Dimanche 10 septembre, trois semaines après l'affaire du baiser forcé sur Jenni Hermoso, Luis Rubiales a finalement décidé de démissionner dimanche de son poste de président de la fédération espagnole. Pour autant, tout n'est pas résolu dans le football espagnol, comme l'explique Anna Carreau dans Tour d'Europe, disponible en podcast tous les lundis. (Real : H.Hiault/Q.Guichard)
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00:00 Gildan n'est plus là, Roubiales n'est plus là. A priori, on va repartir dans le bon sens ?
00:06 A priori, oui. Mais si on prend la fédération, si on prend l'Assemblée, la plupart des personnes qui étaient à l'Assemblée
00:14 et qui applaudissaient Louis-Roubiales quand il a dit "je ne vais pas démissionner" et quand il dit d'autres choses derrière,
00:19 comme parler du faux féminisme, etc.
00:23 Dénoncer les mensonges, je cite une citation.
00:25 Des mensonges qui parlaient du fait que c'était consenti alors qu'elle l'a dit clairement ensuite.
00:30 Toutes ces personnes-là qui étaient à l'Assemblée, elles sont toujours là.
00:34 Il n'y en a que très peu qui ont démissionné.
00:37 Et aujourd'hui, il y a vraiment besoin d'un électrochoc à tous les niveaux.
00:41 Parce que la sélection masculine, elle, de son côté, s'est très peu pleine de la gestion de Louis-Roubiales, etc.
00:46 Celles qui se plaignent, ce sont les joueuses, parce qu'elles ont l'impression d'être jamais considérées.
00:51 La Fédération Espagnole a toujours mis des bâtons dans les roues à la création d'un championnat indépendant de la Fédération.
00:58 Un championnat professionnel, du coup, aujourd'hui, il y a des grèves à chaque début de saison, à chaque reprise de saison,
01:04 de la part des joueuses, des arbitres, etc.
01:07 Parce qu'à chaque fois, il y a des problèmes et les problèmes, ils ne viennent pas...
01:10 Ce n'est pas les joueuses qui demandent des choses folles, c'est le minimum.
01:15 En 2019, les joueuses ont dû faire grève, en début 2021, parce qu'il n'y avait même pas de protocole Covid pour la reprise du championnat.
01:24 Donc, en fait, ce sont des choses minimales comme ça.
01:26 Et là, par exemple, on a appris récemment qu'en amont de la Ligue des Nations féminines,
01:30 qui commence pour la première fois de l'histoire là, en septembre,
01:34 la Fédération Espagnole n'avait pas soumis au club la demande de libération des joueuses.
01:39 Et que donc, on peut potentiellement se trouver avec aucune joueuse sélectionnable pour la reprise,
01:44 d'autant que certaines, en plus, ont déclaré qu'elles ne voulaient pas retourner en sélection tant que ça n'avait pas changé.
01:48 Et aujourd'hui, ce qu'on sait du côté des joueuses, c'est qu'elles n'ont pas envie de retourner dans les conditions actuelles,
01:53 parce qu'elles estiment que le changement de Vilda et même la démission de Rubiales ne sont pas des conditions suffisantes,
01:59 parce qu'elles voulaient plus. Elles voulaient un vrai projet pour le football féminin.
02:04 On parle des sociétés espagnoles, on a eu l'impression aussi un petit peu que finalement,
02:08 les plus vocaux sur l'affaire, c'était les politiques espagnoles, notamment de gauche,
02:12 qui se sont beaucoup exprimés là-dessus et qui réclamaient la tête de Rubiales.
02:16 Du côté du football masculin espagnol, ça a été plutôt discret.
02:20 On a même eu des sons de cloche divergents dans la roja, des joueurs qui voulaient aller plus loin,
02:24 d'autres qui voulaient rester prudents. Comment on analyse tout ça ?
02:28 Alors, c'est super paradoxal tout ce feuilleton-là, parce que d'un côté, on a une société espagnole
02:34 qui est vraiment en avance, et même par rapport à la France, sur ces questions de violence sexuelle,
02:38 de consentement, etc. Et ça fait des années, on va dire, que la politique publique en Espagne
02:44 travaille sur la chose. La notion de consentement, elle est apprise dès la maternelle à l'école.
02:50 Et on ne parle pas de choses sexuelles, on parle de "je t'autorise à toucher les cheveux",
02:54 des choses comme ça, c'est des choses très très basiques. Mais donc, on est sur une société
02:57 qui est ultra en avance, un peu dans ce qu'a vécu aussi la société anglaise.
03:02 Et en parallèle, on a toute une société très patriarcale, étonnamment, mais qui est souvent
03:10 le fruit des plus anciens, qui eux n'ont pas vécu cette transition. Alors que là, on a
03:16 Luis Rubiales qui a 46 ans, quand même. Donc c'est très très étonnant que lui-même soit autant
03:20 en décalage avec ce qu'est la société actuelle, en étant assez jeune, et au sein de la sélection masculine.
03:28 On a vu qu'il y avait aussi ces tendances-là. On a, je pense, une majorité des joueurs
03:34 qui étaient plutôt en faveur d'Hermosso. Ce qu'on a appris derrière, c'est que dans le communiqué
03:40 que les joueurs ont publié, et clairement c'était un communiqué qui a été publié pour dire
03:45 "bon, maintenant on a tranché sur le sujet, laissez-nous jouer au foot et on ne veut pas s'en mêler
03:50 beaucoup plus". On sait qu'au sein de la FED, il y a eu beaucoup beaucoup de pression contre les joueurs
03:56 pour qu'ils n'accusent pas publiquement Rubiales, pour qu'ils ne mentionnent jamais le nom de Geni Hermosso.
04:02 Et d'ailleurs, ils ont eu l'interdiction lors des interviews données ensuite aux différents médias
04:06 de prononcer le nom de Geni Hermosso. Donc c'est assez lunaire parce qu'on a des joueurs comme Kepa,
04:11 du coup, qui a été interrogé par Marca, et lui on savait qu'il faisait partie des joueurs
04:15 qui voulaient être plus durs envers Rubiales, qui voulaient montrer son soutien à Hermosso.
04:19 Quand il est relancé, à aucun moment, il ne prononce le nom de Hermosso. Il s'arrête même à dire
04:24 "la victime" parce qu'il sait les répercussions que ça peut avoir derrière. Donc en fait, c'est là aussi
04:30 qu'on voit que tout le noyau dur de Luis Rubiales est très très loin d'avoir quitté la Fédération
04:37 et que c'est encore eux qui font la pluie et le beau temps au sein de la Fédération.
04:41 C'est eux qui décident. Et d'un côté, on a des voix qui pèsent un peu dans le vestiaire,
04:45 comme celle d'Aniak Kharfakhal, qui était jusque-là vice-capitaine de la sélection
04:49 et qui, étonnamment, après cet incident-là, n'est plus du tout apparu dans la liste des capitaines
04:57 et qui a pris une position pas très courageuse, on va dire.
05:02 Voilà.
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