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Dans ce nouvel épisode de notre série vidéo "Dilemme", qui aborde avec philosophie les problèmes moraux de la vie quotidienne, notre journaliste Xavier de La Porte aborde la question particulièrement délicate de la pornographie. Tout le monde ou presque regarde du porno (reconnaissons-le), en particulier les plus jeunes. Ce qui ne manque pas de poser question quant à la formation de leurs imaginaires érotiques. S’il faut examiner ce qui se cache souvent derrière la critique du porno (pudibonderie, chasse à la masturbation, etc.), il ne faut pas minimiser les travers de cette industrie. A la fois dans ce qu’elle produit sur les représentations et dans ce qu’elle suppose d’exploitation des corps. Peut-être alors faut-il tourner vers d’autres contenus pour exciter nos corps et nos imaginaires ? Il y en a...

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Transcription
00:00 Le porno, on estime que c'est un tiers de la bande passante d'internet.
00:03 Alors forcément, plein de gens s'inquiètent.
00:06 Que des jeunes, ou des moins jeunes d'ailleurs,
00:07 puissent regarder des babes refaites dans des positions sexuelles ultra stéréotypées
00:12 ou des mecs increvables au sexe gigantesque,
00:15 ça n'est pas forcément la meilleure manière de commencer sa vie sexuelle.
00:19 Donc, faut-il arrêter de regarder du porno.
00:22 C'est vraiment un truc de peine à jouir ça.
00:24 Des gens qui veulent tout interdire.
00:26 Ça a même un nom, on appelle ça la panique morale.
00:30 La panique morale, c'est quand vous attribuez tous les mots d'une société à un phénomène
00:34 et que, en plus, vous donnez à ce phénomène une importance qu'il n'a pas.
00:38 Par exemple, ici, le porno serait responsable en vrac de l'imaginaire sexuel pourri des adolescents
00:45 ou encore des violences faites aux femmes.
00:46 Ce serait l'exploitation patriarcale mise à nu.
00:50 C'est ce qu'ont défendu, et défendent encore d'ailleurs, certains courants féministes.
00:54 Face à cela, des courants un peu plus libertaires ont dit
00:55 "Ouh là là, attendez, quand sous couvert de bonnes mœurs, on interdit une pratique,
01:00 en général, ça finit pas très bien."
01:01 Regardez, par exemple, la prohibition de l'alcool aux États-Unis dans les années 1920.
01:06 Ça n'a pas réduit l'alcoolisme.
01:07 Il y a toujours un moment où l'interdiction du porno repose sur l'idée que la masturbation, c'est mal.
01:12 Un vieil interdit moral qui a longtemps essayé de reposer sur des arguments physiques.
01:17 Par exemple, la masturbation, ça rend sourd.
01:20 Bon, ça a jamais été prouvé.
01:22 Et on a compris au fur et à mesure du temps que la masturbation faisait partie de la découverte de la sexualité.
01:27 Donc, si on se place du strict point de vue moral,
01:30 il n'y a pas de raison d'interdire le visionnage du porno.
01:33 Ok, mais quand même, le porno moderne, c'est sale.
01:36 À cela, il y a deux types d'arguments qui ont été largement défendus
01:39 par l'écrivaine et documentariste Ovidie.
01:42 D'abord, l'idée que la pornographie modèle nos imaginaires.
01:45 Savez-vous, par exemple, attention, passage interdit aux moins de 18 ans,
01:49 que l'éjaculation faciale est une pratique qui est largement apparue
01:53 dans le sillage de la pornographie contemporaine,
01:56 même si elle est déjà présente chez Markitsada.
01:59 Et c'était au départ un dispositif visuel pour montrer la jouissance de l'homme.
02:04 Les féministes diront la domination sans avoir complètement peur.
02:07 Autre exemple, on adopte souvent dans la pornographie le point de vue,
02:11 le POV, point of view masculin.
02:14 J'ai un ami qui a tenté le porno virtuel avec le point de vue de la femme.
02:17 Et bien, croyez-moi, ça change des trucs.
02:19 Ce point de vue a été surtout porté par des féministes anti-porno
02:23 comme Andrea Dworkin et Catherine McClinone,
02:26 pour qui la pornographie est le moyen par lequel la sexualité est socialement construite
02:31 et où les femmes deviennent des choses disponibles pour l'usage sexuel.
02:35 Ensuite, il y a un argument de conjoncture.
02:38 Comme tous les secteurs de l'économie, le porno a été rattrapé par la numérisation
02:43 et par la précarisation du travail.
02:45 Sans idéaliser ce qui se faisait avant,
02:48 on se retrouve avec des actrices et des acteurs mal payés,
02:51 des conditions de travail très difficiles, voire dans certains cas, atroces.
02:55 Mais tout ça, ça ne concerne qu'une partie de la production pornographique.
03:00 La partie la plus importante, certes, mais il y a autre chose.
03:04 D'abord, il existe une production pornographique
03:07 qui essaie de s'abstraire des imaginaires de la domination
03:11 et notamment de la domination masculine.
03:12 Mais il faut le trouver et par ailleurs, souvent, il est payant.
03:16 Mais si on pense que c'est encore trop, il y a le sang.
03:19 Par exemple, un subreddit, c'est-à-dire un fil de discussion sur le forum Reddit,
03:24 qui rassemble des histoires racontées par des internautes.
03:28 Et ce qu'on y entend, ce sont des fantasmes d'une grande diversité
03:31 sans qu'aucun argent ne soit en jeu.
03:34 Plus globalement, on peut même trouver des vertus à la pornographie en ligne
03:38 quand elle est respectueuse.
03:39 C'est ce qu'explique la sexperte féministe Maya Mazorette.
03:43 Pour elle, Internet crée une rupture anthropologique
03:47 dans l'histoire de l'humanité à rien que ça.
03:49 À savoir, documenter les fantasmes,
03:51 même les plus minoritaires, même les plus marginaux, même les plus inavouables.
03:55 Or, cette documentation des fantasmes,
03:57 le fait qu'elle soit accessible à tous,
04:00 le fait qu'on puisse en garder la mémoire,
04:02 ça nous permet d'être plus savants dans notre sexualité,
04:06 de mieux nous connaître nous, mais de mieux connaître aussi les autres.
04:09 Ce qui est essentiel en matière de sexualité.
04:11 Donc voilà, ce à quoi invite Maya Mazorette,
04:14 c'est de fouiller, c'est d'aller voir un peu en dehors des grandes plateformes,
04:17 c'est en somme faire ce qu'on aime faire en matière de sexualité,
04:21 explorer.
04:22 [Musique]

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