Avec Bruno Donnet, journaliste.
Retrouvez l'édito média de Bruno Donnet sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-mediatique
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00:00 l'édito-média Bruno Denez ce matin, le renouveau démocratique est-il soluble dans
00:06 le journalisme ? Vous avez quoi, 2 minutes 30 ?
00:08 Je vous parle ce matin Nicolas d'une passe d'armes édifiante.
00:12 Elle a eu lieu hier midi en pleine conférence de presse du porte-parole du gouvernement
00:16 Olivier Véran, après qu'une journaliste de Mediapart lui a posé cette question.
00:20 Est-ce que c'est normal qu'une journaliste passe une nuit en cellule dans une démocratie ?
00:23 Alors pour bien comprendre cette apostrophe, il faut que je vous résume le contexte.
00:27 Mardi, la journaliste Ariane Lavrieux a été placée en garde à vue par la police.
00:31 Son appartement a été perquisitionné pendant 10 heures et elle n'est ressortie de sa
00:35 cellule qu'hier soir.
00:37 Et pour quelle raison a-t-elle subi ce traitement ?
00:39 Elle a été longuement interrogée, Léa, parce qu'elle a révélé il y a deux ans
00:42 le rôle plus que trouble qu'aurait joué la France dans l'assassinat de civils égyptiens.
00:47 L'affaire est complexe, mais la question qui nous intéresse ce matin n'est pas là.
00:51 Car pour produire ces révélations, Ariane Lavrieux a obtenu des documents classés
00:55 confidentiel défense.
00:57 C'est une de ses sources qu'il est lui a fourni au terme d'un long travail éminemment
01:01 journalistique.
01:02 Seulement voilà, la DGSI, la Direction Générale de la Sécurité Intérieure, aimerait beaucoup
01:07 savoir qui a balancé, qui l'a trahi.
01:10 Alors, comme l'expliquait hier le rédacteur en chef de Complément d'Enquête, Hugo
01:14 Plagnard, la police a décidé de faire cracher le morceau Ariane Lavrieux.
01:18 J'imagine qu'il y a une seule question qui va être posée indéfiniment à Ariane
01:23 Lavrieux aujourd'hui, c'est quelles sont les sources qui ont conduit à cette fuite
01:28 de documents qui nous a permis de réaliser cette enquête.
01:30 Le problème, c'est que cette façon de faire contrevient à l'un des principes fondamentaux
01:35 de la pratique du journalisme.
01:36 Lequel Bruno ?
01:37 Celui de la protection des sources, Nicolas, qui permettent à un journaliste de ne pas
01:41 être obligé de révéler l'identité de ceux qui l'informent et au lanceur d'alerte
01:45 d'être ainsi protégé.
01:46 Or, en plaçant Ariane Lavrieux en garde à vue, la police républicaine s'est donc
01:50 permis deux dérapages hautement symptomatiques.
01:53 1) Elle a foulé au pied la déontologie de toute une profession et 2) elle a produit
01:57 un acte d'intimidation tout à fait manifeste.
02:00 Vous comprenez maintenant un peu mieux pourquoi la question liminaire était parfaitement
02:05 à propos.
02:06 Est-ce que c'est normal qu'une journaliste passe une nuit en cellule dans une démocratie ?
02:09 Ce qu'il fut moins, en revanche, c'est la réponse d'Olivier Véran.
02:12 Ce n'est pas le lieu, excusez-moi, pour vous répondre sur cette question.
02:15 Sollicité au terme du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a trouvé
02:19 la question inappropriée pour des histoires de protocole.
02:22 "En fait, c'est la nature de votre question qui n'est pas adaptée au contexte."
02:26 Il n'y a pas répondu, comme si le sujet n'avait pas d'importance, comme si on
02:30 pouvait l'enjamber et le remettre à plus tard.
02:32 Mais, ironie du protocole, j'ai oublié de vous préciser qu'Olivier Véran est
02:35 également ministre.
02:36 Ministre en charge du renouveau démocratique.
02:40 Oui, oui, du renouveau démocratique.
02:42 S'agissant du traitement réservé aux journalistes et à leur source, la démocratie attendra.
02:47 Quant au renouveau, il est pour l'heure empêché, paraît-il, par une question de
02:51 protocole.
02:52 Et merci Bruno !