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00:00 il a été question de vendre une maison.
00:01 Le notaire, quand il lui a dit "Est-ce que vous voulez vendre ?"
00:03 elle a dit non alors qu'on l'avait bien préparé à dire oui.
00:05 Et là, elle dit non.
00:06 Et le notaire, je l'ai eu au téléphone juste après,
00:08 "Mais attendez, votre mère, elle est folle ou quoi de me parler comme ça ?"
00:12 Et là, il y a la petite fille qui est en moi qui se dit
00:14 "Ah, on parle de ma mère quand même."
00:15 Ma maman, elle était infirmière, très dans le médical
00:18 et elle sentait que, déjà, elle commençait à plus souvenir certaines choses.
00:21 Déjà, juste la vision, elle y voyait plus très bien,
00:23 elle ne savait plus se repérer dans l'espace tout simplement.
00:25 La conduite, c'était une torture, surtout de nuit.
00:27 Elle est allée voir un neurologue à Montpellier.
00:29 Le neurologue lui a tout de suite révélé qu'elle avait une maladie apparentée d'Alzheimer.
00:33 C'est le syndrome de Benson.
00:34 Pour vulgariser, en fait, il y a carrément le cerveau qui rétrécit,
00:36 il ne peut plus emmagasiner autant de choses et la personne devient...
00:40 Je n'aime pas dire ça, mais elle devient un peu un légume
00:42 et inapte physiquement et mentalement à subvenir à ses besoins.
00:46 Quand j'ai commencé à dire aux gens que ma maman avait une maladie liée à l'Alzheimer,
00:50 les gens ne croyaient pas parce qu'elle avait moins de 50 ans.
00:53 Elle a arrêté de travailler et moi, en tant qu'enfant, je me suis dit
00:56 "Ma mère fait une dépression, il ne se passe rien.
00:58 Tant qu'elle ne me dit rien, il ne se passe rien, tout va bien."
01:00 Sauf qu'au bout d'un moment, il y a des assistantes sociales qui viennent à la maison,
01:02 des infirmières qui viennent et puis on te balance
01:04 "Il faut t'occuper des comptes bancaires de ta mère,
01:06 il faut que tu gères telle et telle chose."
01:09 Et toi, tu as 18 ans et tu ne sais pas du tout comment ça marche
01:11 parce que tu démarres dans la vie.
01:12 Et donc, en fait, tout d'un coup, j'ai été assiégée par les responsabilités.
01:16 Mais comme c'est ma maman, j'y suis allée.
01:18 Dire que je n'ai pas hésité, ce serait mentir parce qu'au début, je ne voulais pas.
01:23 Je voulais que ma tante s'en occupe, mais la vie a fait que ça,
01:25 ça a dû être moi et quand je me suis bien posée avec moi-même,
01:28 je me suis dit "Elle s'est occupée de moi pendant 18 ans, j'y vais."
01:31 Comment on se construit ?
01:33 En fait, on ne réfléchit plus.
01:35 On coupe notre cerveau à ce moment-là et on avance.
01:38 On est vraiment dans le pragmatique.
01:40 Il y a quelque chose à faire.
01:41 Il y a un papier à remplir pour elle, parce que j'ai rempli énormément de papiers pour elle,
01:44 que ce soit pour l'entrée à l'EHPAD, pour avoir des aides, etc.
01:48 Je peux répondre à cette question aujourd'hui, trois ans après le décès de ma maman,
01:50 parce que clairement, quand ma maman est partie,
01:53 c'est comme s'il y avait un vide autour de moi et on se dit "Mais qui suis-je ?"
01:56 Je me suis occupée de quelqu'un pendant 10 ans
01:58 et là, je dois m'occuper de moi pendant le reste de ma vie.
02:02 Bon, j'apprends à me connaître.
02:05 Déjà, apprendre à me connaître, c'est particulier
02:07 parce que je me suis construite tout autour de ma mère.
02:08 Donc là, je suis encore dans ce travail-là,
02:10 mais je pense qu'avec beaucoup d'amour et beaucoup de bienveillance envers soi-même,
02:13 c'est un peu une clé.
02:15 Je ne sais pas si ma maman se rendait compte de ce que je faisais pour elle.
02:17 Moi, dans ma vision des choses, ma mère, elle était...
02:20 Physiquement, elle n'était pas là, mais son âme était très présente, je pense.
02:23 On avait une relation très particulière.
02:24 Je sentais qu'on était proches.
02:25 Elle ne parlait plus, ma mère, parce qu'elle avait perdu la parole, du coup.
02:28 Juste, je lui ai demandé "Ça va ?"
02:30 Elle me répond "Oui".
02:33 Elle a dit "Oui".
02:33 Elle a dit "Maman", elle a dit "Amour".
02:35 Il y a trois ans, j'ai créé mon spectacle "Alzheimer",
02:37 un spectacle que vous n'êtes pas prêts d'oublier.
02:39 J'ai eu ce besoin de créer ce spectacle, en fait,
02:41 pour parler de toutes les péripéties que j'ai rencontrées,
02:45 de toutes les aventures que j'ai vécues avec ma maman,
02:48 en m'occupant d'elle de mes 16 à mes 26 ans.
02:50 J'adore pouvoir dire que tout ce qui nous arrive, ce n'est pas une fatalité.
02:55 Et on peut en rire, justement, et on peut en tirer le meilleur, le sublimer même.
02:58 Le message que j'aimerais faire passer aujourd'hui,
03:00 c'est surtout qu'il ne faut pas arrêter d'en parler.
03:03 Il ne faut pas rester isolé quand on vit des choses comme ça,
03:05 parce qu'on peut se faire du mal à nous-mêmes, en fait.
03:08 En s'occupant des autres, on peut s'oublier soi aussi,
03:11 mais on n'abandonne pas l'autre.
03:12 On n'abandonne jamais.
03:13 C'est juste qu'il y a des personnes qui ont les compétences de gérer ces personnes-là,
03:17 ces maladies-là, et nous laisser des moments de répit aussi.
03:21 Donc vraiment, il ne faut pas hésiter à aller voir un thérapeute.
03:23 Moi, je prêche toujours la thérapie.
03:25 Je peux comprendre que ce n'est pas évident de se mettre en thérapie,
03:28 de choisir le bon thérapeute et de trouver des personnes qui nous écoutent comme on voudrait.
03:32 Eh bien, j'ai envie de dire, ce n'est pas grave si ce ne sont pas ces personnes-là,
03:35 ce sera d'autres personnes.
03:36 Ça peut être fatigant, mais quand on les trouve, c'est tellement un soulagement.