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Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00 Il a milité à gauche dès le lycée,
00:02 multipliant les actions coup de poing à la fac de Poitiers.
00:05 Aujourd'hui, mon invité ne brandit plus les mégaphones en manif,
00:08 puisqu'il est président de la Commission des lois
00:11 à l'Assemblée nationale.
00:13 Générique
00:15 ...
00:27 Bonjour, Sacha Houllier. -Bonjour.
00:29 -Les téléspectateurs d'LCP, depuis 2017,
00:32 vous ont toujours vu avec un costume cravate,
00:35 des petites lunettes, les cheveux bien coiffés,
00:37 et j'ai été surpris d'apprendre
00:39 que vous ne vous reconnaissez pas dans cette image.
00:42 Vous avez dit "je n'ai pas le look de ce que je suis réellement".
00:45 Qu'entendez-vous par là ?
00:47 -Dans la vie courante, je suis un supporter de football,
00:51 je suis passionné de cyclisme, de moto,
00:53 que je regarde à la télévision et que je pratique,
00:56 et puis j'adore les cours 6 pics.
00:58 C'est sûr que quand on me voit avec un costume et des lunettes,
01:01 je n'ai pas le profil de l'emploi,
01:03 je fais très sage et on a l'impression
01:05 que je ne suis pas d'extraction populaire.
01:07 -C'est une façon de faire référence à vos origines ?
01:10 -Non, parce que, en fait,
01:12 d'abord, je pense que bien s'habiller institutionnellement,
01:16 c'est une reconnaissance.
01:17 Ce n'est pas pour rien si les ouvriers, le dimanche,
01:20 mettaient le costume du dimanche.
01:22 Et que, par ailleurs, ce n'est pas parce qu'on met un costume
01:25 qu'on est au fond, qu'on défend et que nos parents nous ont inculqués.
01:29 Je suis fier de mes origines populaires,
01:31 même si je ne fais pas référence tout le temps.
01:34 -Vous avez évoqué un besoin de revanche sociale.
01:36 Est-ce que votre engagement politique
01:38 a été un moyen pour vous de prendre cette revanche ?
01:41 -Non, c'était plutôt mon parcours professionnel.
01:44 Quand je suis arrivé à la fac de droit à Poitiers,
01:47 des gens m'ont dit que je n'avais rien à faire ici.
01:50 C'était plus cru encore que ça.
01:51 Parce que j'avais pas les bonnes origines,
01:54 j'avais un cuir de moto et un casque bariolé.
01:56 Donc ça, pour le coup, je l'ai fait dans les études.
01:59 J'ai été parmi les premiers de la classe
02:02 à la fac de droit,
02:03 majeure de promo, et après,
02:05 je me suis battu pour être avocat
02:07 et pour être, en tant qu'avocat,
02:09 avoir mes clients à moi, en plus de mon patron
02:12 qui me donnait du travail.
02:13 Je l'ai fait professionnellement.
02:15 Après, politiquement, c'est des combats
02:18 sur ce que je crois fondamentalement juste
02:20 qui m'a toujours animé.
02:22 -On peut pas dire que votre mère ait exprimé
02:24 une vraie fierté quand son fils a été élu député.
02:27 Au contraire, quelques années après votre élection
02:30 à l'Assemblée, elle a eu cette phrase
02:32 qui m'a vraiment choqué.
02:33 "Quand t'es devenu avocat, j'étais fier.
02:36 "Quand t'es devenu député, ça m'était égal.
02:38 "Avocat, c'est noble. Député, c'est sale."
02:41 -Ca renvoie à ce que c'est la politique.
02:43 En fait, il y a toujours un côté polémiste,
02:46 il y a toujours quelque chose qui fait
02:48 qu'il faudrait faire des coups politiques
02:50 pour réussir. Et donc, oui,
02:53 il y a ce côté combine qui colle à la vie politique,
02:56 alors qu'au fond, il y a quand même
02:59 beaucoup de gens qui pourraient faire autre chose,
03:01 mais qui ont décidé de s'engager pour les autres.
03:04 Donc, c'est pas évident.
03:06 Pour ma maman, qui était institutrice,
03:08 il y avait le côté avec la robe d'avocat,
03:10 la profession, la noblesse attachée à ce métier,
03:13 et le côté député où elle me voit plus souvent
03:15 sur les marchés qu'à l'Assemblée.
03:17 -Vous-même, vous vous êtes engagé
03:20 à l'école de Poitiers,
03:21 à 17 ans, vous avez bloqué votre lycée,
03:23 c'était pour protester contre le CPE,
03:25 le contrat à première embauche.
03:27 Plus tard, à la fac de Poitiers,
03:29 vous avez mené des actions parfois spectaculaires,
03:32 notamment en 2009, vous avez lancé l'occupation
03:34 de l'aéroport de Poitiers.
03:36 On va revoir ça en image.
03:38 -Les voitures de milieu,
03:39 ce sera la Peugeot 104 avec le ballon jaune.
03:42 -On va à l'aérodrome, on passe par une porte dérobée
03:45 de manière à occuper l'aérodrome
03:47 de pas très longtemps, mais le but,
03:49 c'est de débloquer le message qu'on a posté,
03:51 qui est la privatisation de l'université.
03:54 -On s'appelle... -On rigole, c'est parti.
03:57 ...
04:02 -Les lettres !
04:03 -Ah !
04:04 -Il y a besoin d'écoute-vidéo.
04:06 ...
04:08 -Qui t'étais un peu plus grand, tu verrais les effigies en...
04:12 -Il est là, le vrai Sacha Houllier,
04:14 avec les cheveux en pétard, le mégaphone en l'air.
04:17 Il y a un peu de tout ça, mais c'était une façon originale.
04:20 Ce qui est intéressant dans le reportage,
04:22 c'est qu'il n'y a pas de casse,
04:24 pas d'agression ou de confrontation
04:26 avec les forces de l'ordre.
04:28 Ça dure pas très longtemps, et au final,
04:30 le message, il fonctionne.
04:32 Ca montre qu'on peut avoir un militantisme
04:34 qui est joyeux et qui peut être un peu spectaculaire,
04:38 mais qui, au fond, est très pacifiste.
04:40 C'est presque la marque de fabrique du militantisme à Poitiers,
04:43 ce qu'on a fait avec Stéphane Séjourné,
04:46 où il n'y a jamais eu de violence.
04:48 -Ces images, quand on les voit comme ça,
04:50 peuvent faire penser un peu à Sainte-Sauline,
04:53 contre les bassines de Sainte-Sauline,
04:55 sauf qu'il n'y a pas la violence. -C'est l'essentiel.
04:58 -Aujourd'hui, vous auriez 18 ans,
05:00 vous seriez allé manifester à Sainte-Sauline ?
05:03 -Non, parce que je pense qu'il y a trop de violence,
05:06 trop d'affrontements, trop d'idéologies autour de tout ça.
05:09 Et là, pour le coup, on sent qu'on défend des idées,
05:12 un message politique assez fort sur les moyens des universités,
05:16 sur les moyens d'allouer aux étudiants,
05:18 sur la façon dont on veut assurer un service public
05:21 qui est accessible à tous.
05:22 Mais, en revanche, il y a un peu de ruse,
05:25 un peu de malice, on contourne le dispositif,
05:27 on casse rien, on insulte personne.
05:29 C'est quand même essentiel.
05:31 -Cette période de militantisme au PS et à l'UNEF
05:34 a été décisive pour la suite de votre engagement.
05:37 C'est à ce moment que s'est constituée
05:39 la bande de Poitiers.
05:40 On va voir cette bande en image.
05:42 Il y avait vous, mais aussi Pierre Person, Stéphane Séjourné,
05:46 Guillaume Chiche, Aurélien Taché.
05:48 C'est une partie de la bande, mais je l'ai citée,
05:50 parce que vous avez quitté le PS ensemble
05:53 pour rejoindre Emmanuel Macron,
05:55 et vous avez tous occupé des postes importants,
05:57 des responsabilités politiques importantes.
06:00 Comment expliquez-vous ce destin commun,
06:02 qui est quand même assez hors du commun ?
06:04 -Je ne l'explique pas. On a tous travaillé pour ça,
06:07 on s'est engagés politiquement,
06:09 on suit des parcours différents les uns des autres.
06:12 C'est encore une photo au congrès du PS à Poitiers, en 2015.
06:16 Et maintenant, on n'est pas tous forcément d'accord.
06:18 Il y avait des gens qui sont restés au PS,
06:21 qui ont pris d'autres chemins,
06:22 mais on était un groupe d'amis
06:24 et on a toujours travaillé dans le respect.
06:27 -Vous dites que c'est la loi Macron
06:29 qui a fait office de révélation pour vous.
06:31 La loi Macron votée en 2015,
06:33 sous le quinquennat de François Hollande.
06:35 Révélation de quoi ?
06:36 -D'abord, en tant que jeune avocat,
06:38 parce qu'il y avait plusieurs dispositions
06:41 pour les jeunes avocats,
06:42 qui permettaient de libérer la place,
06:44 à chacun sa chance, en fonction de ses compétences.
06:48 Dans la méthode, le fait de vouloir travailler avec tout le monde,
06:52 de pouvoir ouvrir un peu les chakras,
06:55 mais même les esprits des uns et des autres.
06:58 J'ai trouvé ça intéressant et ça m'a amené à le soutenir.
07:01 Ca m'avait fait railler, à l'époque,
07:03 beaucoup aux partis socialistes ou aux gangèmes socialistes.
07:06 -En 2017, vous avez pris une place importante
07:09 dans la campagne d'Emmanuel Macron,
07:11 puisque vous avez créé les Jeunes avec Macron.
07:14 Il y a eu des élections à l'Assemblée,
07:16 vous êtes un peu catalogué, si l'on peut dire,
07:18 comme faisant partie de la garde rapprochée d'Emmanuel Macron.
07:22 Pourtant, vous êtes rapidement opposé à lui,
07:24 en tout cas à certaines décisions qu'il a prises.
07:27 Le premier quinquennat vous a déçu ?
07:29 -Non. Pour l'essentiel,
07:31 j'ai soutenu le président de la République.
07:33 Il y avait quelques mesures qui ont été portées,
07:36 où j'avais une voix dissonante.
07:38 Ce n'étaient pas les mesures les plus importantes,
07:40 mais surtout sur l'anti-Covid,
07:42 sur certaines dispositions de la police.
07:45 Il y avait des choses sur lesquelles j'avais des opinions
07:48 un peu différentes, et je les ai fait valoir.
07:50 C'est une façon de ne jamais renier ses convictions.
07:53 -Au point, à un moment, de claquer la porte
07:56 des instances dirigeantes d'En Marche.
07:58 -Oui, avec le fonctionnement du parti.
08:00 -On vous a senti un peu désenchanté, presque.
08:03 -Vous savez, la politique, c'est quand même assez dur.
08:06 On vous demande à chaque fois de faire des efforts,
08:09 de travailler énormément, et de faire des compromis.
08:12 Parfois, ils sont plus difficiles que d'autres.
08:14 Et donc, c'est une façon de marquer des désaccords.
08:18 Après, comme vice-président de l'Assemblée,
08:21 comme rapporteur de différents textes...
08:23 -Vous étiez plus jeune vice-président
08:25 de l'histoire de la Ve.
08:26 -J'ai toujours servi en fonction de ce que je pensais être le meilleur.
08:30 -Vous avez fait preuve d'immaturité au début du mandat.
08:33 Un responsable de la majorité vous surnommait "le salmome".
08:37 Vous avez changé ?
08:38 -D'abord, je pense qu'avoir du caractère, c'est important.
08:42 Ensuite, il faut imaginer ce que c'est d'être élu à 28 ans
08:45 avec toute la charge que ça représente,
08:47 y compris quand on est vice-président de l'Assemblée.
08:50 On a pu faire des erreurs, et c'est arrivé.
08:53 -Lesquelles ?
08:54 -Le fait qu'on était en mode bulldozer.
08:56 On voulait prendre la place,
08:58 on voulait exister politiquement, on voulait défendre nos idées.
09:01 Parfois, on a pu être impoli à l'égard de certains ministres.
09:05 C'est la vie.
09:06 Le but, un, c'est de le savoir,
09:08 deux, de savoir ce qu'on n'a pas bien fait et de ne pas le reproduire.
09:12 -Depuis votre réélection en 2022,
09:14 on vous a entendu sur la taxation des superprofits,
09:16 sur le report de l'âge légal de départ à la retraite,
09:19 sur la régularisation des travailleurs sans papier
09:22 avec cette tribune qui a été co-signée
09:24 avec plusieurs responsables de la NUP.
09:26 Vous portez une voie de gauche au sein de la majorité,
09:29 mais on a l'impression que vous y prenez différemment,
09:32 que vous avez changé de méthode.
09:34 -Disons que je m'assure que les idées qu'on défend
09:38 deviennent majoritaires.
09:39 Au départ, j'étais...
09:41 On prenait des objets politiques qu'on défendait
09:43 et peu importe, finalement, quelle était l'issue,
09:47 le but était d'abord de pouvoir défendre ce qu'on pensait juste.
09:51 Là, le but est de faire progresser les idées.
09:53 -De peser réellement. -Oui.
09:55 La taxe sur les superprofits,
09:57 elle est dans la loi de finances de 2023.
10:00 Elle finance le bouclier tarifaire.
10:02 Si les Français ont payé moins cher leur électricité,
10:05 moins cher que les voisins européens,
10:07 c'est parce qu'on a pu l'inscrire dans la loi.
10:10 Elle a pu travailler dans les métiers en tension.
10:12 Demain, lors de sa promulgation, j'espère qu'elle pourra l'être.
10:16 Le but est d'abord de gagner des choses
10:18 pour que l'on transforme la vie des gens.
10:20 Ça prend plus de temps, mais c'est peut-être plus efficace.
10:23 -Dans cette stratégie, il y a ce poste que vous occupez,
10:27 président de la Commission des lois,
10:29 qui est très importante à l'Assemblée.
10:31 C'est une leçon tirée du premier mandat ?
10:33 -Oui, aussi, parce que d'abord,
10:35 j'ai travaillé sur plein de sujets à la Commission des lois.
10:39 J'ai travaillé sur des choses anonymes,
10:41 comme le droit des contrats, mais ça protège les parties
10:44 les plus faibles quand ils signent un contrat d'adhésion.
10:47 Quand ils vont acheter un téléphone
10:49 ou souscrire un contrat d'assurance, par exemple.
10:52 J'avais fait des choses sur les collectivités,
10:54 notamment les statuts des maires, les relations entre les mairies.
10:58 J'ai repris, après la vice-présidence de l'Assemblée,
11:01 un peu un bâton de pédrin en travaillant le fond.
11:04 -La Commission des lois, la présidence,
11:06 c'est un outil pour vous ?
11:08 -Tout le chemin accompli pendant le premier mandat,
11:10 en travaillant sujet par sujet, bloc par bloc,
11:13 un peu dans l'ombre et avec pugnacité,
11:16 ça a permis de construire la présidence
11:18 de la Commission des lois et de connaître bien les sujets
11:21 pour pouvoir être efficace à nouveau.
11:23 -Le député de la France insoumise, Hugo Bernal,
11:26 dit de vous "c'est le moins pire des macronistes".
11:29 Vous le prenez comme un compliment ?
11:31 -Je pense, en tout cas, je le lis comme ça.
11:33 Je leur remercie pour le commentaire.
11:36 Je vais lui dire que c'est le moins pire des mélanchonistes,
11:39 mais il y en a d'autres avec lesquels je m'entends.
11:42 Ca montre aussi qu'on essaie parfois
11:44 de mettre son étiquette dans sa poche pour avancer.
11:47 -On va passer à notre quiz.
11:48 Vous allez devoir compléter des phrases
11:50 que je vais commencer de mon côté.
11:52 On va commencer par parler de foot.
11:54 Vous êtes un grand fan de l'Olympique de Marseille.
11:57 L'hémicycle, c'est un peu comme le stade vélodrome.
12:00 -Euh... C'est bruyant.
12:03 -Et c'est... Il manque presque les fumigènes.
12:07 -C'est ce que j'allais dire.
12:08 Vous avez déjà craqué des fumigènes dans les tribunes.
12:12 -Ca m'est arrivé deux fois.
12:13 -Avant ou après votre élection à l'Assemblée ?
12:16 -Non, la prescription, c'était sur la période Bielsa,
12:19 entre 2014 et 2015.
12:20 -On continue.
12:21 Quand on me compare à Harry Potter...
12:24 -Ca me fait plaisir,
12:25 parce que ça veut dire qu'il y a quelque chose d'un peu magique.
12:28 Et il y a quelque chose d'un peu magique
12:31 dans la politique,
12:33 parce que le fait de pouvoir changer le destin des gens,
12:36 ça s'apparente à de la magie.
12:38 -Enfin, faire de la politique, c'est renoncer à...
12:41 -C'est beaucoup renoncer à sa vie privée.
12:45 C'est assez pesant pour ma famille,
12:47 qui lit des choses sur les réseaux sociaux,
12:50 et pour ma femme, qui aimerait bien qu'on ait plus de temps à nous.
12:53 -Merci, Sacha Olié, d'être venu dans "La politique et moi".
12:57 -Merci.
12:58 ...

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