Jean-Paul Benoît président de de la Fédération des Mutuelles de France est l'invité de Rue de la Rép

  • l’année dernière
Dans un contexte où l'accès aux soins est de plus en plus compliqué sur fond d'inflation, quel est le rôle des mutuelles ? ...

Vidéo publiée le : 01/10/2023 à 13:00:00

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00:00 Bonjour et merci de nous rejoindre sur Maritima. Pour cette nouvelle émission dans Rue de la République, nous recevons Jean-Paul Benoît,
00:06 qui est le président de la Fédération des Mutuelles de France. Bonjour Jean-Paul Benoît.
00:09 Bonjour.
00:10 Merci d'être avec nous. Pour cette interview avec moi, Léo Purguet, évidemment toujours du journal La Marseillaise, président du journal La Marseillaise.
00:16 Bonjour.
00:17 Bonjour Léo. Jean-Paul Benoît, vous avez mené un congrès cette semaine à Marseille, le Congrès de la Fédération des Mutuelles de France.
00:25 Est-ce que vous pouvez vous expliquer pourquoi pendant quatre jours chaque année, les mutuelles se réunissent ?
00:29 Alors, le congrès c'est un instant très important pour la mutualité. D'ailleurs, ce n'est pas chaque année, excusez-moi de vous...
00:36 C'est tous les trois ans.
00:37 Tous les trois ans. Chaque année, on a une assemblée générale. Mais le congrès, c'est le lieu où on regroupe toutes les mutuelles.
00:43 Nous sommes une fédération des mutuelles, donc nous regrouperons des mutuelles. Et c'est vraiment le lieu où tout le mouvement est représenté.
00:49 Et donc, pour nous, c'est un instant démocratique très très important. Et c'est vrai qu'on l'a fait partout en France.
00:55 Cette fois-ci, c'était à Marseille, au Palais du Pharaon, un lieu magique qui a été apprécié par tous les congrésistes.
01:02 Et donc, c'est le moment où tous les trois ans, on essaie de fixer des orientations en moyen terme.
01:07 On regarde un peu plus loin chaque année dans les assemblées générales. On regarde ce qui s'est passé l'année d'avant et ce qu'on va faire l'année d'après.
01:13 Là, on regarde un peu plus loin, on fixe des orientations. Et en particulier cette année, on est à un moment d'évolution forte.
01:20 Et donc, c'était très important ce congrès. Et je crois, en tout cas c'est mon avis, mais il est assez partagé par les congrésistes,
01:27 que ça a été un très bon congrès. Le lieu a aidé, la préparation a aidé, mais il y a aussi eu des débats très très nourris,
01:34 compte tenu d'un contexte compliqué.
01:37 Concrètement, est-ce que vous pouvez expliquer quel est le poids des mutuelles, quel est le levier des mutuelles dans le quotidien des Français aujourd'hui ?
01:43 Alors, les mutuelles, quand on parle des mutuelles aux Français, ils pensent aux complémentaires santé.
01:47 D'ailleurs, parfois, ils parlent de mutuelles alors que ce sont des assurances, parce qu'il n'y a pas que les mutuelles qui font de la complémentaire santé.
01:56 Les mutuelles font de la complémentaire santé, c'est une activité importante, absolument nécessaire,
02:01 parce que les mutuelles sont, avec la Sécurité sociale, les deux structures qui garantissent notre système de protection sociale solidaire.
02:09 La Sécurité sociale, c'est un lieu de solidarisation très important, mais au-delà, on a besoin, pour pouvoir accéder aux soins,
02:16 d'avoir un complément de protection sociale.
02:19 On l'a vu au moment de la Covid, on croit souvent que l'hôpital est remboursé à 100%,
02:26 et on a vu des personnes qui n'avaient malheureusement pas de couverture,
02:29 alors elles sont peu nombreuses, 3-4% de la population, mais il y en a,
02:32 qui sortaient avec des factures de réanimation de 12-14 000 euros, à mon avis,
02:38 parce que quand on n'a pas une intervention chirurgicale, on a un ticket modérateur à l'hôpital de 20%,
02:44 et 20% de 30 jours en soins intensifs, c'est plusieurs milliers d'euros, voire plus d'une dizaine de milliers d'euros.
02:51 Donc les mutuelles sont importantes pour cela, pour faire le complément de la Sécurité sociale,
02:57 pour le faire sur une base solidaire, sans sélection, sans exclusion.
03:01 On a autour de nous des systèmes, y compris dans les pays européens et aux Etats-Unis, là c'est la caricature,
03:08 qui sont basés sur les assurances privées, et qui sont sélectives, et qui excluent des millions de personnes de l'accès aux soins.
03:15 Les mutuelles sont là pour assurer l'accès aux soins pour tous.
03:18 Mais le remboursement financier ne suffit pas, surtout avec la crise de notre système de santé,
03:23 on a aussi un problème de disponibilité physique de l'offre,
03:26 et donc les mutuelles sont aussi des structures qui gèrent des établissements de santé, médicaux, sociaux,
03:33 ce que nous appelons les services de soins et d'accompagnement mutualistes, ça va de cliniques, centres de santé,
03:38 on a beaucoup de centres de santé à Marseille et dans le département.
03:41 - Oui, c'est historique.
03:42 - Oui, c'est historique, effectivement, on pourra y revenir si vous voulez,
03:47 mais donc c'est pour nous aussi important, on est un acteur complet de santé, on fait aussi de la prévention,
03:52 on est un acteur complet de santé à but non lucratif, ça veut dire quelque chose,
03:56 ça veut dire qu'on n'a pas d'actionnaire, qu'on n'a personne à rémunérer,
03:59 toutes les cotisations sont utilisées au bénéfice des adhérents,
04:04 et surtout solidaires, sans sélection, sans exclusion.
04:08 C'est très important, ça garantit aussi, on a besoin d'une sécurité sociale au plus haut niveau possible,
04:13 d'ailleurs aujourd'hui la politique nous pose problème parce qu'elle réduit la part de la sécurité sociale,
04:18 et donc ça nous complique les choses, on a besoin d'une sécurité sociale au plus haut niveau,
04:21 mais on a aussi besoin d'une complémentaire qui accompagne la sécurité sociale,
04:25 nous on parle de couple solidaire, en mutuelle sécurité sociale,
04:29 qui accompagne la sécurité sociale pour développer cette protection sociale auxquelles tous les français sont attachés.
04:34 Alors au moment de la crise sanitaire, les mutuelles ont reproché au gouvernement de finalement leur faire payer
04:39 une grosse part de la facture de cette crise sanitaire,
04:43 est-ce que ça a grévé vos comptes, et comment vous avez pu engager la suite ?
04:49 Il y a eu un problème pour les mutuelles, mais il y a eu un problème pour la sécurité sociale d'abord.
04:53 Le gouvernement a fait payer une grande partie de la crise à la sécurité sociale,
04:58 y compris des dépenses qui ne sont pas forcément légitimement portées par la sécurité sociale.
05:03 Il a fait par exemple payer à l'assurance maladie les congés pour garde d'enfants des parents.
05:09 Bien évidemment, les écoles étant fermées, il fallait financer, il fallait permettre aux parents de prendre des congés,
05:16 c'est pas cela qui est en question, mais c'est une politique d'Etat.
05:19 Pourquoi est-ce que l'assurance maladie, les enfants n'étaient pas malades, les parents non plus,
05:24 pourquoi on a fait payer par exemple à l'assurance maladie ce type de choses ?
05:28 On a fait payer à l'assurance maladie des participations sur tout un tas de dépenses de façon exagérée.
05:38 Ça produit déjà sur l'assurance maladie un problème d'équilibre qu'on n'a toujours pas résolu,
05:44 donc qui s'aggrave et qui justifie encore des réductions du champ de l'assurance maladie qui pose problème.
05:49 Pour ce qui concerne les mutuelles, il y a eu dans un premier temps, effectivement,
05:53 une baisse de recours aux soins du fait notamment des confinements.
05:57 Les gens allaient beaucoup moins aller pour les urgences, mais beaucoup moins suivre des soins,
06:01 certains se méfiant, et donc il y a eu une baisse.
06:03 On avait dit qu'il y aurait un rattrapage et qu'il y aurait un coup, un rebond plus haut que ce qu'on avait connu en baisse.
06:11 C'est ce qui s'est passé, sauf que le gouvernement a dit "Ah, vous avez dépensé moins, donc on va vous mettre une taxe".
06:16 Ils ont mis une taxe supplémentaire. On est très taxé en complémentaire santé, beaucoup trop,
06:21 y compris par rapport aux autres pays autour de nous.
06:24 Et là, ils ont trouvé de mieux, comme il y avait une économie pendant quelques mois de mettre une taxe,
06:31 du coup on a dû payer la taxe pour rattraper les dépenses, mais les dépenses ont été rattrapées,
06:35 y compris avec des pathologies qui se sont aggravées.
06:37 Comme il y a eu moins de soins en première intention, on a eu des coûts beaucoup plus importants,
06:42 et on s'est retrouvé avec une flambée des cotisations.
06:44 Et après, les gens disent "Mais à juste titre, la mutuelle est chère, et elle augmente beaucoup".
06:49 Qu'est-ce que vous leur répondez ?
06:51 D'abord, oui, c'est vrai, et pour que ça soit moins cher, il y a des solutions.
06:56 Il y a les taxes, 14% de taxes, plus là ils nous ont mis 3% de taxes Covid, donc c'était 17%.
07:02 17% c'est plus que les produits de luxe.
07:06 Parce qu'on passe de TVA à 20%, mais la TVA il y a un mécanisme de récupération,
07:10 là on paye la TVA sur toutes les prestations, sur les médicaments, etc.
07:13 et on paye en plus 17%.
07:17 Donc on taxe la complémentaire santé plus que les produits de luxe.
07:21 Donc déjà ça c'est insupportable, et puis la question c'est la question de la sécurité sociale.
07:26 Il faut arrêter de transférer.
07:28 Ce que beaucoup de gens ne savent pas par exemple, c'est que la complémentaire santé solidaire,
07:32 qui permet à ceux qui ont des revenus modestes de pouvoir avoir une complémentaire
07:38 sans participation pour les plus modestes, et avec une petite participation
07:42 pour ceux qui sont un peu au-dessus du seuil, au-dessus du plafond.
07:46 Cette complémentaire santé solidaire, au départ elle était payée,
07:50 elle était financée à 80% par l'État, 20% par les complémentaires,
07:53 quand elle a été créée dans les années 90.
07:56 Aujourd'hui, l'État ne met plus un euro, c'est en totalité les mutuels,
08:02 et donc les mutualistes, donc les assurés sociaux, donc les adhérents,
08:05 qui financent cette complémentaire santé solidaire.
08:07 Justement, les dépenses qui sont liées à la santé, c'est dans le viseur en ce moment du gouvernement.
08:11 D'ailleurs il y a un projet de loi de financement de la sécurité sociale
08:15 qui va entamer la navette parlementaire.
08:18 Vous l'avez sûrement vu, regardé, qu'est-ce que vous en pensez ?
08:21 Est-ce qu'il y a des choses à redire là-dessus ?
08:24 On l'a regardé, mais le texte complet, on ne l'a eu qu'aujourd'hui.
08:27 C'est un texte de plusieurs dizaines de pages,
08:30 donc c'est sous réserve de l'analyser complètement.
08:32 Mais il y a eu beaucoup d'annonces du gouvernement.
08:34 Et le problème de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale,
08:38 qui était déjà le problème de celui de l'année passée, puisqu'il y en a un par an,
08:42 par principe, c'est qu'on réduit encore le financement de l'assurance maladie,
08:48 le financement des soins.
08:49 On est dans un système où notre système de santé est en crise profonde.
08:52 On sait que l'hôpital est étranglé.
08:54 On sait qu'il y a des gens qui sont sur des chariots, dans les urgences,
08:58 pendant des heures, voire des jours.
09:00 Ils sont allés jusqu'à 3 ou 4 jours.
09:02 On sait qu'il y a eu des morts aux urgences parce qu'on n'a pas pu les prendre en charge.
09:05 On connaît la situation des personnels qui sont en crise,
09:09 et qui y compris font des burn-out parce qu'ils sont complètement débordés.
09:14 On réduit encore, on va réduire encore le financement de l'hôpital public.
09:18 Formellement, on a une aumente de 3%, mais on a une inflation de 5%.
09:22 Ça fait deux ans. Alors qu'on a un système de santé en crise.
09:25 D'un hôpital public qui est au bord de l'asphyxie,
09:28 des professionnels libéraux qui réclament des revalorisations, parfois légitimes.
09:34 Après, il y a des excès que je ne concierne pas,
09:36 mais effectivement, pour certains soins,
09:39 il y a des revalorisations qui n'ont pas été faites, qui doivent être faites.
09:43 Le gouvernement répond oui à tout, et il réduit le financement.
09:46 Non seulement il réduit le financement, c'est ce que nous appelons l'ONDAM,
09:51 c'est le Charabia, c'est l'objectif national de dépense de l'assurance maladie.
09:56 Il fixe l'objectif de dépense en dessous de l'inflation,
10:01 donc il diminue sa valeur réelle, et donc ça, ça pose un problème.
10:07 Mais en plus, il transfère massivement des dépenses,
10:13 parce que du coup, l'assurance maladie ne s'en sort plus, on devait aller vers l'équilibre.
10:17 Il prévoit déjà officiellement que les déficits vont encore se creuser,
10:20 et donc il transfère sur les complémentaires santé.
10:23 Ça augmente les cotisations des complémentaires santé,
10:26 ça produit une difficulté des personnes, en particulier des retraités.
10:32 On va y revenir à cela, mais ça c'est un constat qui est alarmant.
10:37 Vous, quelles propositions alternatives vous portez dans le débat public
10:40 par rapport à ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale ?
10:43 Est-ce que vous avez, vous, des propositions pour avoir des nouvelles sources de financement ?
10:47 Absolument, absolument.
10:49 Alors déjà, avant de vouloir remplir un tonneau, il faut boucher les trous.
10:52 Et là, le gouvernement a créé un gros dans le tonneau de la Sécurité sociale,
10:56 c'est que depuis trois ans, pour la première fois de l'histoire de la Sécurité sociale,
10:59 il s'est autorisé à ne plus compenser les exonérations de cotisations sociales qu'il accorde aux employeurs.
11:06 Il accorde beaucoup, beaucoup d'exonérations de cotisations.
11:13 Depuis le Covid, du coup ?
11:14 Depuis le Covid, ça s'est accéléré, mais pas seulement.
11:17 Mais là, on voit que, par exemple, les primes Macron, comme on les appelle,
11:20 les primes de partage de la valeur, sont exonérées de cotisations sociales.
11:23 Les heures supplémentaires sont exonérées de cotisations sociales.
11:29 Le travail partiel, le chômage partiel qu'il a mis en place pendant la Covid,
11:35 il a décidé de l'exonérer de cotisations.
11:38 Chaque fois qu'il y a ces exonérations, c'est des ressources en moins pour l'assurance maladie.
11:42 Les exonérations de cotisations ont triplé, plus que triplé,
11:47 je crois qu'elles ont été multipliées par trois et demi depuis dix ans.
11:51 Et sur le premier quinquennat de Macron, elles ont été multipliées par deux.
11:56 On va arriver, selon la commission des comptes de la Sécurité sociale, en 2023, à 84 milliards d'euros.
12:02 Le budget de l'assurance maladie est un peu plus de 200 milliards d'euros.
12:06 Il y a 84 milliards d'euros de ressources qui sont retirées et qui ne sont plus totalement compensées.
12:13 Avant, le gouvernement pouvait exonérer les entreprises.
12:15 On l'avait vu au moment de la loi sur les 35 heures, on exonérait les cotisations.
12:19 Mais le gouvernement avait l'obligation de combler, de compenser, dans le budget de la Sécurité sociale.
12:25 Parce que ces budgets, la Sécurité sociale a été faite, y compris, pour que ce soit en dehors du budget de l'État,
12:30 de façon à ce que ça ne soit pas dépendant des décisions politiques, comme on le voit dans d'autres pays,
12:34 comme en Angleterre, en Grande-Bretagne.
12:37 C'était le cas jusqu'à il y a trois ans, jusqu'à ce que M. Macron, dans une loi de financement de la Sécurité sociale aussi,
12:43 d'il y a trois ans, a décidé qu'il n'avait plus d'obligation de compenser.
12:46 Ça veut dire, je termine là-dessus, ça veut dire que le budget de la Sécurité sociale sert aujourd'hui
12:53 à financer la politique économique du gouvernement.
12:56 C'est totalement illégitime et ça engendre la difficulté qu'on a et la baisse des prises en charge par la Sécurité sociale.
13:03 Alors, quelle nouvelle source de financement ?
13:05 Déjà, ces 84 milliards suffiraient largement.
13:07 Donc déjà, il y a un problème à revoir sur les exonérations.
13:11 Surpression, oui, il faudra peut-être les regarder.
13:13 Réduction, compensation.
13:15 Compensation, premier point. Et puis il y a certaines, oui, qui pourraient être réduites.
13:19 On sait, ça a été dit, ça a été dit par la Cour des comptes,
13:23 c'est que toutes ces exonérations, qu'elles soient de cotisations ou d'impôts,
13:27 ne produisent pas les effets qu'on prétend.
13:29 C'est en fait une aide directe aux entreprises.
13:31 Si le gouvernement veut des entreprises, libre à lui.
13:34 C'est sa politique, j'en pense en tant que citoyen, mais c'est sa liberté.
13:39 Il n'a pas de raison de le faire payer à notre système de protection sociale
13:42 et donc directement aux assurés sociaux et aux mutualistes.
13:45 Ça, c'est le premier élément.
13:47 Deuxième élément qu'on porte, nous, depuis quelques années, les Mutuelles de France.
13:50 Rapidement, il faut qu'on avance.
13:52 Ah, d'accord, je vais essayer de être rapide.
13:54 C'est qu'on a déconnecté, quand la sécurité sociale a été créée,
13:58 on a assis l'assiette des cotisations sur la masse salariale.
14:03 Que ce soit les cotisations employeure ou les cotisations salariées.
14:06 Avec la financiarisation, moi je prends souvent l'exemple de Total,
14:10 c'est celle qui fait le plus de profits, donc c'est le plus facile.
14:12 Aujourd'hui, Total, la masse salariale, dans ce chiffre à faire en France,
14:15 je crois que c'est 2 à 3%.
14:17 Avant, je disais 5%, mais je me suis fait reprendre par les salariés de Total,
14:20 ils m'ont dit que c'était plus que tout ça, 3%.
14:22 Ça veut dire que Total cotise à la sécurité sociale sur 3% de son chiffre d'affaires.
14:26 Une petite entreprise du bâtiment, elle cotise sur 50% de son chiffre d'affaires.
14:32 3%, 50%.
14:34 Un hôpital, il cotise sur 70% de son chiffre d'affaires.
14:37 Donc nous, ce qu'on demande, c'est de revoir l'assiette.
14:40 De revoir l'assiette des cotisations,
14:42 pour avoir une assiette qui soit bien sur la totalité de la richesse créée.
14:46 Alors, il y a une question importante pour les auditeurs, pour les lecteurs,
14:49 sur laquelle on voulait vous interroger, c'est la question de l'accès aux soins.
14:52 On voit que c'est désormais très difficile, pour plusieurs raisons,
14:55 notamment l'accès physique, vous l'avez effleuré tout à l'heure.
14:59 On se trouve désormais avec, y compris dans la deuxième ville de France,
15:03 ce que l'on pourrait appeler des déserts médicaux urbains.
15:06 Comment y remédier ?
15:07 Et est-ce que les mutuelles, qui sont elles aussi confrontées à des difficultés,
15:11 peuvent contribuer à la résorption de ces déserts médicaux ?
15:14 Elles y contribuent historiquement, vous l'avez dit.
15:16 On a dans cette ville plusieurs centres de santé,
15:19 plus d'une dizaine de centres médicaux dans ce département,
15:22 je crois 25 ou 26 centres dentaires.
15:25 Donc on y contribue directement.
15:28 Après, oui, il y a une vraie crise.
15:30 Il y a une vraie crise, due en partie aux évolutions de la société.
15:35 On n'a plus des médecins comme avant,
15:38 médecins de famille qui étaient corvéables à merci 24h/24,
15:41 25 jours par an.
15:43 D'ailleurs, la population a remporté une reconnaissance réelle.
15:46 Et dans le fait que les médecins soient bien perçus,
15:48 dans notre société, ça joue beaucoup.
15:50 Aujourd'hui, les médecins, comme le reste de la population,
15:52 comme vous, comme moi, comme nous tous,
15:54 ont envie aussi d'avoir une vie privée, d'avoir des loisirs.
15:57 C'est tout à fait légitime.
15:58 Mais du coup, il faut réorganiser notre système.
16:00 Et en fait, on ne l'a pas réorganisé.
16:02 On est resté sur des modes, notamment pour la médecine de ville,
16:05 on est resté sur des modes d'organisation du 19e siècle,
16:08 qui ont été théorisés au 20e, mais qui remontent au 19e siècle,
16:11 avec de la médecine isolée,
16:13 des praticiens seuls dans leur cabinet.
16:17 Et on n'y arrivera pas, y compris si on augmente le numérosclosus.
16:23 Il y a eu un grand débat sur le numérosclosus.
16:25 C'est vrai que pendant toute une période, à partir des années 70-80...
16:28 - Donc ce chiffre qui limitait le nombre d'étudiants.
16:31 - Oui, il faut expliquer ça.
16:32 Le numérosclosus, c'était le nombre de médecins maximum
16:34 qui pouvaient être formés chaque année,
16:36 qui pouvaient rentrer en médecine chaque année.
16:38 Ce numérosclosus a longtemps pesé sur l'effectif,
16:40 et on voit qu'aujourd'hui, on en paye le prix,
16:42 puisque le nombre de médecins diminue.
16:44 Mais même si on fait une augmente au numérosclosus,
16:46 on ne trouvera pas la solution.
16:47 Parce que les médecins veulent travailler moins,
16:50 ils ont aussi d'autres centres d'intérêt,
16:54 tous ne s'installent pas en libéraux,
16:56 beaucoup veulent être salariés,
16:58 parce qu'ils veulent faire de la médecine, pas forcément de la gestion.
17:01 - Mais c'est quoi la solution du coup ?
17:02 - La solution, c'est de revoir complètement...
17:05 Je veux dire qu'on n'est qu'au début de la crise des professionnels de santé.
17:08 On parle des médecins...
17:09 - Vous pensez que ça va durer très longtemps ?
17:11 - Oui, ça ne change pas profondément l'organisation du système de santé.
17:17 Ça commence chez les infirmières,
17:19 c'est majeur chez les dentistes,
17:21 notamment dans les territoires un peu plus ruraux,
17:24 dans les Alpes, on a un très gros problème d'accès aux soins dentaires,
17:27 mais ça commence à se voir aussi en ville.
17:30 Donc il faut qu'on change le système,
17:32 et qu'on change... qu'on arrête...
17:35 Le médecin, sa professionnalité, c'est le faire un diagnostic.
17:39 C'est l'acte médical important, c'est là où il excelle.
17:45 Il faut qu'on arrive à déléguer un certain nombre de tâches.
17:47 Je veux dire qu'un médecin perd du temps à relever des constantes, etc.
17:50 Alors qu'on a des infirmières,
17:52 maintenant des infirmières de médecine avancée,
17:55 qu'on a des assistants médicaux,
17:57 qu'on a dans des domaines particuliers des assistants spécialisés,
18:03 pour la vision, pour tout un tas de secteurs,
18:09 pour l'audition, il faut vraiment qu'on remette à plat,
18:12 qu'on fasse des lieux, ça a commencé heureusement,
18:16 sinon la crise serait encore plus profonde,
18:18 collectifs, on a des professionnels de santé qui travaillent ensemble,
18:21 il faut qu'on ait des équipes médicales,
18:23 et plus un médecin, mais des équipes médicales,
18:25 avec la délégation de tâches.
18:27 Quand on parle de délégation de tâches,
18:29 il y a une levée de bouclier des syndicats de médecins libéraux,
18:32 mais si on ne va pas vers une réforme profonde,
18:34 d'autres pays l'ont fait, on ne trouvera pas la solution.
18:36 On va parler de l'engagement des Mutuelles Léo.
18:39 Oui, vous avez notamment soutenu un concert en profit des SOS Méditerranée,
18:44 qui a été fait en partenariat avec la ville de Marseille.
18:47 Pourquoi une Mutuelle se mêle de cette question-là,
18:51 et puis quels sont les autres engagements des Mutuelles de France ?
18:54 Nous sommes un mouvement humaniste.
18:57 J'ai dit au début, on a parlé des Mutuelles,
18:59 je ne dis pas que du complémentaire santé,
19:01 c'est la gestion des services de soins, c'est de la prévention,
19:04 mais le mutualisme, quand on va au cœur des choses,
19:06 quand on va au plus profond,
19:08 c'est une forme d'organisation qui est propre à toute société humaine.
19:12 Le mutualisme, c'est se mettre ensemble,
19:14 de façon solidaire, de façon égale,
19:16 pour répondre collectivement à un besoin
19:19 auquel on ne peut pas répondre individuellement.
19:21 Si on prend cette définition de la mutualité,
19:25 en fait c'est un élément pour faire société.
19:28 Nous avons en particulier aux Mutuelles de France
19:31 une vision complètement universelle et humaniste,
19:33 et donc nous sommes là pour que tous accèdent à la santé,
19:36 et on ne peut pas accepter.
19:38 Ici on est à Marseille, c'est vrai aussi dans les Alpes françaises,
19:42 c'est vrai dans le Nord avec le Pas-de-Calais,
19:46 la Manche, le traversée de la Manche,
19:49 on ne peut pas accepter aujourd'hui
19:51 de laisser des gens se noyer par milliers,
19:53 de les laisser aussi, on parle beaucoup de ceux qui se noient,
19:56 mais de les laisser aussi dans des situations d'esclavage,
19:59 pendant parfois des années,
20:01 avec des violences, des viols, des meurtres.
20:04 Je ne sais pas si on a vu,
20:06 mais tout le monde l'a vu à la télé,
20:08 mais si on a pris conscience de ce que ça veut dire
20:10 quand on abandonne des migrants,
20:12 des familles, des enfants,
20:14 en plein désert, en Tunisie ou en Libye,
20:17 en plein désert, sans oeufs et sans nourriture.
20:19 Je veux dire, c'est une situation,
20:21 nos enfants nous en demanderont compte,
20:23 comme on demande compte aux générations précédentes
20:26 de ce qui s'est passé en 39-45,
20:28 et dans d'autres époques.
20:30 On a un véritable problème humanitaire majeur,
20:33 des dizaines de milliers de morts en Méditerranée.
20:35 Je veux bien qu'on me dise tout ce qu'on veut,
20:38 la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde,
20:41 la France ne fait même pas le minimum.
20:43 M. Macron a répondu au pape
20:45 que la France faisait beaucoup,
20:47 la France fait beaucoup moins que l'Allemagne par exemple.
20:49 Donc nous ne faisons pas, nous en tant que Français,
20:52 nous ne faisons pas ce que nous devons faire,
20:54 le minimum que nous devons faire dans le cadre humanitaire.
20:57 - On va conclure l'émission.
20:59 - Déjà ?
21:01 - Oui, déjà, la question que je vais vous poser va être,
21:03 je pense, en lien un peu par rapport à ce que vous venez de dire.
21:06 La question traditionnelle que l'on pose à nos invités,
21:08 c'est qu'est-ce que la République pour vous ?
21:10 - Ah !
21:12 La "res publica", la chose du peuple.
21:14 - La chose publique.
21:16 - La chose publique.
21:18 Pour moi la République c'est un mode d'organisation de la démocratie,
21:21 je ne vais pas dire que c'est le meilleur,
21:23 mais c'est une forme d'organisation de la démocratie aboutie,
21:27 qui permet vraiment, quelque part,
21:30 qui est très en lien avec l'identité des mutuels,
21:33 les mutuels c'est la chose des mutualistes,
21:35 et la République c'est la chose du peuple.
21:38 On oublie souvent, mais je pense qu'il faut le compléter,
21:41 que dans notre constitution il est écrit
21:43 que nous sommes une République sociale,
21:46 et ça c'est très important, et nous travaillons dans le social.
21:49 Donc pour moi c'est vraiment une valeur,
21:54 enfin une organisation de la société,
21:57 qui porte des valeurs fondamentales,
21:59 que nous partageons complètement en tant que mutualité.
22:01 - Merci beaucoup Jean-Paul Benoît d'avoir été avec nous,
22:03 je rappelle que vous êtes le président de la Fédération des Mutuels de France,
22:06 merci, et merci à Léo Purguet d'avoir donné la terre à la semaine dernière.
22:10 À la semaine prochaine évidemment pour une nouvelle émission.

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