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NewsTranscription
00:00 - Le Pain, Culture Média.
00:01 - 9h - 11h
00:02 - Thomas Hill.
00:03 - Bonjour à tous et bienvenue dans Culture Média.
00:06 On va s'intéresser comme chaque matin à tous ceux qui animent le monde des médias
00:09 et de la culture.
00:10 Bonjour Anissa.
00:11 - Bonjour Thomas, bonjour à tous.
00:12 - Alors on va parler un petit peu de presse ce matin avec la directrice de la rédaction
00:16 de Franc-Tireur, journal Hebdo, qui célèbre aujourd'hui son centième numéro.
00:20 Bonjour Caroline Fourest.
00:21 - Bonjour.
00:22 - Merci d'être avec nous.
00:23 Vous fêtez ça en flinguant sans un fox, sans fake news et en pointant aussi la tentation
00:29 putaclic de la presse.
00:30 On en parle dans un instant dans notre question média du jour.
00:33 Alors que TF1 a annoncé le lancement d'une émission concurrente à Télématin, présentée
00:37 par Bruce Toussaint, on se demandera pourquoi la grande chaîne se lance dans cette bataille
00:42 des matinales.
00:43 Deux journalistes médias seront avec nous pour y répondre.
00:45 - Et vous pouvez réagir à cette question média du jour sur Twitter avec le hashtag
00:49 #Europe1.
00:50 On lit vos messages en direct et grâce aux répondeurs également.
00:53 01 80 20 39 21, le numéro non surtaxé pour joindre Europe 1.
00:57 - Et puis à partir de 10h, il y a ma chanteuse préférée qui arrive.
01:00 - Ah, elle est bien.
01:01 Je t'emmène loin.
01:02 - Santa, elle va chanter son tube Popcorn Salé en live dans ce studio et aussi une
01:09 petite reprise.
01:10 J'en suis déjà tout émoustillé, ça va être complètement fou.
01:13 - C'est un concert privé.
01:14 - Ça va être fou, ça va être fou.
01:16 Enfin dans quelques toutes petites minutes, là aussi je fretille, on sera avec Jean-Luc
01:20 Lemoyne pour sa session de rattrapage et apparemment Anissa, il a encore regardé L'Amour est
01:24 dans le pré.
01:25 - Ah génial.
01:26 - C'est pour ça que c'est mon numéro huit, c'est ton préféré à moi.
01:28 - Merci d'être avec nous sur Europe, on est ensemble jusqu'à 11h.
01:31 Caroline Forest, aujourd'hui vous fêtez donc ce centième numéro du journal Franc-Tireur.
01:35 Pour ceux qui n'ont jamais eu la curiosité de l'ouvrir, c'est quoi la particularité
01:39 de cet hebdo ?
01:40 - Déjà, c'est une petite torpille, c'est un petit huit pages que vous pouvez dévorer
01:44 en un café normalement et vous avez toutes les polémiques de la semaine et vous êtes
01:48 normalement armé pour tenir une conversation avec votre cousin complotiste, votre cousine
01:53 et les filles et votre vieil oncle Eren.
01:55 - Un café allongé quand même, il y a quelques pages quand même, il y a de quoi lire.
01:59 - Oui, il y a quand même huit pages, mais il y a des portraits qui fâchent, qui sont
02:02 assez mordants, il y a des articles assez courts mais qu'on espère assez nuancés.
02:06 On essaie d'être mordant et nuancé, mordant au service de la nuance, ce qui est un beau
02:11 défi.
02:12 - Et vous dites dans votre édito que le combat contre les fake news, les infos truquées
02:15 est devenu inégal, infernal même.
02:18 On se demande même si ce combat n'est pas perdu d'avance, dites-vous.
02:22 C'est la révolution internet qui a tout balayé selon vous ?
02:24 - Oui, pas seulement, c'est aussi la révolution technologique a permis une accélération
02:30 des propagandes et on est aujourd'hui, on s'informe en fonction de notre tribu, de ceux
02:35 qui nous ressemblent, on est enfermé dans des tunnels par les biais de confirmation
02:40 des algorithmes même de ces plateformes sans s'en rendre compte et on finit par voir le
02:43 monde d'un seul bout de la lorgnette, tandis que d'autres le voient d'un autre bout.
02:48 Ce qui a toujours existé, mais disons qu'avant il y avait plus d'accordat commun et plus
02:52 de consensus sur quand même quelques faits.
02:55 Aujourd'hui il n'y a même plus de consensus sur les faits.
02:57 - Sur le minimum, oui.
02:58 - Et puis il y a des gens qui en jouent, parce que ce qu'on démontre dans ce hors-série
03:01 sur les fake news, fake news ne voulant pas dire seulement faux, ça veut dire truqués,
03:06 c'est qu'il y a des États qui ont intérêt à faire circuler des informations qui ont
03:09 l'air d'avoir, qui ont l'apparence du vrai, mais qui ne sont pas vrais, qui sont manipulées
03:14 pour leurs intérêts.
03:15 Il y a des groupes radicaux qui ont compris comment tirer profit de cette confusion ambiante
03:20 et donc qui distillent un peu de poison dans notre agora commune où on a en plus de plus
03:24 en plus de mal à se parler pour confronter ces mensonges à la réalité.
03:28 - Et alors qu'est-ce qu'on peut faire face à ça ? Pour vous le meilleur débarrage,
03:31 ça reste encore la presse, vous croyez encore à la puissance de la presse ?
03:35 - J'ai envie d'y croire, sinon je n'y reviendrai pas.
03:37 Déjà le succès du journal nous fait y croire, parce que quand on a lancé Frontières
03:42 il y a maintenant deux ans, lancer un journal papier honnêtement même nous on n'était
03:45 pas sûr de ne pas être complètement fous en réalité.
03:48 Aujourd'hui le journal a trouvé son public, il marche très très bien en kiosque, il
03:51 a 24 000 abonnés plus 20 000 lecteurs chaque semaine en kiosque, ce qui aujourd'hui est
03:56 beaucoup pour des hebdos.
03:57 Et on voit que ça aide à...
04:00 On voit des gens qui reviennent en fait à la presse écrite parce que c'est à 2 euros,
04:03 c'est pas cher.
04:04 Je vois beaucoup de gens qui me disent "moi je lisais plus, j'ai pas le temps, là c'est
04:08 court, c'est pas cher, ça m'aide à tenir des conversations".
04:11 Et donc je me dis oui, en tout cas on doit essayer, on est là pour ça.
04:14 En fait c'est notre raison d'être aujourd'hui.
04:16 Si on est journaliste aujourd'hui, on a une seule mission, c'est lutter contre ces propagandes,
04:21 contre ces fausses vérités, contre cette désinformation, contre cette confusion qui
04:25 fait souvent le jeu de gens qui sont très peu démocrates.
04:28 Et vous démontez justement 100 fake news.
04:31 On revient sur quelques-unes dans un instant juste après la session de rattrapage de l'excellent
04:35 Jean-Luc Lemoyne.
04:36 A tout de suite sur Europe 1.
04:37 Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 et Thomas Hill.
04:39 Ce matin vous recevez Caroline Fourez pour le centième numéro de l'hebdomadaire France
04:44 Tireur.
04:45 Caroline Fourez, dans ce hors-série de France Tireur, vous dressez ce que vous appelez le
04:48 "cake du fake", sans pépite, du complotisme mondial sur l'écologie, sur la politique,
04:55 sur les people ou sur l'histoire.
04:56 Alors déjà on se rend compte que les fake news, ça ne date pas d'hier.
04:59 Certes, Internet leur a donné une autre dimension, une autre résonance, mais vous revenez aussi
05:04 sur des histoires plus anciennes que les réseaux sociaux, comme le suicide de Pierre Béré
05:08 Gauvois, auquel beaucoup ne voulaient pas croire, comme le décès de Coluche aussi,
05:12 qui pour certains n'avait rien d'accidentel.
05:13 Tout ça, ça existait avant Internet.
05:16 Avant les réseaux sociaux, on était déjà assez fous comme des lapins et c'est vrai
05:18 qu'on avait déjà du mal à croire.
05:20 Alors souvent, on a du mal à croire à quelque chose qui soit vous choque trop, vous attriste
05:25 trop, qui est trop brutal, soit qui dérange votre grille de lecture.
05:30 Donc quand c'est des gens qu'on aime, des people qu'on aime, des célébrités qu'on
05:32 aime, on a juste du mal à croire à leur mort.
05:34 Visiblement, les fans de Michael Jackson ont toujours beaucoup de mal à croire à sa mort.
05:38 Même Elvis.
05:39 Ils sont tous les deux sur la même île.
05:42 Donc ils ont envie de croire à une réalité alternative.
05:45 Mais il y a aussi des choses plus idéologiques.
05:48 Quand un événement survient, par exemple, si vous êtes pro-russe, depuis longtemps
05:52 que la Russie a envahi l'Ukraine, ça ne vous arrange pas.
05:54 Il y a des mécanismes de défense qui se mettent en place.
05:58 Il y a des mécanismes de défense qui se mettent en place dans votre cerveau.
06:00 Puis en face, il y a un État russe qui a intérêt à vous gaver de fausses informations
06:06 fabriquées, toujours avec un peu de vrai et beaucoup de faux, pour vous conforter dans
06:10 l'idée que non, ce n'est pas la Russie qui a envahi l'Ukraine.
06:12 Ce n'est pas sa faute.
06:13 Alors le Covid aussi, ça a été une période de régalade pour tous les marchands de fausses
06:17 informations.
06:18 On se souvient de Bill Gates qui voulait soi-disant réduire la population mondiale par la vaccination
06:22 ou ce même vaccin qui nous injecte une puce 5G.
06:26 Bon, là, à la limite, on se dit c'était tellement nouveau qu'on peut comprendre que
06:29 pas mal de gens se fassent avoir.
06:30 Mais vous revenez aussi sur d'autres histoires comme le fait que la Terre est plate, que l'homme
06:35 n'a pas marché sur la Lune ou que les Égyptiens n'ont pas bâti les pyramides.
06:38 Là, on bascule vraiment dans ce que vous appelez la post-vérité.
06:42 En fait, c'est complètement...
06:43 Mais à chaque fois, il y a des réseaux qui ont intérêt à croire à cette réalité
06:47 alternative.
06:48 Et puis, il y a aussi des résonances qui peuvent permettre à une fake news d'adhérer,
06:53 de faire plus vrai, plus vraisemblable.
06:55 Par exemple, dans le cas de la folie sur les vaccins ARN messagers, les gens ont cru que
07:00 ça modifiait le génome.
07:01 Alors donc, ça part d'une peur.
07:03 Quelque chose qui est nouveau nous fait peur.
07:05 Déjà, on avait peur du Covid.
07:06 Même si c'est un antidote, on en a peur aussi parce que c'est nouveau et qu'on va
07:10 la mettre dans son corps.
07:11 Mais si en plus, ça s'appelle ARN messager, qui est une révolution géniale au passage,
07:15 mais que quelqu'un vous dit "Ah mais ça transforme le génome, comme ça fait penser
07:18 à ADN, à ARN", eh bien, des gens y croient.
07:21 Pour Bill Gates, c'est carrément une citation qui a été totalement sortie de son contexte
07:25 tronqué, mis à l'envers et qui voulait dire complètement autre chose.
07:28 Mais pareil, il y a toujours un petit bout qu'on peut saisir pour faire croire à autre
07:31 chose.
07:32 - Mais les gens qui pensent que la Terre est plate, comme 16% des Américains par exemple,
07:35 ça c'est irratrapable.
07:36 Qu'est-ce qu'on peut faire contre ça ?
07:37 - Honnêtement, là, c'est tout le système scolaire américain qu'il faut reprendre
07:41 à zéro.
07:42 Donc du coup, effectivement, ça va être dur.
07:43 La presse ne va pas y suffire.
07:44 Quand vous avez des familles entières qui font l'école à la maison, dans des familles
07:49 très religieuses qui, de toute façon, ne veulent pas croire à la science parce que
07:52 déjà ça contrarie le créationnisme, qui est leur vision biblique de l'origine du
07:56 monde.
07:57 Oui, vous avez beaucoup de mal en face à leur faire entendre raison.
08:00 - Alors ça, ce sont des choses énormes.
08:02 Moi, ce que j'ai trouvé le plus intéressant, finalement, ce sont les idées toutes faites
08:05 qu'on peut tous avoir en tête et qui sont parfois répétées de média en média sans
08:09 jamais être démenties.
08:10 Par exemple, que le passage à l'euro a fait bondir l'inflation.
08:13 Je pense que si on fait un sondage, là, aujourd'hui en France, il y a 90% des gens qui vous disent
08:17 "oui, oui, les prix ont beaucoup augmenté".
08:19 Or, l'INSEE a démenti totalement cette information.
08:22 - Oui, on a eu tous cette impression.
08:24 Alors après, pareil, dans les impressions, il y a toujours une petite part de vrai parce
08:27 que de fait, il y a quelques commerçants qui ont arrondi les prix sur des petites dépenses,
08:33 mais qui sont des dépenses quotidiennes, qu'on voit tous les jours.
08:35 Donc là, on a vraiment l'impression quand même de se faire avoir, même si en moyenne,
08:40 comme il y a par ailleurs beaucoup de biens qui ont baissé, vraiment des choses qui coûtent
08:44 plus cher ont baissé.
08:45 En fait, on n'a pas tellement vécu d'inflation.
08:47 Aujourd'hui, on vit une vraie inflation, mais qui n'a rien à voir avec l'euro.
08:50 - On dit aussi que la pauvreté ne cesse d'augmenter en France.
08:52 Ça aussi, pour vous, les statistiques le démentent.
08:55 - Oui, ce n'est pas la même chose.
08:56 Non, les statistiques montrent clairement que la pauvreté a plutôt tendance à reculer,
09:00 ce qui ne veut pas dire que l'inflation n'est pas galopante et qu'encore une fois, elle
09:03 ne touche pas à des produits quotidiens.
09:05 Ce qui ne veut pas dire que les inégalités ne se creusent pas.
09:07 En fait, on est tous en réseaux sociaux, on ne s'en rend pas compte, mais avec un nombre
09:11 de gens qu'on ne fréquentait pas avant, dont on ne voyait pas la vie.
09:15 Et donc, le cercle de l'envie et de la comparaison s'est incroyablement accru.
09:19 Ça, c'est une des sources, à mon avis, du malaise contemporain.
09:21 C'est qu'avant, on se comparait à son frère, à ses soeurs, à ses cousins.
09:25 Aujourd'hui, on voit ce que mangent des gens de niveaux sociaux très différents.
09:29 - À Dubaï, les influenceurs.
09:30 - À Dubaï, voilà, les influenceurs à Dubaï, si on regarde leur menu tous les jours et
09:33 qu'on se compare, ça doit être quand même...
09:34 - Ça peut agacer, oui.
09:35 - Ça peut agacer, franchement.
09:36 Si vous rajoutez en plus une inflation réelle en ce moment, ça crée un sentiment d'exaspération
09:41 très fort.
09:42 - Et en conclusion de ce numéro, Raphaël Enthoven dit qu'aujourd'hui, avec la révolution
09:46 numérique, tout individu se voit doté des moyens de vivre en compagnie exclusive des
09:50 gens qui croient la même chose que lui.
09:52 La solution, c'est quoi alors ?
09:55 C'est de lire plus de choses différentes, de sortir de notre petite bulle ?
09:58 - Oui, il faut accepter de temps en temps d'aller écouter quelque chose qu'on n'aurait
10:02 pas forcément écouté.
10:03 Il faut se faire un peu violence et puis il faut aussi que dans un cercle d'amis, on
10:07 s'échange des recettes.
10:08 On se dit "mais quand même, va voir ça, va écouter ça".
10:10 Mais là aussi, on a un rôle dans la presse, c'est que les gens ont de moins en moins
10:14 de temps pour combattre de plus en plus de mensonges ou de faits déformés.
10:18 Et nous, on doit se battre dix fois plus comme journaliste pour leur donner rapidement,
10:23 rapidement accès à une contre-vérité antidote qu'ils peuvent saisir immédiatement et puis
10:28 qu'ils puissent en faire le relais dans leur conversation quotidienne.
10:32 - Et vous le dites, la presse, il faut aussi qu'elle résiste à cette tentation putaclique.
10:35 Et ça, ça touche une partie de la presse aujourd'hui.
10:38 - Ah mais complètement.
10:39 Et ça touche notamment nos portails numériques.
10:41 On a plein de jeunes journalistes qui débarquent dans le métier et dont la mission, c'est
10:45 de faire en sorte que les sites internet de nos médias soient vus.
10:48 Et pour ça, la tentation, c'est d'aller aux raccourcis, à ce qui est un peu saignant,
10:52 un peu simplifié et qui peut effectivement faire cliquer.
10:54 Et du coup, on a une déperdition de la complexité de nos médias en amont et en aval, qui fait
11:01 que la conversation démocratique s'appauvrit.
11:03 Donc, on doit tous, mais chacun un bout de l'échelle honnêtement, parce qu'il y a des
11:06 moyens toujours.
11:07 Ça, je le dis à l'équipe et à la rédaction, on peut toujours dans un temps très court
11:11 dire des choses très complexes.
11:13 Il faut juste travailler beaucoup plus.
11:14 - Et c'est là qu'une lecture comme Franck Thireur peut être extrêmement utile.
11:18 Caroline Fourest, restez avec nous dans un instant.
11:21 Le journal des médias de Julien Pichenay, garantie sans aucune fake news.
11:25 A tout de suite, vous écoutez Culture Média sur Europe 1.