Valérie Faudon (SFEN) : L'Hebdo de l'Éco (Émission du 07/10/2023)

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Eric de Riedmatten reçoit chaque week-end un invité dans #LHebdoDeLEco pour approfondir un sujet économique.

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Transcript
00:00 La conférence de l'agence de l'énergie a eu lieu la semaine dernière et la décision a été prise d'accélérer le développement de nouvelles centrales nucléaires,
00:08 notamment les SMR qui sont des petites centrales qui permettront d'avoir de l'énergie dans les régions les plus reculées, en France notamment,
00:15 et puis surtout de prolonger la vie de nos centrales actuelles, c'est ça la grande nouveauté.
00:19 Valérie Faudon, vous êtes déléguée générale de la Société française d'énergie nucléaire.
00:23 Alors, on avait dit 50 ans, je crois que ça a été acté, on peut encore aller plus loin pour la durée de vie des centrales ?
00:29 Oui, absolument. Alors, pour remettre un peu de contexte par rapport à la conférence,
00:32 donc c'est 15 ministres de l'OCDE, donc de l'Occident, qui se sont réunis pour orchestrer la relance du nucléaire,
00:39 puisqu'en fait on vise aujourd'hui un doublement, voire un triplement de la production en 2050.
00:44 Et la première manière d'arriver, c'est d'exploiter nos réacteurs plus longtemps.
00:48 Donc les Américains ont reçu l'autorisation d'exploiter quasiment tous leurs réacteurs à 60 ans,
00:54 et commencent à avoir des autorisations pour exploiter à 80 ans.
00:58 Donc en France, on passe juste, les premiers réacteurs viennent juste de passer les 40 ans.
01:02 Donc pour nous, l'objectif aujourd'hui, il y a eu un avis générique de l'autorité de sûreté,
01:06 moyennant de très importants travaux sur les unités, de les autoriser à fonctionner 50 ans.
01:12 Donc on a eu cet avis générique pour l'ensemble des réacteurs de 900 MW, donc les plus anciens du parc.
01:18 Maintenant, on attend une autorisation réacteur par réacteur.
01:21 D'accord. Alors certains vont se dire, "Fashion 9, pourquoi on l'a arrêté aussi vite ?"
01:24 Ça c'est une bonne question. En fait, plus précisément, la réponse, c'est que ça a été un arrêt
01:29 qui a été décidé pour des raisons politiques. Et aujourd'hui, bien sûr, dans le contexte de marché
01:34 dans lequel on est, on aimerait bien avoir Fashion 9.
01:37 Alors pour prolonger, il faudra voir les équipes, les ingénieurs s'y prendre à l'avance ?
01:40 Absolument.
01:41 On revient de loin, si je peux dire.
01:43 Les équipes travaillent depuis quand même assez longtemps, puisqu'on savait que les 40 ans arrivaient,
01:47 on savait qu'on aurait besoin de ces réacteurs. Donc c'est des programmes qui ont été préparés depuis longtemps.
01:52 Et les travaux sont déjà en cours. Il y a plusieurs unités sur lesquelles la première phase de travaux a été faite.
01:57 Et le tricastin, donc EDF Tricastin, la centrale qui est près de Montélimar, a été autorisée à fonctionner 50 ans.
02:06 D'accord. Alors où en est-on aujourd'hui dans le fonctionnement des centrales ?
02:09 L'an dernier, à la même époque, on commençait à avoir peur de manquer d'énergie pour l'hiver.
02:13 Ça en est où ?
02:14 Alors en fait, on a eu une conjonction de plusieurs éléments.
02:19 Alors le premier, c'est que, comme vous le disais, on fait énormément de travaux sur le parc nucléaire en ce moment pour passer à 40 ans.
02:25 Donc on est arrêté des unités pour les inspecter et pour faire des améliorations sur ces unités.
02:32 Et donc on a du coup une moindre disponibilité du parc nucléaire.
02:36 Et en plus, on a eu un problème exceptionnel lié à ce phénomène de corrosion qu'on n'attendait pas.
02:42 Donc il y a eu plusieurs unités qui ont dû être arrêtées pour être inspectées.
02:45 Puis on a fait des réparations, des tuyaux.
02:47 Et là, ça va mieux ?
02:48 Oui, ça y est, maintenant on regagne et on recommence à être exportateur.
02:52 Et on a 56 réacteurs, c'est ça ?
02:54 Oui, on a 56 réacteurs.
02:56 Ils tournent tous ? Ils vont tous tourner ?
02:57 Oui, alors EDF s'organise au niveau de l'organisation des maintenance pour avoir un maximum d'unités disponibles en hiver.
03:06 Pourquoi ? C'est parce qu'en hiver, la consommation est plus importante qu'en été.
03:09 Pour vous donner une idée, en été, on consomme 50 gigawatts et en hiver, 80 gigawatts.
03:15 Donc on fait en général les maintenance.
03:16 Pas de risque de manquer.
03:18 J'aimerais quand même vous poser une question sur les mini-réacteurs, les SMR, les small réacteurs, comme on dit.
03:24 C'est pour quand ? Parce que le président Macron a annoncé que ça y est, on y allait.
03:28 Mais ça marchera quand ?
03:29 On va faire des gros et des petits, puisque vous savez qu'on va faire des EPR, je crois qu'on va en parler aussi.
03:34 Alors les gros, c'est pour vraiment assurer la sécurité d'approvisionnement électrique.
03:39 Parce que pour assurer la sécurité d'approvisionnement électrique,
03:42 notre consommation va augmenter, on va avoir besoin de faire beaucoup, beaucoup d'électricité sur très peu de sites.
03:48 Mais en plus, on peut utiliser le nucléaire pour aussi décarboner d'autres usages aujourd'hui,
03:54 où on utilise du pétrole, du gaz ou du charbon.
03:57 Oui, c'est là pour l'éolien.
03:58 Oui, en particulier la chaleur industrielle.
04:01 Donc les petits réacteurs, ils vont permettre de faire des choses qu'on ne peut pas faire avec les gros,
04:07 ou de manière plus difficile.
04:09 Quand on dit petits réacteurs, c'est quoi ? C'est comme le réacteur d'un porte-avions, d'un sous-marin ?
04:13 Oui, alors il y a plusieurs modèles.
04:15 Ça va de 10 mégawatts à 300 mégawatts.
04:19 Donc pour vous donner un ordre de grandeur, un EPR, c'est 1700.
04:22 Donc on peut être de 170 fois plus petit.
04:24 Qu'est-ce qu'ils vont dire les écologistes ? Ils ne vont pas être vende-boue contre ça ?
04:28 Alors on voit des écologistes qui changent d'avis sur le nucléaire.
04:31 C'est le cas en particulier du Parti Vert en Finlande.
04:35 Donc on espère qu'on pourra travailler ensemble,
04:38 puisque l'enjeu maintenant, je pense que tout le monde est aligné sur le fait
04:41 qu'il faut sortir des énergies fossiles pour deux raisons.
04:44 D'abord parce que c'est elles qui émettent ce CO2 qui est responsable du réchauffement climatique.
04:48 On parle du pétrole qu'on utilise dans les voitures, du gaz,
04:51 qu'on utilise dans le logement et l'industrie, le charbon qu'on utilise encore dans l'industrie.
04:55 Et puis aussi parce qu'on l'importe.
04:57 Donc par exemple, pour vous donner une idée, l'année dernière,
04:59 on a importé pour plus de 110 milliards d'euros d'énergie fossile.
05:03 Donc c'est une dépense très importante.
05:05 On revient de loin là aussi, parce qu'on peut plus en arrêter le nucléaire,
05:08 ou en tout cas en le réduire drastiquement.
05:10 Terminons par l'EPR.
05:12 Le réacteur à eau pressurisée, on en parle depuis des années,
05:15 notamment celui de Flamanville qui n'a toujours pas ouvert.
05:17 C'est ça, il est en cours de démarrage, mais il ne fonctionne toujours pas.
05:20 Alors d'autres EPR sont prévues pour 2050, c'est ça ?
05:24 Oui.
05:25 Mais est-ce qu'on aura l'argent de faire ces énormes...
05:26 Ou dès 2035.
05:27 Donc en fait, on est actuellement en train de faire les tests de tous les circuits
05:31 et qui sont les derniers tests de circuit qui sont en cours pour Flamanville,
05:34 avant qu'on puisse charger le combustible et qu'on puisse faire ce qu'on appelle la démarrage.
05:38 Vous avez une date à nous annoncer ?
05:39 Donc la seule chose qu'on sait, c'est qu'on parle de charger le combustible au début 2024.
05:44 C'est la date qu'on a, donc on espère bien sûr un démarrage dans la foulée.
05:48 Alors oui, donc il va falloir renouveler notre parc nucléaire,
05:52 parce qu'on ne sait pas si on va pouvoir fonctionner.
05:55 Là, on a des autorisations pour aller à 50 ans,
05:57 après il faudra avoir les autorisations pour 60 ans, après 70 ans.
06:00 Donc il y a quand même une grosse incertitude de savoir si on pourra aller au-delà de 60 ans.
06:03 Donc il faut renouveler nos unités.
06:05 D'où ces centrales EPR.
06:06 D'où la construction des EPR.
06:07 On aura l'argent ?
06:08 Alors, il y a deux critères très importants.
06:13 Il y a d'abord le fait de pouvoir les construire et de pouvoir les construire
06:17 comme dans le cadre d'un programme industriel, de manière cadencée.
06:19 Donc c'est pour ça que la première décision, ça va être d'en construire six d'un coup.
06:23 Comme ça, tous les industriels peuvent se mobiliser, embaucher,
06:27 investir sur le routier industriel pour réussir la construction.
06:30 Ça, c'est vraiment très important.
06:31 Et ne pas construire un de temps en temps et on perd les compétences.
06:35 Et le deuxième point, c'est en effet d'avoir accès à un financement, je dirais pas cher,
06:39 enfin un coût de financement réduit,
06:40 parce que le coût de production d'électricité dépend beaucoup du financement.
06:44 Sur ce point de vue-là, on attend l'annonce d'un schéma financier.
06:50 Et ce sera optimisé en plus.
06:52 Absolument.
06:53 Entre l'État, EDF et puis la Commission européenne.
06:56 D'accord. Juste une toute dernière question.
06:58 On aura assez de combustible pour tous les nucléaires ?
07:00 Alors oui, la World Nuclear Association, donc l'association nucléaire mondiale,
07:06 vient de publier une étude au mois de septembre,
07:08 en disant que même avec un doublement, voire un triplement du parc nucléaire à l'horizon 2050,
07:13 on avait largement assez de réserves d'uranium.
07:15 Par contre, il faut que les industries minières investissent sur les mines,
07:18 parce que quand on a un gisement, il faut quand même construire la mine.
07:20 C'est ça. Et qu'on ne soit pas dans des pays à risque.
07:22 Absolument. La grande chance qu'on a, c'est que les deux plus grandes réserves du monde,
07:25 c'est l'Australie et le Canada.
07:27 Merci infiniment Valérie Faudon.
07:30 Je rappelle, vous êtes déléguée générale de la Société française d'énergie nucléaire.
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