• l’année dernière
- Grand témoin : Moussa Camara, Président fondateur de l'association « Les Déterminés » et auteur de « Déterminé : comment on s'en sort » (Les presses de la Cité)

LE GRAND DÉBAT / Emmanuel Macron à la messe du Pape : entorse à la laïcité ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Immédiatement après la visite du roi Charles III, c'est désormais le Pape François qui vient en France. Cette fois, il ne s'agit pas d'une visite d'Etat puisque le souverain pontife a expressément souligné qu'il ne se rendait pas en France mais bien particulièrement à Marseille. Pourtant, le Président de la République française assistera à la messe géante organisée au stade Vélodrome. Mais est-ce vraiment sa place ? Quelques jours après l'annonce de Gabriel Attal d'interdire les abayas à l'école, certains dénoncent un deux poids-deux mesures sur les questions de laïcité en France...

Invités :
- Raquel Garrido, députée LFI de Seine-Saint-Denis
- Yaël Goosz, éditorialiste et chef du service politique à France Inter
- Pierre-Henri Tavoillot, philosophe
- Constance Colonna-Cesari, journaliste et réalisatrice indépendante, spécialiste du Vatican

LE GRAND ENTRETIEN / Moussa Camara : non à la fatalité dans les quartiers !
Cinquième d'une fratrie de huit enfants à Cergy-Pontoise, Moussa Camara n'était pas forcément prédestiné à la vie qu'il mène aujourd'hui et qui l'a conduit jusqu'au Président de la République. Choqué par les émeutes de banlieues en 2005, il s'engage pour aider les jeunes à s'émanciper. Cet investissement prendra ensuite la forme d'une association. Depuis 2015, « Les Déterminés » oeuvre pour soutenir les jeunes ayant un projet d'entrepreneuriat. Qu'est-il possible de mettre en place pour améliorer la situation dans les quartiers qui sont parfois délaissés ?

- Grand témoin : Moussa Camara, Président fondateur de l'association « Les Déterminés » et auteur de « Déterminé : comment on s'en sort » (Les presses de la Cité)

LES AFFRANCHIS
- Mariette Darrigrand, sémiologue
- Bertrand Périer, avocat
- Léa Falco, membre du collectif « Pour un réveil écologiqu

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcription
00:00:00 [Musique]
00:00:06 Bonsoir et bienvenue, ravi de vous retrouver dans "Ça vous regarde ?"
00:00:09 Ce soir, comment échapper au déterminisme social ?
00:00:13 Votre parcours, Moussa Kamara, offre une excellente réponse.
00:00:17 Merci d'être notre grand aimant. Bonsoir à vous.
00:00:19 - Bonsoir. - "Déterminer", c'est votre livre,
00:00:22 le titre de votre livre aux presses de la Cité.
00:00:25 C'est l'histoire d'un gamin de Sergie-Pontoise
00:00:27 qui s'en sort peu à peu grâce à la nuaque avant tout,
00:00:29 mais aussi à l'envie d'entreprendre.
00:00:31 Votre association, aujourd'hui, crée des centaines de formations
00:00:35 pour des jeunes, des quartiers, pour créer leur entreprise.
00:00:38 On va en parler, on est à peu près trois mois après les violences urbaines.
00:00:41 Votre regard sur la banlieue nous intéresse, on en parle tout à l'heure.
00:00:44 Mais on commence ce soir par notre grand débat.
00:00:47 Macron à la messe du pape demain à Marseille.
00:00:50 Entorse-t-il la laïcité ou pas ? Précédent ou pas ?
00:00:53 Un président devrait-il faire ça ?
00:00:56 On en débat dans un instant avec nos invités sur ce plateau.
00:00:59 Enfin, les parties prises de nos affranchis.
00:01:02 Ce soir, l'humeur de maître Bertrand Perrier,
00:01:05 le mot de la semaine de Mariette Darrigrand,
00:01:07 et puis une nouvelle venue, une nouvelle chronique, Action Planète,
00:01:10 avec chaque vendredi, Léa Falco.
00:01:12 Voilà pour le menu. On y va.
00:01:14 Moussa Kamara, ça vous regarde, c'est parti.
00:01:16 (Générique)
00:01:27 Ces deux-là se connaissent plutôt bien.
00:01:30 Certains disent même qu'ils se tutoient.
00:01:32 Le pape François et Emmanuel Macron vont donc se retrouver à nouveau à Marseille demain.
00:01:36 Sauf que cette fois, le cadre est bien particulier.
00:01:39 Le président de la République assistera à la messe papa géante au vélodrome.
00:01:44 Est-ce vraiment sa place ?
00:01:46 Raquel Garrido, bonsoir. -Bonsoir.
00:01:48 -Merci d'être là. Vous êtes députée La France insoumise de Seine-Saint-Denis.
00:01:51 Vous débattez ce soir avec Pierre-Henri Travoyot.
00:01:54 Merci à vous d'être là. Visage familier de cette émission.
00:01:57 Philosophe, vous présidez le Collège de philosophie.
00:02:00 Bonsoir, Yael Gauze. -Bonsoir.
00:02:02 -Bienvenue, éditorialiste et chef de service politique à France Inter.
00:02:07 Enfin, bonsoir, Constance Colonna-Césari.
00:02:10 -Bonsoir. -Vous êtes journaliste, autrice et réalisatrice de plusieurs films,
00:02:14 dont des documentaires sur le pape, le dernier en date,
00:02:18 "Les dernières batailles du pape François".
00:02:21 Vous pouvez évidemment réagir, Moussa Kamara.
00:02:24 C'est un débat parfaitement citoyen.
00:02:26 Donc n'hésitez pas à intervenir, interroger nos invités.
00:02:30 Avant de vous donner la parole, on va revenir un peu sur cette polémique.
00:02:33 On plante le décor comme chaque soir.
00:02:35 Il a 300 secondes, c'est le chrono de blague. On la caille tout de suite.
00:02:39 Et je me retourne pour vous accueillir, mon cher Stéphane.
00:02:42 Je vous invite à faire la même chose.
00:02:43 -Bonsoir à toutes et tous. -Bonsoir.
00:02:45 Alors, cette visite ?
00:02:47 -Il faut reconnaître qu'aujourd'hui, en France, Myriam,
00:02:49 plus grand monde ne va à la messe.
00:02:51 Regardez les chiffres. Dans les années 60,
00:02:53 il y avait encore un tiers des Français qui allaient à la messe tous les dimanches.
00:02:58 Aujourd'hui, ils sont 3 % à y aller une fois par mois.
00:03:02 Mais attention, même si la messe n'intéresse plus personne,
00:03:05 en revanche, quand c'est le président de la République qui décide d'aller assister à une messe célébrée par le pape,
00:03:10 là, ça fait immédiatement la une de l'actualité.
00:03:13 Bon, il faut dire que la polémique agite surtout la classe politique
00:03:16 parce que, a priori, les Français ont l'air de trouver ça plutôt normal.
00:03:19 Vous allez voir, 65 % trouvent que c'est normal que Macron aille à cette messe.
00:03:24 Et puis, sur l'autre aspect, est-ce que sa présence brouille le message du gouvernement
00:03:28 sur la défense ou le respect de la laïcité ?
00:03:31 Eh bien, 70 % des Français pensent que non.
00:03:34 Mais bon, vous savez que, en matière de laïcité, chacun a son interprétation.
00:03:38 Pour le président de la République, la laïcité, c'est ce grand principe
00:03:42 qui interdit le port de la baille à l'école mais qui l'autorise à assister à une messe.
00:03:46 Alors que chez les insoumis, c'est l'inverse.
00:03:48 Le grand principe de la laïcité devrait autoriser le port de la baille à l'école,
00:03:52 mais en revanche, devrait interdire au président d'aller à une messe célébrée par le pape.
00:03:56 On écoute Jean-Luc Mélenchon.
00:03:58 Nous sommes une République.
00:03:59 Le président de la République ni aucun élu n'a sa place dans une cérémonie religieuse.
00:04:04 – Aucun élu dans une cérémonie religieuse.
00:04:06 Alors ça, c'est peut-être le grand principe inscrit dans la loi,
00:04:08 mais avec la loi, il faut tenir compte de la jurisprudence.
00:04:10 Et en l'occurrence, l'usage veut que, depuis le début de la Ve République,
00:04:15 aucun président ne s'est jamais interdit de participer à une messe pour une grande occasion.
00:04:19 On peut vous montrer quelques photos souvenirs.
00:04:21 Regardez, certains sont avec les papes.
00:04:24 Là, c'est de gauche, je pense que c'est Paul Schiess,
00:04:26 Giscard avec Jean-Paul II, Chirac à la messe.
00:04:29 Tous y ont été pour une raison ou pour une autre.
00:04:34 Mais je peux même dire que ça ne concerne pas que les présidents de la République.
00:04:38 Regardez, en 96, lors des obsèques de François Mitterrand qui se sont déroulés à Notre-Dame,
00:04:42 célébrés par Mgr Lucier, on voit Jospin, Moroy, Rocart,
00:04:48 tout le parti socialiste était présent à cette cérémonie religieuse.
00:04:53 Donc vous voyez bien qu'eux égards à tous ces précédents,
00:04:56 pour le président Macron, ce n'était vraiment pas très difficile de justifier sa présence à la messe demain au Vélodrome.
00:05:02 On écoute.
00:05:03 J'irai par respect et courtoisie et j'y aurai ma place,
00:05:07 comme d'ailleurs nombre de mes prédécesseurs ont pu y aller.
00:05:11 Je n'aurai moi-même pas de pratique religieuse lors de cette messe.
00:05:15 Mais alors attention, n'allez pas imaginer qu'en faisant ça,
00:05:19 Macron est sûr d'avoir gagné le coup,
00:05:20 parce que ça ne présente pas que des avantages cette visite du Pape pour lui.
00:05:23 En effet, si le Pape est venu, pas en France, il l'a bien préconisé, à Marseille,
00:05:27 c'est pour parler de la situation des migrants en Méditerranée.
00:05:30 Et sur ce sujet, on sait bien que les positions du Pape sont beaucoup plus proches
00:05:34 de celles de Mélenchon que de celles de Macron.
00:05:36 D'ailleurs, Jean-Luc Mélenchon, lui, aime le Pape.
00:05:39 Il avait dit en 2016, c'était le titre qu'il avait donné à un billet sur son blog,
00:05:42 "Vive le Pape".
00:05:43 Il expliquait dans le billet que ses positions sur l'ennemi fait du capitalisme
00:05:48 ou sur l'accueil nécessaire du migrant étaient beaucoup plus proches
00:05:51 de Jean-Paul, pardon, de François, que de l'exécutif en place.
00:05:56 Alors, qui va tirer le plus de bénéfices de cette visite du Pape à Marseille ?
00:06:02 Est-ce que c'est Macron qui ira à la messe ?
00:06:04 Ou est-ce que c'est Mélenchon qui n'ira pas ? Le débat est ouvert.
00:06:07 Merci pour ce billet d'introduction, Stéphane.
00:06:10 Convaincu ou pas, il y a des précédents, Raquel Larrido.
00:06:13 Il ne va pas communier notre président.
00:06:16 Vous l'avez entendu, pas d'eucharistie.
00:06:19 Ça vous pose un vrai problème ?
00:06:22 - Moi, je peux constater que le principe de laïcité, il s'érode.
00:06:27 Il est mal compris, notamment dans la jeunesse.
00:06:30 Moi-même, j'ai des enfants ados.
00:06:33 Et je constate que, par exemple, le monde anglo-saxon,
00:06:37 tous ces jeunes, ils passent leur journée sur Netflix,
00:06:40 ils voient des émissions où, dans les classes, il y a toutes les religions,
00:06:44 tout le monde dans la classe, il y a les filles voilées,
00:06:47 les garçons avec leurs turbans cyc.
00:06:50 Ça pose aucun problème.
00:06:53 Et le regard de méfiance qu'a l'institution scolaire
00:06:57 vis-à-vis de la présence de la religion dans les camps
00:07:00 n'est absolument pas compris par les jeunes.
00:07:03 Et à côté de ça, vous avez un phénomène où des élus,
00:07:06 parce que la participation aux élections, notamment municipales,
00:07:10 s'érode aussi, ont compris aussi que, parfois,
00:07:13 avoir le soutien d'un chef communautaire
00:07:16 qui manipule ou qui maîtrise quelques voix,
00:07:19 ça peut changer une élection.
00:07:21 Donc on a des jeunes qui ne comprennent plus le concept
00:07:24 et qui constatent qu'il y a un monde adulte, des autorités...
00:07:27 -Ils font de la politique pour vous.
00:07:29 -C'est ça, Emmanuel Macron.
00:07:31 -En fonction de la circonscription, certains vont faire le 15 août
00:07:35 avec la Vierge, certains vont à Rochershanna,
00:07:38 certains vont à la rupture du jeûne à l'Aïd.
00:07:41 Et, en fait, finalement, la parole publique
00:07:44 sur ce qu'est la laïcité se perd,
00:07:46 et ce qu'est la laïcité, il faut le rappeler,
00:07:49 c'est la séparation.
00:07:51 C'est la séparation de deux espaces,
00:07:53 un espace public dans lequel on fait de la politique
00:07:56 et qui doit être dépourvu de dogmes religieux,
00:07:59 et un espace privé au sens de ce que nous sommes
00:08:02 dans notre vie privée,
00:08:04 et où, effectivement, il faut une liberté de conscience totale
00:08:08 et la liberté de croire ou de ne pas croire.
00:08:11 -Donc, il y a un torse pour vous.
00:08:13 -Totalement. Le problème, c'est que le président de la République,
00:08:17 il fait comme un maire, il fait du clientélisme,
00:08:20 il voit qu'il y a une superstar qui vient au vélodrome
00:08:23 et il se dit "Pourquoi je n'irais pas à côté de la... ?"
00:08:26 Il vient voler un peu du feu de cette superstar,
00:08:29 et le problème, c'est que ça rend la vie compliquée
00:08:32 à ceux qui, authentiquement, veulent faire vivre la laïcité
00:08:35 dans un espace où nous, comme autorités,
00:08:37 et en branche de l'Etat, parce que la séparation
00:08:40 de l'Eglise et de l'Etat implique de définir c'est qui l'Etat.
00:08:43 Je considère que les élus, nous sommes en branche de l'Etat,
00:08:46 et à partir de là, nous devons nous attriquer
00:08:48 à la neutralité religieuse. -Tricte séparation.
00:08:51 Pierre-Henri Tavoyau, au regard de la loi de 1905
00:08:54 et de la laïcité qui la conçoit,
00:08:56 est-ce que vous partagez la position de Raquel Gallo ?
00:08:59 -Il y a un vrai contresens sur la laïcité,
00:09:01 parce que si on se pose la question de savoir
00:09:03 si la laïcité, c'est pas la religion,
00:09:05 c'est pas du tout la religion. La laïcité permet
00:09:07 la cohabitation des religions. -C'est ce que j'ai dit.
00:09:09 -Non, mais justement, le contraire de la laïcité,
00:09:11 c'est le fondamentalisme, c'est-à-dire la prétention
00:09:13 d'une doctrine religieuse... -Vous dites que c'était
00:09:15 une séparation, vous pensez que c'est une fusion ?
00:09:17 -Je peux terminer ? -En termes de séparation,
00:09:19 c'est de fusion. -C'est le fondamentalisme.
00:09:21 La fondamentalisme, c'est la prétention de tout régenter.
00:09:23 Et donc, dans cette perspective, le fait d'aller
00:09:25 à une cérémonie religieuse, ça ne remet pas du tout
00:09:29 en cause la séparation. Pourquoi ? Parce qu'il n'y va pas.
00:09:33 Les présidents, quand ils vont dans une cérémonie,
00:09:35 n'y vont pas en tant que croyants, en tant que soumis.
00:09:37 Ils y vont comme participants à la vie politique
00:09:41 et en considérant qu'on peut respecter, effectivement,
00:09:43 des communautés. Il y a du clientélisme,
00:09:45 ça, je vous l'accorde, mais je veux dire,
00:09:47 votre parti à l'égard du vote musulman
00:09:49 fait aussi du clientélisme. -Pardon, monsieur,
00:09:51 mais donnez-moi un seul exemple.
00:09:53 Moi, je suis élue de l'Essam Sannini,
00:09:55 je n'ai jamais, jamais mis les pieds
00:09:57 dans un lieu de culte, jamais, en tant qu'élue.
00:09:59 -La question de la baïa... -Restons sur la laïcité
00:10:01 et le pape, c'est le pape. -Je dis un point juste.
00:10:03 Vous voyez, il y a d'autres précédents.
00:10:05 Quand François Hollande, après les attentats,
00:10:08 va dans une synagogue, il porte une kippa.
00:10:11 Quand on visite une mosquée, on enlève ses chaussures.
00:10:14 Ce ne sont pas des signes de dévotion,
00:10:16 ce sont des marques de respect.
00:10:18 -M. Henri Tavoyau, là, il s'agissait,
00:10:20 pour l'hyper-cachère d'une cérémonie,
00:10:22 avec les morts. -Oui.
00:10:24 -Très régulièrement, les chefs d'Etat
00:10:26 vont dans des lieux de culte
00:10:28 quand il y a des catastrophes qui sont aussi nationales.
00:10:31 Là, c'est une messe. On est dans un cadre purement religieux.
00:10:34 -Je suis d'accord. On peut, sur le plan politique,
00:10:36 considérer que ce n'est pas opportun,
00:10:38 mais pas au nom du principe de la laïcité.
00:10:40 Si c'était au nom du principe de la laïcité,
00:10:42 toutes les présences de présidents
00:10:44 dans quelques cérémonies religieuses,
00:10:46 que ce soit à l'occasion des catastrophes,
00:10:48 seraient illicites. -Elles le sont.
00:10:50 A mes yeux, elles le sont. -Je pense que...
00:10:52 -François Hollande qui va... -Rappelez-vous Clémenceau.
00:10:55 -Hollande qui va à la synagogue, c'est illégitime.
00:10:58 -Oui. -C'est illégitime.
00:11:00 -Et Clémenceau... On est en 1918.
00:11:02 Le nombre de millions de morts de la Première Guerre mondiale,
00:11:05 qui est une boucherie, il y a,
00:11:07 pour tous ces millions de morts en Notre-Dame,
00:11:09 une cérémonie, et Clémenceau,
00:11:11 vous voyez... -C'est pas un duel.
00:11:13 -Juste un point, parce que c'est un point important.
00:11:16 -C'est un quoi de soir. -Qu'était l'Eglise en 1918 ?
00:11:19 -Effectivement, il y avait une dimension fondamentaliste
00:11:22 dans l'Eglise catholique.
00:11:24 Oui, bien sûr, il y avait une prétention.
00:11:26 Alors, après, aujourd'hui,
00:11:28 l'Eglise catholique n'a plus cette prétention.
00:11:31 D'ailleurs, de ce point de vue-là, le désaccord est patent
00:11:34 sur les politiques migratoires.
00:11:36 Le contexte a très largement changé.
00:11:38 Le fondamentalisme ne se situe pas du côté de l'Eglise catholique.
00:11:42 Il se situe ailleurs. Il est présent...
00:11:44 -Allez. -Vous voyez la différence
00:11:46 de contexte ? -Vous différenciez entre
00:11:48 certaines religions ou non,
00:11:50 à l'application du principe. -Le contexte.
00:11:52 -Non, entre le fondamentalisme...
00:11:54 -C'est un discours hypocrite. -Entre le fondamentalisme
00:11:57 et la religion. -Le débat est tranché,
00:11:59 et c'est très net. C'est pour ça qu'on vous a invitées.
00:12:02 Vous n'êtes pas d'accord.
00:12:04 Ceux qui nous regardent, nous suiseront.
00:12:06 -Il n'y a pas le mot "laïcité". -Il y a le mot "religion".
00:12:09 -Il n'y a pas le mot "culte" dans la loi de 1905.
00:12:12 La loi ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte.
00:12:15 -Est-ce qu'on a un président qui subventionne un culte ?
00:12:18 -Vos observations sur le degré d'incertitude
00:12:21 ou sur le degré d'intensité...
00:12:23 -Vous confondez la neutralité et la neutralisation de la société.
00:12:26 -Raquel Garrido, vous n'êtes pas d'accord
00:12:28 que vous allez monopoliser la parole.
00:12:30 C'est moi qui la distribue. -Je vais trouver une 3e voie.
00:12:33 -Déjà, qu'est-ce qui a précédé la décision d'Emmanuel Macron ?
00:12:37 -Il n'y a pas d'atteinte à la laïcité dans cette démarche.
00:12:40 Pour deux raisons. Le Conseil d'Etat distingue
00:12:43 l'agent public qui doit respecter cette neutralité absolue
00:12:47 de l'élu qui a une liberté,
00:12:49 un principe de liberté qui préside pour l'élu.
00:12:52 L'élu et l'agent public, c'est pas la même chose.
00:12:55 Deuxième chose, là où l'Elysée s'en sort,
00:12:58 dans cette polémique,
00:13:00 c'est qu'il y a le chef temporel du Vatican,
00:13:03 le chef d'Etat politique et représentant d'un Etat,
00:13:06 le Vatican, comme Macron représente la France,
00:13:09 et le chef spirituel, décatholique.
00:13:11 Macron dit quoi ? "Je vais voir mon alter ego,
00:13:14 "chef d'Etat." -Qui l'écoutera ?
00:13:16 -C'est là où l'ambiguïté arrive.
00:13:19 Il y a le citoyen Macron qui, on le sait,
00:13:22 est assez... Comment dire ?
00:13:24 A une relation très particulière à la religion.
00:13:27 Ses conseillers disent de lui qu'il est
00:13:30 une sorte de mystique agnostique et mystique en même temps,
00:13:34 spiritualiste-agnostique.
00:13:36 A 12 ans, il se fait baptiser,
00:13:38 on va y revenir sur son parcours, le Collège des Jésuites.
00:13:41 C'est là où il est à la Providence, à Amiens.
00:13:44 Il est très imprégné de ce rapport à la religion.
00:13:47 Ce qui m'interroge le plus, fait-il de la politique ou pas,
00:13:51 c'est l'accumulation de signaux en quelques semaines,
00:13:54 de signaux envers les catholiques de France.
00:13:57 -Lesquels ? -La semaine dernière,
00:13:59 une collecte a été lancée, un loto du patrimoine religieux
00:14:03 pour sauver entre 2 500 et 5 000 églises
00:14:06 en péril à travers la France.
00:14:08 Les communes n'ont plus les moyens de les financer,
00:14:11 de les rénover, les toitures, etc.
00:14:13 Il y a eu ça, il y a dix jours.
00:14:15 Avant ça, on en parlait, on va pas refaire le débat,
00:14:18 mais l'Abaya, qui est aussi un signal de dire
00:14:21 que ça vise plus les musulmans qu'une autre religion.
00:14:25 Donc vous avez une accumulation de signaux,
00:14:28 et plusieurs fois, depuis six ans,
00:14:30 Emmanuel Macron a montré son empathie.
00:14:33 Il a même failli un jour, à la messe,
00:14:36 d'hommage à Johnny et à la Madeleine,
00:14:38 sortir le goupillon.
00:14:39 Au dernier moment, il a dit qu'il allait pas faire le signe,
00:14:42 parce que c'est le chef d'Etat.
00:14:44 Mais voilà, ça affleure, c'est toujours là,
00:14:47 et parfois, on ne sait pas quelle est la part
00:14:50 de recherche d'une relation politique
00:14:55 à une certaine France, dont il a besoin de ne pas se couper.
00:14:59 Il y a tout ça qui est en gère.
00:15:01 Cette messe refait ressortir tout ça.
00:15:03 -On voulait vous montrer ce son plus tard,
00:15:05 mais puisque vous en parlez, Yael Ghos,
00:15:07 l'épouse de la fille d'Emmanuel Macron à la laïcité,
00:15:10 on l'a vue, par exemple, je vais vous montrer,
00:15:12 c'était lors de sa première visite au Vatican,
00:15:15 c'était un an après son élection, en 2018.
00:15:18 Il reçoit le titre de chanoine de latran,
00:15:21 c'est son droit, François Hollande ne l'avait pas fait,
00:15:24 et regardez, en la basilique Saint-Jean-de-la-Tran,
00:15:28 à Rome, donc, la cérémonie religieuse,
00:15:31 avec les yeux au ciel,
00:15:34 les époux Macron, Brigitte,
00:15:37 qui, on le voit, est imprégnée par cette cérémonie,
00:15:42 et c'est vrai, cette question, dans des images comme ça,
00:15:47 du rapport à la laïcité, c'est un droit de prendre ce titre.
00:15:50 On va entendre aussi d'autres discours plus tard
00:15:53 sur la question d'un lien abîmé entre l'Etat et l'Eglise,
00:15:56 c'était dans un autre discours.
00:15:58 Quel est ce rapport qu'il a, ce président-là ?
00:16:02 -On a vu ça, par exemple, Nicolas Sarkozy l'avait fait également,
00:16:06 c'est pas une obligation, chaque chef d'Etat interprète
00:16:09 sa relation avec l'Eglise catholique,
00:16:12 et non pas là, le Saint-Siège, c'est différent.
00:16:16 Moi, je crois, contrairement aux voix qui se sont exprimées,
00:16:19 contrairement à Jean-Luc Mélenchon,
00:16:21 mais contrairement aussi à la réponse qu'a apportée
00:16:24 Emmanuel Macron lui-même à cette polémique,
00:16:27 que justement, c'est une autre interprétation de la laïcité
00:16:30 qu'il faut invoquer là, c'est-à-dire que la garantie
00:16:33 de neutralité, de liberté absolue à chaque citoyen
00:16:38 de vivre sa foi, son culte, d'aller ou non à l'Eglise,
00:16:42 à la synagogue, à la mosquée, c'est finalement une liberté
00:16:46 qui est autorisée aux citoyens, Emmanuel Macron lui-même.
00:16:51 Donc, je vois pas pourquoi la polémique...
00:16:53 -Ca, c'est difficile, il est chef d'Etat.
00:16:55 -Pas du tout. -On peut segmenter.
00:16:57 -La fonction de chef d'Etat ne lui enlève pas ses droits de citoyen.
00:17:01 Il a eu tort de répondre que c'est en tant que chef d'Etat
00:17:04 qu'il y allait, c'est en tant que citoyen
00:17:06 qu'il a le droit d'être là. -D'autant qu'il prend
00:17:08 un risque politique important. -C'est autre chose.
00:17:11 -Parce que là, si, dans son entretien avec le pape,
00:17:14 ou même si le message, lors de l'office religieux à la messe,
00:17:17 est vraiment un message d'accueil, de solidarité, d'humanité,
00:17:22 il risque d'y avoir un contraste avec Emmanuel Macron.
00:17:25 -Oui, il y a des tensions, de toute façon,
00:17:27 là, entre le Saint-Siège et la France,
00:17:29 sur des questions politiques, pas seulement l'immigration,
00:17:32 l'accueil des migrants, mais aussi la détention
00:17:35 des armes nucléaires, puisque le Vatican a signé le fameux traité
00:17:39 interdisant la détention même des armes nucléaires.
00:17:42 -Sur la question économique et l'inégalité.
00:17:44 -Sur la question du suicide assisté.
00:17:46 Donc, il y a de toute façon des questions du fâche.
00:17:49 Et Emmanuel Macron veut faire la photo avec le pape François,
00:17:53 c'est clair, comme beaucoup de chefs d'Etat de la planète,
00:17:56 il le fera, mais c'est en effet assez dépendant.
00:17:59 -Pour bien comprendre, Jean-Luc Mélenchon dit dans un tweet
00:18:02 qu'il tape l'incruste. C'est vrai ou pas ?
00:18:04 -Non, il y a...
00:18:05 -Il s'est invité, c'était pas programmé.
00:18:08 -J'ose la comparaison. La finale perdue au tir au but à Moscou,
00:18:14 par Moscou, ou Saint-Pétersbourg, je sais plus,
00:18:16 la finale du Mondial, bref, quand il va sur le terrain
00:18:19 chercher à doubler, mettre la main, faire le geste
00:18:22 quasi religieux sur Kylian Mbappé en disant "tu as perdu,
00:18:25 "mais tu es brillant, tu es beau, tu es fort",
00:18:27 au Qatar, pendant que je disais... -Au Qatar, voilà.
00:18:30 -C'est 2018, excusez-moi. Il recherche l'image,
00:18:33 il cherche l'événement pour se coller à l'image.
00:18:35 L'incruste, je laisse à Jean-Luc Mélenchon
00:18:37 la paternité de cette expression, mais évidemment,
00:18:40 il va chercher la photo. -Mais en coulisses.
00:18:42 C'est vrai que c'est l'Elysée qui a organisé cette venue ?
00:18:45 -C'est la quatrième fois en six ans qu'un président
00:18:47 de la République française va voir le pape en tête à tête.
00:18:50 C'est jamais arrivé. C'est vraiment une recherche
00:18:53 de proximité à double tranchant, parce que plus il cherche
00:18:56 la photo, voire le tutoiement, il y a un débat pour savoir
00:18:59 s'il a vraiment tutoyé, c'est pas sûr,
00:19:01 plus il cherche la photo... -Il est tout moelleux, maintenant.
00:19:04 -Plus il cherche la photo à la proximité,
00:19:06 et plus cela agace aussi le Vatican,
00:19:09 parce qu'au Vatican, on n'est pas d'accord sur plein de choses.
00:19:12 On peut lister tous les sujets. La loi séparatisme.
00:19:15 -La France hypocrite. -La PMA pour toutes,
00:19:17 la fin de vie, on en reparlera, la fermeture des églises
00:19:20 pendant la pandémie. Donc, quelque part, c'est un espèce
00:19:23 de baiser à double tranchant pour les deux.
00:19:26 Et ce qu'on disait sur la recherche de l'événement,
00:19:29 effectivement, Emmanuel Macron a besoin, il se dit,
00:19:32 là, il y a le vélodrome, il y a le défilé sur le Prado,
00:19:36 ce sont des moments tout comme Charles III.
00:19:39 Il a besoin de se régénérer en popularité
00:19:41 à travers des événements marquants.
00:19:43 -De son côté, le pape François, son entourage,
00:19:45 il ne vient pas en France, il vient à Marseille, en Provence.
00:19:48 -Voilà, ça, il l'a dit. -Porte de la Méditerranée.
00:19:51 -Pourquoi ? Parce que c'est une géographie
00:19:53 des voyages du pape François. Il a commencé à Lampedusa
00:19:56 en 2013, c'est pas un hasard, Lampedusa.
00:19:58 A l'époque, on disait que c'était une prophétie,
00:20:01 parce que c'est deux ans avant la crise des migrants.
00:20:04 Il va là, c'est son premier choix de voyage.
00:20:06 Avant, il était allé à Rio, mais Rio, c'était les JMJ,
00:20:09 donc c'était un agenda du prédécesseur.
00:20:12 Il va à Lampedusa, il fait le tour du bassin méditerranéen,
00:20:16 que dans des petits pays, des périphéries.
00:20:19 Il déteste finalement les capitales arrogantes, riches,
00:20:23 et notamment les places européennes.
00:20:25 Il va pas à Bruxelles, il va pas à Madrid,
00:20:27 il va pas à Londres, il va pas à Paris.
00:20:29 Non, il a des choix qui sont ses objectifs,
00:20:32 cette espèce de croisade qu'il a lancée,
00:20:35 en se disant l'injustice.
00:20:37 Aujourd'hui, la vraie tragédie, c'est cette Méditerranée
00:20:40 qui est devenue un grand cimetière.
00:20:42 -En coulisses, il y a eu une bataille d'agenda,
00:20:45 de protocoles depuis dix jours, on vit là-dessus,
00:20:48 sur comment Macron a cherché à multiplier
00:20:50 les rendez-vous privilégiés avec le pape,
00:20:52 qui au départ ne voulait aller qu'aux rencontres méditerranéennes.
00:20:56 -C'est la réussite d'un archevêque fait cardinal l'année dernière,
00:21:01 qui obtient ce cadeau suprême de faire venir le pape,
00:21:05 d'inscrire Marseille dans cet événement
00:21:08 des rencontres méditerranéennes qui ont eu lieu à Paris et à Florence
00:21:12 dans les années précédentes,
00:21:14 et qui réussit en plus à garder le pape deux jours.
00:21:17 -Le pape dit "je vais à Marseille",
00:21:19 et Emmanuel Macron lui dit "tu viens en France, pas à Marseille".
00:21:23 Il lui a même proposé de venir à Paris,
00:21:25 de faire une petite étape à Paris.
00:21:27 -Il a tout essayé.
00:21:28 -Il lui avait proposé, lors d'une conférence Zoom un peu pathétique,
00:21:32 au téléphone, filmé, où Emmanuel Macron disait au pape
00:21:36 "mais venez, Saint-Père", et le pape lui répondait
00:21:39 "mais vous savez que c'est la pandémie, on ne peut pas voyager".
00:21:43 -Moussa Kamara, ça m'intéresse d'avoir votre regard.
00:21:46 On a pu lire certaines tribunes des grands historiens,
00:21:49 Jean-Noël Jalnet, dans "Le Monde", dire "attention,
00:21:52 il pourrait y avoir le sentiment d'une inégalité de traitement,
00:21:56 d'une forme d'injustice à l'égard des musulmans",
00:21:59 il les citait, à voir comme ça le président
00:22:02 dans cette grande cérémonie papale au Vélodrome,
00:22:05 là où il se fait, c'est vrai, plus discret,
00:22:08 et d'autres, voilà, la citation, je vous laisse la découvrir,
00:22:11 "sentiment d'une insupportable inégalité de traitement".
00:22:14 Qu'est-ce que vous en pensez ?
00:22:16 -Moi, ce que je pense, j'ai écouté les débats,
00:22:19 les avis se partagent, moi, je suis comme la plupart
00:22:22 des Français sur le sondage, moi, cette visite
00:22:25 ne me choque pas du tout, pour la simple raison
00:22:28 qu'il a dit qu'il allait en tant que chef d'Etat,
00:22:31 mais en tant que chef d'Etat ou en tant que citoyen,
00:22:34 c'est l'avenir du pape.
00:22:36 Le pape, pour moi... -C'est le pape.
00:22:38 -C'est... Depuis tout petit, je suis pas de la même confession
00:22:41 que du pape, mais c'est le pape.
00:22:43 Pour nous, c'est un personnage mondial et international.
00:22:46 Après, c'est vrai que par rapport aux débats autour de la laïcité,
00:22:49 on n'y comprend plus rien, du débat de la laïcité.
00:22:52 Beaucoup de jeunes, vous leur posez la question
00:22:55 de ce que c'est la laïcité, ils savent pas du tout.
00:22:58 C'est des débats, pour nous, de plateau télé,
00:23:01 mais en vrai, il faut revenir à cette pédagogie.
00:23:04 La laïcité, pour moi, c'était un beau projet,
00:23:07 mais aujourd'hui, c'est un terme qui est devenu très politique
00:23:10 où parfois, on peut utiliser cette laïcité pour montrer du doigt
00:23:13 certaines religions, pour dire qu'ils ne sont pas
00:23:16 dans les clous de la République, etc.
00:23:19 C'est là où il y a un vrai travail à faire,
00:23:22 d'explication, de sensibilisation, de poser les choses,
00:23:25 parce qu'aujourd'hui, on sait que les débats
00:23:28 autour de la laïcité, dans la société dans laquelle on est,
00:23:31 c'est des débats clivants. Comment on arrive à retrouver
00:23:34 un sujet d'apaisement autour de la laïcité ?
00:23:37 -On l'a vu, à l'instant. -C'est ce qui nous permet
00:23:40 d'être ensemble. Je le vois dans tout ce que je fais.
00:23:43 À travers toute la France, on a des gens qui viennent
00:23:46 de partout, de toute origine, de toute religion,
00:23:49 et on se demande pas qui ils sont, qu'est-ce qu'ils veulent faire.
00:23:52 -Est-ce qu'il y a un échec de la pédagogie,
00:23:55 de la compréhension ? -On est dans une situation,
00:23:58 et le débat qu'on a eu tout à l'heure, vigoureux,
00:24:01 c'est qu'il y a deux conceptions de la laïcité qui s'affrontent.
00:24:04 Il y a une conception anglo-saxon et une conception française.
00:24:07 Pour le dire d'une image, elle m'est venue quand un étudiant
00:24:10 texan me posait la question. L'idée du saloon m'est venue.
00:24:13 Il y a deux types de saloon. Dans l'ouest américain,
00:24:16 il y a les saloons où c'est écrit "veuillez ôter votre colt
00:24:19 quand vous rentrez dans le saloon", puis il y a un deuxième
00:24:22 où on dit "vous pouvez rentrer dans le saloon avec votre colt,
00:24:25 "mais sachez que tout le monde a un colt".
00:24:28 C'est exactement les deux modèles. Vous remplacez colt par religion.
00:24:31 On peut rentrer avec la religion dans l'espace public
00:24:34 parce que tout le monde a une religion, et c'est une logique.
00:24:37 C'est bizarre que vous la défendiez, mais c'est une logique
00:24:40 un peu néolibérale. -Je défends exactement le contraire.
00:24:43 Je défends la scène où on laisse le colt dehors.
00:24:46 -Je crois pas, parce que vous dites que c'est les jeunes...
00:24:49 -C'est un discours à vous sur le relativisme et la défense
00:24:52 de Macron à la messe, d'aboutir à ce que finalement,
00:24:55 que ce soit la vision de tout le monde...
00:24:58 -On peut pas opposer la question de l'école et Macron à la messe.
00:25:01 C'est deux choses très différentes. -Enlevez la baïa
00:25:04 quand vous rentrez à l'école. -Je voulais pas parler de la baïa.
00:25:07 -Le colt, c'est la religion. Est-ce qu'on rentre
00:25:10 dans l'espace public avec sa religion ou on la laisse à l'entrée ?
00:25:13 -Je suis pour la loi 2004, je suis pas pour que la religion
00:25:16 soit la loi, j'ai pas dit le contraire. Je suis sur la même position que vous,
00:25:19 je pense que le président n'a pas les mêmes droits
00:25:22 en tant que citoyen et en tant que chef d'Etat.
00:25:25 -C'est pas ce qu'elle a dit. -C'est l'inverse.
00:25:28 -Vous avez dit qu'en tant que citoyen, il avait le droit à sa pratique.
00:25:31 -Un chef d'Etat est un citoyen. -Oui, mais...
00:25:34 -Un citoyen visible. -Mais peu importe.
00:25:37 -Il n'y a pas d'interdiction. -C'est très important dans la laïcité
00:25:40 de nous séparer, et c'est très difficile. Dans la laïcité,
00:25:43 la laïcité nous impose à tous de faire la séparation
00:25:46 entre des espaces différents. Quand je suis dans l'espace public,
00:25:49 même en tant qu'agent, je suis la même personne physiquement.
00:25:52 -Non, mais... -Quand je fais... Pardon.
00:25:55 -Vous voulez en dire... -Si je participe au baptême
00:25:58 de mes petits-enfants... -C'est la conclusion.
00:26:01 -Laissez-moi terminer, pour les téléspectaculaires.
00:26:04 -Terminez rapidement, s'il vous plaît. -Le fonctionnaire public...
00:26:07 -Il y a trois espaces. -Laissez-moi terminer.
00:26:10 -C'est un espace qui doit se rendre à la neutralité religieuse.
00:26:13 C'est la même personne quand il va au baptême de son enfant.
00:26:16 Il ne change pas de personne. -Il a des questions différentes.
00:26:19 -Pourtant, ici, dans cet espace-là, il a absolument le droit
00:26:22 d'exercer sa religion, c'est la liberté de culte,
00:26:25 c'est la liberté de conscience. Il est citoyen, il a le droit à ça.
00:26:28 Ici, il est dans son lieu de travail, la fonction publique,
00:26:31 il n'a pas le droit. C'est la même chose qui s'applique,
00:26:34 selon moi, à Emmanuel Macron. C'est pourquoi il avait peut-être
00:26:37 le droit d'aller à cette messe en tant que simple citoyen.
00:26:40 Là-dessus, je serais plutôt d'accord avec vous.
00:26:43 -Mais il s'engage comme chef d'Etat. -Il dit qu'il y va en tant que chef d'Etat
00:26:46 parce qu'effectivement, il a un problème. -Vous répondez là-dessus
00:26:49 sur les différentes sphères. Il n'y a pas deux sphères,
00:26:52 publiques et privées, mais trois, selon vous.
00:26:55 -En fait, trois sphères, c'est là où il y a une différence.
00:26:58 Il y a la sphère privée, oui, liberté, il y a la sphère publique,
00:27:01 neutralité, et puis il y a une autre sphère, la sphère civile,
00:27:04 le travail. Dans cette sphère, il y a un principe,
00:27:07 pas un principe juridique, c'est le principe de la discrétion.
00:27:10 On respecte, on ne s'efface pas... -Ce que vous dites n'existe pas
00:27:13 dans le droit. -Non, je suis en train de vous dire que ce n'est pas du droit,
00:27:16 c'est du vivre ensemble. -Vous avez créé une règle.
00:27:19 -Non, ce n'est pas une règle. -Sans légitimité pour le faire.
00:27:22 -Vous parlez de règle juridique. La laïcité, ce n'est pas du droit.
00:27:25 La laïcité, c'est un art de vivre. -C'est passionnant,
00:27:28 parce que ça montre à quel point la compréhension,
00:27:31 l'acception de la laïcité, la lettre et l'esprit de la loi
00:27:35 peuvent être parfois un peu éloignés. Je voudrais qu'on revienne
00:27:38 à Emmanuel Macron. Est-il un fervent laïc ?
00:27:41 Par exemple, quand il dit ça, et là, je vous rappelle
00:27:45 un petit peu le discours des Bernardins devant les évêques de France,
00:27:49 c'était il y a quelques années, écoutez, est-ce qu'il est vraiment laïc
00:27:52 quand il dit ça ?
00:27:54 -Pour nous retrouver ici ce soir, Monseigneur, nous avons sans doute,
00:27:58 vous et moi, bravé les sceptiques de chaque bord.
00:28:02 Et si nous l'avons fait, c'est sans doute que nous partageons
00:28:07 confusément le sentiment que le lien entre l'Église et l'État
00:28:11 s'est abîmé et qu'il nous importe à vous comme à moi de le réparer.
00:28:15 -Voilà, la réparation d'un lien abîmé.
00:28:18 Attention, la séparation, c'est là.
00:28:20 -Entre l'Église, pas une église et pas de toutes les églises.
00:28:23 -L'Église. -L'Église catholique.
00:28:25 -On est dans cette ambiguïté continue qui, à mon sens,
00:28:29 est moins une question de laïcité pure que de recherche d'un lien
00:28:34 avec une France qui décroche politiquement de celle
00:28:38 que lui a voulu incarner. Il y a des piqûres de rappel
00:28:41 où il ne veut pas s'éloigner de cette France-là.
00:28:44 Quand il parle à Valeurs Actuelles d'immigration,
00:28:47 c'est évidemment un signal envoyé, certains diront,
00:28:50 une triangulation politique pour aller chercher un électorat
00:28:53 ou un électorat, c'est vraiment ça.
00:28:55 -Il ne fait que de la politique, mais on voit...
00:28:58 -Non, il ne fait pas que de la politique.
00:29:01 -Il est très sincère, dans ce discours.
00:29:03 -C'est le citoyen mystique qui s'exprime aussi.
00:29:06 Bien sûr qu'il y a ça. Je vous disais, ce moment,
00:29:09 ce geste volé, enfin, ce geste arrêté au dernier moment,
00:29:12 le goupillon à la messe de Johnny,
00:29:14 là, effectivement, tout était dit dans ce geste raté,
00:29:17 on le revoit à un moment donné,
00:29:19 cette hésitation qui disait beaucoup de choses
00:29:22 sur Emmanuel Macron et aussi qui accentue le contraste
00:29:25 avec ses prédécesseurs, notamment avec François Hollande,
00:29:28 qui, lui, n'en avait strictement rien à faire.
00:29:31 -Quand on voit, et on le voit sur ce débat,
00:29:34 à quel point ce concept de laïcité, ce principe constitutionnel
00:29:38 de laïcité est difficilement partagé, compris,
00:29:41 est-ce que vous trouvez que le chef de l'Etat participe
00:29:44 à la clarification ? -En allant à la messe au Vélodrome ?
00:29:47 -Depuis le début. -Sur le mois écoulé,
00:29:50 il brûle le message. Sur 6 ans, il faut relativiser,
00:29:53 mais sur le mois écoulé, il brûle le message.
00:29:56 -Avec des événements, vous avez rappelé des faits,
00:29:59 par exemple, le soutien au patrimoine religieux en France,
00:30:02 ça s'appelle les chantiers du cardinal, c'est une vieille tradition,
00:30:06 la France entretient les églises. -Je vous dis pas le contraire.
00:30:10 -C'est la loi de 1905. -Je dis juste que ça envoie,
00:30:13 depuis la rentrée, en 3 semaines, des signaux.
00:30:16 -Ca, c'est pas un signal. Si l'Etat n'était pas là
00:30:19 pour garantir la préservation de ce patrimoine,
00:30:22 il n'y aurait plus d'église en France et on le déplorerait.
00:30:25 Là, il fait son boulot de chef de l'Etat.
00:30:28 Quand il parle au Bernardin, là, on sent que c'est plus personnel
00:30:32 et qu'en effet, on ne peut pas la laïciter,
00:30:35 c'est pas le refus de relations entre l'Eglise et l'Etat.
00:30:38 Elles ont des relations, les Eglises, avec notre Etat,
00:30:42 et en effet, c'est son interprétation abîmée
00:30:45 parce qu'il reconnaît dans ce discours,
00:30:48 c'est intéressant, la place des associations catholiques,
00:30:51 pas simplement de la hiérarchie, du clergé, des fidèles,
00:30:55 mais toutes ces structures qui mettent la main à la patrie.
00:30:58 -Comme un interlocuteur de l'Etat.
00:31:00 -Voilà, qui font plein de choses sur le terrain,
00:31:03 dans le dialogue interreligieux.
00:31:05 -Avec une hyperprudence sur l'école privée.
00:31:08 Emmanuel Macron n'a pas soutenu
00:31:10 la création de mixité scolaire dans les écoles privées
00:31:13 en échange des fonds publics
00:31:15 qui alimentent les écoles privées catholiques.
00:31:18 Il n'a pas réussi, enfin, il n'a pas voulu
00:31:21 rentrer dans ce combat scolaire-là à nouveau.
00:31:24 -Je vous propose... -Ce sont des signaux.
00:31:27 -En tout cas, c'est passionnant,
00:31:29 parce qu'on voit bien que le décryptage d'Emmanuel Macron
00:31:32 est un sport en soi.
00:31:34 On va s'intéresser à la figure de François,
00:31:37 à présent, 10 ans de pontifiqua, déjà,
00:31:40 avec clairement des prises de position,
00:31:43 bien dit, très politiques, sur les migrants, le climat,
00:31:46 les inégalités, progressistes, voire gauchistes.
00:31:49 C'est un sujet de Marion Becker.
00:31:51 -En pleine crise migratoire,
00:31:59 cette visite papale est celle d'un pape politique.
00:32:02 Défendre les migrants est une cause
00:32:05 qu'il porte depuis son intronisation, il y a 10 ans,
00:32:08 avec une parole engagée.
00:32:10 Frèchement élu, il se rend déjà très vite à Lampedusa,
00:32:14 au chevet des migrants africains, pour défendre leur cause.
00:32:18 -J'ai ressenti le besoin de venir prier ici,
00:32:24 par solidarité, mais aussi pour réveiller les consciences,
00:32:30 pour que cela ne se reproduise plus, plus jamais.
00:32:39 -Dès lors, il se rendra régulièrement au chevet des migrants,
00:32:43 au Mexique, à la frontière américaine, à Lesbos, en Grèce.
00:32:47 Il appelle inlassablement les dirigeants à accueillir les réfugiés.
00:32:51 C'est la pierre angulaire de son pontifica.
00:32:54 Le pape s'est également engagé sur l'écologie
00:32:57 pour défendre la planète.
00:32:59 En 2015, il publie le "Laudato si",
00:33:02 une encyclique pour alerter sur les causes humaines
00:33:05 du changement climatique.
00:33:07 Une première pour l'Eglise.
00:33:09 -On ne sort pas d'une crise de la même manière.
00:33:13 On en sort meilleure ou pire.
00:33:15 C'est le défi.
00:33:17 Et si nous n'en sortons pas meilleure,
00:33:20 nous sommes sur la voie de l'autodestruction.
00:33:23 -François, c'est aussi le pape qui revendique la modestie
00:33:27 et a remis l'Eglise au service des pauvres.
00:33:30 Il reste cependant conservateur sur le plan doctrinal,
00:33:34 sur les questions familiales et éthiques liées à la vie.
00:33:38 Il est ouvertement opposé à l'euthanasie
00:33:41 et au suicide assisté.
00:33:43 -Raquel Garrido, vous l'adorez, ce pape ?
00:33:47 -Je constate qu'il y a de quoi entretenir
00:33:50 un dialogue diplomatique et politique avec ce pape.
00:33:53 C'est quand même très intéressant,
00:33:55 un pape latino-américain, argentin,
00:33:57 qui trouve une source dans la théologie de la libération,
00:34:00 le Parti pris des pauvres,
00:34:02 qui renoue s'agissant des...
00:34:04 Enfin, "renoue".
00:34:06 Toutes les religions sont matricées par le principe d'hospitalité.
00:34:10 L'hospitalité est un principe fondamental
00:34:13 dans toutes les philosophies humaines et dans toutes les religions.
00:34:17 Ce qui est frappant de constater, c'est à quel point
00:34:20 les régimes juridiques, les gouvernements,
00:34:23 quand ils ne veulent plus mettre en oeuvre ce principe,
00:34:26 philosophique, théologique, sont obligés de faire des lois
00:34:29 qui organisent l'accueil. Vous prenez l'Italie,
00:34:32 il y a le maire de Riace, Mimolo Cano,
00:34:34 qui avait organisé... Les gens étaient échoués
00:34:37 sur les plages de sa commune en calabre.
00:34:39 Donc il les a accueillis, les a mis au boulot, etc.
00:34:42 C'est un modèle économique qui a fait renaître son village rural.
00:34:45 Mais il a été puni par la loi italienne,
00:34:47 condamné à 10 ans de prison. Il est encore à l'appel.
00:34:50 -Politiquement, il faudrait que la voix du pape porte
00:34:53 sur le débat public ? -Bien sûr.
00:34:55 -Vous l'êtes députée ? -En fait, spontanément,
00:34:58 les gens ont l'hospitalité comme matrice.
00:35:01 Il faut toute une société, il faut une injonction
00:35:04 pour réduire l'hospitalité.
00:35:06 Et finalement, de ce point de vue,
00:35:08 c'est pas spécialement le pape latino-américain
00:35:11 de la théologie de la libération sur l'immigration.
00:35:14 Sur l'immigration, c'est quelque chose, à mon sens,
00:35:17 beaucoup plus profond que l'on entend
00:35:19 et qui est aussi un attachement à la vie.
00:35:21 C'est vrai que la Méditerranée est un cimetière
00:35:24 et que même désormais, on appelle nécropolitique
00:35:27 la façon que l'a l'Union européenne
00:35:29 de gérer l'immigration, ou plutôt de gérer l'accueil.
00:35:32 La crise que nous vivons n'est pas fondamentalement
00:35:35 une crise de l'immigration, mais de l'accueil.
00:35:38 On a besoin de tarir les raisons pour lesquelles
00:35:41 les gens fuient leur pays.
00:35:43 On a tous envie de vivre dans son propre pays.
00:35:46 Quand ce n'est pas le cas, il faut savoir accueillir dignement.
00:35:50 -C'est intéressant, ces échos entre le pape et la France insoumise.
00:35:54 "Vive le pape", dit Jean-Luc Mélenchon.
00:35:56 -Je suis fasciné de voir à quel point ce pape
00:35:59 hystérise les plus cléricaux des politiques français.
00:36:02 "Reconquête", "Rassemblement national",
00:36:04 il exaspère Marion Maréchal,
00:36:06 il insupporte Éric Zemmour.
00:36:08 Zemmour invente même des citations
00:36:10 qui n'existent pas de Saint-Augustin.
00:36:12 "On ne peut pas faire le bien jusqu'au mal."
00:36:14 Personne n'a jamais retrouvé cette citation de Saint-Augustin
00:36:17 pour dire que le pape François est beaucoup trop politique
00:36:20 et fait du tort aux Européens
00:36:22 à force de vouloir ouvrir les frontières et promouvoir l'asile.
00:36:26 C'est assez fascinant de voir que le spectre politique français
00:36:29 le plus traditionnaliste est en guerre politique.
00:36:32 -Les Insoumis ont failli participer à l'agenda du pape.
00:36:35 -Les Insoumis ont failli participer
00:36:37 à un moment de recueillement avec le pape près de Notre-Dame de la Garde,
00:36:41 Bonne-Mer, à Marseille, une stèle dressée en hommage
00:36:44 aux disparus en mer, marins et migrants.
00:36:46 Et puis, finalement, non, on ne se mélange pas.
00:36:49 Il y aura une cérémonie à part et laïque des Insoumis
00:36:53 ailleurs dans Marseille, dans un lieu,
00:36:55 un ancien McDo reconverti en restaurant solidaire,
00:36:58 où travaillent aussi d'anciens migrants
00:37:00 et des personnes qui cherchent des papiers.
00:37:02 -Au nom de la séparation. Le mot de la fin, Constance Colonna,
00:37:06 c'est vrai que ce pape, on se souvient,
00:37:08 le crucifie avec le gilet de chauffage.
00:37:11 Il va avoir des messages, c'est sûr, sur les migrants en même temps.
00:37:15 Dire qu'il est progressiste,
00:37:17 quand on entend aussi sa position sur la fin de vie,
00:37:20 quand on entend que le texte a été même reporté après sa visite.
00:37:23 -Il est indéniablement progressiste.
00:37:25 On ne va pas lui demander d'être pour l'avortement,
00:37:28 d'être pour le suicide, ainsi c'est.
00:37:30 C'est la parole de l'Eglise.
00:37:32 Il a déjà, si vous voulez, arrêté cette obsession
00:37:35 du message à caractère sexuel.
00:37:37 On se souvient de Jean-Paul II avec les préservatifs,
00:37:40 à Random, en 91, en Pologne.
00:37:42 Donc c'est un pape qui a d'autres combats,
00:37:45 et notamment ses combats sont sociaux et politiques.
00:37:48 Il dit à l'Europe, au lieu de lui dire
00:37:50 qu'il faut arrêter les valeurs non négociables,
00:37:53 il lui dit à l'Europe, l'injustice, le drame,
00:37:56 la tragédie de notre époque, c'est la migration.
00:37:59 -Merci. On s'arrête là.
00:38:01 Peut-être un nouvel encyclique sur le climat.
00:38:04 Merci beaucoup, c'était passionnant.
00:38:06 Qui a dit que la question papale et la question politique
00:38:09 n'étaient vraiment pas si éloignées.
00:38:11 Revenez quand vous voulez.
00:38:13 On se retrouve dans une dizaine de minutes.
00:38:16 Les parties prises de nos affranchis ce soir.
00:38:19 L'humeur de Bertrand Perrier, oui, il faut harceler les harceleurs.
00:38:23 Le mot de la semaine de Mariette Darrigrand,
00:38:26 ça fait écho à ce qu'on vient de dire, c'est immigrationniste.
00:38:29 Et puis une nouvelle chronique et une nouvelle chroniqueuse
00:38:32 pour Action Planète.
00:38:33 Bonsoir, Léa Falco. De quoi nous parlez-vous ce soir ?
00:38:36 -Ce soir, on parle d'adaptation des conditions de travail
00:38:39 au réchauffement climatique.
00:38:41 Mais d'abord, on va plonger dans votre livre et dans votre parcours.
00:38:44 On est trois mois après les émeutes.
00:38:46 Ça m'intéresse de vous entendre sur ce qui s'est passé.
00:38:49 Parce que votre livre fait du bien.
00:38:51 "Déterminer", comment on s'en sort, aux presses de la Cité,
00:38:54 vous racontez à la fois votre parcours et votre envie d'entreprendre.
00:38:58 Regardez, c'est dans l'invitation d'Hélène Bonduelle.
00:39:00 Et on en parle juste après.
00:39:02 -Si on vous invite, Moussa Kamara,
00:39:07 c'est parce que vous refusez l'assignation à résidence.
00:39:10 Le déterminisme social.
00:39:12 Vous, l'enfant des quartiers de Sergie Pontoise,
00:39:15 avez très tôt compris que la solution ne viendrait pas d'en haut.
00:39:19 Que seul le travail payerait, le droit à la paresse, très peu pour vous.
00:39:24 -Moi, je savais que finalement, en étant plus jeune,
00:39:27 ma vie, elle allait être comme celle de mes "grands frères",
00:39:30 on va dire, entre guillemets.
00:39:32 Pas avec des perspectives d'évolution de carrière professionnelle.
00:39:36 Et en fait, j'ai réussi à déjouer tout ça
00:39:38 le jour où j'ai monté ma première entreprise, à 20 ans.
00:39:41 C'était une manière de lutter contre le déterminisme social,
00:39:44 d'être déterminé.
00:39:45 -Votre réussite passera donc par l'entreprenariat
00:39:48 et vous en faites votre mantra.
00:39:50 C'est ce parcours que vous racontez dans votre livre "Déterminer".
00:39:54 La seule voie d'excellence possible ne peut pas être,
00:39:57 dites-vous, seulement Zidane ou Jamel Debbouze.
00:40:00 Pourquoi n'y aurait-il pas aussi des entrepreneurs ?
00:40:03 C'est pour en finir avec ces clichés
00:40:05 que vous créez les "Déterminer" en 2015.
00:40:08 Un programme de formation intensif de 6 mois
00:40:11 pour des entrepreneurs en devenir,
00:40:13 et surtout, un réseau.
00:40:15 -Investir sur vous, c'est investir sur l'avenir,
00:40:18 c'est investir sur la jeunesse, et ça, c'est important.
00:40:21 -Créer des ponts entre les quartiers et le monde de l'entreprise,
00:40:24 voilà la solution.
00:40:26 Un patron n'est pas un diable, dites-vous,
00:40:28 et vous ne vous y êtes pas trompé.
00:40:30 Dès le début, c'est le patron du MEDEF qui croit en vous.
00:40:33 -C'est une sortie par le haut des quartiers,
00:40:36 des régions, de la France, par l'économie, par l'entreprise.
00:40:39 Plus on aura d'entrepreneurs, plus on aura d'emplois créés.
00:40:43 -Depuis, vous inspirez aussi les politiques.
00:40:46 Vous intégrez un groupe de travail sur l'industrie verte à Bercy.
00:40:50 Vous étiez aussi présent aux journées parlementaires de Renaissance.
00:40:54 3 mois après les émeutes,
00:40:56 Moussa Kamara, la colère des quartiers,
00:40:59 a éclaté à la face du pays.
00:41:01 Alors, nous avons une question pour vous.
00:41:04 Croyez-vous vraiment qu'il suffise d'être déterminé pour s'en sortir ?
00:41:09 -Réponse. Ca suffit vraiment ?
00:41:13 -Je pense que la détermination, c'est un moteur.
00:41:17 Et la détermination vous permet de rencontrer des bonnes personnes,
00:41:21 de créer ces opportunités.
00:41:23 Il ne suffit pas que de la détermination.
00:41:25 Moi, je le dis, dans mon parcours,
00:41:27 c'est le fruit de rencontres.
00:41:30 Mais ces rencontres, je les ai provoquées par le travail,
00:41:33 parce que j'avais envie.
00:41:35 Et même quand tout me laissait penser que c'était pas possible,
00:41:38 finalement, je me suis battu.
00:41:40 Et cette détermination, le fait que j'avais pas de diplôme,
00:41:43 que je connaissais personne, mes parents étaient pas entrepreneurs.
00:41:46 -C'est ça qui marque chez vous, c'est qu'il y a pas vraiment de colère,
00:41:49 il y a pas vraiment de ressentiment.
00:41:51 Il faut quand même rappeler votre parcours.
00:41:53 Vos parents viennent du Mali, c'est ça ?
00:41:55 Famille de huit enfants, un père balayeur,
00:41:58 une mère femme de ménage, qui travaille très tôt dans les bureaux,
00:42:01 qui est obligée de repartir après le dîner familial le soir,
00:42:04 à nouveau travailler.
00:42:06 Vous auriez pu être nourri par quelque chose de violent.
00:42:09 Et c'est pas du tout le cas.
00:42:11 C'est quoi, cette détermination,
00:42:13 qui n'est pas, au fond, une sorte de rage ?
00:42:15 -Non, parce que la rage, ça m'amène à rien.
00:42:17 Moi, mes parents m'ont éduqué comme quoi il fallait beaucoup travailler.
00:42:21 Et que la situation dans laquelle on était,
00:42:24 si vous travaillez beaucoup,
00:42:26 finalement, vous pourrez peut-être vous en sortir.
00:42:29 Et ça a été aussi l'éducation de ce que j'ai reçu autour de moi.
00:42:32 -L'école aussi. -C'était l'école.
00:42:34 L'école, je le dis dans mon livre, c'est une bouée de sauvetage.
00:42:37 Parce que le fait d'être à l'école, d'apprendre des choses...
00:42:40 Moi, quand je rentrais, pour faire mes devoirs,
00:42:42 mes parents ne parlaient pas la langue.
00:42:44 -Et vous avez eu la chance de changer d'école, avec un peu plus de mixité.
00:42:48 -Exactement, j'ai changé d'école.
00:42:50 Pour moi, ça a été un mal pour un bien,
00:42:52 parce que ça m'a permis de découvrir un autre écosystème.
00:42:55 Et là, j'ai fait des découvertes incroyables,
00:42:58 parce que c'est ça, la détermination pour venir.
00:43:01 Moi, je l'utilise comme un état d'esprit, c'est un moteur pour moi.
00:43:04 C'est pas une fin en soi.
00:43:06 S'il y a pas la détermination, sans le travail, ça marche pas.
00:43:09 -Alors, cinquième de la famille, dernier des garçons,
00:43:12 vous étiez toujours dehors, dans les centres commerciaux,
00:43:15 vous n'alliez rien acheter.
00:43:17 C'est vrai que vous auriez pu mal tourner,
00:43:20 c'est pas le cas, parce que vous allez vous sentir utile
00:43:23 pour la première fois à 14 ans.
00:43:25 Un bailleur social vous donne un petit boulot.
00:43:28 -En fait, ce qui s'est passé, c'était même plus tôt,
00:43:31 je dis à 14 ans, mais c'était un peu plus tôt,
00:43:33 à 12-13 ans, pour les plus grands avec 14 ans.
00:43:36 On s'ennuie dans le quartier, en été,
00:43:38 on va voir un jeune de notre quartier qui est un peu plus grand.
00:43:41 On lui dit qu'on aimerait bien travailler pendant les vacances,
00:43:44 c'est bientôt la rentrée, nos parents n'ont pas les moyens
00:43:47 de nous faire partir en vacances, mais en même temps,
00:43:50 se sentir utile, pour nous, c'était hyper important.
00:43:53 On va voir le bailleur, on lui propose nos services,
00:43:56 on fait plein de petits boulots. -Vous repeignez les barrières.
00:43:59 -On ratisse le terrain. Chez nous, c'était un sentiment,
00:44:02 on l'a fait parce qu'on s'ennuyait, et finalement,
00:44:05 ça a révélé chez nous cette valeur du travail.
00:44:08 -Au moment de se faire payer, il se dérobe.
00:44:11 -Il se dérobe, pourquoi ? Parce que déjà, le plus grand
00:44:14 du quartier entre guillemets qui nous avait accompagnés
00:44:17 n'est plus là, du coup, l'engagement qu'il avait,
00:44:20 il l'avait eu avec ce grand-là, et il se dérobe,
00:44:23 mais on l'a pas lâché, pendant une semaine,
00:44:26 on a campé devant ses bureaux, et à la fin, on a obtenu
00:44:29 nos premiers 500 francs, et c'était pour nous
00:44:32 le premier salaire qu'on a eu à l'époque, et on était fiers de ça.
00:44:35 La plupart d'entre nous, on a pris la moitié, on l'a donnée à nos parents.
00:44:38 -Ca, c'est la découverte du travail, ça vous lâche plus ?
00:44:41 Vous avez une conviction que vous allez vous en sortir par le travail ?
00:44:44 -Quand j'étais plus jeune, j'étais quelqu'un qui avait
00:44:47 beaucoup d'énergie, et souvent, dans les sorties,
00:44:50 on prenait pas forcément, et du coup, quand j'avais ce sentiment
00:44:53 d'injustice, dans ma tête, je me disais,
00:44:56 on prend pas en considération, on fait pas confiance,
00:44:59 le jour où je vais réussir à grandir, quand je vais grandir,
00:45:02 je vais réussir à faire quelque chose, je sais pas quoi,
00:45:05 mais je vais réussir à faire quelque chose. -Racontez-nous
00:45:08 comment sont nés les Déterminés, cette association que vous présidez.
00:45:11 -Les Déterminés, pour expliquer ce que c'est, c'est un programme
00:45:14 d'accompagnement qui est gratuit, à travers toute la France,
00:45:17 on propose un accompagnement, une formation pour celles et ceux
00:45:20 qui veulent entreprendre leur projet. C'est un programme
00:45:23 pendant 6 mois où on leur apporte tous les outils, et à la fin,
00:45:26 ils créent leur entreprise, ou ils vont retourner vers l'emploi.
00:45:29 Et derrière ça, quand je voulais créer les Déterminés,
00:45:32 je me rends compte que moi, à 20 ans, j'avais créé ma première boîte,
00:45:35 j'ai réussi à me débrouiller comme j'ai pu...
00:45:38 -Dans l'informatique ? -Dans l'informatique et le télécom.
00:45:41 Et à cette époque-là, je rencontre plein de difficultés,
00:45:44 le fait d'être pas accompagné, de manquer un peu de réseau,
00:45:47 de ne pas avoir des moyens financiers, et quelques années plus tard,
00:45:50 après un voyage aux Etats-Unis, je vois que l'entreprenariat
00:45:53 et l'économie peuvent être un levier puissant d'inclusion pour tous.
00:45:56 C'est là où je me dis que c'est important, socialement,
00:45:59 d'aider les quartiers, mais il faut aussi les aider via
00:46:02 le développement économique, par l'entreprenariat,
00:46:05 par l'emploi. -Aujourd'hui, vous avez des partenaires,
00:46:08 vous avez les élus, vous avez les entreprises,
00:46:11 vous avez aussi les collectivités locales. Comment on en arrive là ?
00:46:14 Comment on en arrive à pouvoir proposer des formations,
00:46:18 financer ces formations aux jeunes de quartier ?
00:46:21 Qui vous a aidés ? -C'est tout le projet.
00:46:24 Aujourd'hui, on a eu la chance de rencontrer les bonnes personnes,
00:46:27 des chefs d'entreprise, des partenaires de grands groupes,
00:46:30 on a énormément de partenaires, on a BPI France, BNP Paribas,
00:46:33 on a Mazart, on a le groupe Engie, on a beaucoup...
00:46:36 On a réussi à embarquer énormément d'entreprises à nos côtés.
00:46:40 Pourquoi c'était important pour moi de lancer un projet déterminé
00:46:44 et de ne pas le faire en silo ? L'idée, c'était de mobiliser
00:46:47 tous les acteurs de l'entreprenariat, du monde économique autour du projet.
00:46:51 Pourquoi ? Parce qu'on allait accompagner des hommes et des femmes
00:46:54 qui avaient besoin d'un soutien, d'un mentor, d'une expertise
00:46:57 que nous, on n'avait pas au départ. Et cette force, cette énergie,
00:47:01 c'est... Mon obsession, c'est de créer des ponts, des passerelles.
00:47:05 Personne, à lui seul, a la solution.
00:47:07 Si on arrive à mettre autour de la table du pouvoir public,
00:47:10 des entreprises, des entrepreneurs comme Octave Clabat,
00:47:14 qui nous soutient beaucoup dans la région lilloise,
00:47:17 là, on arrive à trouver des solutions.
00:47:19 Aujourd'hui, les déterminés, en huit ans,
00:47:22 c'est plus d'un millier de personnes accompagnées,
00:47:25 plus de 700 entreprises créées. -Ce qui est intéressant,
00:47:28 c'est que vous avez réussi, on entend votre passion.
00:47:31 Vous auriez pu quitter Sergi. Vous avez tout pour ça.
00:47:34 -Ouais. -On sait comment ça se passe
00:47:36 quand on réussit en banlieue. Très souvent, on s'en va.
00:47:39 Pourquoi vous êtes resté à Sergi ? Vous y habitez encore ?
00:47:42 -Parce que déjà, ma mère, elle est encore à Sergi,
00:47:45 donc moi, je suis très attaché à ma mère,
00:47:47 et du coup, j'aime bien rester à proximité.
00:47:50 Et surtout, je pense que le travail n'est pas fini.
00:47:53 Ca a commencé à Sergi, les déterminés sont partout en France,
00:47:56 dans plus d'un ville en France, mais Sergi, ça reste la base.
00:47:59 C'est un peu mon laboratoire d'expérimentation.
00:48:02 A chaque fois, je lance des projets, je lance à Sergi,
00:48:05 et si ça marche, je lance... -La politique.
00:48:07 Vous serez tenté, on vous a vu à Renaissance.
00:48:10 Vous avez rencontré Emmanuel Macron,
00:48:12 qui vous a décoré, c'est ça ?
00:48:14 -Ouais, j'ai reçu l'ordre national du mérite.
00:48:17 J'ai pas encore fait la cérémonie, je devrais la faire.
00:48:20 -Vous auriez basculé dans ce monde-là ?
00:48:22 -Non, je parle avec tout le monde, que ce soit Renaissance,
00:48:25 ou les partis politiques, on a besoin, à un moment donné,
00:48:28 que nos sujets soient apolitiques.
00:48:30 Nos sujets sont, à un moment donné,
00:48:32 ils concernent tout le monde, les sujets d'inégalité
00:48:35 pour des jeunes, de mobilité sociale,
00:48:38 tous ces sujets, si aujourd'hui, on reste dans notre coin,
00:48:41 avec qui on va trouver des solutions ?
00:48:43 Donc, ma mission, c'est de mettre tout le monde autour de la table
00:48:46 sur nos sujets, de trouver des solutions,
00:48:48 de convaincre, parfois d'être pas d'accord,
00:48:50 je suis pas d'accord avec tout le débat politique,
00:48:53 faire de la politique politicienne, c'est pas mon envie.
00:48:56 -Ca fait du bien de vous entendre.
00:48:58 Après ce qui s'est passé dans les banlieues,
00:49:01 vous vous dites "faut pas s'arrêter à ça", surtout pas ?
00:49:04 -Aujourd'hui, moi... -D'un mot ?
00:49:06 -Un mot, aujourd'hui, je veux dire que ce livre,
00:49:09 il s'adresse à toutes celles et ceux
00:49:11 qui se sentent bloqués par quelque chose,
00:49:13 à tous ceux qui, parfois, ont l'impression
00:49:15 qu'ils ne peuvent pas réussir dans notre société.
00:49:18 Ce livre est là pour donner la force,
00:49:20 donner l'envie, et aujourd'hui, au-delà de la banlieue,
00:49:23 on sait qu'il y a des problématiques partout.
00:49:25 Comment on arrive à régler ces problématiques ?
00:49:27 Ce livre est là pour aussi démontrer tout ça.
00:49:30 -Déterminés, au singulier, c'est vous, Moussa Kamara,
00:49:33 mais il y a beaucoup de déterminés au pluriel derrière vous.
00:49:36 On peut retrouver dans ce livre beaucoup de parcours,
00:49:39 de témoignages, d'expériences de tous ceux
00:49:41 qui ont choisi la voie de l'entreprise,
00:49:43 c'est-à-dire aux presses de la cité.
00:49:45 C'est l'heure, le grand temps, d'accueillir les Affranchis
00:49:48 pour leur parti pris. Ils vont vous faire réagir.
00:49:51 On les accueille tout de suite.
00:49:53 Le duo du vendredi, Perrier-Darigrand,
00:49:56 qu'on retrouve avec plaisir,
00:49:58 Marie-Edouard Darigrand pour son mot de la semaine
00:50:00 et l'avocat Bertrand Perrier pour son billet d'humeur d'actu.
00:50:03 Bienvenue à tous les deux.
00:50:05 On va commencer avec un nouveau rendez-vous, Action Planète,
00:50:08 tous les vendredis, désormais, dans cette émission,
00:50:10 un parti pris sur l'écologie, parti pris signé Léa Falco.
00:50:13 Bonsoir à vous. Vous êtes membre du collectif
00:50:15 pour un réveil écologique.
00:50:17 Vous vouliez revenir sur les effets dramatiques
00:50:20 du réchauffement climatique sur certains travailleurs
00:50:23 dans notre pays.
00:50:24 Effectivement, dans les dernières semaines,
00:50:26 on a cinq personnes qui sont décédées pendant les vendanges,
00:50:29 alors qu'on avait une vague de chaleur inhabituelle
00:50:31 pour la saison, mais qui va être amenée à se répéter.
00:50:34 La question, c'est comment on adapte nos conditions de travail,
00:50:37 non seulement pour les métiers en première ligne, manuels,
00:50:40 et qui se déroulent en extérieur,
00:50:42 mais aussi pour les travaux de bureau.
00:50:44 En tout, la Dares, la direction du ministère du Travail,
00:50:46 qui s'occupe des statistiques, estime qu'il y a environ
00:50:49 10 millions de personnes qui, au quotidien,
00:50:51 sont embêtées par la chaleur dans leurs conditions de travail.
00:50:54 Alors, qu'est-ce qui permet de protéger ces personnes,
00:50:57 ces travailleurs ?
00:50:58 C'est là que le bas blesse.
00:50:59 En France, nous n'avons pas aujourd'hui,
00:51:01 dans le Code du travail, de température maximale
00:51:03 au-delà de laquelle les salariés pourraient choisir
00:51:06 de ne plus travailler, c'est-à-dire exercer un droit de retrait.
00:51:09 Pourtant, ça existe chez nos voisins,
00:51:11 et notamment en Belgique et en Espagne,
00:51:13 et c'est une des revendications du syndicat européen des travailleurs.
00:51:17 Alors, une proposition de loi allant dans ce sens
00:51:20 avait été proposée en juillet par des députés LFI,
00:51:23 mais le ministre du Travail, Olivier Dussopt,
00:51:25 l'avait jugée comme fausse bonne idée
00:51:27 en raison des multiples cas qui existent.
00:51:30 Dommage, parce que ça permet non seulement
00:51:33 de ne pas mettre en sécurité des travailleurs,
00:51:35 à partir de 33 degrés,
00:51:37 l'ISN estime que la température devient dangereuse
00:51:41 pour les travailleurs, mais en plus,
00:51:43 ce n'est même pas spécialement intéressant pour l'économie,
00:51:45 puisque d'après l'Organisme international du travail,
00:51:48 à partir de 33-34 degrés, la productivité est réduite de moitié.
00:51:52 Alors la question à un million d'euros, c'est comment on s'adapte
00:51:55 à ces hausses de température ?
00:51:57 C'est la grosse question. Dans les travaux manuels et d'extérieur,
00:52:00 on peut d'abord envisager des périodes
00:52:02 pendant lesquelles on ne travaille pas,
00:52:04 soit dans la journée, en proposant des horaires décalés,
00:52:07 soit dans l'année, par exemple, pour les métiers du BTP,
00:52:10 qui auront de plus en plus de mal à travailler l'été.
00:52:13 Et dans les bureaux, il y a évidemment de l'adaptation nécessaire aussi,
00:52:16 technique d'abord, par exemple, en faisant en sorte
00:52:19 que les rénovations thermiques des bâtiments
00:52:21 prennent en compte le confort d'été,
00:52:24 mais aussi culturel, parce que dans les bureaux,
00:52:26 dans beaucoup de bureaux aujourd'hui, il y a des dress codes
00:52:29 qui, à cause de tabous sociaux,
00:52:32 empêchent le changement culturel.
00:52:34 Et donc, par exemple, les shorts pour les hommes
00:52:36 ou les chaussures ouvertes.
00:52:38 -Souvenez-vous, l'hiver dernier,
00:52:40 quand nos ministres avaient mis des cols roulés
00:52:42 pour défendre la sobriété,
00:52:44 on les attend donc l'été prochain en chemisette et sans cravate.
00:52:47 Et sur tous les plateaux de France,
00:52:49 il faudrait peut-être couper la climatisation
00:52:51 pour voir comment on s'habillerait.
00:52:53 -Oui, se décorseter face au réchauffement climatique.
00:52:55 Merci beaucoup, merci Léa Falco.
00:52:57 On enchaîne avec vous, Bertrand.
00:52:59 Vous vouliez revenir sur l'arrestation
00:53:01 du collégien soupçonné de harcèlement lundi après-midi
00:53:03 au collège Henri Barbus d'Alfortville,
00:53:05 dans le Val-de-Marne.
00:53:07 -C'est allé très vite.
00:53:09 Le matin même, des parents d'élèves d'une lycéenne de seconde
00:53:11 scolarisée dans la même ville
00:53:13 avaient saisi le proviseur et la police
00:53:15 de messages extrêmement violents
00:53:17 reçus par leur fille pendant le week-end.
00:53:19 Je l'ai dit parce que je voudrais que ce soit concret.
00:53:21 Le harcèlement, c'est quelque chose de concret.
00:53:23 Et les mots ont leur force.
00:53:25 "Suicide-toi, sale pédé, travelo.
00:53:27 "J'ai une haine envers ta race.
00:53:29 "Casse-toi, va mourir."
00:53:31 Évidemment, une main courante est déposée
00:53:33 et l'auteur des messages est identifié
00:53:35 et interpellé l'après-midi même.
00:53:37 -Ce qui a créé la polémique,
00:53:39 choqué certains, c'est la méthode employée
00:53:41 puisque cette arrestation dans la salle de classe
00:53:43 en plein cours a été faite sous les yeux
00:53:45 des autres élèves. Marine Tondelier,
00:53:47 la secrétaire nationale des Verts,
00:53:49 a qualifié les policiers de "walker Texas rangers".
00:53:51 -Oui.
00:53:53 Ce que je veux dire, d'abord, c'est que ça n'est pas
00:53:55 juridiquement interdit.
00:53:57 L'intervention de policiers dans une salle de classe
00:53:59 est encadrée
00:54:01 par un certain nombre de protocoles
00:54:03 et si le chef d'établissement donne son accord,
00:54:05 ça n'est pas interdit.
00:54:07 C'est inhabituel, mais ça n'est pas illégal.
00:54:09 -C'est pas interdit ? Est-ce que c'était opportun ?
00:54:11 -Alors,
00:54:13 j'entends bien ce que dit Marine Tondelier,
00:54:15 moi j'ai du mal à être choqué pour tout vous dire.
00:54:17 On nous dit que les enfants ont été
00:54:19 traumatisés par cette
00:54:21 intervention policière en salle de classe.
00:54:23 J'ai le sentiment que des enfants
00:54:25 de 14 ans, aujourd'hui,
00:54:27 ont été traumatisés par
00:54:29 bien plus d'images, bien plus choquantes
00:54:31 et bien plus graves que ce
00:54:33 menottage qui, au demeurant, a été fait
00:54:35 sans incident. Et il me
00:54:37 semble qu'il y a presque une sorte de logique
00:54:39 à ce que cette interpellation ait lieu
00:54:41 en classe. C'est en classe
00:54:43 que ces harcèleurs nuisent.
00:54:45 C'est en classe qu'ils jouent
00:54:47 les caïds. Et il y a donc une sorte de logique
00:54:49 à ce que ce soit en classe qu'ils soient
00:54:51 interpellés, précisément sous les yeux
00:54:53 de leurs victimes ou de
00:54:55 leurs potentielles victimes,
00:54:57 ce qu'on devrait appeler des camarades de classe,
00:54:59 je ne suis pas sûr que le mot camarade soit très juste,
00:55:01 mais en tout cas, les autres élèves
00:55:03 savent maintenant que ce qu'ils subissent,
00:55:05 le harcèlement, ou ce qu'ils pourraient subir,
00:55:07 est non seulement illégal,
00:55:09 mais effectivement puni
00:55:11 par la loi et par les forces
00:55:13 de l'ordre. Et à ceux qui objectent
00:55:15 que la police n'a pas sa place
00:55:17 dans une salle de classe,
00:55:19 moi je veux dire qu'en réalité, ce qui n'a pas sa place
00:55:21 dans une salle de classe, c'est le harcèlement.
00:55:23 Et que si la police doit intervenir
00:55:25 pour y mettre un terme, c'est bien
00:55:27 parce que ça montre que concrètement
00:55:29 il y a des effets,
00:55:31 on subit les conséquences, il n'y a pas
00:55:33 d'impunité pour les harcèleurs,
00:55:35 et si cette interpellation a eu cet effet
00:55:37 d'électrochoc, eh bien tant mieux,
00:55:39 et elle aura passé à la fois le message
00:55:41 répressif et éducatif,
00:55:43 harcelons les harcèleurs.
00:55:45 - Voilà ce qu'il s'appelle un parti pris,
00:55:47 merci beaucoup Bertrand Perrier. Vous êtes d'accord avec ça,
00:55:49 la méthode, parfois, elle est justifiée
00:55:51 quand on est face à ce fléau-là,
00:55:53 le harcèlement.
00:55:55 - Je pense que le harcèlement, c'est un fléau
00:55:57 qui est de plus en plus fréquent, et ça a toujours
00:55:59 existé dans les écoles, et parfois
00:56:01 ça peut venir de nos enfants, sans le savoir,
00:56:03 ou ça peut être nos enfants
00:56:05 qui sont harcelés, donc c'est quelque chose
00:56:07 à régler après l'intervention
00:56:09 des forces de l'ordre dans une salle
00:56:11 de classe, je pense que ça pouvait aussi attendre
00:56:13 à la sortie, on peut sortir le
00:56:15 le gamin,
00:56:17 l'interpeller tranquillement en dehors de l'école,
00:56:19 parce que l'école, c'est quand même, on parle
00:56:21 depuis tout à l'heure, l'école, un sanctuaire.
00:56:23 - La peur change de camp, c'est ce qu'a dit
00:56:25 le ministre de l'Education nationale.
00:56:27 - Je pense que c'est...
00:56:29 Il faut vraiment traiter le problème
00:56:31 de l'harcèlement dans le fond.
00:56:33 C'est une priorité, c'est un
00:56:35 combat de tous, on peut plus laisser
00:56:37 nos enfants aller dans les écoles
00:56:39 et subir un harcèlement, donc c'est un sujet.
00:56:41 Alors comment on le règle ? Je pense qu'il y a aussi...
00:56:43 Il faut punir les harcèleurs,
00:56:45 on est tous d'accord là-dessus, mais en même temps,
00:56:47 il faut aussi faire de la pédagogie,
00:56:49 intervenir dans les écoles,
00:56:51 parler avec les jeunes,
00:56:53 pourquoi on arrive dans une société où on est obligé
00:56:55 d'humilier l'autre ?
00:56:57 Pourquoi ? Il faut comprendre
00:56:59 aussi cette problématique. - C'est dit,
00:57:01 traîsser des ponts. On va faire un pont
00:57:03 avec ce mot de la semaine.
00:57:05 C'est un néologisme, en fait, Mariette Darré-Grand,
00:57:07 vous avez choisi de nous parler
00:57:09 de l'immigrationnisme,
00:57:11 ou immigrationniste. - Exactement.
00:57:13 C'est un néologisme en ce sens
00:57:15 qui n'est pas au centre du discours
00:57:17 politico-médiatique, si on veut, il a déjà été
00:57:19 entendu du côté d'Eric Zemmour, du RN,
00:57:21 et je voulais m'arrêter sur lui,
00:57:23 Myriam, parce que je pense que cette rentrée,
00:57:25 c'est un petit nouveau, mais qui va éclairer
00:57:27 l'année, et pour
00:57:29 une raison que je vais essayer d'expliquer,
00:57:31 et d'abord
00:57:33 parce qu'il a l'air sympathique.
00:57:35 En fait, c'est une façon de renouveler
00:57:37 le discours sur l'immigration
00:57:39 en lui mettant un suffixe,
00:57:41 on va faire un peu de grammaire,
00:57:43 le suffixe "-iste", en réalité,
00:57:45 est un suffixe très positif.
00:57:47 Par exemple, si quelqu'un aime les mots croisés,
00:57:49 ça va devenir un cruciverbiste,
00:57:51 si quelqu'un aime un peintre cubiste,
00:57:53 il aime les Cubes, enfin, ce que je veux dire,
00:57:55 c'est que ça innocente en quelque sorte
00:57:57 la position.
00:57:59 C'est comme si c'était une opinion.
00:58:01 - Alors, pourtant, "immigrationniste",
00:58:03 c'est clairement négatif.
00:58:05 C'est un mot
00:58:07 qui accuse.
00:58:09 - C'est un mot qui accuse et qui permet
00:58:11 de se positionner soi-même
00:58:13 contre ceux que l'on accuse.
00:58:15 Dans la langue politique classique,
00:58:17 par exemple, on est marxiste avec Marx,
00:58:19 on est gaulliste
00:58:21 avec De Gaulle, il y a des grands modèles
00:58:23 ou des corps de doctrine.
00:58:25 Aujourd'hui, on en est plus tellement là.
00:58:27 On peut être mélenchoniste, on peut être macroniste,
00:58:29 on peut être l'eupéniste, mais c'est plus
00:58:31 sur des corps de doctrine, c'est plutôt sur des gens,
00:58:33 sur des incarnations, et finalement,
00:58:35 il y a une espèce de consensus mou
00:58:37 entre toutes ces personnes-là,
00:58:39 qui seraient d'accord, qui seraient
00:58:41 pour plus d'inflation, moins de pouvoir d'achat,
00:58:43 enfin, il y a un consensus mou.
00:58:45 Donc, les professionnels de la politique
00:58:47 sont obligés de refaire des "isme"
00:58:49 ou des "iste" pour repolariser.
00:58:51 Et je pense qu'immigrationniste,
00:58:53 c'est ça, le projet, c'est-à-dire de refaire
00:58:55 du pour-contre et du... - La polarisation.
00:58:57 - Une polarisation,
00:58:59 une sorte de gauche-droite.
00:59:01 - Une sorte d'option qu'on choisit.
00:59:03 - Une option qu'on choisit, et donc, ça va structurer
00:59:05 le champ politique. C'est ça que je voudrais dire
00:59:07 en cette période de rentrée, c'est-à-dire que là,
00:59:09 on va être devant une année très politique
00:59:11 européenne en ligne de mire.
00:59:13 Et pour moi, la vraie question,
00:59:15 c'est le rôle de ce mot qui n'est pas notionnel.
00:59:17 Qu'est-ce qu'on peut mettre derrière ?
00:59:19 Pas grand-chose. Mais en revanche,
00:59:21 il est fonctionnel. C'est ce que les grammariens
00:59:23 appellent un mot-outil.
00:59:25 Donc, si je file la métaphore, c'est pas un mot
00:59:27 qui va nous apprendre des choses sur l'immigration,
00:59:29 ce qu'elle est, comment il faut faire.
00:59:31 Personne ne sait très bien.
00:59:33 Mais c'est un mot qui va essayer
00:59:35 de structurer les débats.
00:59:37 - Les débats publics. - Donc, le mot-outil...
00:59:39 - Vous met dans un camp. - Nous met dans un camp.
00:59:41 Et si je file la métaphore, je dirais
00:59:43 qu'il va faire de la bricole idéologique,
00:59:45 mais qu'il risque de charpenter
00:59:47 nos débats.
00:59:49 C'est ça que je voulais pointer en ce début d'année.
00:59:51 - Merci beaucoup. La création de néologismes
00:59:53 qui sont autant de darmes
00:59:55 politiques dans ce débat
00:59:57 si explosif de l'immigration.
00:59:59 On s'arrête là. Merci à vous,
01:00:01 les Affranchis. Merci à vous, Moussa Kamara.
01:00:03 Je rappelle le titre de votre livre,
01:00:05 "Déterminer comment on s'en sort",
01:00:07 sur la presse de la Cité.
01:00:09 C'est le week-end. Profitez bien.
01:00:11 On se retrouve la semaine prochaine.
01:00:13 Très belle soirée.
01:00:15 ...

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