Après l'abjecte opération terroriste du Hamas contre la population israélienne, est-il encore possible de débattre ou la nuance est-elle bannie du débat politique ? C'est ce que décrypte Cyprien Caddeo dans cette nouvelle chronique : ou comment les instrumentalisations de tous bords taisent les voix pour la paix.
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00:00 *Musique*
00:10 Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans la tête dans le flux, la chronique politico-médiatique du journal l'Humanité.
00:15 Aujourd'hui, évidemment, on va parler d'Israël et de la Palestine.
00:18 "Il est 6h35, des milliers de roquettes tirées de Gaza s'abattent sur l'état hébreu. Le Hamas vient de lancer une attaque à grande échelle."
00:28 "Des commandos se sont infiltrés sur le sol israélien, une opération d'envergure inédite depuis des décennies."
00:34 "Dans le kiboutz de Béry, les secouristes israéliens évacuent les cadavres des maisons plus de 24 heures après le massacre."
00:42 C'est un bain de sang épouvantable.
00:44 Le 7 octobre 2023, 50 ans après la guerre du Kippour, la branche armée du Hamas palestinien a déclenché, depuis la bande de Gaza, l'opération "Déluge d'Al-Aqsa",
00:52 visant militaires et surtout civils, provoquant la mort de plus de 1000 personnes, semant l'horreur, la désolation et la panique.
00:59 Des centaines de civils, femmes, enfants, personnes âgées, ont été pris en otage.
01:04 L'état israélien a répliqué avec la contre-offensive sabre de fer des frappes aériennes sur Gaza, bilan des centaines de morts, dont là encore, de nombreux sigils.
01:12 Alors ici, l'objectif n'est pas de faire une chronique géopolitique.
01:15 Nous, ce qui nous intéresse, c'est de voir comment ce conflit est reçu, analysé et mis en récit en France.
01:20 "Connaissez-vous, ce qui arrive souvent dans ce cas-là, l'importation du conflit israélo-palestinien en France avec des débordements ?"
01:27 "Ça dépend de ce que les uns et les autres diront. La première chose qu'avaient à faire Jean-Luc Mélenchon et ses proches, c'était de condamner l'attaque terroriste."
01:38 "Tous ces gens, des insoumis, sont des antisémites, et c'est pire, ils font l'apologie du terrorisme. Ils sont en train de justifier la mort de femmes, d'enfants, parce qu'ils sont juifs."
01:49 Waouh ! Ah ouais, ça n'a pas traîné l'exportation du conflit, en effet.
01:52 Bon, rambobinon. Comment est-on passé de l'attaque de population en Israël à un procès médiatique de la France insoumise en France ?
01:59 La France insoumise a clairement eu un tort, celui de ne pas écrire, noir sur blanc, le mot "condamné" dans leur premier communiqué.
02:04 Alors qu'ils savent très bien que leur réaction est scrutée avec grande attention par leurs alliés comme leurs adversaires politiques.
02:10 Donc le voici, ce communiqué, voilà ce qu'ils écrivent.
02:12 "L'offensive armée des forces palestiniennes menée par le Hamas intervient dans un contexte d'intensification de la politique d'occupation israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
02:23 Nous déplorons les morts israéliens et palestiniens. Nos pensées vont à toutes les victimes.
02:27 L'escalade actuelle risque d'entraîner un cycle de violence infernale. Dans l'immédiat, il faut obtenir un cessez-le-feu et la protection des populations."
02:36 Mais j'ai répondu sur terroriste, en fait.
02:38 "Vous êtes sur terroriste ou pas ?" J'ai répondu sur terroriste.
02:41 "Vous vous contentez de votre réponse sur cette question ?" Eh bien, j'ai répondu sur terroriste.
02:44 Si, si, vous vous contentez de ma réponse sur cette question.
02:48 Aucune condamnation, aucune mention du mot "terrorisme". Voilà ce qui a jeté un malaise y compris au sein de la France Insoumise.
02:54 Le 9 octobre, légère rectification suite à la polémique, Manuel Bompard, coordinateur de la France Insoumise, condamne.
03:00 "Les actes qui ont été commis sont de manière très claire, en droit international, des actes qui s'apparentent à des crimes de guerre.
03:07 Et donc moi, je condamne bien évidemment les crimes de guerre."
03:10 Une position qui rejoint au final celle adoptée d'emblée par les écologistes ou le Parti Communiste français.
03:15 "Cette attaque des forces et des soldats du Hamas contre la population israélienne sont inacceptables et injustifiables.
03:26 Et c'est ce que j'ai dit dès hier pour qualifier cet acte terroriste.
03:32 Parce qu'aujourd'hui on ne peut pas renvoyer dos à dos les Israéliens et les Palestiniens.
03:37 Il y a un peuple palestinien qui est occupé par les soldats israéliens, par une politique du gouvernement israélien."
03:44 Rien ne saurait justifier l'attaque du Hamas.
03:46 Rien ne justifie non plus d'occulter le contexte dans lequel il s'inscrit, à savoir la politique de colonisation d'Israël.
03:52 Telle est la position défendue, plus ou moins habilement, par la gauche.
03:55 Et pas que par la gauche d'ailleurs. Écoutez le géopolitologue Dominique Moisy sur France Info.
03:59 "Il faut condamner sans ambiguïté les actes barbares qui ont été commis.
04:05 Et il faut prendre du recul pour comprendre d'où vient cette barbarie.
04:11 Est-ce qu'elle n'est pas le produit d'une humiliation extrême ?
04:15 Je crois qu'il y a eu une dérive du côté israélien qui me paraît incontestable.
04:23 Vous avez l'entrée au gouvernement de personnalités d'extrême droite dont le comportement est carrément raciste.
04:31 Ces personnalités n'auraient jamais dû faire partie du gouvernement israélien.
04:37 Elles sont une violation des principes même du sionisme."
04:41 Le monsieur là, il n'est pas communiste. Il est à l'Institut Montaigne.
04:44 C'est un think-tank bien libéral qui roule pour Macron.
04:47 Il est juif également et il dit la même chose que la gauche.
04:50 On est bien d'accord, là vous n'avez entendu personne à gauche dans les extraits que je vous ai mis se féliciter que le Hamas ait attaqué Israël.
04:55 A l'extrême gauche, il y en a eu. Le NPA, Révolution Permanente, le parti des indigènes.
05:00 Ils ont salué un acte de résistance et soutiennent des actions terroristes contre les civils.
05:04 Pourtant, ce n'est pas eux qui occupent le débat sur les plateaux.
05:06 "Il doit y avoir un cordon sanitaire à l'égard de la France insoumise et de ses positions, de la violence de son discours."
05:14 A droite et chez la gauche de droite, genre Manuel Valls là, ça cogne sur LFI, histoire de taper sur la NUPES comme s'il n'y avait pas plusieurs gens à faire.
05:21 "Clairement, les positions de la France insoumise sont bien connues avec beaucoup d'ambiguïté, avec de l'antisionisme.
05:29 Donc en effet, c'est parfois une façon aussi de masquer une forme d'antisémitisme."
05:36 "Au lieu de générer des polémiques assez décalées avec la gravité du moment,
05:40 la première ministre devrait surtout mettre toute son énergie à demander à ce que le conseil de sécurité de l'ONU demande un cessez-le-feu immédiat,
05:47 à ce que le conseil de sécurité de l'ONU demande à ce que les organisations humanitaires puissent accéder immédiatement à toutes les populations,
05:55 et puis ensuite, ce qu'il faut, c'est réouvrir un processus de paix."
05:59 Bon bah, Queen Sophie Binet, comme d'habitude, trouver le chemin de la paix devrait être souci à tous.
06:03 Et je dis ça sans naïveté, sur le fait qu'alors, vous regardez cette vidéo,
06:06 la section commentaires doit déjà ressembler à un plugi-là entre pro-palestiniens et pro-israéliens.
06:10 C'est que les appels à la paix, certains veulent les rendre inaudibles.
06:13 "On s'en fout de savoir quel est le gouvernement aujourd'hui qui dirige Israël, on est derrière Israël."
06:20 Oui, vous avez bien entendu, on s'en fout que le gouvernement d'Israël soit d'extrême droite,
06:23 nous dit le maire de Béziers Robert Ménard, maire de Béziers d'extrême droite.
06:26 Ah, y a peut-être pas de hasard.
06:28 Et on devrait se réjouir de la contre-offensive à Gaza, qui ne va pas tuer que des soldats du Hamas, mais également des civils, on le sait bien.
06:33 "Ce qui est clair, c'est que quand la nation israélienne est confrontée à une attaque terroriste,
06:38 c'est autre chose que Mme Hidalgo qui allume des bougies sous la tour Eiffel, ça je vous le concède."
06:43 Voilà même qu'Anne Hidalgo en prend pour son grade, je suppose que selon Jordan Bardella,
06:47 elle aurait dû demander à ses services municipaux de larguer des bombes après le Bataclan, au point où on en est.
06:51 "Et cette écœurante asymétrie dans l'emploi de la violence,
06:56 elle rend, je crois, absolument insupportable la relativisation du crime par les commentaires politiques qui..."
07:03 "On va en parler, on va en parler."
07:04 Vous avez capté la rhétorique. De bornes à l'extrême droite, ils sont sur cette ligne.
07:08 Rappelez la colonisation, c'est déjà relativisé.
07:10 Il faudrait condamner le Hamas, puis soutenir sans réserve Israël.
07:13 Si vous émettez des critiques sur Netanyahou, vous êtes dans le camp du Hamas.
07:16 Ça vous rappelle pas un truc ?
07:17 "Either you are with us, or you are with the terrorists."
07:22 *applaudissements*
07:25 Mais cette rhétorique contre la gauche sert aussi à un but bien français,
07:28 qui n'a rien à voir avec l'international.
07:30 La lente diabolisation de la gauche, tandis que dans un même mouvement,
07:33 l'extrême droite deviendrait fréquentable.
07:35 Parce que cette rhétorique de l'injonction à condamner les violences,
07:38 on la connaît bien à gauche.
07:39 Souvenez-vous, sur un tout autre sujet.
07:41 "Qu'est-ce qui s'est passé hier ?"
07:42 "Mais... Mais moi je suis pas là pour condamner, ça veut dire quoi condamner ?
07:45 Enfin, Yvan Le Bolloc, condamne quoi ?"
07:47 "Mais non, mais je suis désolée, vous..."
07:48 "Ce n'est pas ma façon de voir les choses."
07:50 "Condam... "
07:51 "Condamner, c'est condamner, c'est condamner."
07:53 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
07:55 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
07:57 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
07:59 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
08:01 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
08:03 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
08:05 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
08:07 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
08:09 "Condammer, c'est condamner, c'est condamner."
08:11 Sans équivoque, sans ambiguïté.
08:13 Ah, vous condamnez aussi la politique israélienne.
08:15 Ah bah alors vous ne condamnez pas vraiment le Hamas.
08:17 Mais c'est réglé, vous êtes un terroriste.
08:19 Non, sans déconner, on est vraiment là, du débat.
08:21 Aussi difficile que ça puisse paraître, la politique, ça ne peut pas être que l'émotion et le binaire.
08:24 A gauche, on condamne les attaques du Hamas et la ligne Netanyahou.
08:27 On condamne les violences en manif et les réformes violentes à l'origine des manifs.
08:31 On condamne les violences dans les quartiers et les violences policières qui s'abattent sur les jeunes racisés.
08:35 Ce n'est pas louvoyer, ce n'est pas relativiser, c'est regarder les choses en face.
08:38 On voudrait nous faire choisir un camp, cela revient à nous demander de participer à cacher une partie du problème.
08:42 Se contenter de condamner de manière sélective, c'est-à-dire condamner le Hamas sans voir les violences de la politique israélienne,
08:47 c'est se condamner à ne pas comprendre et donc à ne rien résoudre.
08:50 Parce que n'en déplaise à Manuel Valls, comprendre ce n'est pas excuser, sinon on utiliserait le même verbe.
08:54 Mais là-dessus, ça va nous demander un gros boulot pour être audible.
08:57 Sur ce, à dans deux semaines.
08:59 Merci d'avoir visionné cette vidéo, n'hésitez pas à liker ou partager la chronique,
09:02 ou à vous abonner à l'Humanité pour suivre nos couvertures et nos analyses sur le conflit.
09:06 Les liens sont en description.
09:08 On se dit à dans 15 jours pour l'épisode 3. Allez, salut !
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