• l’année dernière
- Grand témoin : Lilia Hassaine, journaliste et autrice de « Panorama » (Gallimard)

LE GRAND DÉBAT / Anti-harcèlement : un plan à la hauteur ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Lindsay, Lucas, Nicolas... Les enfants qui se suicident cette année après avoir subi du harcèlement scolaire sont de plus en plus nombreux. Pour mettre fin à cette litanie macabre, le nouveau ministre de l'Éducation, Gabriel Attal, a initié un grand plan interministériel anti-harcèlement. Parmi les mesures annoncées : une grille d'auto-évaluation des enfants qui pourront notifier leur mal-être, une cellule académique anti-harcèlement, une formation renforcée du corps enseignant et des policiers, une saisine systématique du procureur en cas de signalement, des cours d'empathie dès 2024... Désormais, ce sont les harceleurs qui devront changer d'établissement. Les sanctions contre le cyber-harcèlement seront plus fortes et incluront notamment la possibilité d'une exclusion définitive des réseaux sociaux et d'une confiscation de téléphone portable. Ce plan orchestré par Gabriel Attal sera-t-il plus efficace que ceux de ses prédécesseurs ?

Invités :
- Sarah Legrain, députée LFI de Paris
- Nora Tirane Fraisse, déléguée générale de l'association « Marion Fraisse La main tendue »
- Bruno Bobkiewicz, Proviseur du lycée Buffon (Paris 15ème) et secrétaire général du SNPDEN
- Perrine Goulet, députée Modem de la Nièvre et Présidente de la délégation aux droits des enfants

LE GRAND ENTRETIEN / Lilia Hassaine : une société 100% transparente, quel cauchemar !
Que se passerait-il si nous vivions dans une société parfaitement transparente où les maisons seraient devenues des vivariums ? Dans une contre-utopie percutante qui mêle enquête, réflexion sociétale et histoire de couple, Lilia Hassaine questionne notre conception de la Justice et ce monde où tout le monde veut tout voir et tout savoir. Qu'advient-il lorsque les citoyens sacrifient leur liberté pour vivre dans une société sécuritaire et voyeuriste ?

- Grand témoin : Lilia Hassaine, journaliste et autrice de « Panorama » (Gallimard)

BOURBON EXPRESS : Fanny Guinochet, journaliste économique à FranceInfo

LES AFFRANCHIS
- Richard Werly, correspondant France/Europe pour « Blick »
- Thomas Lestavel, journaliste économique

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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News
Transcription
00:00:00 "Uncatchable", Alexandre Cohen
00:00:02 ...
00:00:04 -Bonsoir et bienvenue.
00:00:06 Très heureuse de vous retrouver dans "Ça vous regarde"
00:00:09 ce soir.
00:00:10 La dystopie de la rentrée littéraire
00:00:12 à ne surtout pas rater.
00:00:14 Bonsoir, Lili Hassen.
00:00:15 Ravi de vous accueillir dans cette émission.
00:00:18 "Panorama" est votre 3e roman chez Gallimard.
00:00:20 Roman policier, cette fois qui se déroule en 2049
00:00:23 dans une société de la transparence poussée à l'extrême.
00:00:27 Jusqu'où peut-on sacrifier sa propre liberté
00:00:30 pour garantir sa sécurité ?
00:00:32 C'est une des questions au coeur de votre livre.
00:00:35 On va en parler de tout à l'heure.
00:00:37 Notre grand débat ce soir,
00:00:39 comment en finir avec le harcèlement scolaire ?
00:00:42 Elisabeth Borne a dévoilé son plan d'action
00:00:45 il y a quelques heures après les scandales et les drames
00:00:48 de ces dernières semaines.
00:00:50 Réseaux sociaux, formation du personnel scolaire, justice.
00:00:53 Les mesures annoncées sont-elles à la hauteur
00:00:56 de l'électrochoc attendu ?
00:00:57 Nous en débattons dans un instant
00:00:59 avec mes invités sur ce plateau.
00:01:01 Enfin, nos affranchis ce soir, l'Europe avec Richard Verli,
00:01:05 l'Oeil sur le numérique avec Thomas Lestavelle
00:01:07 et un Bourbon Express spécial budget 2024
00:01:10 sous la loupe de Fanny Guinochet.
00:01:12 Voilà pour le programme. On y va ?
00:01:14 Ça vous regarde ? C'est parti.
00:01:17 Musique rythmée
00:01:18 ...
00:01:28 Lucas, 13 ans, en janvier.
00:01:30 Lincey, 13 ans, en juin.
00:01:32 Nicolas, 15 ans, en septembre.
00:01:34 Trois enfants harcelés qui ont mis fin à leur jour
00:01:37 et il y en a d'autres dans cette année.
00:01:39 Des morts qui signent l'échec de la société
00:01:42 à combattre ce fléau.
00:01:43 Il y a un plan d'action sur la table,
00:01:45 annoncé en grande pompe avec toute une quirielle de ministres
00:01:49 et Elisabeth Borne en tête.
00:01:50 Se donnent-ils les moyens, ce gouvernement,
00:01:53 pour combattre ce fléau ?
00:01:54 Bonsoir, Perrine Goulet. -Bonsoir.
00:01:56 -Vous êtes députée Modem de la Nièvre.
00:01:59 Vous présidez la délégation aux droits des enfants
00:02:02 à l'Assemblée nationale.
00:02:03 Vous débattez avec Sarah Legrain.
00:02:05 Bienvenue, députée de la France insoumise de Paris.
00:02:08 Bonsoir, Nora Tiran-Fress.
00:02:10 Merci d'être là.
00:02:11 Vous êtes déléguée générale de l'association Marion,
00:02:15 votre fille, c'est Marion, qui a été harcelée.
00:02:17 A l'école, c'était il y a dix ans.
00:02:19 Elle a mis fin à ses jours.
00:02:21 Depuis, vous faites partie du programme Phare,
00:02:23 qui est mis en place dans les collèges et les lycées
00:02:26 pour lutter contre ce fléau.
00:02:28 Bonsoir, Bruno Bobkiewicz.
00:02:29 Vous êtes professeur du Grand lycée Buffon
00:02:32 dans le 15e arrondissement de Paris.
00:02:34 Vous êtes aussi secrétaire générale
00:02:36 du syndicat d'enseignants CNBTDEN.
00:02:39 Je voulais signaler quand même, Lilia Hessen,
00:02:42 comment vous êtes partie prenante à ce débat,
00:02:45 parce que vous en parlez, ce thème-là,
00:02:47 dans votre livre, et à un personnage
00:02:50 qui est victime de harcèlement.
00:02:52 Vous êtes aussi journaliste, n'hésitez pas à intervenir.
00:02:55 Dans ce débat, on va commencer par planter le décor.
00:02:58 Quelles sont ces annonces ?
00:02:59 C'est évidemment Stéphane Blakowski,
00:03:01 le chrono de Blakow, pour commencer.
00:03:03 (Bruit de clavier)
00:03:05 Bonsoir, Stéphane.
00:03:07 -Bonsoir, Myriam. Bonsoir à toutes et tous.
00:03:09 -Je me retourne pour vous accueillir.
00:03:11 Qu'a dit la Première ministre, notamment ?
00:03:13 -Vous avez remarqué, c'est la Première ministre
00:03:16 qui, en personne, est venue présenter
00:03:18 le plan anti-harcèlement scolaire du gouvernement,
00:03:21 mais jusqu'à présent, c'était Gabriel Attal
00:03:24 qui était en première ligne.
00:03:25 Le ministre a été nommé il y a trois mois
00:03:28 et il souhaite créer un électrochoc dans l'opinion
00:03:31 autour de la question du harcèlement.
00:03:34 Il a utilisé plusieurs ficelles, on va dire,
00:03:36 de communication ou d'action,
00:03:38 par exemple, jouer sur l'émotion
00:03:40 qu'on a ressentie en voyant les suicides
00:03:43 d'enfants victimes de harcèlement.
00:03:45 Il cite nommément, il énumère le nom des victimes
00:03:48 dans ses discours ou même dans des tweets.
00:03:50 Parmi les signes forts envoyés depuis la rentrée,
00:03:53 il y a eu les interpellations par la police
00:03:55 de harceleurs dans leurs écoles
00:03:57 ou les propos très sévères de Gabriel Attal
00:04:00 contre l'Académie de Versailles,
00:04:02 qui avait envoyé des courriers menaçants
00:04:04 à des parents dont les enfants étaient harcelés.
00:04:07 Le résultat, c'est que depuis la rentrée,
00:04:09 il y a eu une réunion régulièrement des médias
00:04:12 et ça semble avoir libéré la parole.
00:04:14 C'est ce que dit Gabriel Attal en se fiant à un chiffre,
00:04:17 celui des appels au 3018,
00:04:19 le numéro mis à disposition des victimes de harcèlement.
00:04:22 Ces appels ont été multipliés par 3
00:04:24 par rapport à la rentrée dernière.
00:04:26 Il y a une libération de la parole.
00:04:28 C'est le premier axe sur lequel compte travailler le gouvernement.
00:04:32 Pour détecter au plus tôt les cas de harcèlement,
00:04:34 une nouvelle mesure va être mise en place.
00:04:37 Pour identifier les dangers,
00:04:39 tous les élèves du CE2 à la 3e
00:04:42 rempliront chaque année une grille d'auto-évaluation
00:04:45 qui permettra de repérer les cas de harcèlement
00:04:47 et d'intervenir rapidement.
00:04:49 Le deuxième axe du plan de gouvernement
00:04:51 contre le harcèlement, c'est la prévention.
00:04:54 Dans ce domaine, Gabriel Attal ne se cache pas
00:04:56 de s'être inspiré de ce qui se passe au Danemark,
00:04:59 où on a mis en place des méthodes de lutte contre le harcèlement
00:05:03 depuis une vingtaine d'années dans certaines écoles.
00:05:06 Les Fédénois constataient que ce n'était pas suffisant
00:05:09 de punir les harceleurs,
00:05:11 mais qu'il fallait, dès les plus jeunes,
00:05:13 donner des cours aux enfants
00:05:15 pour leur faire comprendre les mécanismes du harcèlement
00:05:18 pour qu'ils puissent y échapper,
00:05:20 pour être plus empathiques.
00:05:22 On écoute Gabriel Attal.
00:05:24 -Les cours d'empathie,
00:05:25 les cours de respect de l'autre,
00:05:27 d'apprentissage du respect de soi et des autres,
00:05:30 les compétences psychosociales.
00:05:32 La France va inscrire dans le cursus scolaire
00:05:35 les méthodes de lutte contre le harcèlement.
00:05:38 C'est un exemple de ce qui existe dans d'autres pays,
00:05:41 notamment au Danemark, où je me suis rendu.
00:05:44 -Il y a un 3e axe, que le gouvernement appelle solution,
00:05:47 qui est consacré aux sanctions qu'on peut prendre
00:05:50 contre les harceleurs.
00:05:52 La Première ministre a annoncé
00:05:54 qu'il y aurait une saisine systématique du procureur
00:05:57 quand il y a un signalement de harcèlement.
00:06:00 Comme le harcèlement se déroule essentiellement sur les réseaux,
00:06:04 il y a un autre exemple,
00:06:05 Jean-Noël Barraud, ministre délégué au numérique.
00:06:09 -Nous avons prévu une mesure qui permettra au juge,
00:06:12 lorsqu'il décidera de condamner l'auteur
00:06:15 d'un fait de cyberharcèlement scolaire,
00:06:18 de prendre une peine complémentaire
00:06:20 de bannissement des réseaux sociaux
00:06:22 pendant une période de six mois,
00:06:24 qui peut être portée à un an en cas de récidive.
00:06:28 -Je n'ai pas fait la liste exhaustive des mesures,
00:06:31 j'ai compris les trois classes,
00:06:33 détection, prévention, solution.
00:06:36 Simplement, il n'y a pas de doute,
00:06:38 le gouvernement cherche à lutter contre ce phénomène,
00:06:41 mais ce n'est pas nouveau.
00:06:43 Tous les ministres, depuis 2010,
00:06:45 ont proposé des plans anti-harcèlement.
00:06:47 J'ai pris les archives.
00:06:49 En 2011, c'était Luc Châtel. En 2013, Vincent Péillon.
00:06:52 Le plan harcèlement de Najat Vallaud-Belkacem,
00:06:55 c'était en 2015. En 2019, il y a eu un nouveau plan
00:06:58 par Jean-Michel Blanquer.
00:07:00 Donc, évidemment, la question ce soir,
00:07:03 c'est est-ce que le nouveau plan proposé par le gouvernement
00:07:06 sera plus efficace que les plans précédents ?
00:07:09 -Merci, Stéphane. On va entrer dans le détail des mesures,
00:07:12 mais je voudrais vous entendre sur le moment qu'on traverse.
00:07:16 Le ministre de l'Education, Gabriel Attal, a dit
00:07:19 qu'un tsunami de témoignages arrive sur les numéros d'appel,
00:07:22 le 30-20, est-ce qu'on est face à une forme de "me too"
00:07:26 du harcèlement, aussi bien des enfants victimes
00:07:30 que leurs parents, appel ?
00:07:31 Est-ce qu'on est en train de traverser un tournant
00:07:34 sur ce sujet-là ?
00:07:35 -Je pense que c'est pas un tsunami de signalements,
00:07:38 c'est la révélation de cas qui n'ont pas déjà été traités
00:07:42 depuis des mois et des années.
00:07:44 Ensuite, on nous dit une augmentation de trois fois,
00:07:47 mais trois fois quoi ? -Trois fois plus.
00:07:49 -De combien ? Pardon, je suis très pragmatique.
00:07:52 -C'est compliqué de connaître. -C'est pas compliqué.
00:07:55 Je ne les ai pas, je sais que le 30-20,
00:07:57 c'était autour de 90 000 sollicitations,
00:07:59 et le 30-18, autour de 25 000.
00:08:01 Je veux pas faire peur aux gens.
00:08:03 Si j'en ai dit trois fois plus que j'en avais 10,
00:08:06 et du coup, j'en ai 30, OK, mais il faut être très précis,
00:08:09 il faut pas faire peur aux gens.
00:08:11 -L'idée que la parole se libère,
00:08:13 que la peur change de camp pour prendre les formules,
00:08:16 vous n'êtes pas d'accord ? -C'est pas que la parole se libère,
00:08:19 elle s'est libérée depuis de nombreuses années,
00:08:22 depuis huit à neuf ans, mais elle n'était pas recueillie
00:08:25 ou retenue et prise en charge.
00:08:27 Ce qui est évoqué avec l'Académie de Versailles,
00:08:29 c'est quelque chose qu'on révèle depuis des années.
00:08:32 J'avais rencontré des gens au ministère au mois d'avril,
00:08:35 j'avais demandé, comme on dit, "audience",
00:08:37 et je leur ai dit "vous êtes assis sur une poudrière".
00:08:40 Aujourd'hui, on a des gens qui sont désemparés,
00:08:43 des familles qui n'ont pas de solution.
00:08:45 Au mois d'août, vers le 15 août, on commençait à avoir des appels
00:08:49 pour nous dire "je demande un changement d'affectation
00:08:52 "pour mon enfant, je veux pas qu'il retourne avec ses bourreaux".
00:08:55 Il a vraiment envie de changer les choses,
00:08:57 mais il découvre quelque chose que nous...
00:08:59 Que nous... Comment dire ?
00:09:01 -Que vous connaissiez depuis toujours et que vous dénonciez.
00:09:04 -On nous disait "allez voir ailleurs si j'y suis".
00:09:07 Là, on y est, vraiment.
00:09:08 Là, les gens sont en souffrance,
00:09:10 et surtout, beaucoup de parents nous ont appelés
00:09:13 en nous disant "ça veut vraiment dire que si c'est pas pris en charge,
00:09:16 "mon enfant peut se suicider".
00:09:18 C'est pour ça qu'il y a tous ces signalements
00:09:21 en disant "on m'a mal répondu".
00:09:23 -Il y en a tellement. -On peut un petit peu...
00:09:25 Voilà, c'est compliqué.
00:09:27 -On va y venir dans le détail,
00:09:28 mais on entend beaucoup cette idée d'un changement,
00:09:31 d'une sorte de libération de la parole,
00:09:33 parce qu'au fond, les élèves, leurs parents n'auraient plus peur.
00:09:37 Vous, vous voyez ça ? Phénomène massif, hein ?
00:09:40 Les mots sont forts. -C'est compliqué d'évaluer.
00:09:43 -On dit "un enfant sur dix", d'après le rapport du Sénat.
00:09:46 -Ces appels ne sont pas redirigés vers les établissements scolaires.
00:09:50 C'est difficile d'évaluer ces situations.
00:09:52 Elles sont très diverses en fonction des types d'établissements.
00:09:55 Collège, lycée, école, on n'est pas sur la même problématique.
00:09:59 C'est difficile pour nous de le savoir.
00:10:01 C'est une problématique que nous traitons au quotidien
00:10:04 dans notre gestion d'établissement.
00:10:06 On a un certain nombre de situations que nous sommes amenés à traiter.
00:10:10 Il faut l'admettre.
00:10:11 Il faut admettre aussi que dans une grande majorité de situations,
00:10:15 on peut les traiter, notamment dans les situations
00:10:18 où l'auteur et la victime sont identifiés.
00:10:20 Il y a eu des discussions sur... -Le problème a été sous-estimé,
00:10:24 pas forcément par le personnel enseignant,
00:10:26 mais par l'institution.
00:10:27 C'est ce que révèle le scandale de la Calédonie de Versailles.
00:10:31 -Sur le terrain, on n'a pas cette impression,
00:10:33 mais à partir du moment où il y a un certain nombre de personnages
00:10:37 impliqués, des associations qui le disent,
00:10:40 il faut être capable de l'entendre.
00:10:42 On ne peut pas rejeter le sujet en considérant
00:10:44 que l'Education nationale n'a pas sa part de responsabilité
00:10:48 dans la gestion de ces affaires, tout comme les réseaux sociaux,
00:10:51 les parents ont une responsabilité dans la gestion de ces affaires.
00:10:55 -On y vient sur les mesures.
00:10:57 On va parler d'abord de l'école.
00:10:59 Est-ce que, déjà, pour vous,
00:11:01 c'est le problème premier de l'école ?
00:11:03 On n'a pas entendu le mot "parents" dans ce plan.
00:11:07 Si on résout les problèmes au niveau scolaire,
00:11:10 on met les moyens,
00:11:11 on parviendra à stopper ce fléau-là, à votre avis ?
00:11:16 -Alors, le harcèlement, le mot "harcèlement" est récent,
00:11:19 mais le harcèlement à l'école, on l'a tous vécu,
00:11:22 étant petits, sous d'autres mots.
00:11:24 Mais c'était déjà pas normal à l'époque
00:11:26 qu'on se laisse taper, intimider,
00:11:28 dans nos cours d'école, quand nous, nous étions jeunes.
00:11:31 La grosse différence, aujourd'hui, c'est qu'avant,
00:11:34 quand un enfant était maltraité à l'école,
00:11:37 ça s'arrêtait à la sortie de l'école.
00:11:39 Il rentrait chez lui, dans un cocon où il était protégé.
00:11:42 La problématique, aujourd'hui, c'est que ça ne s'arrête pas.
00:11:46 L'enfant est harcelé physiquement à l'école,
00:11:48 et quand il rentre chez lui,
00:11:50 il y a encore les réseaux sociaux, le numérique qui appuie,
00:11:53 et donc, ça ne s'arrête jamais.
00:11:56 Et c'est certes un sujet pour l'école,
00:11:59 mais le harcèlement, maintenant,
00:12:01 même quand on change un enfant d'école,
00:12:03 parfois, le harcèlement continue.
00:12:05 Donc, pour moi, et vous l'avez très justement dit,
00:12:08 c'est un échec de la société toute entière.
00:12:11 Il faut vraiment qu'on agisse, dès le plus jeune âge,
00:12:14 pour que l'enfant sache ce que c'est qu'être victime.
00:12:17 Aujourd'hui, si on n'explique pas à un enfant
00:12:19 que ce qu'on lui fait subir, c'est mal,
00:12:22 il ne peut pas le deviner.
00:12:23 Je pense que c'est important.
00:12:25 C'est pour ça que les cours, comme le propose Gabriel Attal,
00:12:28 pour moi, sont très intéressants,
00:12:30 puisque la bienveillance...
00:12:32 Je me bats depuis plusieurs années
00:12:33 pour qu'on ait une éducation au corps avec cette bienveillance.
00:12:37 -C'est à l'école qu'on doit apprendre à ne pas taper son ami,
00:12:41 son camarade ?
00:12:42 C'est le lieu, c'est pas le rôle des parents ?
00:12:44 -C'est le rôle des parents, bien entendu,
00:12:46 mais il y a aussi des parents en difficulté.
00:12:49 Il faut qu'on ait des soutiens à la parentalité
00:12:51 plus importants devant les enjeux qu'on a maintenant,
00:12:54 qui ne sont pas les enjeux d'il y a quelques années.
00:12:57 Il faut aussi que l'école joue son rôle.
00:12:59 On sait que l'école est le premier pourvoyeur
00:13:02 d'informations préoccupantes,
00:13:04 parce qu'il y a aussi des familles qui dysfonctionnent.
00:13:07 Je plaide pour l'éducation au corps dès la maternelle,
00:13:10 pour que, dès la maternelle, les enfants sachent
00:13:13 que les preuves sur les violences éducatives ordinaires
00:13:16 sont une réalité, pour qu'on explique aux enfants
00:13:18 que ne pas réagir quand on va pas bien
00:13:20 par des coups donnés aux autres.
00:13:22 Ca commence par là, et c'est pour ça qu'il faut absolument
00:13:26 qu'on ait cette éducation au corps à la bienveillance
00:13:29 dès la maternelle.
00:13:30 -Il faut qu'on ait... -Il faut qu'on ait
00:13:32 de la prévoyance. -C'est la grande question.
00:13:35 Vous vous avez enseignée, vous êtes enseignante ?
00:13:37 -Je suis députée, mais je suis enseignante de français.
00:13:41 J'ai enseigné longtemps en Seine-Saint-Denis.
00:13:43 Ma première conviction, c'est qu'effectivement,
00:13:46 la question des violences entre les enfants,
00:13:48 c'est une question d'adultes, qui interpelle tous les adultes.
00:13:51 Le fait que les enfants soient conduits,
00:13:54 comme ça a été le cas pour le vôtre,
00:13:56 à mettre fin à leur jour, interpelle tous les adultes
00:13:59 et toute la société. Les violences entre enfants
00:14:01 sont alimentées par de la violence qu'il y a dans la société.
00:14:05 Vous parliez de MeToo, on est dans une société
00:14:07 traversée par des violences faites aux femmes,
00:14:10 on doit s'appuyer sur ces violences sexistes.
00:14:12 On est dans une société traversée par des violences homophobes,
00:14:16 racistes, grossophobes, toutes ces violences-là.
00:14:19 -Vous citez la grossophobie, l'homophobie
00:14:21 et les situations de handicap,
00:14:23 ce sont les trois premières. -Exactement.
00:14:25 La façon dont notre société fait prospérer
00:14:28 ou traite ces violences, elle a un rôle
00:14:31 sur la façon dont les enfants perpétuent ces violences.
00:14:34 C'est pour ça que l'idée sur laquelle,
00:14:36 en sortant de l'école, ils étaient dans un cocon,
00:14:39 c'est un familial, il y a des violences.
00:14:41 Maintenant, la question, c'est notre responsabilité collective.
00:14:45 Il n'y a pas d'hypocrise à avoir, on ne peut pas ne pas mener
00:14:48 le combat, ne pas donner aux associations de lutte
00:14:51 les plus de deux milliards qu'elles demandent.
00:14:53 Il faut adresser le constat.
00:14:55 Maintenant, sur la question de l'école,
00:14:57 j'y tiens particulièrement,
00:14:59 moi, ce que je vois dans ces annonces, c'est...
00:15:02 Je vois un paradoxe entre ces annonces-là
00:15:05 et un budget, par exemple, qui tombe aujourd'hui,
00:15:08 et on apprend que c'est de nouveau 2 500 postes de professeurs
00:15:11 qui vont être enlevés.
00:15:13 La question de la présence humaine...
00:15:15 -Pour des raisons démographiques.
00:15:17 -Ce n'est pas une question démographique.
00:15:19 -C'est ce qu'il dit dans la note de budget.
00:15:21 -Sauf que depuis 2017, si vous voulez,
00:15:23 il y a une grosse baisse démographique dans le pays,
00:15:26 parce que 7 900 profs supprimés depuis 2017,
00:15:29 je vous parle des profs,
00:15:30 400 CPE en moins depuis 2017,
00:15:33 2 000 AED, AED, c'est les surveillants,
00:15:35 en moins depuis 2017,
00:15:36 on aurait parlé de la médecine scolaire,
00:15:39 un carnage dans l'État,
00:15:40 je pense que vous m'en viendriez dire.
00:15:42 -900 médecins scolaires pour 40 000 écoles,
00:15:45 10 000 lycées collèges.
00:15:46 -Les questionnaires d'auto-évaluation.
00:15:48 Très bien, mais quelle va être la personne humaine ?
00:15:51 Quand vous dites "la parole se libère",
00:15:53 mais il y a qui en face pour accueillir cette parole ?
00:15:56 Très bien, mais quand ?
00:15:58 La formation initiale des enseignants a été sacrifiée.
00:16:01 Des profs qui vont faire des cours d'empathie,
00:16:03 sur quelle heure ? Il n'y a pas assez pour faire les programmes,
00:16:06 il n'y a pas assez de profs pour être devant les classes.
00:16:09 -C'est la question des moyens.
00:16:11 Il y a des choses qui ont été faites,
00:16:13 et depuis longtemps, il y a des sensibilisations,
00:16:16 des formations, etc.
00:16:17 L'objectif serait de former tous les personnels enseignants
00:16:20 d'ici la fin du quinquennat.
00:16:22 On n'a pas de chiffre, on ne sait pas pour vous.
00:16:25 Comment vous accueillez ça ? Vous vous dites que c'est un coup de com ?
00:16:28 -C'est un dispositif qui va prendre du temps,
00:16:31 il faut l'annoncer comme tel,
00:16:33 et qui nécessite des moyens complémentaires.
00:16:36 Donc, 800 000 enseignants,
00:16:37 près d'un million de personnels à former,
00:16:40 ça ne va pas se faire à coup de baguette magique
00:16:42 en quelques mois.
00:16:43 C'est un élément important qu'il faut rappeler.
00:16:46 Ensuite, il y a la question de... Je partage l'idée
00:16:49 que le dispositif de questionnaire d'auto-évaluation
00:16:52 peut être une bonne idée...
00:16:54 -Peut-être expliquez-nous.
00:16:56 On demande aux élèves...
00:16:57 -A partir du moment où on va interroger l'élève,
00:17:00 il faut lui poser des questions
00:17:02 qui ne relèvent pas uniquement de "êtes-vous harcelés ?"
00:17:05 Il y a une trentaine de questions par élève.
00:17:07 Qui récolte ces questionnaires ?
00:17:09 Moi, dans mon établissement, il y a 1 900 élèves.
00:17:12 Qui traite les 1 900 questionnaires ?
00:17:14 Qui sont des questionnaires papiers ?
00:17:17 Que fait-on des réponses ?
00:17:18 A partir du moment où on considère que sur les 30 questions posées,
00:17:22 régulièrement, la question de l'insécurité dans les toilettes
00:17:25 se pose.
00:17:26 Quel plan derrière ?
00:17:28 Quels moyens allons-nous avoir pour répondre ?
00:17:31 A partir du moment où on libère la parole
00:17:33 à l'élève, il faut savoir y répondre.
00:17:35 -Pour vous, cette question, vous représentez la majorité.
00:17:38 C'est vrai que 3 500 postes supprimés,
00:17:42 on cherche 3 000 profs, aujourd'hui.
00:17:44 D'ailleurs, on a rouvert les fameux "job dating"
00:17:47 dans l'éducation.
00:17:48 On se dit que ce sont de belles promesses.
00:17:51 -Je pense qu'effectivement, il y a un sujet
00:17:54 avec la partie vocation des enseignants
00:17:57 qui avait cours pendant plusieurs années.
00:17:59 On peine à recruter des enseignants, c'est clair.
00:18:02 Par contre, le budget est en hausse, cette année.
00:18:05 Il y a des choses sur l'éducation nationale qui bougent.
00:18:09 Après, on a un sujet sur la formation,
00:18:11 là où je vous rejoins.
00:18:12 Ma fille est en cours de formation pour être enseignante.
00:18:15 Je vois les lacunes de cette formation.
00:18:18 Je m'en suis ouverte au ministre cet après-midi.
00:18:20 Il faut revoir la formation.
00:18:22 -Qu'est-ce que vous avez constaté concrètement ?
00:18:25 -En typiquant sur l'éducation à la sexualité,
00:18:28 c'est quand même, pour moi, en tout cas,
00:18:31 quelque chose d'important, que j'aimerais coupler
00:18:33 avec l'éducation au corps.
00:18:35 Les enseignants ne sont pas bien encadrés pour le faire.
00:18:38 La partie harcèlement avec Phare,
00:18:40 on a bien développé la formation dans les collèges,
00:18:43 sauf que le harcèlement, c'est pas qu'au collège.
00:18:46 On l'a peut-être cru pendant un certain temps.
00:18:48 Je constate que des enseignants du premier degré
00:18:51 aux primaires sont quand même en difficulté
00:18:53 pour gérer ce harcèlement, peut-être parce qu'on n'a pas...
00:18:58 -Alors, j'entends bien qu'il y a des postes vacants
00:19:00 sur la médecine scolaire, et c'est un vrai enjeu.
00:19:03 Il faut revaloriser pour qu'on attire.
00:19:05 Aujourd'hui, on n'arrive pas à tirer.
00:19:07 C'est pas qu'on ne veut pas en avoir,
00:19:09 mais en tout cas, quoi qu'il arrive,
00:19:11 aujourd'hui, en primaire, on n'a pas de professionnels médicaux
00:19:15 à demeure dans les établissements scolaires.
00:19:17 Il faudra qu'on trouve une solution
00:19:19 pour accompagner les enseignants.
00:19:21 Et puis, il y a aussi la difficulté,
00:19:23 peut-être plus dans le primaire que dans le secondaire,
00:19:27 parce que dans le primaire, ils sont au contact
00:19:29 avec les familles, avec les parents,
00:19:31 et donc, des fois, faire des informations préoccupantes,
00:19:35 signaler des difficultés, c'est un peu plus difficile
00:19:38 dans le primaire, parce que les retombées
00:19:40 et les... J'allais dire les...
00:19:42 Les mécontentements peuvent revenir plus vite qu'au collège,
00:19:45 où on est un peu, entre guillemets, plus protégés.
00:19:48 Donc, je pense que, voilà, ça va dans le bon sens.
00:19:51 C'est au moins un plan interministériel.
00:19:53 On a mêlé... On mêle dedans la justice.
00:19:56 -On va parler des réseaux sociaux. -La santé,
00:19:59 le numérique, avec une phase, la semaine prochaine,
00:20:02 que j'espère qu'on va pouvoir améliorer encore sur le texte,
00:20:05 notamment en lien avec les droits de l'enfant.
00:20:07 On ne peut pas accéder à certaines choses
00:20:10 encore plus de manière importante.
00:20:12 Ce plan, il faut qu'il évolue,
00:20:14 parce que la société évolue, les dangers évoluent.
00:20:16 -A peine annoncé, vous voyez déjà les limites.
00:20:19 -Non, je ne vois pas les limites.
00:20:21 -C'est à le mérite d'être honnête.
00:20:23 -C'est pour répondre à ce que vous disiez.
00:20:26 J'ai eu que ce plan, mais la société évolue de jour en jour.
00:20:29 Donc, à un moment, il faut absolument, à chaque fois, coller.
00:20:32 Moi, je suis par contre convaincue
00:20:34 que la prévention est importante, et j'en reviens,
00:20:37 et j'ai peut-être ce martel en tête,
00:20:40 qui est vraiment, pour moi, le plus important.
00:20:42 C'est cette éducation au corps,
00:20:44 cette éducation à la préservation de son intégrité,
00:20:49 au respect des autres, qui est très important.
00:20:51 -Les élèves le savent, non ? -Non, pas tous.
00:20:55 Ils sont quand même informés, même via les réseaux sociaux.
00:20:59 Ils savent qu'à priori, on ne frappe pas un camarade.
00:21:02 C'est ce qu'on apprend à l'école maternelle,
00:21:04 et que les parents doivent apprendre à leurs enfants.
00:21:07 -Quand vous avez des familles dysfonctionnantes,
00:21:10 où vous avez des parents qui violent,
00:21:12 et on a une campagne sur l'inceste qui est importante,
00:21:15 qui rappelle la force de l'inceste dans notre pays,
00:21:18 si un enfant, il n'y a pas l'école qui lui explique
00:21:21 ce qui a lieu dans sa famille,
00:21:22 ou ce qui a lieu à tel ou tel endroit,
00:21:25 n'est pas normal, il ne peut pas le deviner tout seul.
00:21:28 Je pense que, certes, ce n'est pas que le problème de l'école,
00:21:31 mais l'école peut accompagner pour lutter contre ces violences.
00:21:35 -Nora Thiran-Fress, sur l'institution scolaire,
00:21:38 racontez-nous votre expérience
00:21:39 et dites-nous ce que vous en attendez.
00:21:42 -Je veux juste recentrer le débat.
00:21:44 J'étais venue pour parler du harcèlement,
00:21:46 je veux bien qu'on parle de tout,
00:21:48 mais c'est vraiment le sujet, on parle d'électrochoc,
00:21:51 on parle beaucoup des réseaux sociaux.
00:21:53 Je veux juste dire aux gens qui nous regardent
00:21:56 et qui nous appellent et qui nous demandent de l'aide,
00:21:59 franchement, avant 12 ans,
00:22:00 il faut arrêter de raconter des carabistouilles
00:22:03 aux gens en disant "après l'école",
00:22:05 ça nous poursuit.
00:22:06 Oui, ça ne nous poursuit pas que sur les réseaux sociaux,
00:22:09 ça nous poursuit dans les transports scolaires
00:22:12 à hauteur de 50 %, 15 % dans les toilettes.
00:22:15 Quelque chose qui est notable, c'est la ministre des Sports,
00:22:18 on travaille beaucoup avec le ministère des Sports
00:22:21 pour travailler justement sur l'extrascolaire
00:22:23 et sur les enfants.
00:22:25 Il faut agir dès le plus jeune âge, dès la maternelle,
00:22:28 il ne faut pas avoir peur de mettre des moyens.
00:22:30 Oui, il y a des vraies décisions,
00:22:32 mais je ne peux pas vous dire que tout est bien
00:22:34 tant que je ne sais pas plusieurs choses.
00:22:37 Quel va être le budget alloué ?
00:22:39 Quel est l'objectif annoncé ?
00:22:40 Quel va être le taux d'impact ? Comment on a évalué ?
00:22:43 Les cours d'empathie, c'est très bien,
00:22:46 mais dans la vraie vie, ce ne sont pas des cours d'empathie,
00:22:49 c'est le développement des compétences psychosociales,
00:22:52 donc toute cette liste, il ne faut pas être sur promesse.
00:22:55 Moi, ce que je dis, c'est qu'aujourd'hui,
00:22:58 quoi qu'il arrive, nos enfants meurent encore du harcèlement.
00:23:01 Aujourd'hui, je n'ai pas eu de réponse à "je vais empêcher
00:23:04 "des enfants de se suicider face au harcèlement".
00:23:07 Je n'ai pas ces réponses.
00:23:08 On me dit "mon psy.net", ou je sais pas quoi.
00:23:11 Mon psy.net, ça veut dire que c'est dédié à des personnes
00:23:14 qui vont être derrière leur ordinateur,
00:23:16 mais il y a des zones blanches, il y a des familles allophones...
00:23:20 Ça fait 10 ans que je suis sur le terrain.
00:23:22 Le dispositif "mon psy" n'est pas que Internet.
00:23:24 C'est juste ça. Le dispositif "mon psy"
00:23:27 est dans la vie réelle.
00:23:28 Vous voyez, ce qui est grave, enfin, ce qui est grave,
00:23:31 c'est que je ne sais même pas de quoi il s'agit.
00:23:33 Le commun des mortels ne comprend rien.
00:23:36 Aujourd'hui, il y a un problème de pédagogie.
00:23:38 Moi, ce que j'ai trouvé dans cette conférence de presse,
00:23:41 deux choses remarquables.
00:23:43 Tout le monde était autour de la table,
00:23:45 plan interministériel, c'est formidable,
00:23:47 mais on n'a rien compris.
00:23:49 Il y avait tellement d'informations.
00:23:51 Je suis parent à 16h30 avec mon enfant qui sort de l'école,
00:23:54 qui prend le goûter, je me dis "J'y vais, j'écoute".
00:23:57 J'avais l'impression, dans mon ancienne vie,
00:23:59 d'être dans un comité de direction,
00:24:01 où je devais vendre un projet.
00:24:03 La question, c'est combien de personnes...
00:24:05 Le travail des médias, c'est de réexpliquer.
00:24:08 Ce n'est pas qu'un plan à 16h30.
00:24:09 Les choses vont prendre du temps.
00:24:11 Il ne faut pas de surpromesses.
00:24:13 Aujourd'hui, je ne sais pas comment on va agir
00:24:16 dans les écoles dès le premier degré,
00:24:18 mais on va mourir de faute,
00:24:19 et pas que des subventions de l'Education nationale.
00:24:22 On nous demande beaucoup avec peu.
00:24:24 Les enfants ont besoin d'aide, on a besoin de remettre de l'humain.
00:24:28 Avec les violences faites aux femmes,
00:24:30 c'est très compliqué.
00:24:31 Un enfant est perdu, sa femme...
00:24:33 Toutes les familles ne sont pas dysfonctionnelles.
00:24:36 -Vous diriez que ça avance plus vite
00:24:38 sur la question des violences faites aux femmes ?
00:24:41 -Je ne peux pas avoir un enfant harceleur et un enfant harcelé.
00:24:44 J'entendais tout à l'heure, on va enlever les aides,
00:24:47 et les parents disaient qu'il fallait enlever les aides
00:24:50 aux parents des harceleurs.
00:24:51 C'est toujours les pauvres, les personnes vulnérables,
00:24:55 qui auraient des enfants harceleurs.
00:24:57 C'est là qu'on doit faire preuve de pédagogie.
00:24:59 6 % d'augmentation du budget,
00:25:01 combien sur cette cause ?
00:25:02 -Vous n'avez pas les réponses, pour le moment ?
00:25:05 -Non, on n'a pas encore...
00:25:07 Honnêtement, je ne peux pas vous répondre,
00:25:09 car les documents budgétaires, enseignement scolaire,
00:25:12 ne sont pas tombés.
00:25:13 J'ai vu qu'il y avait la ligne budgétaire,
00:25:16 dans chaque thématique.
00:25:17 Bien entendu, on sera vigilants,
00:25:19 et je partage avec vous le fait qu'il faut qu'on ait des moyens
00:25:23 pour mettre en place ce plan.
00:25:25 C'est plus qu'une nécessité,
00:25:27 parce que le harcèlement, c'est terrible pour les suicides,
00:25:32 mais on parle des suicides,
00:25:34 mais ça peut détruire des enfants pour tout le reste de leur vie.
00:25:38 Donc on a vraiment, pour moi, nécessité
00:25:40 qu'on accompagne mieux.
00:25:42 -Je vous propose qu'on les entend.
00:25:44 -Il n'y a pas toutes les réponses,
00:25:46 mais en tout cas, moi, en tant que présidente
00:25:48 de la délégation aux droits des enfants,
00:25:51 je vous assure qu'on va suivre,
00:25:52 parce que ça fait partie...
00:25:54 -Les fratries, les parents et les grands-parents.
00:25:57 -Il faut qu'on les entende.
00:25:58 -Il faut qu'on accompagne la santé et l'ensemble.
00:26:01 Mon psy, effectivement, c'est des séances...
00:26:04 -Témoignages. -En plus, il y aura...
00:26:06 -Vous aurez des choses à vous dire,
00:26:08 en dehors de ce studio.
00:26:10 Écoutez ce reportage, s'il vous plaît.
00:26:12 Baptiste Gargui-Chartier a rencontré à la fois des victimes
00:26:15 et des parents d'adolescents victimes.
00:26:17 Regardez.
00:26:19 Musique de tension
00:26:21 ...
00:26:23 -C'était il y a 30 ans.
00:26:25 Ombline, victime d'harcèlement scolaire
00:26:28 lorsqu'elle était collégienne.
00:26:30 Brimade, injure verbale.
00:26:33 À 44 ans, elle choisit enfin de libérer sa parole.
00:26:37 -Des surnoms idiots, faire des remarques sur mon physique,
00:26:40 qui m'humilient, qui me dégra...
00:26:42 Et puis, c'est passé...
00:26:43 Alors, quelquefois, pas de tous,
00:26:46 mais c'est passé à des...
00:26:48 des moqueries d'ordre...
00:26:50 d'ordre sexuel.
00:26:52 -Des années après, les cicatrices sont encore là
00:26:55 et ont bel et bien laissé des traces.
00:26:58 -C'est des mots dont on sait,
00:27:00 même très jeunes, qui sont très chargés.
00:27:02 Quand on vous les dit négativement,
00:27:04 vous prenez la charge, puis vous l'accumulez.
00:27:07 Voilà. Et ça fait mal.
00:27:10 -Les témoignages comme celui-ci
00:27:12 fleurissent sur les réseaux sociaux
00:27:14 où des anciens harcelés tentent d'alerter.
00:27:17 -Ma fille, harcelée en primaire,
00:27:19 je prends rendez-vous avec le chef d'établissement
00:27:22 qui me dit qu'il ne peut rien faire.
00:27:24 -Il y a 15 ans, sans l'intervention de mes parents,
00:27:27 j'aurais fini mort. Coups, moqueries, crachats,
00:27:30 aucun professeur et personnel encadrant n'a réagi.
00:27:33 -Face caméra, certains parents médiatisent
00:27:35 le harcèlement subi par leurs enfants
00:27:37 pour faire bouger les choses.
00:27:39 -Ils se mettaient dans le rang,
00:27:41 ils la poussaient, ils mettaient des coups de sac.
00:27:44 Après, ils l'attendaient à la cantine.
00:27:46 Ils l'encerclaient, ils lui demandaient
00:27:48 "T'es sûr que ça va ?"
00:27:50 En rigolant les unes avec les autres.
00:27:52 C'était toujours pesant, en fait.
00:27:54 Et une fois, ils lui ont même dit de se suicider, quoi,
00:27:57 avec des mots un petit peu plus vulgaires.
00:28:00 Je comprends pas qu'on puisse se réveiller le matin
00:28:03 en allant avec ça comme but dans la vie,
00:28:05 d'embêter d'autres enfants.
00:28:07 -Dont les dernières statistiques, le harcèlement scolaire
00:28:10 toucherait entre 800 000 et 1 million d'élèves chaque année.
00:28:13 -On a parlé d'éducation, je voudrais qu'on dise un mot
00:28:16 des parents, parce qu'étonnamment, ils étaient absents de ce plan.
00:28:20 Est-ce que ça vous a surpris ?
00:28:22 À part de dire que désormais, c'est le harceleur
00:28:24 qui quitte l'école et non pas le harceler,
00:28:27 comme c'est trop souvent le cas,
00:28:29 peu de choses sur la responsabilité des parents.
00:28:31 -Pardon, mais là, d'abord, les parents ont un rôle historique
00:28:35 et ce sont des lanceurs d'alerte de ce que subissent leurs enfants.
00:28:38 -Parents de victimes harcelées, je parle des harceleurs.
00:28:42 -Je suis pas sûre que ce soit en pointant les parents
00:28:44 qu'on règle la question de nos violences dans la société
00:28:47 et de comment elle se traduit. -A partir du moment
00:28:50 où vous dites que c'est un problème qui touche la société,
00:28:53 comment on les réembarque, ces parents-là ?
00:28:55 -J'entends en commission des Affaires culturelles
00:28:58 votre collègue, madame Carle Olive, dire
00:29:01 que la solution serait de harceler les harceleurs.
00:29:04 Il y a un adulte qui dit que la réponse à la violence,
00:29:06 c'est la violence. Madame, j'en suis désolée.
00:29:09 Quand vous avez un adulte qui dit que la réponse à la violence,
00:29:12 vous vous dites qu'il y a quelque chose à faire.
00:29:15 Je suis désolée, mais par exemple, le fait qu'il faille arrêter
00:29:18 des enfants qui commettent des délits,
00:29:20 leur expliquer qu'ils passent devant la justice,
00:29:23 c'est essentiel, il faut des moyens.
00:29:25 Quand ils vont traiter leur signalement,
00:29:27 la justice est à bout. -Signalement automatique
00:29:30 du procureur, ça ne marchera jamais ?
00:29:32 -Qu'est-ce que vous mettez comme moyens ?
00:29:34 -Pour les violences faites aux femmes, c'est le cas.
00:29:37 Il n'y a que des classements sans suite.
00:29:39 -C'est un avec d'échec.
00:29:41 Ca veut dire qu'à chaque cas de signalement,
00:29:43 il y a une procédure judiciaire.
00:29:45 Un enfant de 8 ans, 9 ans...
00:29:47 -Vous l'avez dit au ministre lui-même.
00:29:49 -Je l'ai vu jeudi, pendant une heure et demie.
00:29:52 J'ai eu la chance, je sais pas, en tout cas,
00:29:54 l'opportunité de lui dire mon parcours depuis 10 ans
00:29:57 et le parcours de notre association et des retours des familles.
00:30:00 -Vous ne laissiez la mesure signalement,
00:30:03 procureur saisit automatiquement ?
00:30:04 -C'était déjà dans la note de Papendiaïe qui disait,
00:30:07 il avait envoyé une note au chef d'établissement...
00:30:10 -C'est de l'effet d'annonce, mais ça marche pas.
00:30:13 -C'est pas que ça marche pas.
00:30:15 Je veux dire, moi, je ne veux pas judiciariser ce phénomène.
00:30:18 Ce sont encore des enfants à 10 ans,
00:30:20 on doit pouvoir les accompagner.
00:30:22 Il manque le 100 % accompagnement et prise en charge.
00:30:25 Il faut traiter qu'on ait aussi ça.
00:30:27 Une fois que l'enfant est éventuellement écarté,
00:30:30 du suivi pédagogique, du suivi psychologique,
00:30:32 un enfant harceleur, parfois, c'est un suiveur
00:30:35 qui vit d'autres choses, qui a besoin d'être accompagné.
00:30:38 C'est ce volet santé-mentale prise en charge
00:30:40 et l'aide à la parentalité.
00:30:42 Les parents n'ont pas été évoqués, il y avait tout un volet famille.
00:30:46 -Tu as pu m'échapper. -Non, mais voilà.
00:30:48 Je trouvais qu'il y avait un volet famille
00:30:50 qui avait été présenté par Gabriel Attah.
00:30:53 Je me suis dit, enfin, il a compris, il est très intelligent,
00:30:56 mais il a enfin mis la famille au coeur du réacteur,
00:30:59 mais dans le bon sens du terme.
00:31:01 Pourquoi on doit développer l'aide à la parentalité ?
00:31:04 Dans le programme de prévention du harcèlement à l'école,
00:31:07 mon volet, c'était la famille.
00:31:09 Je suis une famille, on reçoit des familles,
00:31:11 on accompagne la famille.
00:31:13 Depuis Vigipirate, suivie de la Covid,
00:31:15 les parents étaient écartés de l'établissement.
00:31:17 Ca vous paraît peut-être anodin, mais il y a des enfants
00:31:21 qui ont peut-être 8 ou 9 ans qui n'ont jamais vu leurs parents
00:31:24 les accompagner dans l'enceinte de l'école.
00:31:26 On était conviés, on était convoqués.
00:31:29 On va changer. On va informer qui on est.
00:31:31 L'Education nationale, comme dans beaucoup de métiers,
00:31:34 il y a trop d'acronymes. On va contacter l'IEN,
00:31:36 qui verra avec le DAZN, et peut-être que ce sera le CPE.
00:31:39 A un moment, vous dites, j'ai une maladie incurable.
00:31:42 Ca crée de l'anxiété. Ca vous fait rire ?
00:31:44 Je connais tous vos acronymes, donc je parle comme vous.
00:31:47 Mais moi, en tant que parent, si on me dit...
00:31:50 Je mets en place la MPP, la méthode de préoccupation partagée,
00:31:53 j'ai entendu des chefs d'établissement dire
00:31:56 qu'on prenait en charge avec la MPP.
00:31:58 Il se passe quelque chose de grave.
00:32:00 C'est aussi travailler sur la pédagogie,
00:32:02 le langage, et faire en sorte que nous, parents,
00:32:05 on est responsables de nos enfants et on doit les accompagner.
00:32:08 -Justement, ça m'amène à la dernière mesure.
00:32:11 Je voudrais que vous la commentiez, que vous y réagissez.
00:32:14 Peut-être vous, Lilia Hassen, la confiscation
00:32:17 du téléphone portable par la justice,
00:32:19 et ça amènera après au bannissement,
00:32:22 dans certains cas, par les réseaux sociaux,
00:32:24 avant même, d'ailleurs, que le harceleur soit condamné.
00:32:28 Est-ce que vous pensez que c'est faisable ?
00:32:30 Est-ce qu'après, on peut réussir à faire en sorte
00:32:33 qu'un enfant ne retrouve pas un téléphone portable ?
00:32:35 -Ils trouveront toujours des moyens à détourner.
00:32:38 Si c'est pas le téléphone, ce sera autre chose.
00:32:41 De toute façon, le harcèlement,
00:32:42 j'ai quand même le sentiment qu'il vous suit partout.
00:32:45 -Il vous marre avec les individus.
00:32:47 -Exactement. À l'école primaire,
00:32:49 c'était un peu difficile, dans les toilettes, avec d'autres filles.
00:32:53 J'ai un souvenir net, parce qu'en plus, ça nous marque.
00:32:56 Je me souviens qu'il y avait pas forcément de téléphone,
00:32:59 mais j'y pensais en rentrant chez moi.
00:33:01 Il y avait même un suivi de la pensée.
00:33:03 C'est sûr qu'avec les réseaux sociaux, ça s'amplifie,
00:33:06 mais en plus, autre chose, c'est qu'il y a une forme de honte,
00:33:09 souvent, à parler à ses parents.
00:33:11 On se dit qu'on est trop faible, nos parents vont nous secouer,
00:33:14 ils vont dire "Défends-toi", et dans certaines cultures,
00:33:17 notamment les cultures maghrébines, dire "Je suis une victime",
00:33:21 ça se dit pas, en fait.
00:33:23 Il y a aussi toute cette réflexion,
00:33:26 presque culturelle, à avoir, je trouve.
00:33:29 -On sent bien que le problème dépasse largement
00:33:31 quasiment les frontières, même nationales.
00:33:34 Les GAFA, on peut réussir, à votre avis,
00:33:37 à les embarquer pour parvenir à des bannissements définitifs
00:33:41 de TikTok, par exemple, ou d'Instagram ?
00:33:43 -On n'a pas du tout évoqué ce sujet dans le plan.
00:33:46 Ça a été évoqué lors de discussions précédentes,
00:33:49 mais lors de la conférence de presse,
00:33:51 la place des réseaux sociaux n'a pas du tout été évoquée,
00:33:54 or il y a une vraie responsabilité.
00:33:56 Aujourd'hui, les jeunes de moins de 15 ans ont des comptes,
00:33:59 personne ne contrôle, les réseaux sociaux ne contrôlent rien,
00:34:02 or on sait que c'est réglementé,
00:34:04 donc il y a un vrai sujet sur la place des propriétaires
00:34:07 de ces plateformes qui doivent être impliqués.
00:34:10 -Et là-dessus ? Il y a des choses sur la haine en ligne,
00:34:13 il y a des choses qui avancent ?
00:34:14 -Ca n'a pas été mis dans le plan aujourd'hui,
00:34:17 mais la semaine prochaine, on a un texte qui vient
00:34:20 aussi commencer à répondre à ces enjeux-là,
00:34:22 puisqu'on a des peines qui vont demander
00:34:24 à suspendre les réseaux sociaux,
00:34:26 qui vont effectivement mettre un petit peu plus
00:34:29 les réseaux devant leur responsabilité.
00:34:31 Je souhaite qu'on aille plus loin,
00:34:33 puisqu'on va aller sur la pornographie,
00:34:35 mais il faudrait le mettre pour tout,
00:34:37 le contrôle de l'âge de moins de 18 ans,
00:34:40 pour tous les sites, y compris pour les jeux en vidéo,
00:34:43 où il y aura de l'argent échangé.
00:34:45 Ce qui est important pour revenir à aujourd'hui,
00:34:48 c'est qu'on en parle de sensibilisation
00:34:50 auprès des parents, une fois par an, etc.,
00:34:52 donc ça, je pense que ça peut être intéressant.
00:34:55 -Pour terminer, ce sera le mot de la fin.
00:34:57 -On parlait des harceleurs,
00:35:01 et je pense qu'il faut aussi qu'on s'en occupe,
00:35:03 parce qu'un harceleur, même si on le change d'école,
00:35:06 si on s'en occupe pas, c'est un enfant aussi
00:35:09 qui est en danger, et c'est pour ça que je trouve
00:35:11 que la mesure qui est de dire qu'on aura une enquête sociale
00:35:15 pour voir si cet enfant est une bonne idée,
00:35:17 c'est un phénomène collectif autour.
00:35:19 -Je dis "attention" sur les réseaux sociaux,
00:35:22 attention à des mesures qui sont inapplicables.
00:35:24 La justice garantit qu'un enfant n'a plus de téléphone.
00:35:27 Même avec le numérique, aujourd'hui,
00:35:29 je vois pas comment, sauf à contrevenir
00:35:31 à des questions d'anonymat, ça soulève plein de questions,
00:35:35 vous commencez à bannir quelqu'un.
00:35:37 Par ailleurs, vous avez montré quoi,
00:35:39 sur la libération de la parole ? Des tweets.
00:35:41 C'est quoi, les réseaux sociaux ?
00:35:43 Vous avez parlé d'espace d'information.
00:35:45 -Où on informe et où on est violent.
00:35:47 Si on régule pas la société et les échanges entre les personnes,
00:35:50 et si on n'applique pas la loi,
00:35:52 il y a des insultes qui sont interdites,
00:35:54 et la justice est en incapacité de condamner des gens
00:35:57 pour des insultes qu'ils font publiquement
00:36:00 sur les réseaux sociaux.
00:36:01 C'est pas à cause des plateformes,
00:36:03 c'est parce qu'on a une justice à bout.
00:36:05 Attention à ces mesures gadgets
00:36:07 qui peuvent aboutir à être au minimum inefficaces,
00:36:10 voire dangereuses pour nos libertés.
00:36:12 -Merci. On va s'arrêter là.
00:36:14 -On va parler de l'anonymat.
00:36:15 -Les élus, les enseignants, les associatifs.
00:36:18 On va laisser quelques mois à ce plan,
00:36:20 on verra comment il se déploie,
00:36:22 mais on a entendu.
00:36:23 Vous restez avec moi, Lilia Hassen.
00:36:25 Dans une dizaine de minutes, les partis prises
00:36:28 de nos affranchis, ce soir, l'Europe avec Richard Verli,
00:36:31 la France, l'Allemagne en mieux, vraiment.
00:36:33 L'œil sur le numérique de Tom Alestavelle
00:36:36 avec un carton rouge de Bruxelles à Elon Musk
00:36:38 et un Bourbon Express spécial budget 2024.
00:36:41 C'est vous qui nous le présentez.
00:36:43 Un mot pour qualifier ce budget ?
00:36:45 -Peut-être un budget qui n'évitera pas un 49-3.
00:36:47 -Voilà, encore un.
00:36:49 Mais d'abord, à tout à l'heure, les amis.
00:36:51 On va plonger dans votre livre,
00:36:53 "Lilia Hassen, panorama",
00:36:54 chez Gallimard, raconte la France de 2049,
00:36:57 où le peuple se rebelle
00:37:00 pour lutter contre toutes les formes de violence
00:37:03 en créant une société de la transparence
00:37:05 où tout se sait et où tout se voit.
00:37:08 Et vous allez le voir,
00:37:09 eh bien, ça crée quelques problèmes.
00:37:12 Regardez, c'est dans "L'invitation",
00:37:14 avec Maïté Frémont, et on en parle juste après.
00:37:16 (Générique)
00:37:18 ---
00:37:20 -Si on vous invite, Lilia Hassen,
00:37:22 c'est parce que vous nous transportez
00:37:24 dans un futur inquiétant, mais pas si loin de nous.
00:37:27 2050, à peine 30 ans,
00:37:30 dans une France où règne la transparence
00:37:33 avec un grand T
00:37:34 et où les Français vivent dans des maisons vitrées
00:37:37 pour ne rien cacher à leurs voisins.
00:37:40 Enfin, sur le papier.
00:37:42 Lilia Hassen, vous êtes diplômée de l'Institut français de la presse.
00:37:46 Avant de vous découvrir romancière,
00:37:48 on vous a connue chroniqueuse dans l'émission "A succès quotidien".
00:37:53 -Tu vas nous manquer, mais au-delà,
00:37:55 je voulais te remercier pour ton travail,
00:37:57 pour ta confiance et pour ton amitié.
00:37:59 J'ai hâte de te recevoir pour ton 3e livre.
00:38:02 -Et "Panorama" est justement votre 3e publication,
00:38:06 après "L'œil du pan" et "Soleil amer".
00:38:09 Un roman très bien accueilli par la critique,
00:38:11 génialissime pour RTL,
00:38:14 un roman indispensable pour Le Point,
00:38:17 glacial et génial pour Le Parisien,
00:38:19 un régal de lecture pour Libération.
00:38:22 "Panorama", une plongée dans une France
00:38:24 qui pense que la transparence est la solution à tous ces problèmes,
00:38:29 mais vous en démontrez rapidement les limites.
00:38:32 -Dans la transparence que je décris, dans le livre,
00:38:35 chaque citoyen doit remplir une déclaration citoyenne
00:38:38 pour donner ses informations personnelles.
00:38:40 Cette déclaration est visible de tous.
00:38:42 Donc, si on constate un manquement chez un voisin,
00:38:47 on est évidemment appelé à, non pas le dénoncer,
00:38:49 puisqu'on est dans une société où on ne parle pas de dénonciation,
00:38:53 mais à le faire valoir.
00:38:55 -Dans cette enquête policière,
00:38:57 vous poussez à l'extrême des tendances qui existent déjà,
00:39:00 l'influence des réseaux sociaux,
00:39:02 l'intérêt pour les autres qui se transforment en voyeurisme,
00:39:06 le mirage d'une sécurité retrouvée au sacrifice de la vie privée.
00:39:10 Alors, une question, ce soir, Lévi-Hassen.
00:39:13 Ne sommes-nous pas déjà dans l'ère de la transparence à tout prix ?
00:39:18 -Alors, réponse, Lévi-Hassen.
00:39:21 -Oui, si j'ai écrit ce livre, c'était pour...
00:39:25 C'est une légère anticipation, en fait.
00:39:27 -Seulement ? Ouh là là, c'est très peur.
00:39:30 -C'est une dystopie.
00:39:31 Je suis partie de tout ce qu'on voit aujourd'hui.
00:39:34 On parlait des toilettes-lieux de harcèlement.
00:39:37 Demain, on aura peut-être des toilettes transparentes
00:39:40 avec les systèmes que j'ai inventés
00:39:42 pour pouvoir surveiller les jeunes.
00:39:45 -Justement, en vous lisant,
00:39:46 on va revenir un peu à l'univers que vous créez.
00:39:49 C'est pas vraiment une dystopie, c'est une sorte de contre-utopie.
00:39:53 Je me suis demandé si vous l'aimiez ou vous la détestiez,
00:39:56 notre époque.
00:39:57 -Ni l'un ni l'autre. -Un peu des deux.
00:40:00 -Je suis pas radicale, donc c'est...
00:40:02 Justement, en plus, dans le livre,
00:40:04 quelque part, le monde d'avant que j'ai décrit dans le livre,
00:40:07 qui est un monde un peu plus idéal, c'est le monde d'aujourd'hui.
00:40:11 C'est notre époque.
00:40:12 Je tire jusqu'en 2029, 2049,
00:40:15 et là, ça devient très compliqué,
00:40:18 mais comparé...
00:40:20 -Même dans cette vie de 2049,
00:40:22 même dans la société de la transparence
00:40:24 avec un grand T, au fond, il y a quand même des bons côtés.
00:40:27 C'est ça qui est intéressant, c'est que c'est ambivalent.
00:40:31 C'est à la fois un enfer,
00:40:32 cette ville où tout se voit, tout se sait en permanence,
00:40:36 où on vit sous l'œil de ses voisins du matin au soir,
00:40:39 mais en même temps, il y a de la bienveillance,
00:40:42 on est plus attentifs aux autres, donc c'est ambivalent.
00:40:45 -On parlait des cours d'empathie et de bienveillance,
00:40:48 c'est dans ma contre-utopie,
00:40:50 mais effectivement, c'est une société plutôt de la bienveillance,
00:40:54 une société où on a réussi à baisser le seuil de criminalité,
00:40:59 on a réussi à baisser les violences, les maltraitances,
00:41:03 comme tout est vitré, les abattoirs sont vitrés,
00:41:07 donc les gens arrêtent peu à peu de manger de la viande
00:41:10 parce qu'ils prennent conscience,
00:41:12 donc il y a toute cette partie qui est assez positive,
00:41:15 et j'avais à cœur que ce ne soit pas manichéen.
00:41:18 -C'est très réussi. -On se dit que ça pourrait.
00:41:20 -C'est crédible.
00:41:22 Cette société de la transparence
00:41:23 ne se met pas en place du jour au lendemain,
00:41:26 il y a un événement déclencheur, en 2029,
00:41:28 qui révèle qu'il a été victime d'abus sexuels,
00:41:31 et il demande à sa communauté
00:41:33 s'il faut qu'il se fasse vengeance lui-même,
00:41:36 et là, résultat unanime, c'est oui.
00:41:38 -Exactement.
00:41:39 J'avais réfléchi aux raisons
00:41:41 pour lesquelles on arriverait à cette société de la transparence,
00:41:45 et il me semblait que la justice était vraiment
00:41:48 un nœud gordien de toutes les tensions,
00:41:50 aussi, aujourd'hui,
00:41:51 on vient de le voir tout à l'heure sur les questions de harcèlement,
00:41:55 c'est le cas sur la question de l'État de droit,
00:41:58 c'est le cas à la fois pour l'extrême droite,
00:42:00 c'est le cas pour la gauche, pour le centre,
00:42:03 c'est le cas pour toute la classe politique,
00:42:05 il y a quand même une remise en cause de la justice,
00:42:08 et le fait qu'on arrive dans une société
00:42:11 de plus en plus sondagière,
00:42:12 où quand il y a un fait divers,
00:42:14 certaines émissions de télé n'hésitent pas à proposer des sondages,
00:42:18 c'est une chose qui m'a intéressée,
00:42:20 je me souviens qu'au moment de l'écriture du livre,
00:42:23 il y avait l'affaire Lola,
00:42:25 et quand j'allumais ma télévision,
00:42:27 j'ai vérifié sur les questions judiciaires...
00:42:29 -Je ne vois pas du tout ce que vous pensez.
00:42:32 -De trancher et de dire... -Justice expéditive.
00:42:34 -Exactement, et comme on demande la vox populi,
00:42:37 on demande sur les réseaux sociaux aux gens de réagir,
00:42:40 ils réagissent avec émotion,
00:42:42 donc on n'est pas dans un vote, on est dans un sondage.
00:42:45 -Alors après, voilà, cette justice, cette vengeance,
00:42:48 il va y avoir une semaine particulière,
00:42:51 où alors là, c'est le déchaînement,
00:42:53 toutes les victimes deviennent des agresseurs,
00:42:55 ça s'appelle la "revenge week", c'est quoi ?
00:42:58 -C'est une semaine, effectivement, de vengeance,
00:43:01 mais les gens se vengent tous pour des bonnes raisons,
00:43:04 c'est-à-dire qu'on va se venger contre un prêtre pédophile,
00:43:07 on va se venger contre un flic abusif,
00:43:10 on va se venger...
00:43:12 Il y a des militants écolo
00:43:14 qui tuent le président d'un empire pétrolier.
00:43:17 Tout le monde a des bonnes raisons, en réalité, pour se venger,
00:43:21 et le phénomène prend une telle ampleur
00:43:23 qu'au bout d'un moment, ça devient complètement ingérable,
00:43:27 incontrôlable, et surtout, avec un soutien des réseaux sociaux,
00:43:31 ce qui fait qu'on bascule, en base d'un État de droit,
00:43:34 à une forme de démocratie
00:43:36 qui n'est plus tellement démocratique,
00:43:38 c'est-à-dire du tribunal populaire.
00:43:41 -Pour sortir de cette vengeance de tous contre tous,
00:43:43 où là, c'est le déchaînement de violences,
00:43:46 il y a une avocate et un architecte qui s'associent
00:43:49 et qui décident, au fond, de faire une nouvelle constitution
00:43:52 et de proposer cette idée, d'ailleurs,
00:43:54 une forme de principe constitutionnel de la transparence.
00:43:58 Cette transparence, elle va s'incarner
00:44:00 grâce à un architecte qui va tout révolutionner,
00:44:04 et c'est ces fameuses maisons vivarium,
00:44:07 ces appartements tout en verre, ces maisons bulles.
00:44:10 D'où est venue cette idée-là ?
00:44:12 Finalement, on pourrait vivre sous l'œil de tous.
00:44:15 -Alors, l'idée de départ, c'était vraiment...
00:44:18 C'était vraiment une vision purement esthétique
00:44:22 des salles de bain, les magasins d'ameublement
00:44:24 qu'on voit dans la rue, et on a l'impression d'être chez les gens.
00:44:28 On a tous ce sentiment, quand on regarde par la fenêtre
00:44:31 de son immeuble, on est attiré par les voisins,
00:44:33 donc il y avait ces questions qui étaient déjà là.
00:44:36 Et puis, il me semblait que le verre, ce matériau,
00:44:39 disait beaucoup de notre époque et des contradictions de notre époque.
00:44:43 C'est à la fois fragile et solide,
00:44:45 c'est à la fois l'ouverture et la fermeture,
00:44:48 ce que j'écris dans le livre.
00:44:50 On voit ce qui se passe au travers et on ne se touche pas.
00:44:53 Il y a une forme de distance avec le verre,
00:44:55 qui est assez intéressante, et c'est un matériau
00:44:58 qui aspire à une dématérialisation.
00:45:00 On est entre le réel et le virtuel.
00:45:02 -Il y a toujours des petits détails
00:45:04 où il faut croire que ça peut arriver.
00:45:06 Les oiseaux ne peuvent pas se cogner contre les vides,
00:45:09 car il y a des petites rainures que seuls les animaux peuvent voir.
00:45:13 Tout a été parfaitement pensé.
00:45:15 C'est l'autorégulation, il n'y a pas besoin de délation.
00:45:18 Il y a eu des événements de surveillance,
00:45:20 et personne ne contrevient aux règles
00:45:22 de cette fameuse bienveillance.
00:45:24 Il n'y a plus besoin de police.
00:45:26 Dans ce monde-là, la police est aux terrasses sans armes.
00:45:29 -On n'a plus besoin de se surveiller.
00:45:31 Le mot "surveillance" n'existe plus tellement.
00:45:34 On parle de protection.
00:45:36 Les policiers sont devenus des gardiens de protection
00:45:39 car ils n'ont plus un grand rôle à jouer,
00:45:41 ils ont un rôle administratif, ils font des tournées
00:45:44 dans les tournées de voisinage,
00:45:46 c'est un peu les paroles de certains,
00:45:48 quand on se plaint d'un voisin...
00:45:50 Ils ont une fonction absolument mineure
00:45:53 jusqu'à la disparition...
00:45:55 -D'une fameuse famille royale.
00:45:58 Ce qui est important, c'est de bien expliquer
00:46:00 que dans cette contre-utopie,
00:46:02 où tout est possible, tout est crédible,
00:46:05 on est arrivé là par un choix démocratique.
00:46:07 C'est le peuple qui l'a décidé.
00:46:09 Personne ne l'a forcé.
00:46:10 C'est pas une dystopie, car dans une dystopie,
00:46:13 il y a un pouvoir autoritaire.
00:46:15 Là, non, c'est vraiment un choix.
00:46:18 -Exactement. Je voulais pas qu'il y ait
00:46:20 une figure de dictateur, contrairement à de nombreuses dystopies.
00:46:24 J'ai pensé que la dystopie du XXIe siècle
00:46:29 serait une dystopie de l'autorégulation
00:46:32 des citoyens qui jouent les uns contre les autres
00:46:35 en pensant jouer les uns avec les autres.
00:46:37 Vraiment, où chacun surveille l'autre
00:46:40 sans dire qu'on se surveille
00:46:42 et où chacun donne beaucoup de lui-même
00:46:45 et c'est ce qui est très intéressant
00:46:47 avec les réseaux sociaux,
00:46:48 c'est qu'on a le sentiment d'être libre
00:46:50 et donc on donne de nombreuses informations volontairement,
00:46:54 pensant qu'on exerce là notre liberté.
00:46:57 Donc, effectivement, c'est une société
00:47:00 totalement horizontale avec un contrôle horizontal.
00:47:02 -C'est tellement bien fait et tellement choisi
00:47:06 qu'on peut toujours refuser cette société
00:47:08 et aller vivre au grillon. C'est quoi, les grillons ?
00:47:11 -Bien sûr, c'est une société, justement,
00:47:14 qu'on ne veut pas imposer, on n'est pas dans une dictature,
00:47:17 on le répète, et donc il y a un quartier
00:47:19 dans lequel on peut faire le choix d'habiter,
00:47:22 c'est un choix qui se paye,
00:47:23 ce que je disais tout à l'heure dans le petit extrait,
00:47:26 il faut remplir une déclaration
00:47:28 pour dire qu'on renonce à ces droits,
00:47:32 que la police n'interviendra pas.
00:47:34 C'est le principe de la responsabilité individuelle.
00:47:37 Vous choisissez de vivre hors de la transparence,
00:47:40 donc d'une sorte d'utopie où tout le monde
00:47:42 côtoie tout le monde et tout le monde s'aime,
00:47:45 et voilà, donc faites ce choix-là,
00:47:47 vous vivez dans un quartier dangereux,
00:47:49 puisque c'est un quartier avec des murs,
00:47:51 il faut en assumer les conséquences,
00:47:53 vous ne pouvez pas appeler la police,
00:47:55 les services d'urgence. -Au moins,
00:47:57 il y a une différence, il y a encore de la différence,
00:48:00 parce que ce qui se passe avec cette société de la transparence,
00:48:04 c'est que c'est la société de l'entre-soi qui se recrée,
00:48:07 il y a des ghettos, des ghelles, des féministes,
00:48:10 des écolos, et c'est comme sur les réseaux sociaux,
00:48:12 sauf que c'est dans la vraie vie.
00:48:14 -Le mot de communauté sur les réseaux sociaux
00:48:17 me frappe toujours, parce qu'on est dans une démocratie
00:48:20 qui n'aime pas le communautarisme,
00:48:22 qui explique toujours qu'il faut lutter contre le communautarisme,
00:48:26 mais on recrée plein de communautés, de gens d'accord entre eux,
00:48:29 qui se confortent dans leurs opinions,
00:48:31 qui sont confortés dans leurs opinions,
00:48:34 tout ça dans des buts...
00:48:35 C'est une manière d'alimenter le capitalisme,
00:48:38 c'est le grand jeu que jouent ces réseaux sociaux,
00:48:41 et donc, voilà, je voulais vraiment
00:48:43 qu'on retrouve dans cette société parfaite
00:48:45 une sorte de vivre ensemble entre soi,
00:48:48 où les gens acceptent de vivre ensemble,
00:48:51 mais ne veulent plus voir,
00:48:52 à partir du moment où on voit nos voisins en permanence,
00:48:56 on ne veut voir que ceux qui nous ressemblent
00:48:58 et plus tellement la différence.
00:49:00 La différence reste quand même sociale
00:49:03 entre les grillons et les autres quartiers,
00:49:05 parce que ça, c'est une différence sociale,
00:49:08 on ne peut pas les effacer.
00:49:09 -Évidemment, il y a une intrigue, un drame se produit,
00:49:12 on ne va pas raconter la suite, une famille disparaît,
00:49:15 comment est-ce possible dans cette société-là ?
00:49:18 Il faut lire, et c'est un régal de lecture.
00:49:20 "Panorama", chez Gallimard, c'est vraiment très réussi,
00:49:23 et je peux vous dire que c'est partagé
00:49:26 par l'ensemble de la rédaction d'LCP.
00:49:28 Vous restez avec moi, Lili Hassan.
00:49:30 C'est l'heure d'accueillir nos affranchies.
00:49:32 Vous allez voir leur parti pris.
00:49:34 On les accueille tout de suite.
00:49:36 Richard Verli, et son regard sur l'Europe,
00:49:39 du quotidien suisse blic, bienvenue.
00:49:41 Thomas Lestavelle, pour l'économie et le numérique,
00:49:44 bienvenue à tous les deux.
00:49:46 On commence par "Boubon Express".
00:49:48 L'histoire du jour nous emmène du côté de Bercy
00:49:50 et aussi de la Commission des finances,
00:49:53 puisqu'on parle budget 2024.
00:49:55 Et qui mieux que Fanny Guinochet
00:49:57 pour nous présenter ce budget ?
00:49:59 Fanny, de France Info et de La Tribune,
00:50:01 budget à 16 milliards d'euros d'économie.
00:50:04 -Exactement, 16 milliards d'euros d'économie,
00:50:07 une somme conséquente, et c'est une équation
00:50:09 presque insoluble pour le gouvernement
00:50:12 qui veut soutenir le pouvoir d'achat des Français,
00:50:15 le gros de ces 16 milliards d'euros d'économie
00:50:17 provenant de la fin des boucliers tarifaires,
00:50:20 notamment sur l'énergie.
00:50:21 Mais Bruno Le Maire, ce matin, a répété que sa priorité,
00:50:25 c'était la lutte contre l'inflation,
00:50:27 c'est son défi, le combat du gouvernement.
00:50:29 Et il veut aussi, ce projet de loi de finances,
00:50:32 répondre aux attentes des Français.
00:50:34 Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie,
00:50:37 a donc détaillé les grands choix d'avenir
00:50:39 pour ce projet de loi de finances.
00:50:42 On l'écoute.
00:50:43 -La sécurité et le régalien,
00:50:47 avec les lois de programmation sur la justice,
00:50:49 sur la police et sur les armées,
00:50:52 qui seront scrupuleusement respectées.
00:50:54 La priorité donnée par le président de la République
00:50:58 à l'éducation et à la santé.
00:51:00 Et enfin, le choix de politique décisif
00:51:03 en faveur de la décarbonation et de la transition écologique,
00:51:06 rappelé par le président de la République lundi
00:51:09 et par la Première ministre hier soir.
00:51:11 -La liste est longue.
00:51:13 Ensuite, Bruno Le Maire a décliné.
00:51:15 Augmentation de la prime rénov',
00:51:17 des bonus, des voitures en leasing à 100 euros, etc.
00:51:20 Ca fait beaucoup.
00:51:21 -C'est pas un budget d'austérité.
00:51:23 -C'est pourtant comme ça que les oppositions
00:51:26 ont tendance à le qualifier,
00:51:28 notamment les oppositions qui sont le plus à gauche
00:51:31 de l'échiquier politique.
00:51:33 Mais l'austérité, ce serait renié, par exemple,
00:51:35 sur les pensions de retraite.
00:51:37 Or, dans son budget, on découvre aussi aujourd'hui
00:51:40 qu'elles vont être revalorisées de 5,2 %
00:51:42 pour suivre l'inflation.
00:51:44 Ce budget indexe aussi les minima sociaux à 4,6 %.
00:51:48 Il relève le barème de l'impôt sur le revenu.
00:51:50 Tout ça, c'est quand même une enveloppe de 25 milliards d'euros.
00:51:54 Et en même temps, on a Bruno Le Maire
00:51:56 qui insiste lourdement sur le désendettement,
00:51:59 sur le fait que la France est beaucoup trop endettée
00:52:02 et qu'il faut que l'Etat ne peut pas tout.
00:52:05 Il faut dire qu'avec la flambée des taux d'intérêt,
00:52:07 la charge de la dette, c'est-à-dire le poids juste des intérêts,
00:52:11 explose.
00:52:12 74 milliards d'euros bientôt,
00:52:15 c'est plus que le budget de l'Education nationale,
00:52:18 qui est pourtant notre premier budget.
00:52:20 Et Bruno Le Maire l'a dit ce matin sans concession.
00:52:24 -Moi, je vais vous dire, ça me fait mal au coeur
00:52:26 d'avoir une charge de la dette aussi élevée,
00:52:29 car c'est de l'argent jeté par les fenêtres.
00:52:32 Ca suffit.
00:52:33 Je le dis à tous ceux qui nous disent
00:52:34 "Dépensez plus, pas de problème avec la dette,
00:52:37 "endettez-vous davantage."
00:52:39 Quand on a des taux d'intérêt à 4 %,
00:52:41 c'est irresponsable de plaider pour un alourdissement de la dette.
00:52:45 -Alors, pour le vote de ce budget,
00:52:47 vous l'entendez, justement, il parle de responsabilité
00:52:51 et il en appelle à la responsabilité des députés
00:52:53 pour voter ce texte.
00:52:55 -Pourtant, on va quand même tout droit vers le 49-3.
00:52:58 -C'est probable, parce que sans majorité absolue,
00:53:01 on sait que voter le budget signifie,
00:53:03 pour les oppositions, rejoindre la majorité.
00:53:05 Ca semble intenable.
00:53:07 D'ailleurs, Elisabeth Borne, la Première ministre,
00:53:10 l'a dit sans détour il y a quelques jours
00:53:12 aux journées parlementaires de Renaissance.
00:53:15 Toutefois, elle a quand même dit qu'elle laissait la place
00:53:18 au débat avant de faire tomber le coup près du 49-3.
00:53:21 L'examen du projet de loi de finances
00:53:23 va débuter le 17 octobre dans l'hémicycle.
00:53:26 -Merci, Fanny. On verra si les Français s'habituent ou pas.
00:53:30 -C'est intéressant, le débat avant le 49-3.
00:53:32 -Oui. On verra ça, en tout cas.
00:53:34 -En silence démocratique. -De près.
00:53:36 Alors, justement, comment va la France ?
00:53:39 On vient de le voir avec la présentation du budget.
00:53:41 Richard Verli, on connaît un petit peu le refrain,
00:53:44 trop d'impôts, trop de dépenses publiques,
00:53:47 sauf que, surprise, l'Allemagne commence à regarder
00:53:50 un peu de près notre modèle, et nous, jalouse,
00:53:53 elle parle même d'un modèle français.
00:53:56 -Je sais ce que vous avez en tête, Myriam.
00:53:59 Vous avez lu Der Spiegel, le très influent magazine allemand.
00:54:02 Vous avez même pris du plaisir à Hofdeutsch
00:54:04 en lisant l'enquête sur la France, publiée début septembre
00:54:08 par l'hebdomadaire de Hambourg.
00:54:10 C'est la ville du chancelier Olaf Scholz.
00:54:12 Une phrase choc avait retenu l'attention des commentateurs,
00:54:16 y compris Fanny Guinocher.
00:54:17 La France, c'est aujourd'hui l'Allemagne en mieux.
00:54:20 Fini les reproches sur les 3 000 milliards d'euros
00:54:23 d'aides publiques, fini le refus d'émettre
00:54:26 des impôts mutualisés, fini l'arrogance industrielle germanique.
00:54:29 -Oui, fini. -Eh bien non, raté.
00:54:31 Ce n'est pas le modèle budgétaire français,
00:54:34 la gestion et le train de vie de l'Etat
00:54:36 que les Allemands nous envient.
00:54:38 Pour eux, et ça ne vous étonnera pas,
00:54:40 comme pour tous les pays du Nord habitués à compter leurs sous,
00:54:44 la France continue de trop dépenser,
00:54:46 comme le dit Bruno Le Maire, en oubliant qu'un emprunt,
00:54:49 c'est aussi un créancier, donc une faiblesse
00:54:51 et de remonter de taux d'intérêt.
00:54:54 C'est ce qu'a réussi Emmanuel Macron,
00:54:56 c'est à faire renaître l'attractivité française.
00:54:59 C'est ici, en France, que les investisseurs étrangers
00:55:02 placent leur capitaux, ici ouvrent les usines
00:55:04 de batteries électriques les plus importantes d'Europe,
00:55:07 et le Made in France continue à caracoler dans le luxe
00:55:10 avec une très forte valeur ajoutée,
00:55:12 tout cela en s'appuyant sur deux leviers
00:55:15 que les Allemands n'ont pas.
00:55:16 Le premier, c'est l'énergie nucléaire,
00:55:18 et le deuxième, c'est la centralisation.
00:55:21 La France n'est plus russe, donc on fait du charbon,
00:55:24 et avec le fédéralisme et une coalition
00:55:26 de plus en plus difficile à gérer,
00:55:28 entre verts, libéraux et sociodémocrates.
00:55:30 L'Allemagne redoute de perdre son atout,
00:55:33 c'était la productivité, avec ces voitures thermiques
00:55:36 qui sont bientôt condamnées.
00:55:38 Est-ce une victoire française ? On n'en est pas là,
00:55:41 mais Paris, le pays du panier percé,
00:55:43 a peut-être gagné cette nouvelle bataille du Rhin.
00:55:46 -Coco Rico, pour une fois que les Allemands
00:55:48 nous trouvent un peu intéressants,
00:55:50 on peut... Ça fait du bien.
00:55:52 Allez, on va garder cette note positive.
00:55:54 Thomas, vous vouliez revenir sur ce qui s'est passé hier.
00:55:57 A Bruxelles, la Commission européenne
00:56:00 s'en est prise publiquement à X.
00:56:02 Elle dénonce le peu de moyens que déploie Twitter
00:56:05 pour lutter contre la désinformation.
00:56:07 C'est l'occasion pour vous de pousser un coup de gueule.
00:56:10 -Exactement. Depuis le rachat par le patron de Tesla,
00:56:13 c'est un peu open bar.
00:56:14 On a les comptes qui avaient été bannis jusque-là
00:56:17 qui ont bénéficié d'une amnistie générale.
00:56:19 On sait si les contre-vérités circulent sur Twitter.
00:56:22 Le problème, c'est que depuis un mois,
00:56:24 on a une législation européenne qui oblige les grandes plateformes
00:56:28 comme Twitter, Facebook, etc. à modérer davantage les contenus.
00:56:32 L'oiseau bleu, dernier de la classe avec le plus grand ratio
00:56:35 de désinformation, s'expose à une amende de 6 %
00:56:38 de son chiffre d'affaires.
00:56:39 -C'est pas la première fois que Twitter est sous le feu des critiques.
00:56:43 -Il y a trois mois, il y a eu un événement intéressant.
00:56:46 Deux dirigeants du réseau social ont quitté l'entreprise
00:56:50 qui faisait la promotion d'un documentaire transphobe.
00:56:52 Il avait été retiré par l'équipe de modération de X,
00:56:55 qui en avait limité la visibilité.
00:56:57 Mais Elon Musk, reste tout puissant dans son entreprise,
00:57:00 a décidé d'annuler cette action et a fait la promotion
00:57:03 de ce documentaire sur son propre compte.
00:57:06 Sur X, on trouve de nombreuses fake news.
00:57:08 Par exemple, il n'y a pas très longtemps,
00:57:11 des laboratoires qui fabriqueraient des armes biologiques en Ukraine,
00:57:14 probablement des hackers russes.
00:57:16 -Il n'y a pas que Twitter qui est montré du doigt.
00:57:19 -Il y a eu des élections américaines ou du Brexit,
00:57:22 dont les résultats avaient été influencés par des campagnes
00:57:25 de désinformation provenant de hackers russes ou chinois.
00:57:29 D'après le média en ligne The Conversation,
00:57:31 certaines histoires de désinformation de Facebook
00:57:34 touchent jusqu'à 200 millions de personnes,
00:57:36 trois fois la France. -C'est-à-dire ?
00:57:39 -Il y a une forme d'inaction de la part des plateformes
00:57:42 parce que modérer des contenus, d'après elles,
00:57:44 ça demande du fact-checking, donc des recrutements,
00:57:47 et ça coûte un peu d'argent.
00:57:49 C'est un peu moins rentable par rapport au budget de SegaFA.
00:57:52 Les plateformes évoquent aussi leur attachement
00:57:55 à la liberté d'expression, mais ça, c'est un prétexte,
00:57:58 et la réalité est moins reluisante. -Et donc ?
00:58:00 -Elon Musk l'avait déclaré à propos du tweet
00:58:03 sur le fameux documentaire Transform,
00:58:05 et phrase très intéressante, la polémique va augmenter l'audimat.
00:58:09 Pour gagner les utilisateurs, donc des annonceurs,
00:58:11 les plateformes ont besoin de contenus viraux,
00:58:14 et les propos extrêmes, simplistes, controversés,
00:58:17 excitent notre cerveau et nous rendent encore plus accros.
00:58:20 Twitter et les autres n'ont aucun intérêt économique
00:58:23 à modérer leurs contenus.
00:58:25 Des publications plus équilibrées, plus sensées,
00:58:27 c'est plus ennuyeux et ça rapporte moins.
00:58:30 Moralité, vous ne pourrez jamais compter
00:58:32 sur la bonne volonté de Zuckerberg ou de Musk.
00:58:34 Pour faire la police sur les réseaux sociaux,
00:58:37 il faut sanctionner sans modération. -D'accord avec ça.
00:58:40 -C'est le serpent qui se meurt la queue,
00:58:42 et puis on le voit, les émotions dominantes,
00:58:45 qui nous rendent aussi accros aux réactions,
00:58:47 et donc c'est toute une réaction en chaîne.
00:58:51 -Dans la France de 2049, un monde sans réseaux sociaux,
00:58:54 c'est possible ?
00:58:55 -J'ai joué, justement, là-dessus.
00:58:57 Il n'y en a pas beaucoup,
00:58:59 parce que c'est les réseaux sociaux dans la vraie vie.
00:59:02 Mais c'est vrai que même les réseaux sociaux dans la vraie vie,
00:59:05 ça crée des communautés, c'est une sorte de crédit.
00:59:08 C'est drôle, quand on parle de la Chine et de la surveillance,
00:59:11 on parle du crédit social.
00:59:13 C'est une forme de nouveau crédit social.
00:59:15 Le nombre d'abonnés nous permet d'accéder à des soirées,
00:59:18 de recevoir des cadeaux.
00:59:19 Ils ont réussi à créer, avec le sentiment de la liberté,
00:59:22 des conditions de surveillance, de manipulation de l'opinion,
00:59:26 qui sont assez terrifiantes.
00:59:28 -Et d'une certaine façon, Panorama, c'est un véritable avertissement.
00:59:31 Merci beaucoup.
00:59:33 Un livre à la fois littéraire, politique, dystopique,
00:59:36 chez Gallimard, à lire d'urgence.
00:59:38 Merci, les Affranchis.
00:59:39 On va se quitter avec une petite image,
00:59:42 parce que LCP est partenaire ce soir des trophées
00:59:44 Sport & Management.
00:59:46 Vous voyez, ils sont remis tout à l'heure à l'Assemblée,
00:59:50 cérémonie avec plusieurs sportifs
00:59:52 qui récompensent chaque année les acteurs de terrain associatifs élus
00:59:56 ou fédérations qui rassemblent, créent du commun
00:59:59 grâce au sport.
01:00:00 Très belle soirée.
01:00:01 Au revoir, cette émission,
01:00:03 la chaîne YouTube, encore les réseaux de notre chaîne LCP.
01:00:07 A demain.
01:00:08 ...
01:00:22 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]

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