Ici l'Europe - Ici l'Europe

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L'Union européenne s'inquiète du futur de son continent miroir l'Afrique. Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne affirme même qu'il faut revoir en profondeur notre politique, alors que l'influence de la Chine et de la Russie ne cesse de grandir sur tous les plans: économique, militaire, politique....Après le Mali, le Niger et le Gabon, beaucoup s'interrogent sur la multiplication des coups d'Etat dans l'Afrique francophone, alors que l'UE s'est engagée à soutenir la lutte contre le terrorisme islamiste au Sahel. Année de Production : 2023
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00:00 Public Sénat, France 24 et RFI présentent...
00:05 (Musique)
00:25 Bonjour à tous, merci de nous rejoindre pour "Ici l'Europe", nous sommes ensemble sur France 24 et Radio France Internationale.
00:32 En cette semaine d'Assemblée Générale de l'ONU où les leaders mondiaux ont présenté leur analyse,
00:38 nous allons développer la vision proprement européenne de la marche du monde.
00:43 Et nous rejoignons en effet en duplex depuis New York le chef de la diplomatie de l'Union Européenne, le haut représentant Joseph Borrell.
00:53 Bonjour M. Borrell, je rappelle que vous êtes aussi ancien ministre des Affaires étrangères de Pedro Sánchez jusqu'en 2019,
01:01 donc de sensibilité sociale démocrate, on le comprend.
01:04 J'ai envie de vous demander d'abord ce que vous retenez de cette semaine d'Assemblée finalement à New York.
01:10 C'était un marathon dominé sans doute par la guerre contre l'Ukraine et l'émergence d'un nouveau monde.
01:20 Un nouveau monde avec des pays qu'il y a 50 ans n'existaient pas, où il avait peu d'importance,
01:27 et qui maintenant demandent sa place dans les institutions internationales.
01:31 Et puis le discours du Secrétaire Général en advertissant au monde le grand danger que nous faisons face
01:39 et le grand problème que c'est l'inégalité, l'inégalité à l'intérieur des sociétés, entre les pays.
01:47 Les objectifs de développement soutenable sont loin d'être atteints.
01:52 Il y a besoin de coopérer plus dans un monde qui est chaque fois plus confrontationnel.
01:58 D'ailleurs il y a eu aussi évidemment la présence de Volodymyr Zelensky, après 18 mois de combat pour l'Ukraine.
02:06 Il veut remobiliser l'opinion publique américaine, occidentale et même du Sud.
02:12 Est-ce qu'il a réussi pour vous l'exercice ?
02:14 Vous savez, il y a dans le monde des pays que oui, ils votent contre la Russie, aux Nations Unies,
02:21 mais qu'ils ne partagent pas les sentiments d'indignation morale que nous avons vis-à-vis de cette guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine.
02:30 Ils voient ça comme un problème entre-européen, qu'ils ont peur que l'effort que nous faisons en faveur de l'Ukraine
02:39 puisse dévier des ressources dont ils ont besoin aussi.
02:43 Alors justement, il y a une grosse fâcherie entre trois pays, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie, au sein de l'Union Européenne,
02:50 qui veulent continuer à interdire l'importation de ces céréales qui passent sur leur sol et qui font chuter les prix pour leurs agriculteurs, disent-ils.
03:01 Monsieur Zelensky qui veut les traîner devant l'Organisation Mondiale du Commerce, comment ça va se finir ?
03:07 La Commission s'en occupe, mes collègues de la Commission qui s'occupent des affaires de marché et de commerce sont en train de voir de quelle manière trouver une solution
03:18 à cette discussion qui ne doit pas nous éloigner du problème fondamental.
03:22 Le problème fondamental, la question fondamentale, c'est que la Russie bloque les exportations de grains de l'Ukraine.
03:30 Pas seulement bloque, mais elle détruit, elle bombarde, elle brûle les stocks de grains et les infrastructures nécessaires pour les exporter.
03:41 Et en ainsi faisant, elle est en train de créer un grave problème alimentaire au monde.
03:49 Si ça ne se passait pas, les problèmes, l'effet des exportations ukrainiennes vis-à-vis de la Pologne ne se passerait pas non plus.
04:00 Il y a un problème fondamental, il y a un pays qui bloque des millions de tonnes de céréales qui sont absolument nécessaires pour l'alimentation du monde.
04:10 On sait quand même qu'il y a des élections importantes pour le Parti au pouvoir, Droit et Justice en Pologne le 15 octobre, donc bientôt,
04:17 et que leur base est très rurale. Mais en attendant, est-ce que ça ne vous inquiète pas que le Premier ministre, M. Morawiecki,
04:23 ait dit qu'il ne livrait plus d'armes à l'Ukraine ? Est-ce qu'on est en train de diviser les Européens sur la question de la défense et de l'armement ?
04:29 La position de l'Union européenne reste la même. Le président du Conseil européen, le président Sermissel, l'a dit bien clairement au Conseil de sécurité.
04:40 Nous, l'Union européenne, nous continuons à aider l'Ukraine tant qu'il le faudra, avec les moyens que les États membres, ensemble, à travers de nous,
04:51 à travers de l'Union et chacun de son côté, mettent à disposition de l'Ukraine. Et grâce à ça, l'Ukraine a pu résister.
04:58 S'il y a des problèmes que je considère conjoncturels et transitoires, on va les résoudre.
05:04 Mais l'aide de l'Europe à l'Ukraine continue plein vent.
05:11 Vous avez d'ailleurs annoncé un Conseil des ministres des Affaires étrangères qui se tiendrait bientôt à Kiev.
05:18 Est-ce que vous croyez pouvoir réunir les 27 ministres des Affaires étrangères, justement, là-bas ? Et pour quoi faire ?
05:24 J'espère. J'espère que tous mes collègues vont aller à Kiev. D'ailleurs, ils ont tous demandé que ces conseils tiennent lieu.
05:32 D'abord, c'est une valeur symbolique que les ministres de toute l'Europe des Affaires étrangères se réunissent à Kiev, aillent en Ukraine.
05:41 C'est une façon de montrer cette aide dont je vous parlais. Et ensuite, c'est aussi la façon de discuter avec l'Ukraine
05:48 de quelle façon nous faisons face aux problèmes de, comme on dit en anglais, "accountability",
05:55 c'est-à-dire des demandes, exigences de responsabilité à la Russie par les crimes de guerre qu'elles ont commis,
06:03 de quelle façon les faire. On va discuter de ça. Et aussi de notre engagement à moyen et long terme avec la sécurité d'Ukraine.
06:12 Pas seulement fournir des armes pour les combats qui ont lieu maintenant et espérons qu'ils vont finir tôt,
06:20 mais de quelle façon, une fois que la guerre sera finie, l'Europe va continuer à assurer l'Ukraine.
06:26 Et la meilleure façon de garantir la sécurité ukrainienne, c'est que l'Ukraine devienne membre de l'Union européenne.
06:33 Les leaders des 27 pays en Seine-Saint-Denis l'ont décidé et il faut mettre ça en pratique.
06:39 Sur l'élargissement de l'Ukraine, la Moldavie, les Balkans, des pays de l'Est sont favorables pour tous ces pays assez vite.
06:47 Mais la France et l'Allemagne veulent mettre en place ce fameux groupe D12 qui propose un certain nombre de réformes nécessaires à l'élargissement.
06:55 La généralisation d'un vote à majorité qualifiée pour faire passer plus facilement un certain nombre de textes
07:01 ou encore des sanctions plus fortes si on ne respecte pas l'état de droit. Est-ce qu'il faut réformer l'Union européenne pour l'élargir ?
07:08 Oui, il le faut. Je pense qu'il le faut. Et mon expérience me le dit clairement. Je ne vois pas comment on pourrait continuer à décider à l'unanimité,
07:21 pas à 27, qui est déjà très difficile parfois, mais à 37. On ne fonctionne pas de la même manière quand on est 6 que quand on est 40.
07:31 Et les élargissements successifs ont fait que la méthode de décision soit de plus en plus grippée.
07:38 Oui, les pays candidats à l'adhésion doivent faire beaucoup de réformes pour être prêts. C'est un processus basé sur les mérites.
07:48 Mais nous aussi, il faut qu'on prépare nos procédures internes pour faire face à... Vous savez, la quantité détermine à la fin la méthode.
08:00 Il faut le faire. Et je salue les propositions faites par l'Allemagne et la France.
08:07 Alors revenons quand même sur cette assemblée de l'ONU. Pas si générale que ça.
08:12 À New York, 4 des 5 membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies brient par leur absence.
08:18 Vous interprétez-vous comment l'absence d'un Emmanuel Macron à l'ONU ne croit plus au rôle de cette assemblée ?
08:25 Bien sûr que non. Je suis convaincu que la France considère les Nations unies comme un instrument fondamental de la vie en commun.
08:38 Nous vivons de plus en plus dans un monde multipolaire. Et paradoxalement, on est dans un monde de moins en moins multilatéral.
08:47 C'est bizarre parce que plus il y a de pôles, plus on a besoin de multilatéralité pour faire que cet ensemble de pôles puisse fonctionner ensemble.
08:58 Les règles du jeu doivent être plus précises une fois que le nombre de joueurs augmente.
09:05 Mais la réalité du monde montre que nous vivons dans une multipolarité diffuse, complexe, fluide,
09:13 où il n'y a pas d'alignement, il n'y a pas de pouvoir hégémonique. Il y a des pouvoirs qui se bloquent et se complémentent.
09:21 Un monde beaucoup plus complexe où il faut inventer de nouvelles méthodes, de nouvelles façons de faire que cette multiplicité d'acteurs
09:30 puisse interagir d'une façon efficace à travers de nouveaux multilatéralismes.
09:36 Parlons de ce conflit qui inquiète quand même les Européens. Dans le Haut-Karabakh, mardi, l'armée arzéabaydjénaise a lancé une opération militaire
09:44 dans cette région sécessionniste majoritairement peuplée d'Arméniens que Bakou et Evran se disputent depuis des décennies.
09:52 Est-ce que vous craignez un embrasement après cet épisode sanglant ?
09:56 Il faut faire tout pour éviter que cette action militaire que l'Union européenne condamne, parce que nous condamnons l'usage de la force pour régler les problèmes,
10:10 puisse s'étendre dans un nouveau conflit entre l'Arménie et la Serbia. Et certainement nous faisons responsable de la Serbia,
10:18 mais aussi de la population civile du Haut-Karabakh. Qu'elle ne soit pas déplacée de force, qu'il n'y ait pas d'activité ou d'attitude qui touche la dimension ethnique de ces populations.
10:31 Nous saluons le haut le feu et nous ferons tout ce que nous pouvons pour fournir de l'aide humanitaire.
10:38 Et évidemment, s'il commence à y avoir des activités contre les populations civiles, l'Union européenne devrait réagir.
10:47 Et on appelle à les deux parties à la retenue, pour éviter que les choses deviennent pires.
10:53 La leader de l'Italie, Giorgia Meloni, qui est issue de la droite radicale, a mis l'immigration au centre des débats.
11:01 Ursula von der Leyen était à l'île de Lampedusa le 17 septembre pour annoncer une aide et un plan logistique.
11:10 Et Giorgia Meloni a critiqué l'attitude de l'opposition de la gauche italienne sur le grand accord bilatéral avec la Tunisie, UE Tunisie.
11:21 Et puis votre attitude à vous aussi, Joseph Borrell, qui finalement trouvait que cette démarche bilatérale n'était peut-être pas tout à fait équilibrée et justifiée.
11:34 Vous répondez quoi ?
11:35 Non, écoutez, d'abord il faut montrer toute solidarité avec l'Italie dans un moment difficile.
11:41 On ne peut pas faire face à une arrivée massive de milliers de personnes sur une île qui compte moins d'habitants que d'immigrants.
11:49 Donc l'Union européenne sera aux côtés de l'Italie.
11:53 Et ce que le président de la Commission a fait avec son voyage, c'est montrer cette aide et essayer de voir de quelle manière cette aide, c'est quelque chose de plus que des mots.
12:04 Ceci dit, l'immigration a des raisons profondes, a des causes profondes. Il faut s'attaquer aux causes profondes de l'immigration.
12:14 Évidemment, il faut contrôler les frontières. Les frontières sont là pour quelque chose. Et les États ont le devoir de les contrôler.
12:21 Et il faut faire les tris entre les gens qui ont droit à un asile et leur donner ce droit.
12:27 Et les gens qui sont des migrants, disons, économiques, qui ne peuvent pas demander un asile parce qu'ils ne sont pas dans une situation de demandeurs d'asile.
12:36 Et à mon avis, il faut trouver une politique qui aille au-delà, dans le moyen terme, des mesures strictement sécuritaires,
12:46 pour établir avec les pays d'origine et des transits des accords qui permettent de recevoir d'une façon régulière une immigration régulière dont nous avons besoin,
12:56 et en même temps qu'ils acceptent le retour des migrants qui mettent en péril sa vie pour rien.
13:03 Parce que s'ils n'ont pas le droit d'être acceptés dans nos pays, ils ne pourront pas l'être.
13:10 Et ça, c'est un travail de longue haleine. Il n'y a pas de solution miraculeuse.
13:16 Évidemment, il faut aider ces pays à surveiller ces frontières.
13:20 Mais la solution simplement sécuritaire peut résoudre des problèmes dans le court terme, dans des moments de crise.
13:29 Mais ça ne remplace pas une solution qui passe pour l'aide à l'envolement.
13:34 Et, et ça c'est très important, à la bonne gouvernance.
13:38 Parce qu'il y a des pays riches en Afrique, riches en ressources, qui sont pauvres,
13:45 parce qu'ils ont été sous le coup de régimes soit militaires, soit dictatoriels,
13:51 qui ont profité du richesse des pays au détriment de ses habitants.
13:55 En fait, Mme Mélanie, dans cet accord finalement avec la Tunisie, qui se voulait exemplaire,
14:00 regrette surtout l'absence de versement de fonds européens à Tunis,
14:04 et pense que c'est pour cette raison que finalement il y a afflux à l'Ampédouza.
14:09 Une partie de cet accord, c'était une aide financière à la Tunisie pour renforcer ses capacités de contrôle des frontières.
14:17 Si cette quantité n'a pas été déversée, franchement, je ne me sens pas responsable,
14:21 parce que je n'ai pas de capacités budgétaires.
14:24 Lors d'une conférence à New York, vous avez exprimé votre pleine solidarité avec Paris,
14:30 alors que l'ambassadeur français au Niger est sous le coup d'une expulsion des poutchistes.
14:36 En ce qui concerne effectivement sa multiplication des poutches au Sahel,
14:41 l'Union européenne devrait réévaluer, selon vous, sa stratégie.
14:46 Elle est en échec flagrant, vous trouvez ?
14:49 On ne peut pas dire que ce soit un succès.
14:52 Depuis que je suis à Bruxelles, malheureusement, l'ensemble des coups d'État se sont suivis l'un après l'autre.
14:59 On voit la présence russe en montrée, notre présence et influence diminuées.
15:06 Mais il ne faut pas s'autoflageler non plus.
15:09 Il ne faut pas se sentir responsable d'une réalité qui touche fondamentalement au pays en question.
15:16 Et surtout, il ne faut pas faire du "french bashing",
15:21 il ne faut pas mettre la France comme la responsable de cette situation.
15:26 La France a employé beaucoup de ressources matérielles, humaines, a mis des morts et de l'argent pour aider,
15:32 parce qu'on lui a demandé de venir à l'aide du Mali.
15:36 C'est ça qu'elle a fait.
15:38 Et maintenant, il faut montrer solidarité avec la France, en particulier avec son ambassadeur,
15:43 et aussi avec les présidents déçus par le coup d'État militaire.
15:47 Il faut appeler un chat un chat, ça c'est un coup d'État,
15:50 même s'il y a quelqu'un qui ne veut pas l'appeler de cette façon.
15:53 Et je rends hommage à le président Basoum, un homme intègre,
15:59 qui avait en tête un projet de modernisation du Niger,
16:03 en commençant par donner aux femmes la capacité de développer sa vie sans être obligée
16:09 à devenir des mères tout de suite à 14 ans,
16:15 dans un cadre d'une croissance démographique impossible de soutenir économiquement.
16:23 Et il faudra être à côté du président Basoum, à qui on considère le président légitime du Niger.
16:28 C'est ça qu'est la France. Et c'est pour ça que l'ambassadeur français est assiégé.
16:33 Merci Joseph Borrell pour cette interview. Vous restez bien sûr sur notre antenne.
16:37 Nous continuons sur le thème des relations compliquées entre l'Union européenne et l'Afrique,
16:42 puisque c'est le thème de notre débat à Bruxelles avec les députés européens et Publix.
16:48 Merci de nous rejoindre au Parlement européen à Strasbourg.
16:57 L'Union européenne s'inquiète du futur de son continent miroir, l'Afrique.
17:01 Joseph Borrell, le chef de la diplomatie européenne, affirme même qu'il faut revoir en profondeur notre politique
17:07 alors que l'influence de la Chine et de la Russie ne cessent de grandir sur tous les plans,
17:13 sur ce continent économique, militaire, politique.
17:16 Après le Mali, le Niger, le Gabon, d'autres s'interrogent sur la multiplication des coûts d'État dans l'Afrique francophone,
17:24 alors que l'Union européenne s'est engagée à soutenir la lutte contre le terrorisme islamique au Sahel.
17:31 Deux ans après avoir été finalisé par les négociateurs, le traité qui régit les relations entre l'Union européenne
17:37 et les 89 membres de la communauté des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, vient enfin d'être ratifié.
17:43 Mais la lenteur des 27 pour mettre en œuvre cet accord laisse un gouamère au partenaire africain
17:49 qui y voit un signe de la méfiance des Européens.
17:51 La Commission européenne quant à elle multiplie les accords bilatéraux
17:55 portant un intérêt particulier sur les questions migratoires.
17:59 Mais quel message singulier l'Union européenne peut-elle porter sur le continent africain en 2023 ?
18:06 Peut-on enfin espérer une relation apaisée et équilibrée ?
18:10 Alors pour en débattre aujourd'hui, deux eurodéputés,
18:13 Asita Kanko, eurodéputée belge des conservateurs et réformistes, bonjour,
18:19 et Max Orville, eurodéputée français Renew Europe.
18:23 D'ailleurs le dernier événement tragique en date, le terrible tremblement de terre au Maroc,
18:27 illustre un peu les malentendus entre les deux rives de la Méditerranée.
18:31 Le Maroc accepte l'aide de l'Espagne mais pas celle de la France,
18:34 ancienne puissante coloniale avec une diplomatie qui lui déplaît.
18:38 L'Union en tant que telle n'est pas d'ailleurs perçue comme un continent ?
18:42 Bon, moi je pense que sur cette question il faut d'abord s'incliner devant le drame
18:50 dont a été frappé le Maroc.
18:54 La seconde chose c'est que, voilà la priorité,
18:58 c'est pas de savoir est-ce que le Maroc, État souverain, va accepter l'aide de la France.
19:06 La France est disponible, l'Union européenne l'est également,
19:10 la France va participer d'une manière ou d'une autre à l'aide pour le Maroc
19:16 et je crois que c'est ça le message essentiel.
19:19 Alors sur le plan sécuritaire, l'Union européenne voulait investir dans la lutte contre le terrorisme au Sahel
19:25 avec pour leader en la matière la France mais résultat aujourd'hui,
19:28 les coûts d'État se multiplient au Mali, au Niger, au Gabon, au Burkina Faso,
19:32 dont votre famille est originaire.
19:33 Je vous propose d'abord d'écouter Ursula von der Leyen à ce sujet.
19:37 La succession des coûts d'État militaires augmentera l'instabilité dans la région pour les années à venir.
19:44 La Russie exerce une influence sur le chaos qui règne et elle en tire également profit.
19:49 La région est devenue un terreau fertile pour le terrorisme.
19:52 Ces événements concernent directement l'Europe, pour notre sécurité, pour notre prospérité.
19:58 Nous devons donc faire preuve de la même unité d'intention à l'égard de l'Afrique que celle que nous avons montrée pour l'Ukraine.
20:06 C'est une obligation.
20:08 Nous devons nous concentrer sur la coopération avec les gouvernements légitimes et les organisations régionales.
20:13 Il nous faut développer un partenariat mutuellement bénéfique, axé sur des problématiques communes à l'Europe et à l'Afrique.
20:22 Une réaction d'abord au sonore d'Ursula von der Leyen qui parle en effet de ces coûts d'État militaires successifs
20:30 et puis de ce partenariat qu'il faut relancer entre l'Europe et l'Afrique ?
20:34 Oui, en fait, il y a de nouveau dans ce que la présidente von der Leyen a dit aujourd'hui dans son discours sur l'État de l'Union.
20:41 En gros, nous sommes assis dans un contexte où on court après les faits.
20:48 En réalité, la situation en Afrique de l'Ouest, dans la région du Sahel, est géopolitique.
20:54 Elle n'est pas seulement régionale.
20:56 Il est clair que ce n'est pas seulement la région qui perd, c'est aussi l'Union européenne en termes d'influence dans un monde multilatéral
21:03 où la Russie est en train de gagner du terrain et la Chine aussi.
21:07 Et au niveau de l'Union européenne, la plus grande réforme de la diplomatie européenne serait quelqu'un d'autre pour faire le travail de Borrell,
21:14 le travail qu'il ne fait pas.
21:16 C'est un peu dur pour le chef de la diplomatie. Est-ce qu'il est pour quelque chose ?
21:21 Est-ce que finalement l'Union européenne ne paye pas justement les anciennes puissances coloniales, la France, la Belgique peut-être aussi, etc.
21:28 qui pénalisent l'image de l'Europe tout entière aussi ?
21:31 Non, je suis un petit peu plus mesuré. Les coups d'Etat africains, c'est quand même les Etats africains qui ont décidé.
21:41 Les coups d'Etat sont faits par les militaires.
21:43 Je ne crois pas que l'Union européenne soit coupable, même si on peut déplorer que Wagner, qui est pour moi la définition du désordre, contribue largement à déstabiliser.
21:57 Le ministre privé russe, Prokofiev.
22:01 Bien évidemment. Je crois que l'Union européenne doit délivrer son message, qui est un message d'humanisme, qui est un message d'aide, de disponibilité.
22:13 On ne peut pas dire d'un côté que c'est toujours la faute des puissances coloniales.
22:17 Non, moi ça me dérange. L'Union européenne a un message et elle doit le conserver.
22:23 Je veux préciser mon propos. Parce que quand je dis que c'est un problème géopolitique, j'insiste sur le fait que ce n'est pas un problème africain.
22:30 Et je ne dis pas que c'est l'Europe qui doit résoudre le problème des coups d'Etat.
22:33 Ceci concerne plus que des coups d'Etat. C'est quoi la situation en Afrique ? Deux éléments.
22:38 Premièrement, nous n'avons pas réformé la coopération au développement et la manière dont l'Europe gère sa stratégie avec l'Afrique.
22:45 Nous sommes restés dans les années 60, dans les années 70, avec une politique qui bébiscite l'Afrique, une politique qui finance la dictature.
22:54 Une dictature dont les Africains ne peuvent se défaire en général qu'à travers des coups d'Etat.
22:59 Moi j'ai grandi au Burkina Faso, j'ai vu des gens danser dans la rue quand j'avais 7 ans en 1987, quand il y a eu le premier coup d'Etat que j'ai vu.
23:07 Et toute une série d'autres coups d'Etat après. En gros, c'est le seul moyen pour certaines populations de changer de président et c'est quand même un drame.
23:14 Et pourquoi un dictateur peut tenir aussi longtemps ? Ils utilisent beaucoup l'argent de la coopération pour financer leur dictature.
23:20 Donc il faut qu'on revoie la manière dont on travaille avec l'Afrique.
23:23 Deuxièmement, il faut qu'on sache que l'islamisme qui a gagné du terrain dans des pays qui étaient laïcs il n'y a pas si longtemps que ça,
23:31 est un mal qui nous guette aussi, tout comme il nous a guetté quand il a commencé en Syrie.
23:36 On a vu qu'Al-Qaïda, le Boko Haram, Daesh se regroupent dans la région. On a averti Borel, on a averti le Parlement, les institutions européennes depuis 2019-2020.
23:49 Mais qu'est-ce qui a été fait ? On a continué à jeter de l'argent par la fenêtre. Et ce n'est pas une solution.
23:54 Oui, c'est ce que je voudrais dire à la collègue. La France est intervenue à la demande des pays.
23:59 Elle a été la seule, effectivement, je suis d'accord que la France a été toute seule à prendre les choses au solide.
24:04 Et pourtant, les conséquences, c'est qu'aujourd'hui, les coups d'État, les populations, on entend un sentiment très pro-français.
24:13 Anti-français, pardon.
24:15 Ce n'est pas lié au coup d'État, c'est lié à la propagande russe et c'est lié au fait qu'on n'a pas réformé la coopération et le développement pendant tout ce temps-là.
24:23 Alors, parlons s'il vous plaît de la coopération parce que sur le terrain économique et commercial, l'Union Européenne, elle perd du terrain par rapport à la Chine et la Russie.
24:33 Mais il y a quand même ce global gateway, le portail mondial qui prévoit notamment des investissements de 150 milliards d'euros en Afrique sur 6 ans.
24:42 Est-ce que ça, c'est une bonne façon de relancer la relation économique avec le continent africain ?
24:49 Je le pense.
24:50 Pourquoi ? Expliquez-nous.
24:51 Non, je crois qu'effectivement, l'Europe reste toujours le premier contributeur, même s'il y a d'autres concurrents comme la Chine ou comme la Russie.
25:00 Maintenant, l'Union Européenne, nous sommes tributaires de ce que nous portons.
25:05 Nous portons des valeurs.
25:06 Et donc, pour nous, la fin ne justifie pas les moyens.
25:10 Je crois que la relation sur cette base-là du global gateway, nous devons établir avec l'Afrique une relation partenariale gagnant-gagnant.
25:23 Et il ne s'agit pas de refaire de la Centrafrique, comme je dirais, ou de la Franc-Afrique des années 70-80.
25:32 Pas du tout.
25:33 Il s'agit d'avoir en face de nous aussi des États africains adeptes de la démocratie qui vont promouvoir – moi, je milite pour ça – l'éducation
25:45 et avec un véritable partenariat avec les pays africains.
25:49 Ce qui nous frappe là, aujourd'hui, ces coups d'État, outre le fait que, bon, vous disiez tout à l'heure, chaque fois qu'il y a un coup d'État, on voit la population dans la rue,
25:59 ce sont toujours les militaires qui s'en parlent du pouvoir et qui ne le rendent pas naturellement aux autorités civiles.
26:08 Dernièrement, j'entendais pour le Gabon une transition annoncée de deux ans où les militaires garderaient le pouvoir.
26:17 Donc qu'on fasse partir le président pour l'avoir suspecté de fraude, etc., d'accord, mais il y avait un opposant et il y avait donc des élections qui pourraient être faites.
26:29 Donc l'Afrique doit aussi se prendre en main et l'Union européenne doit poursuivre son travail de valorisation de nos valeurs.
26:43 C'est ce que, comment dirais-je, le disait dans son discours la présidente de la Commission.
26:50 L'Europe, c'est la sécurité, bien sûr, mais c'est aussi la solidarité et il faut trouver cet équilibre.
26:56 Mais alors justement, quand vous parliez de « babysitting » finalement de l'Afrique, on comprend forcément l'idée que l'Union européenne est le premier donateur en Afrique
27:06 avec un fonds de développement de 30 milliards d'euros ces sept dernières années par exemple.
27:12 C'est donc ce fonctionnement développement.
27:16 Ça vous paraît une réponse adéquate pour développer une relation équilibrée ou est-ce que c'est là que le bablesse en matière de, peut-être, justement, babysitting, comme vous dites ?
27:28 C'est là surtout que le bablesse parce qu'en fait il y a une mentalité comme ça et c'est ce que la gauche applique aussi en Europe dans les quartiers difficiles,
27:35 que ce soit en Belgique, en France ou aux Pays-Bas, c'est qu'il suffit de donner un peu d'argent, quelques subsides, il suffit de donner un chèque.
27:41 Ce n'est pas le cas avec Global Gateway.
27:44 Ça c'est de l'investissement pour Global Gateway.
27:47 Ça, ça fonctionnera s'il y a d'autres changements aussi au niveau du mindset, de la mentalité profonde qu'il y a dans la relation entre l'Europe et l'Afrique.
27:55 L'Europe, ce sont des pays, c'est un continent, c'est une union.
27:59 En Afrique, c'est aussi, là aujourd'hui dans le discours, ça vous aura peut-être frappé, qu'on a parlé de l'Afrique comme si c'était un pays.
28:05 Donc, en gros, chaque fois qu'on a un débat au Parlement européen, ça a été le cas en 2022, avant le sommet Europe-Afrique,
28:12 c'est un peu tabou de parler de la révision, de la manière dont on collabore avec l'Afrique.
28:19 Je donne un exemple concret.
28:21 Quand les entreprises veulent travailler avec des entreprises africaines, je prends des pays en Afrique de l'Ouest par exemple,
28:26 c'est extrêmement difficile, vous allez chez Cofas en France, vous allez chez Credendo en Belgique ou au Lloyd en Grande-Bretagne,
28:33 c'est extrêmement difficile d'avoir les documents comptables qu'il faut pour couvrir la transaction entre certaines entreprises européennes et des entreprises sur place.
28:41 Moi, je trouve qu'investir dans des négociations qui permettront d'avoir une bonne centrale de bilan,
28:46 c'est déjà, ce n'est pas de l'argent qu'on a donné, mais c'est une procédure qu'on a changée et ça va faire évoluer.
28:52 Et je l'ai vu quand je travaillais dans le secteur privé, que c'était un frein au développement des PME au niveau local.
28:58 Et la manière, le style, les mots qu'on utilise, ça donne un complexe d'infériorité.
29:02 Et si on veut que les enfants de l'Afrique demain se prennent la main, il faut en parler différemment aujourd'hui.
29:08 Non, pas infantiliser les Africains.
29:10 Je pense que la coopération Union Européenne Afrique, outre ce qu'on fait déjà avec le programme Global Gateway,
29:19 ça serait effectivement peut-être la création d'une agence européenne de l'éducation qui travaillerait de manière partenariale avec l'Afrique,
29:27 parce que je crois que, non pas uniquement au niveau financier, mais comme vous le dites, au niveau éducation.
29:34 Et qui porterait quel message ?
29:36 Je pense qu'il faut, aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe au Niger ? C'est le renversement d'une démocratie.
29:43 D'un président légalement et démocratiquement élu qui a été renversé par une jeune.
29:50 Et cette succession de coups d'État, c'est toujours des actions militaires.
29:55 Mais l'Union Européenne, elle va peut-être apparaître à ce moment-là comme donneuse de leçons en arrivant.
29:59 Mais pas du tout, parce que ce que je veux dire, non, non, cette agence européenne de l'éducation serait basée sur
30:05 un duo, c'est-à-dire qu'on demanderait à nos partenaires africains, quelle éducation vous voulez mettre en place.
30:13 Je prends un exemple. J'ai organisé ici un colloque sur l'éducation et il y avait de nombreux pays africains.
30:19 La Côte d'Ivoire, le Rwanda, le Sénégal, etc. Et que nous disait-il ? Comment améliorer cette éducation
30:27 pour faire de nos enfants africains des partenaires, des citoyens éclairés, pour que demain la relation soit effectivement parlementaire ?
30:38 Je pense que sur l'éducation, vous serez d'accord. En revanche, quand on voit la présidente de la Commission européenne
30:43 multiplier les déplacements en Afrique, aux côtés d'ailleurs de la très-droitière Georgia-Melanie, comme en Tunisie, etc.,
30:49 pour signer des partenariats stratégiques dont le volet principal, c'est quand même le blocage de l'immigration sur le sol,
30:56 est-ce que ce troc-là est totalement légitime ?
30:59 Moi, je ne suis pas d'accord avec... Je vais laisser Madame.
31:03 Moi, je pense que la première chose dont on a besoin pour évoluer en tant qu'être humain, c'est d'être en sécurité.
31:09 Aujourd'hui, si l'index global de la sécurité dit que le Sahel est l'épuisant du terrorisme dans le monde,
31:17 ça doit nous amener à nous poser des questions beaucoup plus sérieuses que des questions de bureaucratie.
31:23 Parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas en continuant à faire ce que l'Europe a toujours fait.
31:28 On a bien constaté que ça n'a pas encore fonctionné. Depuis plus de 40 ans, ça n'a pas fonctionné.
31:33 Et donc, pourquoi continuons-nous à faire ce que nous avons fait ?
31:36 Et pourquoi on ne sort pas de notre zone de confort ?
31:39 Pourquoi on ne dit pas qu'on a commis des erreurs ? Et pourquoi on continue de signer des chèques en blanc ?
31:43 Dans le monde, en 2021, le chef de la diplomatie européenne, José Borrell, a lui-même dit
31:48 « Nous avons peut-être signé trop de chèques en blanc ».
31:51 Moi, je pense que la première action, c'est de ranger le chéquier et de sortir le respect.
31:55 Alors, signer des accords de partenariat stratégique avec un volet migratoire,
32:00 ça c'est beaucoup plus intéressant ou peut-être réaliste, pragmatique ?
32:04 Oui, moi je crois que la présidente de la Commission l'a dit dans son discours sur l'état de l'Union.
32:11 Nous avons à avoir deux choses. Assurer la sécurité de l'Europe, ça c'est clair.
32:16 Mais nous avons également un devoir de solidarité.
32:20 Nous ne pouvons pas accepter, effectivement, les morts dans la Méditerranée.
32:25 Nous avons, j'allais pas dire, créé le droit d'asile en Europe.
32:29 Mais c'est une valeur à laquelle nous tenons.
32:32 Donc, arriver à avoir ce duo équilibré.
32:36 Un duo équilibré dont nous reparlerons, mais on n'y est pas encore tout à fait.
32:44 A vous écouter tous les deux. Merci en tout cas d'avoir participé à ce débat.
32:48 Merci à nos téléspectateurs de nous avoir suivis sur France 24 et sur Public Sénat.
32:54 Vous restez sur nos antennes pour plus d'informations.
32:57 (Générique)

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