L'interview d'actualité - Chris Marques

  • l’année dernière
Chroniqueuse : Marie Portolano 


Chris Marques n’est pas seulement un danseur d’exception. Ce juge ultra jovial révélé dans l’émission Danse avec les Stars cache un passé très lourd et des blessures qui ne se refermeront jamais. Derrière son éternel sourire et son tempérament fougueux, il tente de dissimuler les stigmates du harcèlement scolaire dont il a été victime durant son enfance en raison de ses origines portugaises et de son caractère timide et réservé. Alors qu’une nouvelle affaire de harcèlement scolaire a bouleversé la France et que le gouvernement s’apprête à présenter son plan pour lutter contre ce fléau dans les écoles, Chris Marques est venu témoigner sur cette terrible épreuve que certains jeunes ne parviennent pas à surmonter, et de partager un message d'espoir, preuve que l'on peut s'en sortir ! 

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Transcript
00:00 Il est 8h13 alors que le gouvernement présentera son plan anti-harcèlement scolaire à l'école tout à l'heure.
00:04 Un témoignage fort ce matin, celui de Chris Marques,
00:07 que vous connaissez sans doute à travers l'émission "Danse avec les stars" notamment.
00:10 Il est votre invité, Marie, bonjour et bienvenue à vous.
00:13 – Chris Marques, bonjour. – Bonjour.
00:15 – On vous connaît jovial, souriant, blagueur, plein d'entrains,
00:18 pourtant vous n'avez pas toujours été cette figure-là.
00:21 Quand vous étiez petit, vous avez été harcelé longuement à l'école
00:23 parce que fils d'immigrés portugais, parce que vous étiez un enfant timide et réservé.
00:27 Ça a commencé très tôt, à 7 ans.
00:30 – Absolument, dès le CE1. – Qu'est-ce qui s'est passé ?
00:33 – Je venais juste de changer d'école, j'avais fait mon CP dans une école,
00:39 je passais en CE1 ailleurs et immédiatement je deviens peut-être l'enfant un petit peu
00:47 vulnérable et facile à attaquer et ça commence en fait très rapidement,
00:54 tout simplement au départ du dénigrement et ensuite des violences physiques.
01:01 – C'était quoi votre quotidien à l'école ?
01:04 – J'ai toujours aimé aller à l'école, c'était un environnement dans lequel j'étais très à l'aise,
01:11 mais c'est vrai que c'était également le petit calvaire, on va dire,
01:16 je le dis maintenant, mais psychologique parce qu'en fin de compte,
01:19 tous les matins la question allait être, est-ce que ça allait être une journée normale
01:23 ou est-ce que ça allait être une journée compliquée ?
01:26 – Alors c'était quoi une journée compliquée par exemple ?
01:28 – Une journée compliquée c'était les moments fun tels que les récréations
01:34 qui deviennent en fin de compte des moments de peur, des moments où on essaie juste
01:41 de trouver un groupe avec qui s'attacher, avec qui s'accrocher
01:44 pour ne pas être justement le petit garçon tout seul qui va se prendre une tarte.
01:49 – Parce que vous subissiez des violences physiques aussi ?
01:51 – Oui absolument. – Vous faisiez taber dessus en fait ?
01:53 – Oui. Et ce qui est compliqué à expliquer c'est qu'en fin de compte,
02:01 au départ c'est du harcèlement scolaire, mais dans les petites villes,
02:05 ça dépasse très rapidement le cadre de l'école.
02:08 Je me rappelle un épisode où un jour je suis sur mon vélo et mon intimidateur
02:16 me voit tout simplement, la petite bande qui était autour de lui était là également
02:20 et je me retrouve en fait derrière, dans un terrain vague,
02:25 derrière un centre commercial qui est juste à côté de chez moi
02:27 et tout d'un coup je me retrouve avec cette bande et moi tout seul.
02:30 – Qu'est-ce qui se passe ?
02:31 – Et là, pour un enfant c'est l'instinct de la survie, on se débat, on se bat,
02:37 on fait tout ce qu'on peut pour justement passer à un nouveau moment
02:41 et pour pouvoir rentrer chez soi.
02:43 Parce qu'en fait quand on est gamin on ne sait pas en fait où ça peut aller,
02:48 on ne sait pas si ce moment est simplement un petit mauvais moment à passer
02:52 ou si ça peut être beaucoup plus grave.
02:54 – Combien de temps ça a duré ?
02:56 – Ça a duré quelques années.
02:57 – Quelques années quand même ? – Oui.
02:59 – Est-ce que vous en avez parlé à vos parents ?
03:01 – Absolument, c'est d'ailleurs mes parents qui ont eu la meilleure façon
03:07 on va dire de me faire passer ce cap,
03:11 c'est qu'ils m'ont montré un soutien sans faille, immédiat,
03:15 le jour où ils ont vu les bleus et les marques et les coups.
03:21 Et donc quand tout d'un coup on se sent soutenu,
03:28 il y a une espèce de libération parce qu'en fait
03:31 il y a toujours la question de l'enfant harcelé qui se dit
03:33 "mais c'est peut-être moi qui en fait fais quelque chose de travers,
03:36 c'est peut-être moi qui ne m'exprime pas bien,
03:38 c'est peut-être moi qui ne ressemble pas aux autres
03:42 ou qui ne correspond pas aux autres".
03:44 Exactement, et donc quand tout d'un coup les parents
03:48 prennent conscience de ce qui se passe et qu'en plus de ça
03:51 ils vous apportent un soutien inconditionnel tout de suite,
03:55 c'est source de force.
03:57 – On dit du harcèlement scolaire qui vous poursuit toute la vie,
04:00 est-ce que vous y pensez encore aujourd'hui ?
04:02 Moi je me sens un peu ému d'en parler déjà.
04:04 – Je n'ai pas souvent tendance à parler de ça,
04:09 moi ma vie justement j'ai envie de dire l'inverse,
04:12 j'ai envie de dire que justement le harcèlement scolaire
04:14 ne vous suit pas toute la vie.
04:16 C'est un mauvais moment à passer et moi je l'ai dépassé ce moment.
04:21 – Comment vous avez fait alors ?
04:23 – C'est toujours facile à posteriori de donner des explications
04:26 mais la réalité c'est qu'en fin de compte,
04:29 changer d'établissement scolaire, pour moi par exemple,
04:32 passer de l'école primaire au collège a déjà été source de respiration,
04:39 j'ai pu souffler un petit peu, j'ai pu également moi m'affirmer différemment,
04:44 j'ai pu faire évoluer en fait le petit garçon que j'étais.
04:49 Et donc voilà, les premiers pas c'était le changement,
04:53 c'était un petit peu la transformation
04:55 et s'il y a quelque chose que je retiens on va dire,
04:57 et de nouveau je le dis à postériori c'est toujours facile,
05:00 mais c'est le fait de se transformer qui m'a permis justement
05:05 de transformer ces moments quand j'étais petit en force.
05:09 – Mais alors quand vous dites vous transformez,
05:11 vous vous êtes transformé comment ?
05:13 – L'exemple tout bête c'est que quand un enfant est harcelé,
05:16 il développe quand même certaines qualités, c'est dommage mais c'est vrai,
05:22 moi par exemple j'étais devenu un spécialiste de la lecture d'une pièce,
05:25 j'étais capable très rapidement quand je rentrais dans une pièce
05:28 de vous dire si cette pièce était bienveillante, accueillante
05:31 ou s'il y avait des petits problèmes à droite à gauche.
05:33 Et donc ça maintenant ça me sert très bien,
05:36 quand j'arrive sur scène et qu'il y a 10 000 personnes devant moi,
05:38 je sais quel type de salle j'ai, je sais exactement
05:41 où sont potentiellement les petites poches de problèmes
05:43 sur lesquelles je vais travailler très rapidement,
05:46 ça me permet justement aujourd'hui d'avoir une force
05:48 que je n'aurais pas eu si je n'avais pas passé ça.
05:50 – Alors justement vous dites qu'à postériori c'est plus facile d'analyser tout ça,
05:54 qu'est-ce que vous diriez aujourd'hui aux petits Chris Marques
05:57 et aux petits enfants qui potentiellement vivent ce que vous avez traversé
06:01 et qui nous regardent aujourd'hui, qu'est-ce que vous avez envie de leur dire ?
06:05 – Ce qu'il faut savoir c'est que ce qui change tout c'est que je suis papa maintenant,
06:09 j'ai un petit garçon absolument génial, je n'ose même pas imaginer
06:13 qu'il passe la même chose que moi j'ai passé quand j'étais petit,
06:16 ça me paraît inconcevable.
06:18 Donc la chose la plus importante c'est de savoir que c'est passager,
06:22 et je sais que ça c'est dur, c'est dur à entendre, c'est dur à croire,
06:26 quand on a 7, 8, 9 ans on ne peut pas se dire
06:29 que ce moment-là est simplement passager et que ça va aller mieux.
06:32 – C'est ça qu'il faut retenir, c'est qu'à un moment donné ça passe.
06:36 Aujourd'hui Elisabeth Borne et Gabriel Attal proposent leur plan
06:40 pour lutter contre le harcèlement scolaire, vous pensez qu'il faut faire quoi ?
06:44 – La première chose c'est que je voudrais juste dire un grand merci à Gabriel Attal,
06:48 il a pris cette cause immédiatement au sérieux, il a avancé rapidement
06:53 et la Première Ministre j'espère va nous présenter quelque chose de fort aujourd'hui.
06:58 La première chose pour moi à faire c'est bien sûr le suivi de l'enfant harcelé.
07:02 – Le soutien, le suivi.
07:03 – Exactement, mais, et je pense que c'est tout aussi important,
07:07 le soutien systématique de l'intimidateur et de sa famille.
07:12 Et je m'explique, ça peut paraître en fait contradictoire, mais on parle d'enfant.
07:17 – Oui, il faut expliquer à l'enfant harceleur,
07:21 et il faut suivre également l'enfant harceleur.
07:22 – Et il faut peut-être même essayer de savoir pourquoi cet enfant a ce comportement.
07:27 Il y a peut-être d'autres raisons,
07:29 et donc un enfant a besoin d'être soutenu également.
07:32 La deuxième chose, et aujourd'hui je pense que ça…
07:35 je ne pense pas qu'ils en parleront aujourd'hui,
07:37 mais je pense qu'il faut qu'on parle du numérique aujourd'hui.
07:40 – Oui, le cyberharcèlement est aussi…
07:42 – Absolument, dans le harcèlement il y a effectivement l'effet de meute
07:45 qui devient très très important,
07:47 et dans le numérique en fait on a développé la capacité très rapidement à…
07:53 – À suivre.
07:54 – À diffuser des choses en masse très rapidement à des petits groupes,
07:58 à des groupes, à des classes,
08:00 et je pense que ça, ça peut mener très très loin négativement.
08:04 – Merci beaucoup Chris Marques d'avoir accepté
08:06 de venir nous raconter votre histoire qu'on connaît peu finalement.
08:09 Pour rappel, les victimes de harcèlement scolaire
08:11 peuvent appeler gratuitement le numéro national d'écoute au 30 20.
08:15 Merci beaucoup.
08:16 – Merci à vous, et c'est rassurant de dire qu'on peut s'en sortir quand même,
08:19 même si c'est très difficile à vivre.
08:20 Merci Chris Marques.

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