Ce samedi 30 septembre, Jean-Luc Mélenchon est venu apporter son soutien et son amitié à un “camarade de longue date", René Revol.
Pris à partie le 23 septembre dernier, le maire LFI de Grabel avait reçu insultes et menaces, suscitant une vive réaction de ses amis, mais également de ses adversaires, politiques. Ce samedi, une marche solidaire était organisée en soutien à l’élu et contre les actes de violence de l’extrême-droite.
Pris à partie le 23 septembre dernier, le maire LFI de Grabel avait reçu insultes et menaces, suscitant une vive réaction de ses amis, mais également de ses adversaires, politiques. Ce samedi, une marche solidaire était organisée en soutien à l’élu et contre les actes de violence de l’extrême-droite.
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00:00 C'est pour moi un grand honneur de pouvoir accueillir à Grabel, dans ce moment de mobilisation citoyenne, Jean-Luc Mélenchon.
00:08 (Applaudissements)
00:17 Merci mesdames, messieurs pour cet accueil.
00:21 Mesdames, messieurs, les députés, les sénateurs, les responsables d'organisations politiques, et vous tous,
00:27 mesdames, messieurs, qui partagez le statut simple et suffisant de membres de la communauté humaine.
00:38 Nous avons appris avec douleur, mais sans surprise, que le tout était venu de René d'être agressé en pleine rue,
00:50 par deux lâches, qu'apparemment ça ne dérangeait pas d'attaquer un plus jeune que,
00:58 (Rires)
01:02 et qui, pensant l'humilier, l'ont qualifié d'ami des Arabes,
01:11 sans savoir que cela provoquerait immédiatement notre rassemblement de gens qui nous disons tous amis des Arabes.
01:22 (Applaudissements)
01:24 Des Arabes, des Turcs, des Asiatiques, de tous les êtres humains, car aucun d'entre nous ne s'arrête ni à l'apparence,
01:35 ni au genre, ni à la religion, ni à la couleur de peau, pour reconnaître dans une autre personne, une personne,
01:42 c'est-à-dire quelqu'un avec qui il est possible d'avoir une relation, d'échange, bonne, mauvaise, ça dépend des cas,
01:50 mais qui ne sera bonne ou mauvaise qu'à raison de ce qu'on se dit, ce qu'on échange, et pas du reste.
01:58 Tout ça, vous le savez comme moi, mais je ne peux pas vous en parler sans mettre un tel événement à sa place.
02:10 Comment peut-on en arriver là ?
02:14 D'attaquer un homme dans la rue, qui n'est pas très prudent d'après moi,
02:18 de se promener tout seul avec un drapeau, quand on s'appelle René Revol,
02:22 et qu'on est en France, c'est-à-dire un pays où, dorénavant, il est possible d'agresser en pleine rue n'importe qui,
02:29 en fonction de ses opinions.
02:31 Telle est la France aujourd'hui. Comment on en est arrivé là ?
02:34 Je vous parle comme l'insoumis que vous connaissez.
02:38 Trois de mes camarades ont eu leur maison incendiée du fait de leur opinion politique.
02:47 Le dernier, auprès duquel je me trouvais, à Gérardmer, on avait auparavant mis autour de sa maison
02:54 des pieds de cochon et diverses inscriptions islamophobes.
03:01 Ici, parmi les neuf députés insoumis qui sont présents, sept sont sous menace de mort.
03:09 Moi-même, tous les mois, et deux personnes ont été condamnées, l'une à neuf ans de prison,
03:17 l'autre à 18 ans de prison, pour avoir tenté de m'assassiner.
03:22 Nous en sommes là.
03:25 Et bien sûr, la force du caractère qui s'est exprimée dans les paroles de Mme Lamère
03:32 montre comment nous puisons en nous-mêmes les ressources pour ne pas accepter d'entrer
03:38 dans cette logique de surenchère de la haine et de la violence qui, assez spontanément,
03:43 nous viendrait à l'esprit quand nous nous sentons agressés de cette façon, physiquement.
03:50 Mais il faut aller au fond. D'où vient toute cette violence ?
03:55 De la société elle-même. Mais ce n'est pas l'ensauvagement que décrit le président de la République
04:02 et quelques-unes des personnes qui l'entourent, qui nous menacent. Ce n'est pas vrai.
04:08 La brutalité, la violence, elle vient des rapports sociaux.
04:14 Elle vient des dominations qui s'exercent dans la société.
04:18 Et toute domination est toujours un rapport social, une exploitation,
04:25 une manière de nier dans l'autre sa similitude, puisque celui-ci ou celle-là se reconnaît le droit
04:32 de le maltraiter, de le mal payer, de l'oublier, de l'ignorer, de l'abandonner à la rue, lui, ses enfants, elle !
04:42 La société qui est capable de laisser 2000 personnes par an mourir de la rue,
04:49 des milliers d'enfants de ne plus être nourris, 20% de la population de se priver de nourriture pour nourrir ses enfants,
04:57 560 personnes par an mourir sur leur poste de travail.
05:02 Cette société contient en elle toute cette violence qui surgit alors en volonté politique.
05:10 Et c'est pour briser cette volonté politique d'écarter les rapports de violence,
05:16 pour accéder à une autre forme de société, d'harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature,
05:23 que se dressent des forces qui sont là pour le maintien du désordre, de la violence.
05:30 Les forces du maintien du désordre ont besoin de désigner un bouc émissaire parmi le peuple,
05:38 par sa religion, par sa couleur de peau, par son appartenance supposée,
05:44 et vous pousse chacun un par un à entrer dans cette logique infernale
05:50 où vous renieriez vos ancêtres si vous acceptiez d'y mettre le doigt, si peu que ce soit.
05:57 Lorsque moi j'ai ouvert les yeux sur ce monde, un français sur dix avait un ancêtre étranger.
06:06 Moi j'étais gâté, ils l'étaient tous.
06:10 Mais vous autres, dorénavant, c'est un sur quatre.
06:16 Et c'est à vous qu'on demande d'abandonner avec le sourire à la mort dans la mer
06:21 ceux qui essayent de se faire une autre vie, tout simplement, comme vous le feriez,
06:26 comme vous le faites, comme vos enfants, vos petits-enfants,
06:31 voyant l'impasse dans laquelle leur existence est plongée, décident de partir.
06:36 Comme l'ont fait quatre-cinq mille Grecs, comme l'ont fait quatre-vingt mille Portugais,
06:41 comme le font vingt-cinq mille Allemands par an.
06:44 Les êtres humains se sont toujours déplacés à travers le monde,
06:48 et là, ces organisations du maintien du désordre viennent et agressent le maire,
06:55 comme ils voudraient agresser les parlementaires que vous voyez ici.
07:00 Ces femmes que vous voyez, toutes pour des raisons politiques,
07:06 montrées du doigt, menacées, insultées, voilà où nous en sommes.
07:16 Les dominants ont toujours des chiens de garde,
07:21 et ils croient qu'en les faisant aboyer, ils se protègent.
07:26 Et puis un jour, le chien monte sur la table et mange dans l'assiette du maître.
07:36 Voilà ce qu'il leur prend au nez.
07:40 Et nous, nous devons trouver le moyen d'épargner cette issue à notre patrie.
07:48 Non pas pour eux, pour qui nous n'avons que du mépris,
07:51 mais pour nous-mêmes, pour le monde que nous voulons construire,
07:56 dans lequel un père, une mère de famille, n'a pas à dire à son enfant,
08:02 du fait qu'il a les cheveux frisés, ou la peau plus joliment bronzée que la moyenne,
08:11 "Mon garçon, ma fille, quoi qu'il arrive, ne répond jamais,
08:16 parce que nous ne sommes pas comme les autres."
08:19 Comment, papa, maman ? Qu'est-ce que nous avons qui n'est pas comme les autres ?
08:24 Et c'est à vous que revient la honte d'expliquer que vous vivez dans un pays raciste,
08:30 où l'apparence d'une personne peut valoir jugement avant même qu'elle ait ouvert la bouche.
08:37 Toutes ces choses, vous les connaissez.
08:40 Je n'en dirai pas plus, par respect pour tous ceux d'entre vous,
08:45 toutes celles d'entre vous qui ne partagent pas vos opinions,
08:50 et à qui je veux dire la gratitude et le bonheur que cela nous inspire de les savoir ici, parmi nous.
08:58 Parce que, quand ça va mal, on n'aime pas être seul.
09:03 On aime bien que tout le monde soit là.
09:05 À Saint-Brévent, nous étions tous là.
09:08 Le maire, il était Les Républicains.
09:11 Alors on s'est fait engueuler, mais on était content d'être là, avec lui.
09:18 Donc là, on dit, oui mais, est-ce que, par votre violence verbale, on ose, hein,
09:27 vous ne faites pas venir la violence ?
09:32 Alors, j'ai envie de dire, qu'est-ce que j'ai bien pu dire
09:37 qu'il me veuille deux personnes qui essayent de m'assassiner ?
09:41 Bien sûr, ce n'est pas la même chose.
09:43 Mais restons-y un instant pour y réfléchir.
09:46 Mesdames, Messieurs, la violence symbolique n'est pas la violence matérielle.
09:51 Elle peut, des fois, être très blessante.
09:55 Et il peut arriver qu'une parole qui échappe,
09:58 une caractérisation qui n'en est pas une, blesse.
10:02 Et alors, il faut savoir reculer et s'excuser.
10:06 Mais la violence symbolique n'est pas la violence qui consiste à agresser un homme dans la rue
10:10 et à lui dire, toi, on s'est quitté, la prochaine fois, on te rate,
10:14 t'es l'ami des Arabes. Ça n'a rien à voir.
10:17 Je veux qu'on se le dise.
10:20 Les mots, les poémiques, sont des violences nécessaires dans la société.
10:28 Car elles permettent d'évacuer par le verbe
10:32 la violence qui, pendant des millénaires, s'est exprimée autrement.
10:38 La politique, la démocratie, le choc des idées
10:43 permettent d'évacuer d'une façon positive et féconde
10:47 les oppositions qui nous séparent.
10:50 Nous n'avons donc pas à les montrer du doigt.
10:53 Nous n'avons donc pas à les regretter. Mieux vaut que les choses soient dites.
10:58 Et à ceux qui nous font cet étrange procès, je rappelle
11:02 que depuis le sacrifice d'Abraham,
11:06 la violence physique est passée à la violence symbolique.
11:11 Et par conséquent, c'est cela que nous prolongeons lorsque nous nous disputons.
11:18 J'ai voulu faire ce détour par les idées, pour faire la part des choses
11:23 et vous dire une bonne fois ce que nous pensons tous.
11:27 Ceux qui décident qu'on mérite d'être frappés, d'être abattus, d'être incendiés
11:34 parce que nous sommes les amis d'autres parmi nous qui sont des êtres humains,
11:39 cela se retranche, eux, de la communauté humaine. Pas nous.
11:44 Eux disent que les autres sont assez différents.
11:47 Quand on les tue, on les incendie, on les agresse.
11:53 Eux se retirent de la communauté humaine.
11:57 Si la République a une grandeur sublime qui permet qu'elle nous rassemble,
12:02 c'est qu'elle se dit être le bien commun. La chose publique.
12:06 La chose publique est notre vie commune.
12:10 Et c'est pourquoi il est si fondamental de bien dire qu'en République française,
12:17 oui, il y a une séparation définitive entre tous ceux,
12:24 quel que soit leur étendard, quelle que soit leur appartenance politique,
12:28 qui disputent en reconnaissant qu'entre nous tous, chacun,
12:33 la parole qui nous lie est liberté, égalité, fraternité,
12:38 quelle que soit notre religion, notre couleur de peau, notre genre.
12:43 Et il y a les autres, les autres qui vendirent la patrie lorsqu'elle fut envahie,
12:50 les autres qui continuent à répandre des paroles de haine pour nous diviser.
12:55 Gloire à tous ceux qui, le moment venu dans le passé,
12:59 ont su chacun sous leur drapeau, les communistes, les gaullistes, les socialistes, les autres,
13:04 se réunir pour chasser l'abomination qu'était le nazisme
13:10 et dont vous avez fait tout à l'heure le souvenir.
13:13 Mais qu'on n'aille pas faire de tout ça une histoire passée, c'est une histoire présente.
13:18 Ceux qui ont agressé le maire de Grabels,
13:22 ceux qui ont agressé tous les autres élus,
13:26 au nom du fait que l'un tendait la main aux migrants de l'autre,
13:31 qu'il est considéré comme un ami de tous les êtres humains.
13:35 Ceux-là se sont retranchés de la République,
13:38 et au moment venu, nous les en retrancherons par la force de la loi.
13:43 Je déplore que le Président n'ait pas trouvé un mot pour le maire de cette commune.
13:49 Car moi, j'étais à Saint-Brévin.
13:53 Et aussi, je ne le dis pas pour régler un compte qui, à mes yeux, est réglé définitivement.
14:01 Je le dis pour la douleur de voir qu'on pourrait faire deux poids, deux mesures à ce sujet dans notre pays.
14:09 Et vous autres, vous êtes les visages qui témoignez de tout ce qui nous unit.
14:13 J'ai vu à vos applaudissements, j'ai vu à vos sourires, j'ai vu...
14:17 [Musique]