Amandine Petit : « Même atteint d'Alzheimer, on n'oublie pas qu'on est seul »

  • l’année dernière
Très émue, Amandine Petit, Miss France 2021, évoque son histoire liée à la maladie d'Alzheimer, un mal qui a atteint sa grand-mère paternelle.
Transcript
00:00 Ça nous fait rire au début quand elle perd ses clés,
00:02 quand elle nous appelle alors que c'était pas du tout à nous qu'elle voulait parler.
00:05 Mais ça fait beaucoup moins rire quand, à un moment donné,
00:07 elle vous appelle et puis elle sait plus votre prénom.
00:08 Là...
00:10 Ma grand-mère, on était extrêmement proches.
00:18 J'allais très, très souvent chez elle.
00:20 On a le même caractère, c'est elle qui m'a appris à me pomponner.
00:23 Ça a été, en fait, une femme très forte qui a élevé ses cinq enfants toute seule.
00:29 La maladie, elle est rentrée à un moment donné
00:31 où ma grand-mère commençait à perdre un peu ses affaires.
00:34 Elle savait très bien où c'était habituellement.
00:37 Et là, d'un coup, d'un seul,
00:39 on se retrouvait à perdre la moitié de ses vêtements.
00:41 Et au début, je pense qu'on se voile un peu la face de se dire que c'est pas Alzheimer.
00:45 Et donc, des fois, il est arrivé des dingueries.
00:47 Quand un jour, on est appelé par les pompiers qui nous disent
00:50 "Attendez, en fait, elle a laissé la gazinière allumée
00:53 et donc, du coup, ça a pris feu dans l'appartement, sauf qu'elle est au dernier étage",
00:56 là, il faut mettre des choses en place.
00:57 Donc, c'est ma tante, retraitée, qui l'a prise à la maison.
01:00 Et pour garder ses repères, c'est comme un enfant, en fait.
01:04 Il arrive à un stade de la maladie, on est à peu près au milieu.
01:06 Je dirais que ça fait deux ou trois ans qu'elle a cette maladie.
01:09 Et là, en fait, on nous explique que c'est comme pour un bébé
01:12 où on va dormir avec son doudou avant qu'il naisse pour qu'il ait l'odeur.
01:15 Eh bien, celle-là, c'est la même chose.
01:16 Il fallait surtout pas qu'on change de parfum.
01:18 Il fallait qu'on essaie de pas trop changer de voix.
01:21 Donc, par exemple, s'il y avait un lendemain de soirée,
01:23 elle allait moins me reconnaître parce que j'avais la voix cassée.
01:25 Mais elle, dans sa tête et dans son univers, tout allait très bien.
01:28 Pour nous, autour, c'était quand même beaucoup plus compliqué
01:31 parce qu'on voit une personne qui change énormément,
01:34 qui maigrit, qui s'affaiblit, qui oublie, qui veut plus trop manger.
01:39 Ce qui est le plus compliqué pour l'entourage,
01:41 c'est vraiment de voir la personne changer au fur et à mesure,
01:43 de voir une personne pleine de vie,
01:45 qui ressemble à son proche, qu'on a toujours aimé,
01:50 qui a son caractère, qui a ses humeurs, etc.,
01:53 qui, au final, se retrouve complètement modifiée.
01:57 Et ça va très, très vite, parce que cette modification de son caractère,
02:00 en réalité, ça a été en l'espace de six mois.
02:03 Et vraiment, la fin, elle a terminé où elle était toute maigre,
02:09 où on la reconnaissait pas du tout.
02:12 Je me suis présentée à Miss Normandie en 2015,
02:14 la première fois où j'ai été deuxième dauphine.
02:16 Et pour la protéger, mes proches lui avaient pas dit
02:20 que c'était ce soir-là, mon élection.
02:22 Et moi, j'avais été surprise, parce qu'une fois, en en parlant avec elle,
02:24 elle m'avait dit "Mais je savais pas que tu faisais ça,
02:26 mais par contre, la prochaine fois, je viendrai."
02:28 Malheureusement, la prochaine fois, elle était plus là.
02:31 À ce moment-là, c'était un corme, il y avait plus de vie,
02:34 il y avait plus d'âme, il n'y avait plus qu'une maladie, en fait.
02:36 C'est un peu comme une descente aux enfers.
02:38 On la voit vraiment changer,
02:41 et puis on se dit "En fait, ça lui fait pas de peine."
02:43 Et puis, à la fin, elle-même voulait que ça s'arrête.
02:47 Elle en avait marre.
02:48 D'un point de vue mental, moral,
02:52 c'est dur, parce qu'on se raccroche à quoi, en fait ?
02:55 On peut se raccrocher à des humeurs, parfois,
02:58 mais il y a rien de profond.
03:00 Il se passe plus grand-chose, en fait.
03:02 Donc, il faut savoir décrocher au bon moment
03:05 et mettre la personne dans un établissement au bon moment,
03:07 mais pas trop tôt.
03:09 Il faut pas vouloir s'en débarrasser,
03:10 parce qu'en fait, ils restent conscients quand même de tout ce qui se passe.
03:13 Ils ont encore tous les sentiments,
03:15 la peur, l'envie, l'amour, ils ont tout, en fait.
03:19 Même dans une maladie comme ça,
03:21 où on oublie les choses, on oublie pas qu'on est seul.
03:23 On s'en rend vraiment bien compte.
03:25 Sous-titrage Société Radio-Canada

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