Révélé en 2015 dans l’émission de Yann Barthès, l’humoriste sort un livre dans lequel il se raconte sous un jour très intime.
Il nous en dit plus dans cette interview vidéo.
Il nous en dit plus dans cette interview vidéo.
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AmusantTranscription
00:00 Se sentir observé, c'est complexe pour se découvrir.
00:02 C'est très compliqué d'avoir des témoins quand on essaie de se comprendre.
00:05 D'autant plus avec une médiatisation qui est arrivée peut-être un peu tôt.
00:07 C'est très particulier que des gens vous connaissent alors que vous ne vous connaissez pas vous-même.
00:12 Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas en fait.
00:15 Quand on voit des gens faire beaucoup de blagues, il y a forcément des choses qui se cachent derrière.
00:20 Ça me fait tellement peur d'embrasser les filles.
00:22 Et il n'y a pas longtemps, j'ai vu une fille que j'aimais vraiment beaucoup.
00:26 Et à la fin du premier rendez-vous, je n'ai pas réussi à l'embrasser.
00:29 J'ai essayé.
00:31 Je pense qu'elle n'a pas compris ce que j'ai fait.
00:34 La première phrase de mon spectacle, c'est "J'ai peur d'embrasser les filles".
00:36 Et j'écris ça parce que je me dis "c'est bizarre, j'ai peur d'embrasser les filles, je ne sais pas pourquoi".
00:40 À aucun moment je l'écris en me disant "peut-être que j'aime embrasser les garçons".
00:42 Et j'ouvre dans le spectacle toute cette question-là de "j'ai peur d'être vulnérable".
00:46 Et pour moi, embrasser une fille, c'est le moment où on est le plus vulnérable de sa vie.
00:48 Ce livre s'ouvre au moment où je commence à peine à cerner que j'aime les garçons.
00:53 C'était dur à comprendre.
00:54 La plus longue période de l'attente, c'était la compréhension.
00:57 Je ne sais pas pourquoi j'ai mis autant de temps à la comprendre.
00:59 Je m'obstinais alors que j'ai grandi dans un foyer qui était très ouvert sur toutes ces questions.
01:03 Je pense que, encore une fois, je voulais être en contrôle de ma propre narration interne.
01:09 Donc ça a été compliqué à comprendre, ça a été très compliqué à dire.
01:12 Une fois qu'on le dit, on ne peut plus revenir en arrière, il y avait quelque chose qui m'effrayait.
01:15 Il y avait une espèce d'impression finale.
01:18 Comme si...
01:20 C'est très bizarre d'être moteur de sa propre définition.
01:22 C'est une grosse responsabilité.
01:24 Donc de dire ces mots à mes proches.
01:30 D'ailleurs c'est marrant, je n'ai jamais dit...
01:32 Au début, je me souviens, je n'ai jamais dit que je suis homosexuel.
01:34 Je disais "j'aime les garçons", je crois.
01:36 Je n'arrivais même pas à dire le mot.
01:38 Et d'ailleurs, je crois que la première fois que je l'ai écrit dans le livre,
01:40 je précise que c'est la première fois que j'ai écrit ce mot.
01:43 Tellement ça m'avait marqué.
01:44 Je me souviens très bien où j'étais le moment où j'ai écrit "homosexuel".
01:48 Ça m'avait tellement marqué.
01:51 Est-ce que ça change d'écrire ?
01:54 Moi je pense que les problématiques sont moins dans un angle mort.
01:57 Ça permet de les mettre devant.
01:58 J'ai l'impression que quand j'écris, je vais chercher des choses dans des coins.
02:03 C'est pour ça que je parle d'oeillères.
02:05 Je vais chercher des choses, comme si je retirais les oeillères,
02:08 et je vais chercher des choses qui sont dans les angles morts.
02:10 Donc ce que ça change, c'est de visualiser,
02:13 de mieux cerner les problématiques qui nous entourent.
02:16 Ces angles morts, c'était autant une entrée dans une grosse dépression,
02:22 qui a été très problématique, qui est une dépression mélancolique, ça s'appelle.
02:24 Qui est une dépression vraiment... C'est un tsunami.
02:27 C'est très complexe.
02:28 Donc ça, c'était...
02:29 Ça a grimpé depuis quelques temps et je ne le voyais pas, je ne voyais pas les signes.
02:32 Ça a été aussi la quête de soi et la recherche de ma sexualité.
02:36 Et ça a été le rapport au père, que j'avais volontairement, pour le coup, enfoui.
02:40 C'est-à-dire qu'à un moment, j'avais compris peut-être que je ne voulais pas me construire
02:43 en fonction de lui.
02:45 Je voulais peut-être me construire en opposition
02:46 et donc j'ai volontairement pris de la distance avec lui.
02:50 J'ai volontairement mis le père et sa problématique dans mon angle mort.
02:53 Et puis j'ai décidé de rapatrier tout ça avec cette écriture.
02:57 C'est un processus qui a pris quatre ans, ce livre.
02:59 Et d'ailleurs, je pensais naïvement que ce serait un second spectacle.
03:02 Et puis j'ai tout relu et je me suis dit, il n'y a pas de blague.
03:05 Donc la question est vite répondue.
03:09 Ce ne sera pas un deuxième spectacle.
03:12 Donc là, je me suis posé la question potentielle du livre.
03:15 Mon père, il a l'ancienne conception de ce que c'est qu'être un homme.
03:18 Pour mon père, être un homme, c'est être quelqu'un de très viril,
03:20 sûr de soi, un peu marrant, un peu dragueur avec les filles,
03:23 mais jamais vulnérable.
03:24 Mon père, il nie deux choses dans la vie.
03:26 Il nie les sentiments.
03:27 Pour lui, ça n'existe pas.
03:29 Et les dos d'âne.
03:31 Ça n'existe pas non plus.
03:33 Pour le spectacle, oui, effectivement, c'était l'eau crasse du fond du puits.
03:35 J'avais l'impression de...
03:36 Enfin, je me définissais comme un puits.
03:38 J'avais l'impression qu'il y avait des choses qui stagnaient au fond.
03:40 Et il fallait l'évacuer pour que l'eau puisse rester potable.
03:43 Là, pour le livre, c'était un peu plus de l'ordre de la survie,
03:49 dans le sens où j'arrivais pas à dormir.
03:52 Et moi, j'écris pour pouvoir dormir.
03:55 Sinon, je bloque sur des idées, comme un fou.
03:57 Je bloque jusqu'à ce que le petit matin arrive.
04:00 Donc, j'ai besoin d'écrire pour évacuer tout ça.
04:03 Donc, la première nécessité, c'était de dormir.
04:08 Ensuite, ça a été de conquérir un espace.
04:10 Parce qu'une fois qu'on rapatrie tout ce qu'on a derrière,
04:12 dans nos angles morts devant, ça devient quelque chose qu'on connaît pas du tout,
04:15 qui nous fait peur, qui est effrayant.
04:17 Et il faut l'organiser pour mieux le connaître.
04:18 Il faut aller chercher dans chaque détail une signification.
04:22 Et donc, ça a été organiser un espace.
04:24 Donc, je suis passé d'un élément qui m'a aidé à dormir,
04:28 qui était vraiment de la survie basique,
04:31 à quelque chose de l'ordre de l'artisanat.
04:33 En fait, c'était essayer de mettre en place, essayer de comprendre.
04:35 Et c'est marrant parce que d'organiser ce livre m'a permis de m'organiser moi aussi.
04:39 Donc, ça m'a appris que j'étais capable de surmonter des choses.
04:43 Il y a un vrai parallèle entre l'écriture du livre
04:45 et la résolution de certaines problématiques dans ma vie.
04:47 Plus j'organisais, plus je résolvais certains problèmes,
04:50 plus j'avais l'impression qu'à l'intérieur, ça s'organisait aussi.
04:53 Donc, il y avait vraiment un parallèle qui était assez saisissant.
04:56 Je pense que ça m'a appris à ne pas avoir peur de rentrer
05:02 dans les problématiques qui m'effraient.
05:03 Plus que le spectacle, ça m'a fait comprendre
05:07 que c'était intéressant de plonger dans certaines personnes,
05:11 de ne plus brandir le contrôle comme étendard.
05:15 Ça m'a appris à être vécu au lieu d'être toujours celui qui doit vivre.
05:18 Je n'ai pas réussi à dormir.
05:20 J'ai fait une grosse insomnie, ça m'a rendu ouf.
05:22 D'ailleurs, arrêtons avec ce terme.
05:25 Insomnie, c'est vraiment un mensonge.
05:27 C'est vraiment un cache-misère qu'on emploie pour ne pas dire la vérité.
05:30 « Tu as une petite mine, Bertrand, en ce moment ? »
05:32 « Oui, mais je fais des petites insomnies, tout va bien. »
05:35 Venez, on dit la vérité.
05:36 Venez, on apprend à dire « c'est vrai, en ce moment,
05:39 c'est parce que j'ai des problèmes dans ma vie,
05:40 mais je suis trop lâche pour y penser en journée. »
05:44 Donc j'y pense le soir et je pleure.
05:48 Et vu que je suis allongé dans mon lit,
05:49 mes larmes coulent dans mes oreilles et j'écoute ma tristesse.
05:53 Dans le livre, il y a deux personnes qui sont très importantes,
05:56 que j'ai appelées la vie et le bonheur, que j'ai voulu personnifier.
06:00 C'était une réelle quête pour pouvoir proposer aux gens
06:03 de se plonger comme ils veulent dans cette histoire.
06:05 Ça m'intéressait plus de les définir par la sensation qu'ils me procurent.
06:08 Donc la vie, c'est une personne qui m'a fait comprendre
06:12 à quel point la vie était importante
06:14 et à quel point être en vie, c'était accepter la frontalité des choses,
06:20 accepter d'être attrapé par les choses.
06:23 C'est-à-dire que j'étais un bloc de granit,
06:25 je pense à cette époque, à l'époque où j'ai rencontré cette personne.
06:27 Je ne laissais pas les choses entrer, je ne laissais pas les choses sortir.
06:30 J'étais impénétrable, imperméable.
06:31 Et cette personne m'a vraiment fait comprendre
06:32 que la vie, c'était une question de fluidité.
06:34 Laisser entrer pour mieux laisser sortir.
06:36 C'était être généreux avec les mouvements en termes d'énergie.
06:39 Et le bonheur, c'est mon copain actuel, c'est la personne avec qui je vis.
06:42 Et c'est...
06:43 Je vais parler du narrateur puisque c'est un récit, mais...
06:47 Et puis ça me permet de prendre de la distance,
06:49 ce qui est plus agréable en interview, mais...
06:50 Ça a permis au narrateur de comprendre que le bonheur était accessible.
06:54 Quand on est atteint de dépression mélancolique,
06:56 on ne produit pas de sérotonine,
06:57 donc le bonheur n'est pas accessible.
07:00 Mais en fait, le bonheur, ce n'est pas que de la chimie.
07:03 C'est aussi une question de confiance, je pense.
07:07 Et le bonheur a amené une zone de sécurité,
07:09 de confiance, au narrateur, à moi-même,
07:12 qui lui permet de s'épanouir un peu plus,
07:15 de se sortir de cette pièce très sombre dans laquelle il est enfermé.
07:19 Je serais très curieux d'avoir l'avis de gens qui écrivent de l'autofiction,
07:22 mais je trouve qu'il y a un doux mélange entre...
07:26 Courage et lâcheté.
07:27 Courage parce qu'on attrape ses problèmes à pleine main,
07:29 et lâcheté parce qu'au lieu de les régler dans notre coin
07:31 et d'en parler avec les gens avec qui il faut en parler,
07:33 on préfère écrire un livre et le proposer à la France entière.
07:36 C'est un mélange très particulier entre les deux.
07:39 Et pour être très honnête avec vous,
07:41 depuis que le livre est sorti,
07:42 j'ai des journées où je me sens fier d'avoir écrit ce livre
07:45 et des journées où je me sens lâche de l'avoir écrit.
07:47 Parce que c'est...
07:48 Mais je pense que c'est le combat avec l'autofiction.
07:50 C'est quelque chose de très particulier.
07:53 On écrit notre histoire.
07:55 Ce n'est pas une autobiographie.
07:57 Ce n'est pas un témoignage.
07:57 Ce n'est pas un journal intime.
07:58 C'est une réelle histoire avec un prisme,
08:00 avec une narration, avec un ordre d'événements très précis.
08:06 Mais ça reflète quand même ma vie.
08:08 Donc c'est très particulier pour...
08:11 Pour dormir.
08:13 Le soir, je me pose des questions.
08:14 [SILENCE]