Une spécialiste du Far West analyse des scènes de films

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Nouvel épisode de "Sciences vs Fiction" dédié au Far West avec Emmanuelle Perez Tisserant, historienne spécialiste de l'Amérique du Nord au XIXe siècle.
La conquête de l'Ouest américain fut si marquante dans l'histoire des Etats-Unis qu'elle donna naissance à un genre cinématographique : le western. Mais les œuvres issues de ce courant sont-elles réalistes ? Emmanuelle Perez Tisserant, historienne et autrice du livre "Nuestra California, une histoire politique de la Californie mexicaine, de Zorro à la ruée vers l'or", analyse pour Explore Média la représentation du Far West dans les œuvres de fiction.
Des chasseurs de primes dans Red Dead Redemption 2 aux clichés sur les peuples amérindiens, l'histoire du Far West n'aura plus de secrets pour vous.
Transcript
00:00 [Musique]
00:06 Donc les duels, oui, passage obligé de tout western.
00:09 En réalité, ce n'était pas du tout la majorité des affrontements
00:12 et des combats à l'arme à feu dans l'Ouest.
00:16 Bonjour, je suis Emmanuelle Pérez-Tisserand, je suis historienne.
00:20 Je travaille sur l'histoire de l'Amérique du Nord au 19e siècle
00:23 et en particulier sur ce qui est aujourd'hui le Sud-Ouest.
00:26 [Musique]
00:28 [Musique]
00:41 La justice pouvait être rendue soit par des shérifs qui étaient élus,
00:44 soit par des représentants du gouvernement fédéral, donc des marshals.
00:48 La manière dont on rendait la justice pouvait être expéditive.
00:52 Certains juges avaient la réputation d'être des "hanging judges".
00:55 [Musique]
01:01 Et en même temps, on se rend compte que le public est parfois en mode festival
01:06 et en mode "on va voir ce qui se passe".
01:08 [Musique]
01:14 On a tendance à pique-niquer, à boire.
01:17 Il y a aussi la question de qui sont les bourreaux.
01:20 En réalité, il faut quand même un certain nombre de notions.
01:22 Par exemple, il faut calculer bien la longueur de la corde.
01:25 Il faut que ça puisse casser le cou et non pas étrangler
01:29 parce que l'étranglement peut prendre un très très long temps
01:32 et ça inflige des peines qui sont contraires à la Constitution.
01:36 [Bruits de douleurs]
01:41 Effectivement, on pend.
01:43 Pour du bétail, ça c'est vu.
01:45 Là, c'est un peu expéditif comme jugement, donc je dirais 60% OK.
01:50 [Bruits de douleurs]
02:09 Alors, il y avait des primes.
02:11 Si un individu était jugé suffisamment dangereux,
02:14 soit pour la vie des concitoyens, soit pour l'économie,
02:17 ça pouvait être le shérif ou le marshal qui demandait des fonds
02:21 dans ce but-là, et donc c'était des fonds publics.
02:23 Par contre, certaines compagnies, notamment des compagnies ferroviaires
02:26 ou encore des banques, pouvaient décider de consacrer certains fonds.
02:29 [Bruits de douleurs]
02:36 Dans des cas un peu emblématiques sur lesquels on voulait mettre le paquet,
02:40 ça pouvait aller jusqu'à plusieurs milliers de dollars.
02:42 Je crois que, par exemple, pour le gang Dalton,
02:44 la compagnie ferroviaire a mis 5000 dollars de mise à prix.
02:47 Le plus célèbre bandit de l'Ouest, c'est moi !
02:49 Fais voir ton truc !
02:50 [Bruit de billet de billet]
02:52 Mais c'était vraiment la minorité, la plupart du temps,
02:55 c'était des sommes beaucoup plus faibles,
02:57 donc on ne pouvait pas être un professionnel chasseur de primes et vivre bien.
03:02 [Bruits de douleurs]
03:08 Donc on pouvait avoir des affiches régulièrement,
03:10 elles n'étaient pas forcément toujours présentées de la même façon,
03:13 il y avait des variations avec ou sans portrait,
03:15 mais ça pouvait aussi circuler d'une autre manière,
03:17 par des petites annonces ou par du bouche à oreille,
03:19 ce qui d'ailleurs pouvait donner lieu à des exécutions sommaires,
03:23 pas forcément des personnes effectivement voulues.
03:27 [Bruits de billets de billet]
03:32 Donc je dirais comme note, 60%.
03:36 [Bruits de billets de billet]
03:42 Le cliché c'est, en gros tout, les armées indiennes sont des Sioux,
03:46 on dirait des Lakotas, c'est-à-dire que les représentations c'est
03:49 les grandes plaines avec les tipis, les coiffes à plumes, etc.
03:53 Donc il y a une sorte d'unification comme s'il y avait l'indien,
03:56 alors qu'en fait il y a plein de collectifs autochtones hyper variés
04:01 et dont les pratiques changent énormément.
04:04 On a des pêcheurs, on a des chasseurs, on a des agriculteurs, des nomades, des sédentaires.
04:09 Aussi, cette représentation comme nécessairement violente et sauvage.
04:13 [Bruits de billets de billet]
04:20 Et donc ce qu'on voit souvent dans les films, c'est des sortes d'attaques gratuites par les Amérindiens.
04:23 Ce qu'on ne voit pas, c'est qu'en fait, il y a des phénomènes d'appropriation de la terre,
04:27 des phénomènes de bouleversement de l'environnement,
04:30 des phénomènes de maladie ou bien d'apport d'alcool.
04:33 Et ça, on ne voit qu'un côté en général de l'histoire.
04:36 [Bruits de billets de billet]
04:41 Mais en fait, ce sont des clichés qui restent jusqu'aux années 50-60,
04:44 mais qui en fait sont des clichés qu'on trouve au moment des grandes guerres
04:50 contre les Amérindiens, soit autour de la Virginie, soit autour de la Nouvelle-Angleterre,
04:55 où on se met à produire des écrits coloniaux sur la barbarie et la sauvagerie des Amérindiens.
05:01 Toute cohabitation qui avait peut-être pu être imaginée avant n'est plus possible.
05:05 Ça devient des ennemis sauvages qu'on ne peut même plus intégrer.
05:10 Dans une idée aussi de l'évolution des sociétés, notamment sous le contact du darwinisme,
05:16 même si ce n'est pas ce que dit Darwin, mais il y a l'idée qu'il y a des sociétés primitives
05:21 et que donc, par définition, les Européens, ou en tout cas les Américains d'origine européenne,
05:25 sont plus avancés sur le chemin de la civilisation.
05:28 Quand l'Indien souhaite signaler à son frère, il le fait par des signes de fumée.
05:34 C'est le signal du blanc.
05:37 Mes frères, loin d'ici, peuvent regarder cela et comprendre mon sens.
05:41 On appelle ça le mail.
05:43 Et donc on a toute cette imaginaire-là qu'on retrouve dans les représentations filmées
05:48 jusque dans les années 50-60.
05:50 [Explosion]
05:58 Très lentement et de manière très ponctuelle, on va avoir un changement des imaginaires,
06:03 y compris dans le cinéma.
06:05 Dans ces extraits, on a une vision complètement stéréotypée,
06:10 qui ne rend pas du tout compte de l'histoire qu'ont vécu tous ces collectifs divers et variés.
06:16 Je mets un 0 sur 20, donc un 0%.
06:19 [Musique]
06:26 Donc les duels, passage obligé de tout western.
06:29 En réalité, ce n'était pas du tout la majorité des affrontements et des combats à l'arme à feu dans l'Ouest.
06:36 Des cas un peu scénarisés, type duel, c'était très très rare.
06:40 [Coup de feu]
06:43 On a des exemples ponctuels qui ont été montés en épingle par le journalisme,
06:48 et notamment le duel de Wild Bill Hickok avec son adversaire, Tutt, je crois.
06:53 Ça permettait d'alimenter une sorte de légende de l'Ouest qui permettait de vendre davantage.
06:58 Donc je dirais, 30%.
07:00 [Musique]
07:03 [Hurlements]
07:10 [Coup de feu]
07:20 On a eu des représentants des forces de l'ordre noires, et notamment dans l'Ouest,
07:25 beaucoup plus compliqués dans le Sud profond, notamment à cause de l'héritage de l'esclavage
07:30 et de la ségrégation qui s'installe à la fin du 19e siècle.
07:33 On peut parler de Bass Reeves, qui est justement un de ces Marshall, membre des forces de l'ordre.
07:38 [Musique]
07:45 Sur lequel on se base pour montrer ce rôle souvent ignoré, souvent oublié,
07:49 des personnes noires dans l'Ouest américain, sur la place des Noirs dans l'Ouest,
07:53 et notamment pour une figure vraiment centrale, celle du Cowboy, le héros de l'Ouest.
07:58 [Musique]
08:06 [Coup de feu]
08:08 En fait, Cowboy, c'est Garçon Vaché.
08:10 Ceux qui ont le savoir-faire, dans un très grand nombre de cas,
08:13 ce sont soit des esclaves, soit parfois des Noirs libres,
08:16 notamment après la guerre de sécession.
08:18 Avec le mythe du Cowboy, on voit comment une sorte d'idéologie ou de roman national
08:23 prend le pas sur des réalités.
08:26 [Musique]
08:33 Les circonstances d'élection, nomination du shérif me paraissent un peu obscures.
08:39 Donc je dirais à 50%.
08:41 [Musique]
08:52 La rue Everlord, absolument emblématique, c'est la rue Everlord de Californie en 1848,
08:58 parce qu'on trouve de l'or exactement au moment où la Californie devient états-unienne,
09:02 en quelques années, des centaines de milliers de personnes,
09:05 non seulement états-uniennes, mais aussi du monde entier, arrivent en Californie.
09:09 Ça a été un moyen assez express de peupler un territoire en très peu de temps.
09:13 Ça veut dire que sur ces territoires dans lesquels il y avait des Amérindiens,
09:17 tout d'un coup, ils n'ont plus le gibier qui est perturbé.
09:20 Leurs territoires sont tout d'un coup occupés par des gens qui viennent trouver de l'or, etc.
09:24 [Coup de feu]
09:28 Et donc effectivement, on avait des phénomènes de violence, d'appropriation et de vengeance.
09:33 Ça motivait beaucoup de monde d'aller trouver de l'or.
09:35 On se disait que c'était de l'argent facile et qu'on allait pouvoir s'enrichir en Californie.
09:38 La plupart du temps, on fait face à des déceptions.
09:41 Tout l'or qui est présent dans les allusions des cours d'eau va être trouvé
09:45 et ça ne va plus du tout être une source d'enrichissement.
09:48 Et donc là, il va falloir des investissements beaucoup plus importants en termes d'équipement.
09:52 Il y a donc des compagnies qui vont mettre au travail des ouvriers, en fait.
09:56 Et donc on va avoir une sorte d'industrialisation de la recherche d'or.
10:00 Et donc c'est plutôt les compagnies privées et les banques qui investissent dans ces compagnies qui vont s'enrichir
10:04 et pas du tout les individus chercheurs d'or qui vont être que des travailleurs à la mine.
10:09 C'est une version peut-être un peu idéalisée, une fable sur le fait de pouvoir découvrir de l'or.
10:14 Mais voilà, je dirais 75 %.
10:16 75 %.
10:17 Le chemin de fer est très important pour le développement de l'Ouest.
10:38 Ça permet effectivement, après la guerre de sécession qui a divisé le nord et le sud du pays, de réunir le pays.
10:46 Il facilite l'installation des colons qui voudraient s'installer sur ces terres, ne serait-ce qu'en leur permettant d'y accéder.
10:53 Alors de là à dire que ça fait partie du plan de Dieu pour les États-Unis,
10:57 ça c'est une sorte de réinterprétation du thème de la destinée manifeste.
11:01 Il y a une légitimation, en fait, de l'expansion vers l'Ouest et du développement commercial, financier, économique.
11:08 Ce ne sont pas des comanches. En réalité, si on est dans Monument Valley, on est plutôt en territoire navaro.
11:13 Par ailleurs, effectivement, l'arrivée du train, c'est une étape dans un processus d'appropriation par l'État fédéral des terres qui étaient sous souveraineté autochtone.
11:22 Parfois, c'est une minorité d'un collectif autochtone qui accepte de vendre des terres.
11:27 Parfois, il y a eu des traités de l'Ouest qui ont été signés par l'État fédéral.
11:31 Parfois, c'est une minorité d'un collectif autochtone qui accepte de vendre des terres.
11:38 Parfois, il y a eu une mauvaise compréhension des termes du traité.
11:41 Pour cet extrait de l'arrivée du chemin de fer, elle est 40% de réalité.
11:46 [Bruit de moteur]
11:53 [Bruit de moteur]
12:06 Les saloons, c'était un lieu très important dans ces petites bourgades.
12:10 Il n'y en avait pas partout. C'est ce qui faisait d'un endroit à un endroit un peu plus central que d'autres.
12:14 On pouvait y faire un certain nombre de choses.
12:16 Notamment, il jouait aux jeux de hasard, aux jeux de cartes.
12:20 Ça faisait aussi auberge. On y trouvait aussi des prostituées.
12:23 Il y avait certains endroits plus importants que d'autres, notamment à Virginia City,
12:27 où il y avait plusieurs saloons. Chacun avait sa clientèle un peu attitrée.
12:31 Il y avait un saloon pour les afro-descendants, les personnes noires.
12:35 Ce qui est intéressant avec Virginia City, c'est qu'il y a des programmes d'archéologie des saloons.
12:39 Contrairement à l'idée qu'on peut avoir parfois, c'était des endroits qui pouvaient être assez raffinés.
12:44 Par exemple, on a trouvé des morceaux de cristal. Certains verres étaient en cristal.
12:48 Par exemple, là, dans l'extrait, on voit que ce n'est pas très bien éclairé, qu'on y voit à peine.
12:52 Alors que les fouilles archéologiques montrent qu'il y avait un éclairage parfois assez lumineux,
12:57 qu'on voyait bien dans les saloons.
12:59 Donc, sur cette représentation du saloon, comme un lieu de rendez-vous, c'est plutôt cohérent.
13:04 Donc, je vais mettre un 85 %.
13:06 [Musique]

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