capacités cognitives. Or, la vie citadine, les écrans et les horaires décalés nous dérèglent. Les Français ont perdu entre une heure et une heure trente de sommeil par nuit, en cinquante ans.
Le rôle de notre horloge biologique a-t-il été sous-estimé jusqu'alors ? Comment peut-elle aider les médecins à mieux traiter certaines maladies ? Nous poserons ces questions à notre invitée Hélène Duez, chercheuse Inserm en chronobiologie à l'Institut Pasteur de Lille.

La santé figure au premier rang des préoccupations des Français et au coeur de tous les grands débats politiques et sociétaux.
L'organisation des soins, le service public hospitalier, mais aussi le mal de dos, les allergies, la bioéthique ou encore la nutrition... Sur LCP-Assemblée nationale, Elizabeth Martichoux explore chaque mois un thème de santé publique.
Entre reportages, interviews de professionnels de santé, de personnalités politiques mais aussi de patients, ce rendez-vous aborde tous les maux d'une problématique de santé, ses enjeux, les avancées et les nouveaux défis pour mieux vivre demain !

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Transcription
00:00 LCP Assemblée nationale, en partenariat avec MGEN Mutuelle Santé Prévoyance présente État de Santé
00:09 Générique
00:38 Dormir le jour pour travailler la nuit, c'est le quotidien d'un salarié sur dix en France.
00:43 Les horaires atypiques le sont de moins en moins.
00:46 Pourtant, notre organisme n'est pas adapté à un tel rythme.
00:50 J'ai compris qu'il y avait une réelle pénibilité, un réel impact sur le corps.
00:56 Et que très vite il fallait que je trouve des petites astuces pour que mon corps comprenne très vite le rythme
01:02 et surtout qu'il soit le moins perturbé possible.
01:04 Lorsque l'horloge interne se dérègle, les conséquences peuvent être graves.
01:09 C'est un médecin qui m'a dit, eh bien, cancer du sein et travail de nuit, ça va ensemble.
01:17 Alors pourquoi notre rythme veille-sommeil est-il aussi important ?
01:21 Comment mieux prendre en compte notre horloge biologique alors que tout s'accélère autour de nous ?
01:26 C'est le thème de ce nouveau numéro d'État de Santé.
01:33 Bonjour à tous, bienvenue dans ce nouveau numéro d'État de Santé.
01:36 Avec la rentrée de septembre, voilà, fini les grasses mat', fini les repas tardifs, on change de rythme.
01:41 On entre dans des rythmes journaliers plus réguliers.
01:44 Est-ce que c'est mieux ? Est-ce que c'est moins bien ?
01:46 On va se pencher sur une problématique passionnante aujourd'hui.
01:49 Comment joue le rythme des journées sur notre santé ?
01:53 On va explorer ça avec vous.
01:54 Bonjour Hélène Duez.
01:55 Bonjour.
01:56 Vous êtes chronobiologiste, chercheuse en rythme, on va le voir dans un instant.
01:59 Mais évidemment quand on naît, quand on respire pour la première fois, on va dormir beaucoup.
02:04 Et puis au fil de la vie, ce rythme-là, interne, il va évoluer.
02:09 Donc on a une horloge interne qui évolue tout au long de la vie ?
02:12 On a une horloge interne, on a un petit mécanisme qui existe à l'intérieur de toutes nos cellules,
02:16 tous nos organes et qui nous permet de mesurer le temps qui passe.
02:20 Et ça nous permet de nous adapter à cette alternance jour-nuit qui est engendrée par la rotation de la Terre.
02:27 Qu'est-ce que c'est qu'un rythme circadien d'ailleurs ? C'est quoi ?
02:31 Alors circadien, ça veut dire environ une journée, ça vient du latin "circa", "diem", environ une journée.
02:38 Donc ça veut dire que c'est un rythme d'environ 24 heures, pas exactement 24 heures.
02:42 Notre horloge interne, en tout cas chez l'homme, ne génère pas un rythme de 24 heures pile.
02:47 Et donc on a besoin d'une resynchronisation chaque jour pour remettre en phase notre horloge.
02:53 Passionnant, vous êtes chronobiologiste, on regarde votre parcours.
02:57 Hélène Duhaize est directrice de recherche en chronobiologie à l'Inserm et à l'Institut Pasteur de Lille.
03:07 Depuis 20 ans, elle tente de comprendre comment et pourquoi notre métabolisme est contrôlé par notre horloge biologique.
03:14 Son objectif, à terme, est de s'appuyer sur ses découvertes pour mieux prendre en charge des pathologies comme le diabète,
03:21 les maladies cardiovasculaires ou inflammatoires.
03:24 Hélène Duhaize, vous nous disiez qu'on a une horloge interne qui évolue tout au long de la vie.
03:34 Mais il y a aussi ce soleil qui se lève à une certaine heure le matin l'hiver, à une autre heure l'été.
03:40 Et pourquoi ça interagit avec notre horloge interne ?
03:43 Et c'est ce signal de lumière qu'on a le matin, cette lumière bleue qui est émise par le soleil,
03:48 qui va jouer ce rôle de remettre notre horloge à l'heure tous les jours.
03:52 C'est comme si on remontait notre montre interne.
03:54 Exactement. Ça nous permet de redémarrer parce que la lumière, grâce à l'horloge biologique qui sert de relais,
03:58 va engendrer toute une série de changements et notamment un pic de cortisol qu'on a le matin
04:04 et qui va permettre de mettre en phase tous nos organes, toutes nos cellules.
04:08 Il faudrait, dès qu'on se lève, sortir dehors et être exposé au jour. Alors ce serait bon pour nous ?
04:15 Ce serait bon pour nous parce que ça permettrait de renforcer ce rythme-là.
04:19 Alors ce n'est pas parce qu'on n'est pas exposé à la lumière le matin qu'on perd son rythme, mais ça le renforce.
04:24 Alors, il y a des choses passionnantes avec cette horloge interne.
04:28 Il y a eu des expériences qui ont montré que quand on n'a ni le jour ni la nuit,
04:33 ce rythme de 24 heures, il survit à l'absence de lumière. Infographie.
04:44 En 1962, un spéléologue français a eu une drôle d'idée.
04:48 Michel Siffre a passé deux mois à 130 mètres de profondeur, dans un gouffre, en Italie.
04:55 Son objectif ? Voir comment son rythme veille-sommeil allait évoluer sans repère temporel.
05:02 Il est en effet descendu sans montre ni agenda et avec une petite lampe électrique pour seule lumière.
05:09 Coupé de l'extérieur, il disposait tout de même d'une ligne téléphonique pour appeler une équipe de veille en surface
05:15 à chaque réveil, chaque coucher et chaque repas. Ses horaires étaient ainsi consignés.
05:22 Michel Siffre se levait, se couchait et mangeait quand il le voulait.
05:27 Il a peu à peu perdu la notion du temps, pensant que ses journées ne duraient pas plus de cinq heures.
05:33 Mais en remontant à la surface, après deux mois, il a fait une découverte historique.
05:39 Son cycle veille-sommeil n'avait subi aucun changement.
05:44 Chaque jour, il avait dormi environ 8h30 et veillé 16h, en tout 24h30.
05:52 L'humain a donc bien une horloge interne qui règle l'organisme, même en dehors de toute contrainte.
05:58 En revanche, ce rythme était un peu plus long que celui de la rotation de la Terre.
06:03 Chaque jour, dans sa grotte, Michel Siffre se couchait et se réveillait une demi-heure plus tard, se décalant progressivement.
06:11 C'est pourquoi la lumière du jour est si importante.
06:15 Elle nous sert de signal et nous permet d'être tous synchronisés sur un même rythme de 24h.
06:26 - Hélène Duez, en quoi cette expérience extraordinaire est intéressante ?
06:31 - Elle montre la nature endogène de notre horloge biologique.
06:35 Elle montre qu'en absence de tout signal, notre horloge biologique continue de générer un rythme.
06:40 - Donc notre horloge interne est plus puissante que le jour et la nuit que nous impose la nature.
06:47 C'est extravagant, c'est quand même extraordinaire.
06:49 - Elle est très puissante parce que c'est un ensemble de protéines
06:52 qui modifie l'expression de nos gènes, de notre patrimoine génétique dans chacune de nos cellules.
06:57 C'est vraiment un rôle crucial.
07:00 - Il y a en revanche quelque chose qui est pénalisant,
07:02 et on va le voir dans le reportage dans un instant de Marianne Gazot,
07:04 c'est quand on est vi à l'envers, c'est-à-dire quand on vit à rebours du jour et de la nuit.
07:10 Là, on la secoue, notre horloge interne.
07:12 - On la secoue. On la secoue énormément.
07:14 - Mais on la secoue par manque de sommeil ou par décalage par rapport au jour et à la nuit ?
07:18 - Les deux. - Les deux, mon capitaine.
07:20 - Ah oui. Et les deux sont vraiment deux composantes importantes.
07:23 On la secoue par un troisième facteur qui est qu'à côté de la lumière,
07:27 l'heure à laquelle on mange est aussi un signal très fort pour nos horloges.
07:31 Et en mangeant à une heure qui n'est pas propice, on dérègle aussi nos horloges.
07:36 Ce sont vraiment les trois facteurs que l'on connaît aujourd'hui
07:39 qui font que le travail de nuit ou le travail en horaire décalé n'est pas bon pour notre horloge biologique.
07:44 - Alors pour l'état de santé, Marianne Gazot a donc rencontré ces travailleurs
07:48 qui sont exposés à ces rythmes décalés, plus ou moins décalés, mais parfois totalement.
07:54 Quelles en sont aussi les conséquences ? On regarde ce reportage. On se retrouve juste après.
07:58 Les humains ne sont pas des animaux nocturnes. Alice Dumont le sait bien.
08:09 Pourtant, cela fait huit ans qu'elle travaille la nuit et dort le jour.
08:13 C'est le lot de nombreuses infirmières comme elle.
08:17 - Le rythme de nuit, c'était un rythme que je ne connaissais pas du tout.
08:19 Je me suis dit pourquoi pas se lancer. Je me suis rendue compte de tout le temps libre que ça dégageait.
08:24 Mais comment fait-elle pour s'adapter à un tel mode de vie ?
08:28 Tous les matins, elle s'endort vers 8h30. En ce mois d'août, il fait déjà bien jour dehors.
08:34 Et si Alice Dumont a du temps libre, c'est au prix de son sommeil.
08:38 Elle ne dort que 4 à 5 heures par jour.
08:42 - Je vois quand même une différence avec le début.
08:44 Au niveau du vieillissement de la peau, les rides prématurées qui sont apparues assez vite.
08:49 Les cernes qui sont beaucoup plus marquées que quand j'étais au tout début de carrière.
08:54 Je me demande de plus en plus si c'est quelque chose que j'arriverai à tenir dans la durée.
08:58 Je commence déjà à repenser à des reconversions professionnelles.
09:02 Si je devais arrêter, qu'est-ce que ça serait ma vie ?
09:05 En attendant, pour limiter les risques sur sa santé, Alice Dumont s'impose une routine stricte pendant la journée.
09:13 Elle se lève et prend ses repas à heure fixe.
09:16 Mais elle manque souvent d'énergie pour sortir s'exposer à la lumière du jour ou faire du sport.
09:22 Ce dont elle aurait pourtant besoin.
09:24 - J'ai compris qu'il y avait une réelle pénibilité, un réel impact sur le corps.
09:30 Et que très vite, il fallait que je trouve des petites astuces pour que mon corps comprenne très vite le rythme.
09:37 Et surtout qu'il soit le moins perturbé possible.
09:40 Je pense qu'il y a des petites carences qui doivent se faire, même si on essaie de compenser avec de la nourriture, avec des fruits, avec tout ça.
09:46 Il y a quand même des choses qui ne se font plus ou que je ne dois plus avoir de la même façon qu'avant.
09:53 L'organisme subit les assauts d'une vie décalée.
09:56 Et les conséquences peuvent être graves.
09:59 A Saint-Mitre-les-Remparts, près de Marseille, Sylvie Pioli est aujourd'hui à la retraite,
10:04 après avoir exercé en tant qu'infirmière de nuit pendant 30 ans.
10:08 Il y a quelques années, en 2015, elle a appris qu'elle souffrait d'un cancer du sein.
10:13 A l'époque, elle est tombée des nues.
10:17 Je n'ai eu aucun ancécédent de cancer du sein dans ma famille.
10:20 J'ai eu une vie saine, je fais beaucoup de sport, je ne bois pas, je ne fume pas.
10:26 J'avais une ligne assez parfaite.
10:29 En fait, c'est un médecin qui m'a mis la puce à l'oreille, qui m'a dit
10:33 "Eh bien, le cancer du sein et le travail de nuit, ça va ensemble."
10:38 Et de là, j'ai effectué des recherches.
10:41 Elle découvre alors cette étude de l'Inserm, qui montre qu'il existe bel et bien un lien entre les deux.
10:47 Le risque de cancer du sein est augmenté d'environ 30%
10:51 chez les femmes ayant travaillé de nuit par rapport aux autres femmes.
10:55 J'ai eu l'impression d'avoir été trahie, parce que personne ne nous l'avait dit.
11:00 Si j'avais été prévenue, j'aurais fait un peu plus attention à mon hygiène de vie, peut-être.
11:05 J'aurais un peu plus dormi, parce que je dormais très peu, surtout en an dernier.
11:11 Et puis j'aurais peut-être aussi arrêté de grignoter la nuit, ce qu'on fait à peu près tous.
11:16 Alors qu'on sait très bien que l'alimentation est très importante.
11:19 Ça me motive justement pour qu'il y ait de plus en plus de gens
11:22 qui soient au courant de ce facteur de risque qui est très méconnu.
11:26 Aujourd'hui en rémission, elle se bat pour faire reconnaître son cancer du sein en maladie professionnelle.
11:33 Une reconnaissance accordée pour la première fois en mars 2023 à une infirmière mozellane.
11:39 Sylvie Pioli a bon espoir que les choses changent, et elle fait tout pour se faire entendre des décideurs.
11:45 Elle a créé l'association Cyclo-Sein pour sensibiliser à cette cause de manière originale.
11:52 Alors là, c'est quand on était à Bruxelles, comme si on était en Européenne.
11:57 Le grand départ de Saint-Mitre-les-Remparts pour Paris, 1104 km.
12:01 Notre arrivée à Paris devant le ministère de la Santé.
12:05 Elle a même pédalé jusqu'à l'Organisation internationale du travail à Genève.
12:10 En attendant un meilleur suivi du personnel de nuit,
12:13 Sylvie Pioli part sensibiliser les lycées et les écoles d'infirmières sur les routes de France.
12:21 C'est assez impressionnant ce reportage.
12:25 On précise que 10% des salariés sont exposés à des horaires complètement décalés à l'envers.
12:33 En tout, 20% vivent à des horaires plus ou moins décalés.
12:37 Est-ce que vous diriez que quand on travaille de cette façon de nuit, sur un temps lent,
12:43 il faut aller voir un spécialiste du sommeil ?
12:46 Oui, je pense qu'il faut se faire accompagner par un spécialiste du sommeil,
12:50 mais pas que, parce qu'il y a des choses qui peuvent être mises en place.
12:54 Une exposition à la lumière au bon moment peut aider à recaler notre horloge,
12:58 éviter la lumière à d'autres moments,
13:00 par exemple porter des lunettes de soleil quand on sort du travail s'il fait jour dehors avant d'aller dormir.
13:05 Il y a beaucoup d'éléments qui ne sont pas toujours connus des travailleurs en horaire décalée
13:10 et qui pourraient améliorer ou en tout cas permettre de lisser un petit peu les conséquences de ce travail posté,
13:18 à condition évidemment qu'il ne dure pas quand même toute une vie.
13:21 Essayez d'avoir une forme de régularité dans la prise de nourriture, par exemple, ça c'est important.
13:26 C'est important.
13:27 Évitez, on le voyait dans le reportage, de grignoter tout le temps.
13:29 Ça a l'air un peu dérisoire comme ça, vous dites non ?
13:32 En fait, non, ça n'est pas du tout dérisoire, et ça l'est d'autant moins que chez les travailleurs postés,
13:38 il y a une envie plus forte d'éléments riches en calories, riches en sucre, type barre de céréales.
13:46 Et évidemment, quand c'est sur deux ou trois jours, ce n'est pas très grave.
13:50 Quand c'est sur toute une vie, ça participe aux conséquences néfastes de ce travail posté
13:55 en finalement augmentant le risque de maladies métaboliques, d'obésité.
14:01 Donc ça, ce sont des choses sur lesquelles on peut agir.
14:03 Mais quand on voit qu'il y a une relation de causalité entre un rythme de nuit et l'apparition d'un cancer du sein,
14:11 c'est surtout des cancers dont on est à peu près sûr qu'il y a un lien de cause à effet.
14:15 Il n'y a pas d'autres pathologies qui ont été pointées du doigt.
14:18 Le risque est avéré aussi pour le développement de maladies métaboliques, obésité, diabète.
14:23 Peut-être un petit peu moins clair pour les maladies cardiovasculaires.
14:26 Néanmoins, tous les éléments scientifiques que l'on a,
14:31 que ce soit de recherche fondamentale chez l'animal dans les cellules
14:34 ou sur les études épidémiologiques chez l'homme,
14:37 tendent vers une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires également.
14:40 On a besoin de personnes qui travaillent la nuit.
14:43 On en a besoin, mais néanmoins, on s'interroge.
14:46 Est-ce qu'on est suffisamment informé du risque en termes de santé publique ?
14:52 Quand on nous fait signer un accord ou un contrat de travail de nuit,
14:58 on est remarqué en tête, attention, en tout état de cause,
15:01 si dans votre famille il y a un risque de cancer du sein, vous êtes exposé particulièrement.
15:05 C'est vrai. Je pense qu'il y a un manque d'informations,
15:08 il y a une manque de transmission par la médecine du travail, par les employeurs,
15:12 mais il y a aussi une méconnaissance finalement de ces données par nous, par nous tous, par le grand public.
15:18 On a commencé l'émission en disant qu'on ne dort pas de la même façon et au même rythme
15:23 selon qu'on est bébé, ado et personne âgée.
15:26 Justement, les ados, pas beaucoup, sont décalés, se couchent à 4h du matin, se lèvent à midi.
15:31 C'est grave, docteur ?
15:33 C'est naturel.
15:35 D'un point de vue de la santé.
15:37 En fait, c'est une évolution tout à fait normale.
15:40 Les jeunes enfants se lèvent très tôt, se couchent très tôt.
15:43 Ensuite, l'adolescence décale complètement vers la fin d'après-midi, vers la fin d'après-midi et la soirée.
15:49 Quand on est à l'âge adulte, de facto aussi, parce qu'on a une activité sociale,
15:54 on revient à un horaire peut-être plus précoce.
15:56 Et puis, chez le sujet âgé, on voit bien des personnes âgées souvent qui sont plus précoces le matin,
16:01 qui se lèvent plus tôt, qui ont d'ailleurs un sommeil peut-être un petit peu plus léger, un peu plus fragmenté.
16:05 Donc, une évolution tout à fait normale.
16:07 Et ce n'est pas néfaste pour la santé.
16:10 Le problème, c'est qu'on s'oblige, adolescents, personnes adultes, etc., à tous vivre au même rythme.
16:17 Mais néanmoins, certaines expériences pilotes ont été réalisées outre-Atlantique, au Canada et aux Etats-Unis,
16:22 où certaines écoles démarrent à 10 ou 11 heures le matin.
16:26 Ah, le rêve !
16:27 Le rêve pour les étudiants.
16:29 Le rêve ! Mais c'est une expérience, des expériences, pas des généralisations.
16:33 Non, il n'y a pas de généralisation.
16:35 Mais dans ces expériences, très souvent, les adolescents ont vraiment bénéficié.
16:40 Les performances, je dirais, scolaires ont été largement augmentées, parce qu'on respecte leur rythme.
16:48 Et puis, finalement, on les fait étudier au moment où ils sont réceptifs à ce qu'on leur apprend.
16:54 C'est une meilleure prise en compte de ces rythmes naturels.
16:58 Est-ce que vous diriez, il ne s'agit pas de se mettre des cendres sur la tête,
17:03 mais quand même que plus on va, moins on respecte les rythmes ?
17:07 Les temps modernes sont plus pénalisants pour notre horloge interne ?
17:14 Ils sont plus pénalisants, tout simplement parce qu'on a aujourd'hui un éclairage
17:20 qui nous permet de rester actifs toute la soirée, une partie de la nuit.
17:24 Par exemple, on s'expose à des téléphones portables qui ont une lumière LED bleue,
17:30 comme celle qui resynchronise notre horloge le matin.
17:34 En tout cas, les médecins cherchent de plus en plus à prendre en compte ces rythmes circadiens
17:39 dans la préconisation des soins.
17:41 Reportage Marianne Cazan.
17:44 Pour traiter un cancer du pancréas, cela passe souvent par une chimiothérapie.
17:52 Mais dans ce service d'oncologie digestive et médicale de l'APHP,
17:58 Bonjour, monsieur.
18:00 Bonjour, madame.
18:02 les médecins comptent aussi sur un outil plus inhabituel,
18:05 un capteur qui enregistre les rythmes circadiens du patient chaque minute à distance.
18:12 Ça, c'est votre rythme de température.
18:15 Donc on voit qu'il est vraiment très, très régulier.
18:18 Après une phase initiale où vous étiez plus perturbé, ça c'était il y a 5-6 jours à peu près.
18:25 D'accord, le moment où j'étais le plus mal après la chimiothérapie.
18:27 Voilà, c'est ça. Votre rythme d'activité repos, il est vraiment parfait.
18:31 Pour Francis Lévy, c'est loin d'être anecdotique.
18:35 Avant que les symptômes ne se manifestent, on va voir se dégrader ces paramètres du rythme.
18:40 C'est des signaux précoces d'altération de l'état de santé de la personne.
18:47 Au revoir, monsieur.
18:50 Ce télémonitoring est aujourd'hui à l'étude.
18:53 Mais Francis Lévy a bon espoir qu'il prévienne à l'avenir les hospitalisations d'urgence des patients.
19:00 Ce chronobiologiste n'en est pas à sa première recherche sur les rythmes.
19:05 Cela fait 50 ans qu'il est persuadé que la médecine doit mieux les prendre en compte.
19:10 En 2000, il a montré que face au cancer du côlon,
19:13 les patients qui avaient un bon rythme biologique avaient une meilleure espérance de vie que les autres.
19:20 En 2002, il a mis en évidence pour la première fois qu'en détruisant l'horloge circadienne de souris
19:26 et en leur inoculant une tumeur, celle-ci poussait de 2 à 3 fois plus vite.
19:34 On a découvert ensuite que ces horloges n'étaient pas seulement dans le cerveau,
19:38 mais elles étaient aussi dans toutes les cellules de tous nos organes.
19:42 Et puis s'il y a des maladies, ces rythmes peuvent être perturbés,
19:46 les horloges sont mal synchronisées, elles donnent des heures différentes selon les cellules ou selon les organes,
19:52 et il y a un risque de développement de pathologies qui survient.
19:55 Les cellules tumorales aussi peuvent avoir un rythme.
19:58 Alors Francis Lévy a décidé d'utiliser ces horloges dans le traitement des cancers.
20:04 On avait conscience que l'administration des traitements selon le rythme circadien
20:10 ou que la détection de perturbations du rythme circadien ouvrait un nouveau pan de progrès pour la médecine.
20:17 Mais on n'était pas nombreux à le penser.
20:19 On m'a demandé si j'étais devenu astrologue.
20:22 Je n'ai rien contre les astrologues, mais enfin, ce n'est pas mon métier.
20:25 Mais Francis Lévy a fini par convaincre d'autres médecins, comme Sylvie Giacchetti,
20:31 qui a travaillé à ses côtés il y a 30 ans.
20:34 Aujourd'hui, elle publie des résultats enthousiasmants sur le traitement du cancer du sein.
20:39 On a montré que chez les femmes plus jeunes, non-ménopausées,
20:44 donc celles qui prennent l'hormonothérapie qui s'appelle le tamoxyphène,
20:48 l'horaire de prise est fondamental,
20:51 puisque les patientes qui prennent le tamoxyphène le soir, la courbe verte,
20:57 ont un risque de rechute qui est moindre que les patientes qui prennent le tamoxyphène le matin.
21:05 Lorsqu'elle prescrit ce médicament, elle ne manque donc pas d'indiquer le meilleur moment pour le prendre.
21:11 Bonjour madame.
21:13 Bonjour.
21:14 Je suis Mélanie, l'infirmière, je vais vous poser le traitement.
21:18 Dans son service, Sylvie Giacchetti a également demandé aux infirmières
21:23 de bien noter l'heure d'administration des autres traitements.
21:26 Après je le renote sur le logiciel.
21:28 D'accord, et le bon horaire sur le logiciel,
21:30 pour qu'on puisse utiliser que les données informatiques.
21:33 Super.
21:34 C'est peut-être un petit effort, mais finalement on ne peut pas faire que ça ne se fasse pas
21:40 pour la qualité des soins.
21:43 La structure circadienne doit être prise en compte parce qu'elle fait partie de nous,
21:47 êtres humains, de la façon dont nous sommes structurés.
21:50 Mais ailleurs en France, les rythmes biologiques sont rarement utilisés dans les soins.
21:55 D'autant plus que les spécialistes doivent encore relever un défi important,
22:00 celui de la personnalisation.
22:02 Car ces cycles dépendent de nombreux facteurs, comme l'état général du patient, l'âge ou le sexe.
22:08 Sur ce graphique, nous voyons les heures optimales d'administration en fonction des différentes toxicités.
22:15 Il faut lire ce graphique comme une horloge.
22:17 Les flèches pointent vers les horaires optimaux d'administration.
22:22 Pour les hommes, on est plutôt autour du matin, vers 9h du matin.
22:27 Et pour les femmes, on est sur des horaires d'administration optimaux,
22:31 plutôt vers 3h de l'après-midi.
22:33 Donc on a une différence de 5h entre les hommes et les femmes.
22:37 Des différences qu'Annabelle Balesta doit prendre en compte dans ses modèles.
22:42 Le chemin vers la médecine circadienne est encore long.
22:45 Mais mathématiciens et médecins tous en sont persuadés.
22:49 Il est grand temps de l'emprunter.
22:51 Hélène Dues, là aussi, on est assez impressionnés de l'impact que peut avoir sur l'organisme malade
23:02 l'horaire auquel on s'administre les médicaments.
23:06 Oui, c'est spectaculaire.
23:08 Mais en fait, c'était presque attendu, même si on ne l'a découvert que très tard.
23:12 Tout simplement parce que les médicaments vont cibler des processus ou des protéines
23:18 qui sont eux-mêmes très souvent circadiens.
23:20 Une question très grand public.
23:22 L'horaire d'été, l'horaire d'hiver, on change toujours d'horaire.
23:26 C'est une décision européenne.
23:29 Alors qu'est-ce que vous en pensez ? Il faut arrêter avec ça ?
23:31 L'idéal, ce serait d'arrêter le changement d'heure, évidemment.
23:34 Et puis l'idéal, ce serait d'avoir l'heure d'hiver qui nous permettrait de nous décaler moins
23:38 par rapport à l'heure solaire.
23:40 Vous êtes certaine que chaque fois, ça dérègle un peu nos organismes ?
23:44 Je pense qu'effectivement, chez un sujet sain, ce décalage d'une heure, on s'y fait.
23:49 Au bout de quelques jours, ce n'est pas si dramatique que ça.
23:52 Par contre, on voit par exemple une recrudescence des cas d'infarctus du myocarde
23:56 juste après le changement d'heure.
23:58 Parce que l'infarctus du myocarde, on le sait, il est beaucoup plus fréquent le matin
24:03 parce que notre organisme est circadien.
24:07 Et quand on décale notre horaire d'une heure, d'un seul coup, on augmente encore un petit peu plus
24:14 l'environnement néfaste pour notre cœur et pour nos artères.
24:17 Donc il y a des catégories de la population chez lesquelles ce changement d'heure a vraiment un impact.
24:25 On va revenir au travail de nuit.
24:28 Parce que vous savez, dans cette émission, la tradition, c'est de poser une question à un député,
24:32 un élu de l'Assemblée nationale.
24:34 Adrien Clouet, député de la France Insoumise, NUPS, de Haute-Garonne.
24:38 Vous avez voulu l'interroger sur des mesures de prévention pour la santé,
24:44 pour les personnes qui travaillent en horaire décalé.
24:47 On écoute sa réponse.
24:53 Aujourd'hui, on a une progression du travail de nuit.
24:55 Ça fait des années que le code du travail est détricoté, qu'il y a de plus en plus de travailleurs de nuit.
24:59 Les examens médicaux dans le monde du travail ont reculé, là aussi depuis plusieurs années.
25:03 Nous, on défend le rétablissement d'un examen médical avant l'embauche et périodique durant la carrière.
25:09 Donc déjà, il faut surveiller de manière aléatoire, faire en sorte que les gens passent régulièrement
25:12 dans des tests, des différents examens, pour être sûrs qu'ils n'ont pas un pépin.
25:15 Il faut bien sûr indemniser le travail de nuit.
25:17 Il faut que l'heure de nuit soit plus payée parce qu'il y a un préjudice et il doit être reconnu.
25:21 Mais il faut aussi, évidemment, le limiter dans la carrière.
25:23 Il faudrait qu'on ait un nombre d'années maximum, qu'on puisse travailler de nuit.
25:26 Que le travail de nuit donne lieu, par exemple, à des bonifications pour les semestres,
25:29 pour partir plus tôt à la retraite.
25:31 Bref, il faut réorganiser la vie des salariés qui exercent de nuit,
25:35 parce qu'il y a des activités, police, pompiers, hospitaliers, où on a besoin de travail de nuit.
25:40 Mais il faut une compensation forte en termes de santé.
25:43 Donc des jours de repos accrus, un départ plus tôt en fin de carrière,
25:46 une limitation dans la carrière du travail de nuit et une rémunération juste et digne.
25:50 [Musique]
25:54 On parle de plus en plus du sommeil.
25:56 Ça aussi, j'imagine que pour vous c'est un progrès.
26:00 Et on a observé, pour conclure, une perte générale, moyenne, d'1h30 de sommeil de l'individu.
26:08 C'est beaucoup ?
26:09 C'est beaucoup.
26:10 Les conséquences, elles sont un petit peu les mêmes que celles du travail posté.
26:13 Donc il y a vraiment là quelque chose à faire.
26:16 Après, le sommeil, il faut essayer de le préserver le plus possible.
26:19 Ça veut dire quoi ?
26:20 Ça veut dire un horaire régulier, ça veut dire éviter les écrans 1h, 1h30 avant d'aller se coucher.
26:26 Parce qu'évidemment…
26:27 1h30 avant de se coucher, alors qu'en général on se couche en regardant son écran.
26:30 Peut-être qu'il faut reprendre un bon vieux livre.
26:32 Je veux vous entendre, si je puis dire.
26:35 C'est très compliqué.
26:37 Parce qu'effectivement, c'est plutôt le contraire qui se passe.
26:40 Mais j'imagine que vous avez à cœur de faire passer ces messages qui sont de moins en moins respectés.
26:45 Peut-être demain, on laissera tomber les téléphones 1h30 avant d'aller se coucher.
26:49 Merci infiniment Hélène Dues d'avoir été avec nous dans ce numéro d'État de santé.
26:54 À très vite.
26:56 LCP Assemblée nationale.
26:58 En partenariat avec MGEN Mutuelle Santé-Prévoyance.
27:01 Vous a présenté État de santé.
27:04 LCP Assemblée nationale.
27:07 En partenariat avec MGEN Mutuelle Santé-Prévoyance.
27:10 Vous a présenté État de santé.
27:13 LCP Assemblée nationale.
27:15 En partenariat avec MGEN Mutuelle Santé-Prévoyance.

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