Le Canal de Suez, un chantier de l'extrême

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00:00 Sur plus de 190 km, un ruban bleu transperce le désert égyptien.
00:07 C'est le canal de Suez, l'une des plus grandes prouesses techniques de tous les temps.
00:14 En séparant l'Afrique de l'Asie, cette voie artificielle a transformé le monde à jamais.
00:21 Depuis le 19e siècle, elle permet au bateau de rejoindre la mer Méditerranée à la mer Rouge.
00:27 Un raccourci considérable puisqu'ils n'ont plus à contourner l'Afrique.
00:33 18 000 navires l'empruntent chaque année.
00:36 Ils rentrent sur l'une des voies navigables parmi les plus fréquentées de la planète.
00:42 Quelques 700 millions de tonnes de marchandises y transitent.
00:48 Des navires devenus des géants des mers qui atteignent jusqu'à 400 mètres de long et 240 000 tonnes.
01:01 Nous vous raconterons comment le canal de Suez a évolué pour répondre aux exigences de la marine marchande.
01:07 Suez, qui est une infrastructure du 19e, doit s'adapter à ces flottes totalement inimaginables, même pour Jules Verne au 19e siècle.
01:17 Des bateaux tellement imposants que le canal, devenu trop étroit, empêche les navires de se croiser.
01:25 En 2014, des travaux gigantesques sont lancés.
01:31 Une nouvelle voie de 72 kilomètres surgit des sables.
01:34 Elle permet une navigation à double sens.
01:37 - Nous étions en charge d'un projet colossal, d'un projet pharaonique.
01:42 En moins d'un an, 500 millions de mètres cubes de sable sont retirés.
01:47 Cette prouesse a été réalisée par une armée de bulldozers et de dragues géantes venues du monde entier.
01:58 Avec des images 3D inédites, nous découvrirons comment fonctionnent ces aspirateurs des mers, des engins à la pointe de la technologie.
02:09 Grâce à eux, le canal atteint désormais 24 mètres de profondeur, contre 8 au moment de sa naissance.
02:17 Mais vous verrez qu'au 19e siècle, les moyens techniques sont bien différents.
02:22 Percellisme de Suez est alors un chantier de l'extrême.
02:28 En 1859, quand Ferdinand de Lesseps lance ce projet hors normes, la région est un véritable no man's land.
02:35 Il faut tout acheminer sur place, matériel, eau douce et main d'oeuvre.
02:41 - Suez représente quelque chose de tout à fait exceptionnel, qui va marquer une étape fondamentale dans l'histoire des travaux publics.
02:49 Le chantier traverse de nombreuses crises et coûte la vie à des milliers d'hommes.
02:54 Mais sous l'impulsion de la révolution industrielle, tout va changer.
02:59 Nous découvrirons quelles machines ont dû être inventées pour mener à bien cette aventure extraordinaire.
03:04 - Ces machines du 19e siècle ont permis de mettre en oeuvre un chantier hors normes,
03:08 et donc de construire une véritable méga structure qui est encore utilisée aujourd'hui.
03:13 Attaquée par le sable qui menace de l'engloutir, le chenal doit constamment être entretenu.
03:19 Un véritable défi pour cette super structure unique au monde.
03:24 Des premiers travaux à nos jours, nous vous emmenons dans les coulisses de la construction du canal de Suez.
03:30 [Générique]
03:56 [Musique]
04:07 En 2014, un chantier se déroule au beau milieu du désert égyptien, celui de l'extension du canal de Suez.
04:16 Les travaux sont évidemment pharaoniques.
04:19 Il faut creuser une 2e voie de navigation,
04:22 l'équivalent du volume de plus de 200 grandes pyramides de Khéops.
04:26 Un pari fou, mais un pari tenu.
04:31 Le nouveau canal de Suez est inauguré en grande pompe le 6 août 2015.
04:36 Il fait la fierté des autorités égyptiennes.
04:39 Élargi, approfondi, nettoyé, le chenal fait peau neuve.
04:47 Ces images font le tour du monde.
04:50 Des dizaines de responsables politiques étrangers se déplacent pour l'occasion.
04:54 La voie d'eau représente un axe stratégique du commerce maritime mondial.
05:00 Au programme de la cérémonie, discours officiel, défilés militaires et parades aériennes.
05:10 Pierre Cato se souvient de ce jour-là.
05:12 Il était responsable du chantier pour une entreprise de dragage.
05:16 A cette occasion, nous avons pu voir 2 navires se croiser devant la tribune officielle
05:21 pour la 1re fois dans le canal de Suez.
05:25 2 navires côte à côte sur le canal de Suez,
05:28 c'est une véritable révolution dans l'histoire de la méga-structure.
05:32 Auparavant, la voie était trop étroite pour que 2 navires puissent se croiser,
05:37 obligeant les bateaux à circuler alternativement.
05:41 Grâce à cette nouvelle artère de 72 km,
05:44 la navigation se fait désormais à double sens sur toute cette longueur.
05:48 Un petit peu comme si vous aviez une route nationale
05:50 et que vous criez une 2nde voie pour créer un autoroute.
05:53 Cette 2nde voie de navigation permet de supprimer le système de convoi alterné
05:57 sur une partie du canal de Suez.
06:02 La durée du transit pour les bateaux passe de 18 à 11 heures.
06:06 Celle du temps d'attente est réduite de 11 à 3 heures.
06:13 Un gain de temps considérable qui permettrait de doubler
06:16 la capacité maximale de trafic sur le canal.
06:20 D'ici 2023, près de 100 bateaux pourraient l'emprunter chaque jour.
06:26 Mais pour atteindre ces objectifs, des travaux titanesques sont nécessaires.
06:32 Le chantier est organisé en 2 parties.
06:34 D'un côté, la création d'une nouvelle voie de navigation de 35 km,
06:38 parallèle au canal d'origine.
06:41 De l'autre, l'élargissement et l'approfondissement de la voie historique
06:44 sur 37 km, au niveau du Grand lac à mer.
06:49 Pour la 1ère moitié du chantier, l'armée égyptienne est à l'œuvre.
06:52 Elle s'attaque à des travaux de terrassement gigantesques.
06:55 Une zone située à 24 m au-dessus du niveau de la mer.
06:59 Sa mission, arraser ce relief pour préparer le site
07:03 aux futurs travaux d'approfondissement du nouveau canal.
07:06 Bulldozers, scrappeurs, camions et bennes dégagent quelques 250 millions
07:11 de mètres cubes de sable, de roches et de terre.
07:17 Cette zone est ensuite inondée pour que les dragues puissent y flotter.
07:21 Car il reste encore à retirer la même quantité de sable,
07:24 mais cette fois située sous l'eau.
07:29 Des engins à la pointe de la technologie sont mobilisés,
07:32 comme la drague désagrégatrice.
07:37 Pour creuser le canal, un autre type de machine est utilisé.
07:48 C'est la drague aspiratrice en marche.
07:54 Elle peut extraire les matériaux tout en avançant,
07:57 grâce à cet énorme tuyau traînant jusqu'au fond du chenal.
08:00 A sa tête se trouve une sorte d'aspirateur géant.
08:04 Les proportions de ces colosses flottants sont énormes.
08:07 Ils peuvent mesurer plus de 200 mètres,
08:10 soit la longueur de deux terrains de football.
08:14 La technologie à bord est telle que ces dragues sont capables
08:17 d'évacuer les matériaux par le biais de conduites flottantes.
08:22 Mais sur ce chantier, les quantités sont inédites.
08:26 Des milliers de mètres cubes de sable parcourent les tuyaux.
08:29 Ils se déversent ensuite à plusieurs kilomètres
08:32 dans d'immenses zones de stockage au beau milieu du désert du Sénail.
08:37 En cette année 2014, les autorités de Suez font appel
08:41 à deux groupements d'entreprises de dragages.
08:44 Le premier a la charge de creuser le nouveau canal
08:47 à une profondeur de 24 mètres.
08:50 Le second, quant à lui, doit élargir la voie existante
08:53 tout en respectant la même profondeur.
08:56 La technologie impose cependant à ce tronçon.
08:59 Il faut exécuter les travaux sans interrompre la navigation.
09:03 L'entreprise dans laquelle Pierre Cato travaille
09:09 a participé au dragage de ce dernier lot.
09:12 - Nous étions en charge d'un projet colossal,
09:15 d'un projet pharaonique qui comprenait un challenge
09:18 extrêmement important sur le plan logistique,
09:21 sur le point de vue organisationnel.
09:24 - Pour cette incroyable aventure, le responsable
09:27 de l'autorité du canal de Suez avait demandé 5 ans
09:30 au président égyptien.
09:32 Il n'obtiendra qu'une année.
09:34 Le calendrier constituera un challenge de taille
09:37 pour ce chantier de tous les records.
09:40 Autre défi, l'acheminement du matériel et du personnel.
09:44 - En l'espace de quelques mois, un nombre énorme de drags
09:48 a été mobilisé du monde entier.
09:51 On parle d'environ 40 drags.
09:54 En complément de ce matériel principal,
09:57 un très grand nombre de remorqueurs, de vedettes,
10:00 de conduites, de pontons ont été mobilisés sur le projet.
10:03 Le personnel qui est employé sur ce genre de chantier
10:06 vient de 4 coins de la planète.
10:08 Nous avions sur notre chantier 28 nationalités.
10:11 - Pour s'offrir cet agrandissement,
10:16 le pays doit débourser plus de 7 milliards d'euros.
10:19 Les autorités misent alors sur un élan national
10:22 et lancent un appel aux dons.
10:24 La stratégie est gagnante puisque 80% du projet
10:27 sera financé par la population égyptienne
10:30 en seulement quelques jours.
10:32 Les travaux pour le nouveau canal de Suez
10:35 viennent s'ajouter à une longue série de chantiers
10:38 sur la voie navigable depuis sa création au 19e siècle.
10:41 Car l'histoire de la construction de cette méga-structure
10:44 court sur plus d'un siècle et demi.
10:48 Lorsque les premiers ingénieurs débarquent sur l'isme de Suez,
10:51 ils découvrent un milieu certes propice
10:54 à la réalisation d'un canal,
10:56 mais situé dans une région totalement isolée.
10:59 Le Sinaï, un désert de 60 000 km2,
11:02 parmi les plus arides de la planète.
11:05 Rien n'entame pourtant la détermination
11:08 des aventuriers du canal.
11:10 Le 1er coup de pioche pour relier les 2 mers
11:13 est donné le 25 avril.
11:15 Mais les ouvriers vont vivre l'enfer.
11:18 Thierry Chambolle a supervisé de nombreux travaux maritimes
11:21 au cours de sa carrière.
11:23 Cet ingénieur nous décrit les conditions de travail de l'époque.
11:26 - Ils travaillent avec de l'eau jusqu'aux cuisses.
11:29 Avec un petit outil, ils décrochent des mottes de terre du fond.
11:32 Ils décollent les bords du canal.
11:35 Ils décollent les bords du canal.
11:38 Ils décollent les bords du canal.
11:41 Avec un petit outil, ils décrochent des mottes de terre du fond.
11:45 Et ils les passent aux voisins.
11:48 Ils font une chaîne.
11:51 Et ils vont quand même réaliser 400 000 m3 de déblé
11:54 grâce à cette technique.
11:57 Et on sent bien que ça n'est pas une technique
12:00 qui pourra être prolongée longtemps.
12:03 - Le chantier manque cruellement de main-d'oeuvre.
12:06 Le projet est en danger.
12:09 Les autorités égyptiennes proposent de recourir au régime de la corvée.
12:13 Caroline Piquet est maître de conférence à l'université de la Sorbonne.
12:17 Elle a écrit un ouvrage de référence sur l'histoire du canal de Suez.
12:21 - La corvée est un système utilisé par les vicerois en Égypte
12:25 pour entretenir les canaux.
12:28 Plusieurs paysans égyptiens, les félas,
12:31 sont mis à contribution pour cet entretien.
12:34 - Venus d'un peu partout au pays,
12:37 près de 400 000 travailleurs forcés creuseront le canal
12:40 dans des conditions extrêmes.
12:43 Le chantier coûtera la vie à des milliers d'entre eux.
12:46 La situation d'isolement du chantier
12:49 dans un désert situé loin des sources d'approvisionnement
12:52 et d'équipement pose rapidement problème.
12:55 Ce sont des caravanes qui doivent tout acheminer sur place.
12:58 Certains matériaux, comme le bois ou la pierre,
13:01 sont totalement absents de la corvée.
13:04 - Le transport du matériel est une autre grande préoccupation
13:07 puisqu'il faut faire venir ce matériel d'Europe.
13:10 Il est ensuite débarqué à Alexandrie,
13:13 mais il faut l'acheminer jusque dans l'Isme
13:16 par chameau et par canaux.
13:19 C'est extrêmement long, c'est coûteux.
13:22 - 78 dragues sont construites spécialement
13:25 pour le chantier du canal de Suez.
13:28 Cette machine se caractérise par un puissant travail
13:31 le long duquel descend une chaîne à godets.
13:34 Le godet le plus bas attaque le fond,
13:37 se charge, puis remonte
13:40 pour déverser son contenu dans l'échalant.
13:43 La drague à godets est devenue l'ancêtre
13:46 d'une quantité d'engins de dragage.
13:49 Comme la drague appelle "rétro-excavatrice",
13:52 cette machine surpuissante a été utilisée
13:55 sur le chantier de Suez.
13:58 Ses 3 énormes pieux permettent de stabiliser
14:01 le ponton sur lequel se dresse une pelleteuse.
14:04 Sa pelle creuse le lit du canal
14:07 et décharge les matériaux dans une barge
14:10 amarrée le long de la drague.
14:13 Elle peut travailler sur n'importe quel type de sol.
14:16 Un engin qui correspond parfaitement
14:19 à la nature des roches de la région,
14:22 essentiellement sablonneuse et argileuse.
14:25 En 1859, dès le début des travaux
14:28 de percement du canal de Suez,
14:31 les ingénieurs se demandent justement
14:34 comment ces sols vont se comporter
14:37 une fois mis en eau.
14:40 Nous nous rendons dans un laboratoire de pointe
14:43 à l'école des ponts Paris Tech.
14:46 Le Dr Gabezlo est un spécialiste en géotechnique.
14:49 Initialement, le projet prévoit de donner
14:52 une pente de 26 degrés aux berges du canal.
14:55 Mais l'instabilité du sol, une fois mise en eau,
14:58 va totalement bouleverser les prévisions.
15:01 - Dans le projet du canal de Suez,
15:04 les pentes se sont adoucies naturellement
15:07 en présence de l'eau.
15:10 - Sur ce modèle réduit du canal de Suez,
15:13 le spécialiste a reproduit les mêmes pentes
15:16 que celles imaginées à l'époque par les ingénieurs.
15:19 - On va chercher un nouvel état d'équilibre
15:22 avec une pente plus douce.
15:25 - Une fois le canal rempli d'eau,
15:28 l'inclinaison des berges s'atténue.
15:31 Certaines parois s'effondrent même.
15:34 Conséquence, la cuvette sans sable.
15:37 - C'est ce qu'on observe également ici.
15:40 On est en train de réduire la profondeur du canal.
15:43 - Au 19e siècle, les ingénieurs se décident
15:46 de la pente de Suez.
15:49 Il faudra creuser davantage pour atteindre
15:52 la profondeur nécessaire.
15:55 Au fil des siècles, le trafic maritime mondial
15:58 utilise une toute autre route.
16:01 La solution pour relier l'Europe et l'Asie
16:04 consiste à naviguer jusqu'en Égypte
16:07 pour y débarquer les cargaisons.
16:10 Leur transport se fait ensuite par voie terrestre.
16:13 Une véritable expédition.
16:16 Il faudra attendre la fin du 15e siècle
16:19 pour que les Portugais inaugurent une nouvelle route maritime.
16:22 Elle permet de rejoindre les comptoirs orientaux
16:25 en contournant l'Afrique.
16:28 Un voyage de plusieurs mois.
16:31 Près de 300 ans plus tard, c'est un empereur français
16:34 qui fait renaître l'idée de percer l'isme de Suez.
16:37 - Il faut attendre l'expédition de Bonaparte en 1798
16:40 pour que le projet fasse l'objet d'une étude scientifique.
16:43 - Les ingénieurs de Napoléon Bonaparte
16:46 concluent un trou d'obstacle technique.
16:49 Le projet tombe aux oubliettes.
16:52 Au milieu du 19e siècle,
16:55 un ancien diplomate français
16:58 s'obstine à croire en ce rêve fou.
17:01 Il s'appelle Ferdinand de Lesseps.
17:04 Pour Arnaud Ramir de Fortanier,
17:07 cet homme va changer la face du monde.
17:10 - Ferdinand de Lesseps est un personnage énorme,
17:13 presque monstrueux.
17:16 C'est Jules Verne, c'est Eiffel, c'est Lesseps.
17:19 Ce sont les grands travaux du 19e siècle.
17:22 On imagine mal à notre époque le changement d'échelle
17:25 qu'a représenté l'intervention de ces gens-là.
17:28 - Ce personnage hors normes va concrétiser
17:31 le projet de percement de l'isme de Suez.
17:34 En 1854, Ferdinand de Lesseps saisit la chance de sa vie
17:37 à l'arrivée au pouvoir de son ami Mohamed Saïd Pacha.
17:40 Ils se sont connus lors de la carrière
17:43 du diplomate français en Égypte.
17:46 - Il persuade Mohamed Saïd Pacha
17:49 de lui confier la construction du canal.
17:52 C'est là que tout commence.
17:55 - Ferdinand de Lesseps obtient le pouvoir exclusif
17:58 de percer un canal entre les 2 mers.
18:01 Il a 99 ans.
18:04 Mais sur son chantier, les travaux piétinent.
18:07 Après 2 années, les ouvriers ne parviennent pas
18:10 à retirer les volumes de sable nécessaires pour achever le canal.
18:13 Il manque cruellement de machines.
18:16 - Pour vous donner un ordre de grandeur,
18:19 le canal de Suez au moment de sa création
18:22 représentait 70 millions de mètres cubes de déblais.
18:25 70 millions de mètres cubes qui ont été réalisés en 10 ans.
18:28 - Pour ce chantier du nouveau canal,
18:31 il a fallu moins de 2 mois pour retirer la même quantité.
18:34 ...
18:41 Les performances des dragues ont considérablement évolué
18:44 en un siècle et demi.
18:47 ...
18:50 L'incroyable volume de déblais arraché lors des derniers travaux
18:53 d'élargissement en est la preuve.
18:56 - Le canal de Suez a représenté 500 millions de mètres cubes.
18:59 250 millions de mètres cubes par dragage en 10 mois.
19:02 On retrouve un facteur de plus de 100
19:05 entre la capacité d'excavation d'aujourd'hui et celle de l'époque.
19:08 - Mais pour atteindre les objectifs fixés d'excavation,
19:11 le chantier a nécessité la mobilisation
19:14 de 75% des dragues existantes,
19:17 soit une quarantaine d'engins venus des 4 coins de la planète.
19:20 ...
19:23 - Toutes ces dragues, bien entendu,
19:26 travaillent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
19:29 De telle façon, elles effectuent les travaux
19:32 dans le minimum de temps possible,
19:35 compte tenu que la contrainte de temps était certainement
19:38 extrêmement importante sur ce projet.
19:41 - Les dragues les plus performantes disposent aujourd'hui
19:44 de pompes hydrauliques qui injectent de l'eau
19:47 pour extraire les sédiments.
19:50 Et qui peuvent aspirer en 1 heure
19:53 10 000 mètres cubes de sable en place,
19:56 ce qui aurait nécessité à sec 10 000 ouvriers.
19:59 - En son temps, Ferdinand de Lesseps aurait aimé
20:02 pouvoir compter sur des machines aussi performantes,
20:05 même si elles ont fait leur apparition
20:08 sur le canal de Suez dès les années 30.
20:11 De nos jours, disposant de capacités inimaginables,
20:14 elles ont permis d'approfondir le canal de Suez.
20:17 La particularité de la drague aspiratrice en marche,
20:20 c'est qu'elle avance tout en travaillant.
20:23 Un avantage mis à profit sur le chantier
20:26 du nouveau canal de Suez,
20:29 où il fallait parfois réaliser des travaux
20:32 sans interrompre la navigation.
20:35 Pour découvrir comment fonctionne cette machine,
20:38 nous nous rendons à bord de l'un de ses mastodontes flottants.
20:41 Il oeuvre à la maintenance du chenal d'accès
20:44 au port d'Anvers.
20:47 Denis Hélbert est ingénieur.
20:50 - La drague, ça peut être comparé
20:53 à un gros aspirateur flottant,
20:56 et l'élinde sera le tuyau d'aspiration.
20:59 - L'élinde, c'est ce grand tube traînant le long de la coque
21:02 et relié au système de pompage.
21:05 Elle mesure ici près de 50 m.
21:08 Sa tête ressemble à celle d'un monstre d'acier.
21:11 - C'est le chenal d'aspiration.
21:14 C'est l'endroit par lequel les matériaux sont aspirés
21:17 depuis le fond.
21:20 On a plusieurs éléments.
21:23 Cette crépine est équipée de dents.
21:26 C'est ce qui permet de racler le sol,
21:29 de faire en sorte que les matériaux sont bien repoussés
21:32 vers la crépine.
21:35 L'aspiration est de 10 000 m3.
21:38 Les injections d'eau qui nous permettent
21:41 de mettre en suspension ces matériaux font
21:44 qu'on a une quantité d'impressions de matériaux
21:47 qui sont envoyées vers le puits.
21:50 - La crépine fonctionne grâce à un système d'injection d'eau.
21:53 Sa tête est mobile.
21:56 De cette façon, elle peut s'adapter
21:59 à l'inclinaison de la zone à draguer.
22:02 Une 1re injection d'eau permet de mettre en mouvement les matériaux.
22:05 Une 2e injection décompose totalement les sédiments.
22:08 Le poste de commande de l'Elinde se situe
22:11 dans la tour de pilotage.
22:14 Le technicien qui en a la charge dispose de plusieurs écrans.
22:17 Ils lui permettent d'avoir une vue sur la profondeur de la zone,
22:20 le fonctionnement de l'Elinde
22:23 ou les indications des volumes dragués.
22:26 Que se passe-t-il?
22:29 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:32 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:35 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:38 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:41 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:44 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:47 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:50 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:53 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:56 - On a des informations sur le niveau de la zone.
22:59 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:02 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:05 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:08 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:11 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:14 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:17 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:20 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:23 - On a des informations sur le niveau de la zone.
23:26 - Ce qu'on a ici, c'est de l'eau qu'on repompe,
23:29 - de l'eau propre qui nous permet de rincer le puits,
23:32 - qui permet de s'assurer que tous les sédiments
23:35 - sont bien évacués à l'endroit approprié.
23:38 - Un autre système d'évacuation consiste à refouler
23:49 - les matériaux par une conduite.
23:52 - Les déblés peuvent être acheminés à plusieurs kilomètres
23:55 - par une canalisation flottante ou enterrée.
23:58 - Ces 2 méthodes ont été utilisées sur le chantier
24:01 - du nouveau canal de Suez.
24:04 - A l'ouest du Grand Lac à Mer, une vaste zone de clapage
24:07 - a été mise en place.
24:10 - Quant aux déblés évacués par canalisation,
24:13 - ils ont été déposés dans des espaces immenses
24:16 - creusés au coeur du désert du Sinaï.
24:19 - Reste une dernière option pour évacuer le matériel dragué.
24:22 - Elle sert notamment au rechargement des plages.
24:25 - Au 19e siècle, l'évacuation des déblés provenant
24:31 - du futur canal pose déjà problème.
24:34 - D'autant qu'en 1864, avant l'arrivée massive
24:37 - des machines sur le chantier, celui-ci fait face
24:40 - à une crise très grave.
24:43 - Le système de la corvée autorisant le recours
24:46 - aux paysans égyptiens pour les travaux est aboli.
24:49 - A cette époque, l'Europe est en pleine révolution industrielle.
24:52 - Les ingénieurs misent alors sur l'invention
24:55 - des nouvelles machines pour faire avancer le chantier.
24:58 - L'entreprise Lavalée développe le long couloir
25:01 - pour décharger les déblés depuis les dragues.
25:04 - Du jamais vu.
25:07 - Dans ce qui sera le futur canal,
25:10 - la drague écope la boue au fond de l'eau.
25:13 - Elle dépose ensuite les déblés dans une gouttière
25:16 - pouvant atteindre 70 mètres de long.
25:19 - Une pompe y envoie des jets d'eau pour dissoudre
25:22 - la matière extraite et la pousser vers la sortie.
25:25 - Une charnière horizontale située à la jonction de la drague
25:28 - permet de changer l'inclinaison du couloir.
25:31 - L'équilibre de la machine est assuré par un treillage métallique
25:34 - reposant sur un chaland en fer.
25:37 - Cette innovation va bouleverser le chantier.
25:40 - Le canal avance à une rapidité folle.
25:43 - Mais dans les zones où les berges sont plus élevées,
25:46 - la drague à long couloir devient instable.
25:49 - Plusieurs accidents sont alors recensés.
25:52 - Un autre engin est mis au point.
25:55 - C'est l'élévateur.
25:58 - Il permet d'évacuer les déblés directement depuis les chalands.
26:01 - Nous avons rendez-vous avec Lionel Dufault.
26:04 - Il est responsable de collection au musée des arts et métiers.
26:07 - Le dénominateur à toutes ces machines,
26:10 - c'est l'emploi de la machine à vapeur.
26:13 - La machine à vapeur, on la connaît depuis la fin du XVIIIe siècle.
26:16 - Elle était plutôt destinée au départ à l'exhor,
26:19 - c'est-à-dire au pompage des eaux d'infiltration dans les mines.
26:22 - Et à la fin du XVIIIe siècle,
26:25 - on va modifier la machine à vapeur
26:28 - pour en faire finalement une machine
26:31 - qui fournisse de la force motrice pour animer d'autres machines.
26:34 - La machine à vapeur s'invite alors sur le rail,
26:37 - dans les locomotives ou encore sur l'eau,
26:40 - à bord des bateaux, mais aussi dans les ateliers
26:43 - ou sur les chantiers de travaux publics pour animer d'autres engins.
26:46 - La locomobile est donc une machine à vapeur mobile.
26:49 - On la déplace et on l'installe là où on en a besoin.
26:52 - Elle comprend une chaudière qu'on voit ici,
26:55 - qu'on devine dans le corps principal.
26:58 - Une chaudière qu'on alimente avec du combustible,
27:01 - généralement du charbon ou de la houille.
27:04 - Cette machine à vapeur va permettre de fournir une force sous pression
27:07 - qui va être utilisée pour faire bouger ce volant
27:10 - auquel on va relier une courroie
27:13 - qui elle-même va animer d'autres machines.
27:16 - Sur le chantier de Suez, les locomobiles étaient utilisées
27:19 - pour animer des grues ou des pompes, par exemple.
27:22 - Les locomobiles servent aussi à actionner les pompes des longs couloirs.
27:25 - Les dragues disposent quant à elles de leurs propres machines à vapeur.
27:28 - Les dragues disposent quant à elles de leurs propres machines à vapeur.
27:31 - En Europe, un véritable enthousiasme se crée autour des révolutions techniques
27:34 - mises en place sur le chantier.
27:37 - Le canal de Suez a été présenté à l'exposition universelle de Paris en 1867.
27:40 - Il fait l'objet d'une véritable fierté parmi les ingénieurs français,
27:43 - parmi les diplomates, parmi aussi les armateurs,
27:46 - les chambres de commerce.
27:49 - La compagnie du canal de Suez donne des conférences
27:52 - devant une maquette géante du projet exposé lors de l'événement.
27:55 - La compagnie du canal de Suez donne des conférences devant une maquette géante du projet exposé lors de l'événement.
27:58 - Cette révolution technique s'accompagne d'une série d'innovations dans tous les domaines.
28:01 - Cette révolution technique s'accompagne d'une série d'innovations dans tous les domaines.
28:04 - Cette révolution technique s'accompagne d'une série d'innovations dans tous les domaines.
28:07 - A Port Said, par exemple, les ingénieurs affrontent une difficulté normalement insurmontable.
28:10 - A Port Said, par exemple, les ingénieurs affrontent une difficulté normalement insurmontable.
28:13 - Dans la région, il n'existe pas suffisamment de carrières de pierre pour construire les jetées du port.
28:16 - Dans la région, il n'existe pas suffisamment de carrières de pierre pour construire les jetées du port.
28:19 - Un entrepreneur propose alors de faire des blocs artificiels à base de sable et de chaux.
28:23 - Un entrepreneur propose alors de faire des blocs artificiels à base de sable et de chaux.
28:26 - 30 000 énormes blocs sont réalisés.
28:29 - Un chantier dans le chantier de percement du canal de Suez.
28:32 - Alors l'entreprise du Sceau va réaliser un chantier extraordinaire de construction des blocs, des blocs de 20 tonnes.
28:35 - Alors l'entreprise du Sceau va réaliser un chantier extraordinaire de construction des blocs, des blocs de 20 tonnes.
28:38 - Alors l'entreprise du Sceau va réaliser un chantier extraordinaire de construction des blocs, des blocs de 20 tonnes.
28:41 - Et va créer une véritable usine de fabrication des blocs.
28:44 - Et va créer une véritable usine de fabrication des blocs.
28:47 - Qui vont sécher pendant environ un mois et qu'on va ensuite conduire en mer.
28:53 - En les chargeant avec une énorme grue sur des chalons.
28:58 - On les amène à l'emplacement voulu pour constituer la digue.
29:03 Ce sera le premier chantier de création de blocs artificiels de tous les temps.
29:08 Leur fabrication nécessitera des années de mise au point et les blocs des jetées devront être régulièrement remplacés.
29:15 Un autre pont du chantier pose des difficultés pour les travaux situés cette fois dans les zones en relief.
29:22 - L'évacuation des déblés du fond de la fouille jusqu'au relief naturel pose un problème difficile.
29:30 - D'abord, il faut un effort considérable pour tirer les wagons sur la ligne de plus grande pente.
29:37 - Ensuite, le raccordement au niveau du relief naturel est évidemment difficile.
29:42 - Il y a une sorte de cassure.
29:44 Un système de plans inclinés le long de la pente est alors mis en place.
29:48 Au fond de la tranchée, les ouvriers creusent le futur canal.
29:52 Les déblés sont ensuite chargés dans des wagonnets reliés à une voie ferroviaire.
29:57 Tractés à l'aide de treuils à vapeur, ils remontent ainsi la pente pour rejoindre leur zone de dépôt.
30:05 Autre défi sur le chantier d'hier comme celui d'aujourd'hui,
30:09 les bancs rocheux constituent des difficultés majeures.
30:13 Pour s'y attaquer, il existe une machine spécialement adaptée à ce type de sol.
30:21 C'est la drague désagrégratrice, un géant des mers mesurant jusqu'à 150 m de long et 30 m de large.
30:29 La drague se positionne et se fixe au sol par l'intermédiaire d'immenses pieux.
30:34 Elle tourne ensuite autour de cet axe à l'aide de treuils latéraux reliés à des encres géantes.
30:44 À l'avant du navire, le désagrégateur, une énorme fraise pouvant atteindre 3 m de diamètre.
30:51 Sa mission, dévorer les roches, même les plus dures, sous l'eau comme sur les rives.
30:59 Ce gigantesque engin est guidé depuis une cabine de pilotage disposant des outils les plus performants.
31:05 Les dragues, comme l'hymne Batuta, sont capables de se placer avec une précision incroyable
31:10 afin d'exécuter leur travail de destruction.
31:14 La quantité de déblé produite est phénoménale.
31:17 Roches, sable, vases, argile, les matériaux sont aspirés grâce à des pompes hydrauliques
31:23 et ensuite refoulés via des conduites flottantes et des tuyaux posés sur le rivage.
31:30 Quand il est possible de déverser les déblés dans une zone immergée,
31:34 la conduite reliée à la désagrégatrice est arrimée à un radeau équipé d'un système d'épandage continu.
31:41 Autre option, les déblés sont placés dans des chalans amarrés à la drague.
31:47 Arrivé sur la zone de déstockage, ils sont capables d'ouvrir leur coque en deux
31:52 afin de se débarrasser de leur chargement.
31:56 Au total, 25 dragues désagrégatrices ont été mobilisées sur le chantier du nouveau canal de Suez.
32:03 Du jamais vu.
32:05 L'une des premières dragues que nous avons mobilisées sur ce projet est la drague d'Artagnan,
32:09 qui bat pavillon français.
32:11 Elle a été mobilisée depuis un chantier qui se passait en Russie, à la péninsule de Yamal.
32:17 Avec ses 38 000 chevaux, c'est l'une des plus puissantes dragues au monde.
32:22 Au 19e siècle, sur le tracé du futur canal, les ouvriers font également face à des obstacles rocheux.
32:29 Attaquer la pierre leur demande un effort herculéen.
32:32 Une nouvelle machine intéresse alors la compagnie de Suez pour travailler sur une zone difficile.
32:38 Et donc on va utiliser l'excavateur de couvreux,
32:41 qui est une machine capable d'extraire la roche à sec dans des zones qui n'ont pas encore été inondées.
32:48 Surnommé le terrassier à vapeur, près de 16 excavateurs couvreux sont construits spécialement pour le chantier de Suez.
32:56 L'excavateur avance sur des rails placés le long du futur canal et l'élargit progressivement.
33:02 Il va permettre de retirer près de 9 millions de mètres cubes de terre en seulement 3 ans.
33:07 Un record.
33:10 Ces godets d'une forme bien spéciale lui permettent d'arracher une quantité formidable de roche pour remonter ensuite jusqu'à l'excavateur.
33:19 La matière extraite est évacuée dans des wagonnets.
33:23 Une fois chargées, une locomotive les emmène à la décharge.
33:27 Peu à peu, le rail est généralisé sur le chantier.
33:30 Il sert à l'acheminement du matériel mais aussi au transport du personnel.
33:35 Des chemins de fer éphémères montés et démontés au gré des besoins et de l'excavateur.
33:42 Mais l'excavateur couvreux ne parvient pas toujours à pulvériser la roche.
33:48 En 1869, 2 mois avant l'inauguration du canal de Suez, des bancs rocheux situés à 4 mètres de profondeur sont découverts alors que le canal doit atteindre les 8 mètres.
34:02 Donc il y a une pression sur les ingénieurs et sur les ouvriers qui est extraordinaire.
34:07 Et ce déroctage sous-marin, on ne sait pas très bien faire.
34:12 Donc on va immerger des bouteilles de 4 à 5 litres de poutre réunies par un tuyau en caoutchouc qui contient le cordon qu'on va allumer à la surface pour faire éclater ces bouteilles à la surface du banc rocheux.
34:29 Le but, créer un passage suffisant pour les bateaux de l'époque en fonction de la portion immergée du navire.
34:35 C'est ce que l'on appelle le tirando.
34:37 Ce passage sera réalisé dans les toutes dernières semaines du chantier.
34:41 Le Peluz qui est le bateau de la compagnie des messageries impériales fait 5 mètres de tirando.
34:49 Il passe juste.
34:50 Certains bateaux talonnent le jour de l'inauguration.
34:54 Pour d'autres, on a déplacé la charge du bateau de l'arrière vers l'avant pour que leur tirando à l'arrière soit un peu moins fort.
35:01 Mais on se rend compte de la pression extraordinaire qui existe.
35:05 Alors on donne des primes aux ouvriers, on fort de nuit.
35:08 C'est un chantier incroyable qui se met en place pour arriver aux résultats recherchés.
35:14 Après 10 ans de travaux, le canal de Suez devient réalité.
35:19 Les eaux de la mer Rouge se mêlent à celles de la Méditerranée.
35:22 La voie maritime totalise une longueur de 164 kilomètres.
35:27 Son tracé relie désormais les principales villes de l'Isme.
35:31 Port Saïd sur la mer Méditerranée, Ismaïlia environ à mi-chemin, puis Suez à l'embouchure du Golfe sur la mer Rouge.
35:39 Le 17 novembre 1869, le canal de Suez est inauguré.
35:45 C'est un événement international.
35:51 Ferdinand de Lesseps a réalisé le rêve des pharaons.
35:54 Ouvert à toutes les nations, le canal de Suez bouleverse littéralement le trafic maritime mondial.
36:01 Désormais, le parcours entre l'Europe et les Indes est diminué de moitié.
36:08 Pour rejoindre Marseille à Bombay, il faut compter plus de 19 000 kilomètres en contournant l'Afrique,
36:14 contre près de 8 000 kilomètres via le canal de Suez.
36:20 Un gain de temps considérable.
36:22 Car pour rejoindre ces deux ports, il fallait deux à trois mois de navigation par le cap de Bonne-Espérance,
36:27 tandis qu'un mois seulement est nécessaire en passant par l'Isme.
36:31 Au début du XXe siècle, la compagnie du canal de Suez s'équipe d'un site industriel.
36:42 Les ateliers généraux, situés à Port Fouad.
36:45 Son chantier naval est alors à la pointe de la technologie.
36:49 Ces ateliers fabriquent le matériel de la compagnie.
36:52 Plus de 1 000 ouvriers y travaillent.
36:56 Mais dès les premières années d'exploitation du canal, le service d'entretien se voit confronté à un imprévu.
37:04 Les remous créés par le passage des navires endommagent les berges.
37:08 Plusieurs méthodes sont utilisées.
37:12 Des méthodes de pérée, d'enrochement.
37:14 On utilise notamment des roches des carrières d'Ataca, à proximité de Suez.
37:19 On utilise des revêtements maçonnés.
37:21 Les résultats ne sont jamais très satisfaisants.
37:23 Les berges s'effondrent régulièrement.
37:25 Et la compagnie doit faire appel à des études plus scientifiques d'espère de laboratoires hydrauliques en France.
37:31 Situé près de Grenoble, ce laboratoire d'hydraulique existe toujours aujourd'hui.
37:37 Luc Ham est directeur technique maritime.
37:41 On étudie ici toutes sortes d'aménagements liés à l'eau, sur modèles réduits.
37:45 Lorsque la compagnie du canal de Suez s'adresse à eux, au milieu du XXe siècle, la voie maritime est en mauvais état.
37:53 Environ 120 km de berges étaient dégradées sérieusement.
38:00 Et à l'époque, les estimations, au début des années 50, étaient d'environ d'un milliard de francs par an de coût de réparation de ces dégradations.
38:09 Le laboratoire reproduit alors une section du canal de Suez, un modèle réduit de navires y étractés, puis plus tard autopropulsés.
38:17 Il faut imaginer que ces bateaux remplissaient les deux tiers du canal, pour les plus gros, et donc il n'y avait plus beaucoup d'eau.
38:25 Et donc il y avait une résistance à l'avancement, les navires n'arrivaient pas à obtenir la bonne vitesse.
38:30 Ça créait des courants extrêmement forts de plusieurs mètres par seconde.
38:35 Les études s'attachent notamment à comprendre cette résistance pour faire évoluer la forme des coques des navires.
38:40 Des recherches tellement innovantes que les compagnies pétrolières s'y intéressent rapidement.
38:44 Les maquettes sont perfectionnées.
38:46 Résultat, les navires pénètrent plus facilement dans l'eau, le trafic sur le canal est optimisé.
38:53 Malgré tous ces efforts pour entretenir la voie maritime, de nouveaux travaux d'agrandissement deviennent rapidement inévitables.
39:01 Car le canal de Suez doit s'adapter en permanence à l'évolution de la taille des navires.
39:05 Nous nous rendons au musée national de la marine.
39:09 La taille des navires explose après la deuxième guerre mondiale, dans une course au gigantisme que pour l'instant rien n'a arrêté.
39:18 On construit à une taille qu'on pense raisonnable par rapport à un état de la flotte, mais on est déjà en retard par rapport aux structures, aux bateaux qui sont en train d'être construits.
39:28 Évidemment Suez qui est une infrastructure du 19ème, à la fois est une méga structure, mais qui doit s'adapter à ces flottes totalement inimaginables, même pour Jules Verne au 19ème siècle.
39:40 En 1950, les navires de 40 000 tonnes sont dépassés.
39:44 Les proportions n'ont plus rien à voir avec les navires de l'époque, tels le Péluse.
39:49 Fort de ses 2000 tonnes, le bateau de la compagnie des messageries impériales est l'un des premiers à avoir emprunté le canal de Suez.
39:57 La voie maritime doit également traverser le 20ème siècle avec ses conflits.
40:01 Le 26 juillet 1956, le colonel Nasser prononce un discours retentissant devant une foule d'Égyptiens.
40:11 Il annonce la nationalisation du canal de Suez.
40:14 Les puissances occidentales réagissent.
40:17 Royaume-Uni, France et Israël lancent une opération militaire.
40:22 Elle se soldera par un échec, mais la navigation est alors stoppée pendant presque cinq mois.
40:27 Le canal est détérioré.
40:29 Avec l'aide de l'ONU, l'Égypte le remet en état et le modernise.
40:36 Approfondie à 14 mètres, la voie maritime peut désormais accueillir des navires d'un tir en dos de 11 mètres.
40:48 Mais en 1967, une nouvelle crise secoue la région. C'est la guerre des six jours.
40:53 Avec d'autres pays arabes, l'Égypte s'engage contre Israël.
40:58 Le canal de Suez devient un champ de bataille.
41:02 Des bateaux coulés et des mines entravent la navigation.
41:06 La cuvette sans sable, les berges s'effondrent, la voie maritime est fermée.
41:14 La fermeture du canal de Suez après la guerre des six jours est une véritable catastrophe,
41:18 puisque le canal de Suez ne sera pas entretenu pendant huit années.
41:22 Et lorsqu'il est réouvert en 1975, il n'est plus adapté à la marine pétrolière.
41:29 Avant la guerre, il accueillait à peu près 80% de cette marine marchande.
41:35 Après la guerre, on tombe à un tiers. Donc c'est une perte de clients énorme.
41:41 Après la guerre, des armateurs ont repris le chemin du contournement de l'Afrique
41:45 et de manière à rentabiliser les parcours, ont construit des bateaux qui dépassent les 200 000 tonnes.
41:52 Donc ils ne sont absolument plus adaptés au canal de Suez.
41:55 Les autorités égyptiennes doivent réagir.
41:58 Un programme de remise en état et de modernisation est lancé, grâce au concours de la communauté internationale.
42:04 Désormais, le canal est élargi et doublé en quatre points pour permettre aux navires de se croiser.
42:11 À la dérivation de Bala s'ajoutent celles de Port Said et de Cabrette, toutes deux en chantier depuis 1955.
42:18 Enfin, au niveau du Lap-Timsah, une nouvelle dérivation s'étend sur cinq kilomètres.
42:24 Un peu comme des bretelles d'autoroute, ces dérivations permettent aux bateaux de naviguer dans les deux sens.
42:30 Grâce à ces nouvelles dimensions, le canal peut recevoir des navires de 150 000 tonnes,
42:38 des bateaux devenus des géants des mers qu'il faut apprendre à dompter.
42:42 Au centre de Port-Revel, situé en Isère, les pilotes et les capitaines s'entraînent à manœuvrer grâce à des modèles réduits.
42:51 Ces mini-paquebots, porte-conteneurs, ferries ou pétroliers, longs d'une dizaine de mètres, peuvent transporter jusqu'à deux personnes.
43:01 Sur le lac de cinq hectares, toutes sortes d'infrastructures maritimes ont été reproduites, comme un tronçon du canal de Suez.
43:08 Jean-Paul Jeanjean est instructeur. Il forme ce matin deux stagiaires au dépassement sur le canal de Suez.
43:15 Une manœuvre normalement interdite.
43:18 Ici, les erreurs peuvent être poussées au-delà des limites de sécurité.
43:22 Une façon d'expérimenter les réactions des bateaux.
43:27 Sur les canaux en général, quand il n'y a pas suffisamment de place ou quand les bateaux s'approchent trop près l'un de l'autre, ils prennent un risque.
43:35 Il y a des forces qui se développent et qui font que les bateaux sont ou attirés ou repoussés.
43:40 Et si c'est dans un canal, c'est plus étroit.
43:42 Ça peut donner des embardés, des changements de direction involontaires que le capitaine ou le pilote ne peuvent pas prévoir.
43:51 Et donc c'est dangereux.
43:56 Les deux bateaux sont parallèles, les deux arrières sont proches, très proches.
44:00 Et là, le risque, c'est que le Grenoble va s'échouer.
44:06 Un danger décuplé à cause d'infrastructures maritimes souvent encombrées.
44:11 Et où manœuvre des bateaux toujours plus grands, plus rapides, mais pas assez puissants.
44:17 Les problèmes classiques des gros navires dans les canaux, dû à l'inertie des navires, sont de plus en plus difficiles à manœuvrer.
44:26 Ça veut dire qu'il faut anticiper toutes leurs réactions.
44:29 Et pour anticiper leurs réactions, il faut les connaître et connaître les réactions du profil du canal, par exemple, ou des ports dans lesquels ils se rendent.
44:38 Des pilotes et des capitaines qui apprennent désormais à manœuvrer des monstres, atteignant 240 000 tonnes sur le canal de Suez.
44:46 Car avec les derniers travaux de doublement, leur tir en dos est porté à plus de 20 mètres.
44:51 Le canal est même à l'origine d'une unité de mesure, Suezmax.
45:00 Elle désigne les dimensions maximales d'un navire pouvant passer par la méga-structure.
45:05 Une contrainte pour les armateurs, dont Eric Banel est le représentant en France.
45:11 Il est très difficile d'imaginer un navire qui ne puisse pas traverser le canal de Suez.
45:17 Et la taille maximum des navires pour le canal de Suez, c'est la taille maximum pour une grande partie de la flotte maritime mondiale.
45:26 C'est pour ça qu'on appelle ces navires des Suezmax.
45:29 S'adapter au nouveau format de la marine marchande, c'était l'un des objectifs des travaux d'extension.
45:35 Le canal risquait sinon la disqualification.
45:39 Il reste ainsi l'une des voies navigables les plus fréquentées au monde.
45:42 Aujourd'hui, nous avons à peu près une cinquantaine de navires par jour sur le canal de Suez.
45:47 L'objectif affiché avec le doublement du canal par les autorités égyptiennes est une centaine de navires.
45:53 Le canal de Suez est un passage stratégique pour les transporteurs maritimes.
45:58 La voie draine près de 8% du trafic mondial.
46:02 Elle représente aussi un enjeu économique énorme pour les autorités égyptiennes.
46:08 Aujourd'hui, ce coût de passage du canal représente à peu près 800 000 dollars pour un porte-conteneurs de 18 000.
46:17 Cette source de revenus, aujourd'hui, on l'estime à plusieurs centaines de millions pour l'État égyptien.
46:23 C'est la troisième source de revenus du budget égyptien aujourd'hui.
46:28 L'Égypte a donc tout intérêt à soyer sa méga-structure.
46:35 Retour sur le canal de Suez où nous montons à bord d'un porte-conteneurs.
46:39 Max en est le capitaine.
46:48 Nous sommes actuellement en train de traverser les eaux peu profondes du canal de Suez.
46:53 Ici, les règles de navigation sont strictes.
46:55 Il faut contrôler direction et vitesse en permanence pour éviter par exemple la collision avec un autre navire.
47:01 Ça avance doucement, pas de problème ici.
47:04 Un pilote de l'autorité du canal de Suez conseille le capitaine sur les manœuvres à effectuer.
47:14 Une mesure obligatoire.
47:16 C'est important de naviguer correctement ici dans le canal.
47:22 Parce que comme vous pouvez le constater, il n'y a pas beaucoup d'espace de chaque côté du navire.
47:27 Ce n'est pas un jour comme les autres pour le capitaine et son équipage.
47:33 Il est à la reprinte pour la première fois le nouveau canal de Suez.
47:35 J'ai navigué ici une quarantaine de fois, mais aujourd'hui c'est différent.
47:40 Nous allons tourner dans le nouveau canal au lieu de naviguer vers l'ancien chenal.
47:45 C'est un moment à part dans la carrière du capitaine.
47:49 Bien sûr, c'est particulier à chaque fois quand vous faites quelque chose pour la première fois.
47:56 C'est très spécial pour nous quand on approche du nouveau canal.
48:01 Petit à petit, le paysage change.
48:03 C'est assez étonnant de voir la quantité de sable qu'ils ont retiré du canal.
48:09 Il y a des montagnes maintenant sur chaque rive. C'est incroyable.
48:14 Le canal de Suez, véritable merveille du monde industriel, n'a pas fini de nous éblouir par ses innovations.
48:25 Désormais à double voie, la méga structure doit relever un autre défi.
48:30 Celui de son franchissement.
48:32 Le nouveau canal a rendu obsolète certaines infrastructures comme le pont routier et ferroviaire d'Elferdane.
48:39 Avec ses 340 mètres, c'était le plus long pont tournant au monde.
48:43 Aujourd'hui, il ne sert plus à rien.
48:46 Pour traverser la double voie et désenclaver la région du Sinaï, plusieurs infrastructures vont voir le jour.
48:55 Au programme notamment, la réalisation de deux tunnels autoroutiers sous le canal de Suez, au niveau de Port Said.
49:01 Un nouveau challenge puisqu'il s'agit de percer un double tube de près de 4 km de long.
49:06 Une véritable performance technique qui pourrait être complétée par un tunnel ferroviaire.
49:12 Toujours plus moderne, toujours plus grande, toujours plus profonde, la méga structure est en perpétuelle mutation.
49:21 [Musique]
49:49 Sous-titrage Société Radio-Canada

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