• l’année dernière
Fin 2017, le père de Philippe Risoli apprend qu’il est atteint d’un cancer au poumon. Sa dernière parole sera à la fois dure et merveilleuse !

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Donc là, je me recule, son lit est face à moi,
00:03 on se regarde comme ça,
00:04 on comprend que c'est la dernière fois qu'on se regarde vraiment.
00:07 Alors, on est au mois de décembre 2017,
00:14 comme chaque année, ces dernières années, je vais chercher mon papa.
00:18 Sauf que cette année-là, fin 2017,
00:21 ça fait maintenant plusieurs semaines que mon père me dit,
00:24 c'est marrant quand je fais un effort,
00:26 j'ai du mal à reprendre mon deuxième souffle.
00:29 J'ai passé des examens, et notamment un scanner des poumons.
00:32 Donc, si ça t'ennuie pas, on va passer par le CHU d'Amiens
00:34 avant d'aller sur Paris.
00:36 Quand on arrive, la pneumologue nous dit,
00:38 "Ecoutez, attendez 3-4 minutes, c'est pas mon bureau,
00:42 mais installez-vous, je reviens dans 2 minutes."
00:45 Et puis, cette personne revient et commence à nous dire,
00:48 "Voilà, après examen approfondi,
00:52 on suspecte un mésothélium malin."
00:55 Et il va falloir vraiment que...
00:58 C'est moins l'expression, mais que je lui tire les verres du nez
01:00 pour qu'elle prononce le mot fatal, "cancer".
01:03 Donc, elle propose à mon père de commencer une chimio
01:06 après les fêtes de Noël.
01:07 Donc, je pars, je ramène mon père, on passe de très bonnes fêtes.
01:11 On oublie presque ce diagnostic.
01:13 Et puis, on revient, et là, au mois de janvier,
01:15 commencent des chimios.
01:16 Les 2 premières se passent très bien,
01:18 aucun effet secondaire, pas de problème.
01:20 On a l'impression que mon père reprend du poil de la bête.
01:22 Et puis, vont arriver les séances de chimio suivantes,
01:25 et là, c'est catastrophique.
01:26 Là, c'est catastrophique.
01:28 Il n'en peut plus.
01:29 Ça lui fait un mal de chien, des vomissements.
01:32 Il est... Enfin, vraiment, il n'est pas bien.
01:35 Et encore, donc moi, ne vivant pas avec lui,
01:37 je l'ai au téléphone.
01:38 Un peu comme avait fait ma mère quelques années auparavant,
01:41 il me cache un petit peu la gravité.
01:43 Sans arrêt, il me rassure en me disant, "T'inquiète pas, ça va aller.
01:45 "Ça va aller, il n'y a aucun problème."
01:47 Et arrivent les tout derniers temps, où là, il commence à me dire,
01:50 "J'ai vraiment envie de partir. Pourquoi il ne me laisse pas partir ?"
01:53 Il me dit, il m'emmène près d'une fenêtre,
01:56 et il me dit, "Tu vois, là, ça commence à fleurir un petit peu.
02:01 "Il y a les bourgeons qui arrivent, on est au printemps."
02:03 Il me dit, "Tu vois, ça m'étonnerait que cette fois-ci,
02:06 "je voie les feuilles tomber."
02:07 Arrivent les tout derniers jours, et notamment l'avant-dernier jour.
02:11 Là, la télé est éteinte, je le laisse dormir,
02:15 parce que je faisais des allers-retours tous les jours,
02:17 Amiens-Paris, Amiens-Paris.
02:19 Je reviens le lendemain, donc le 15 juillet.
02:21 Là, il a les yeux ouverts, mais la télé est toujours éteinte.
02:24 Donc je me dis, c'est pas bon signe.
02:26 Et je m'approche de son lit pour lui parler,
02:28 et là, il me fait un signe, c'est là, c'est une scène absolument terrible.
02:32 Il me fait comme ça, comme ça, je comprends pas,
02:35 parce que je venais tout juste d'arriver.
02:38 Et puis finalement, je m'approche, et là, il a du mal à s'exprimer,
02:41 et il me dit, "Va-t'en, je ne veux pas que tu me voies mourir."
02:45 Dans mon esprit, il n'est pas question que je parte.
02:47 Puis l'infirmière arrive, me dit, "Monsieur, il faut exaucer son souhait,
02:51 "il faut partir."
02:53 Donc là, je me recule, son lit est face à moi,
02:56 on se regarde comme ça,
02:57 on comprend que c'est la dernière fois qu'on se regarde vraiment,
03:00 on se fait un clin d'œil et puis il continue à me faire comme ça,
03:03 mais plus tranquillement.
03:05 Et bon, là, j'ai les larmes aux yeux, je vous le dis,
03:08 j'ai la gorge chérée, je finis par partir.
03:10 Et puis le lendemain, c'est vers 17h, 17h30,
03:12 cette même infirmière m'appelle et me dit,
03:16 "Voilà, votre papa a fermé les yeux définitivement, il est parti."
03:20 "Sereinement, il est parti, semble-t-il apaisé,
03:23 "mais avant de partir, il nous a dit, 'Dites bien à mon fils que je l'aime.'"
03:27 J'ai trouvé cette phrase absolument magnifique,
03:29 parce qu'avec mon père, on ne s'est absolument jamais dit "Je t'aime",
03:32 il me le fait dire par quelqu'un d'autre, finalement.
03:35 ♪ ♪ ♪

Recommandations