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Son procès en 1976 a défrayé la chronique de l’époque, il était proche des intellectuels les plus importants de son temps, son assassinat a choqué la France et ses funérailles ont réuni près de 20 000 personnes en 1979. Pierre Goldman était une figure majeure de la gauche radicale de la France des années 1970 mais son histoire s’est quelque peu diluée au fil du temps. Jusqu’à aujourd’hui et la sortie en salle du Procès Goldman.

Le film de Cédric Kahn raconte spécifiquement son passage devant les Assises d’Amiens, devant lesquelles il a été acquitté du double-meurtre qui l’avait condamné à perpétuité en première instance. Mais sa vie ne se résume pas qu’à ce fait divers qui avait polarisé la France de l’époque. Personnalité trouble et complexe, fin écrivain pour une partie de l’intelligentsia française, révolutionnaire raté et bandit provocateur pour d’autres, le demi-frère de Jean-Jacques Goldman n’en finit pas de fasciner pour sa part d’ombre autant que pour son destin d’anti-héros.
Transcription
00:00 Son procès en 1976 a défrayé la chronique de l'époque.
00:03 Il était proche des intellectuels les plus importants de son temps,
00:06 son assassinat a choqué la France,
00:08 et ses funérailles ont réuni près de 20 000 personnes en 1979.
00:12 Pierre Goldman était une figure majeure de la gauche radicale de la France des années 1970,
00:17 mais pourtant son histoire a été un peu oubliée.
00:20 Jusqu'à aujourd'hui est la sortie en salle du procès Goldman un film de Cédric Kahn.
00:25 Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants.
00:27 D'avoir le 19 décembre 1969 attaqué à main armée une pharmacie 6 boulevard Richard Lenoir dans Paris.
00:33 Homicide volontaire sur deux pharmaciennes.
00:35 Vous êtes ce qu'on appelle un insoumis.
00:37 Révolutionnaire dans l'âme.
00:39 Goldman comme Jean-Jacques.
00:40 Pierre Goldman c'était le demi-frère du chanteur, de 7 ans son aîné, né d'une mère différente.
00:45 Mais Pierre partage assez peu de choses avec Jean-Jacques,
00:48 mis à part d'abord un père, Alter Goldman.
00:51 Alter est un juif polonais émigré en France dans les années 20
00:54 afin d'échapper au pogrom antisémite de son pays.
00:57 Il s'engage dans la résistance communiste dès le début de la seconde guerre mondiale.
01:01 Cet héritage d'engagement contre l'extrême droite et cette identité juive marquent beaucoup le jeune Pierre.
01:06 Pas vraiment fait pour les études, il y aimait Césaire, Franz Fanon, Jean-Paul Sartre ou Albert Camus
01:11 et se prend de passion pour l'Amérique latine.
01:13 Au gré de ses rencontres, trouvant mai 68 trop mou,
01:17 Goldman s'embarque pour Cuba, puis dans le maquis vénézuélien
01:20 où il s'engage dans la guérilla marxiste.
01:23 Il ne s'y bat finalement pas et déchante assez vite.
01:26 De retour à Paris, sans le sou et incapable de mener une révolution comme il l'entend,
01:30 il tombe dans le banditisme.
01:32 S'en suivent plusieurs braquages.
01:34 Jusqu'en décembre 69, suite à une dénonciation,
01:37 Goldman est arrêté par la police pour le vol d'une pharmacie du boulevard Richard-Lenoir,
01:41 durant lequel deux pharmaciennes ont été tuées et un flic grièvement blessé.
01:46 Il n'y a aucune preuve matérielle qui incrimine Goldman.
01:49 Mais le mode opératoire est similaire à ses autres méfaits
01:52 et la vague description faite par les témoins désigne ce coupable idéal.
01:56 Lui reconnaît avoir commis en tout trois braquages,
01:59 mais en aucun cas celui de la pharmacie du boulevard Lenoir
02:03 et les meurtres qui en ont découlé.
02:05 Son procès s'ouvre en décembre 74.
02:07 Il risque gros, mais lui fait un choix radical,
02:11 assurer sa défense, seul, avec une ligne claire.
02:14 Je considère que ma totale innocence est évidente
02:17 pour qui considère cette affaire en profondeur.
02:19 Je suis innocent parce que je suis innocent.
02:22 Personne ne peut rien y faire, même pas vous.
02:23 Le verdict tombe après quelques jours d'un procès médiatisé.
02:27 Pierre Goldman est condamné à la réclusion à perpétuité.
02:30 Le cas Goldman, sa verve, ses engagements
02:33 et le livre Souvenir obscur d'un juif polonais né en France,
02:36 Succès, librairie, écrit depuis sa cellule,
02:39 séduisent une partie de la classe intellectuelle et de la gauche française.
02:43 Simone Signoret, Louis Aragon, Agnès Varda, Simone de Beauvoir,
02:46 Pierre Bourdieu, Yves Montand ou Maxime Le Forestier,
02:48 persuadés d'une injustice,
02:50 appellent à ce que le jugement soit cassé.
02:52 Il y aurait comme une nouvelle affaire Dreyfus dans l'air.
02:55 Goldman, assassin !
02:57 Vous n'avez pas le droit !
02:57 Eh bien je suis innocent, monsieur le président !
02:59 Je vous rachète tous les droits !
03:00 Tous les droits !
03:02 La mobilisation intellectuelle, puis politique,
03:04 notamment celle de Giscard, président de l'époque,
03:07 pousse la justice à rouvrir l'affaire.
03:09 Le second procès débute en avril 1976.
03:12 Cette fois, Goldman s'adjoint les services d'avocats,
03:14 dont le jeune Georges Kizhman,
03:16 le ténor Émile Pollack et son ami Francis Chouraqui.
03:19 C'est ce procès devant les assises d'Amiens
03:21 que raconte le film "Le procès Goldman".
03:23 Tournez-vous un peu vers le mur.
03:25 Pierre Goldman, sous-entendez-vous que la police de ce pays est raciste ?
03:28 Non seulement je le sous-entends, mais je l'affirme.
03:29 Eh bien, c'est une honte !
03:31 Maîtrisez vos humeurs, résistez à vos bons mots.
03:33 Je vous rappelle que les charges qui passent entre vous sont extrêmement lourdes
03:35 et que vous risquez votre tête.
03:36 Durant les audiences, les éléments peu probants de l'accusation,
03:39 les témoins qui se contredisent,
03:41 les vices de procédure, mais aussi l'éloquence de Goldman,
03:44 qui met en avant le racisme systémique de la police
03:47 et les plaidoiries de Kiezman font tomber une à une les certitudes.
03:51 S'il reste condamné pour les trois braquages qu'il a reconnus,
03:53 Pierre Goldman est acquitté du meurtre des deux pharmaciennes.
03:56 Monsieur Goldman, peut-on vous qualifier de gangster ?
03:59 Oui.
04:00 Et d'assassin ?
04:01 Non, certainement pas.
04:02 Il sort de prison quelques mois plus tard.
04:03 Mais son retour à la vie normale n'est pas simple.
04:06 Le jeune journal Libération et les temps modernes,
04:08 la revue de Sartre et Beauvoir l'embauchent.
04:10 Mais lui préfère la vie nocturne qu'il passe à jouer de la musique cubaine
04:13 dans les clubs de la capitale.
04:15 Surtout, il n'a pas coupé les ponts avec sa vie de bandit.
04:18 Il fricote avec Charlie Bauer, futur complice de Jacques Mérine,
04:21 ou s'acoquine avec les terroristes basques de l'ETA.
04:25 C'est d'ailleurs peut-être ce qui lui a coûté la vie.
04:28 Le 20 septembre 79, à l'âge de 35 ans,
04:31 Pierre Goldman est assassiné de plusieurs balles,
04:34 à bout portant dans le 13e arrondissement de Paris.
04:36 Le meurtre est revendiqué quelques minutes plus tard
04:38 par un groupe d'extrême droite nommé Honneur de la Police,
04:41 qui dit s'être vengé de l'outrage de l'acquittement de Goldman.
04:44 À vrai dire, l'assassinat n'a jamais été élucidé.
04:47 Est-ce l'extrême droite, le gouvernement espagnol voulant s'opposer à l'ETA,
04:50 les services secrets français ou un simple règlement de compte ?
04:54 L'affaire est encore trouble aujourd'hui.
04:56 Un enterrement entre 12 000 et 20 000 personnes,
04:59 dont Sartre, Beauvoir, Signoret, Montand,
05:01 défilent derrière le cercueil de Pierre Goldman.
05:03 Preuve de la fascination pour cet anti-héros en milieu.
05:07 S'il vous plaît !
05:08 Monsieur le Président,
05:11 je pense que ce que mon client a voulu dire,
05:13 c'est que certains policiers peuvent parfois avoir un comportement raciste,
05:15 certainement pas que le corps policier dans son ensemble est raciste.
05:17 Non, non, non, je veux dire que la police est raciste, absolument toute la police.
05:20 [Rires]
05:23 S'il vous plaît !
05:24 [Rires]

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