A l’occasion de la sortie de son livre Le temps des combats, aux éditions Fayard, l’ancien Président de la République revient sur les moments forts de son quinquennat. Régulation du système bancaire, création du statut d’auto-entrepreneur, taxe carbone, ou encore création de la Hadopi : Nicolas Sarkozy répond aux questions de Stéphane Soumier et Aurélie Planeix
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00:00 (Générique)
00:08 Mesdames, Messieurs, merci de nous avoir rejoints aussi nombreux dans cette tribune.
00:12 On va passer 45 minutes en compagnie du président Nicolas Sarkozy pour une interview exceptionnelle.
00:18 Je vous demande de l'accueillir, M. le président Nicolas Sarkozy.
00:21 (Applaudissements)
00:36 On va vous laisser vous installer par ici.
00:47 M. le président, peut-être, évidemment, je pense que l'ensemble de ceux qui sont là ont envie de vous entendre sur la situation internationale, sur la cohésion de la nation, etc.
00:59 Mais peut-être, enfin, on est dans un endroit qui est quand même un endroit formidable, chargé d'histoire, d'enthousiasme, de passion.
01:08 Peut-être avez-vous un mot avant qu'on démarre cet entretien sur cette ville, ce que cet endroit représente ?
01:20 D'abord, merci de m'avoir invité.
01:24 C'est pour moi très émouvant d'être au stade Vélodrome, l'un des plus beaux stades, si ce n'est le plus beau, et un endroit de passion.
01:36 Et peut-être ce qui manque le plus aujourd'hui, c'est la passion, l'engagement.
01:44 J'entends tant de gens à la télévision, à la radio, qui font du bruit et dont on ne retient rien.
01:54 Et moi, je crois à l'engagement. Je crois à des idées claires.
02:01 Et quand on n'a rien à dire, vaut mieux pas le dire.
02:06 Donc que vous m'invitiez dans cet endroit de passion, devant des chefs d'entreprise, ça me fait plaisir.
02:15 Je me sens en quelque sorte en famille.
02:18 Moi, j'aime les gens qui aiment leur travail. J'aime les gens qui aiment travailler.
02:24 J'aime les gens qui veulent réussir.
02:29 J'aime les gens qui croient dans le mérite plus que dans l'égalité.
02:33 J'aime les gens différents.
02:36 Donc oui, je suis heureux d'être ici.
02:39 Dégradation de la situation internationale, j'ai une question très simple. C'est votre vision des choses.
02:45 Et comment est-ce qu'on peut éviter l'embrasement ?
02:48 Le jour où vous aurez une question compliquée, n'hésitez pas.
02:52 Vous êtes bien un journaliste.
02:55 Elle était simple dans la formulation, je l'admets, Monsieur le Président.
02:59 Je vous pose un truc. Qu'est-ce que vous en pensez ?
03:02 Et rajoute, c'est simple. Vous avez qu'à y répondre vous-même si c'est simple.
03:10 Car l'Amadie ne soit pas désagréable.
03:13 Non, mais quand même, il faut être franc.
03:17 Vous savez, le général de Gaulle avait une formule extraordinaire.
03:20 Il disait "J'allais vers l'Orient compliqué avec des idées simples".
03:25 Donc essayons, dans ce torrent d'émotions, dans ces images qui ont choqué beaucoup de monde,
03:33 à commencer par votre président, je veux dire le président Korshia,
03:40 par dire les choses dans l'ordre.
03:45 La première, c'est que ce qui s'est passé contre Israël est inacceptable.
03:55 Rien ne peut le justifier.
03:59 Ce qui s'est passé doit être condamné.
04:04 Ce qui a été mis en oeuvre, c'est une action terroriste au nom de l'islamisme dévoyé.
04:12 C'est inacceptable.
04:16 C'est inacceptable pour tout être humain,
04:20 mais c'est encore plus inacceptable pour nous les Européens,
04:24 Français et Européens,
04:27 parce que je rappelle que la Shoah n'a pas eu lieu au Moyen-Orient, mais en Europe.
04:39 Et que les 5 millions de Juifs, les pogroms, les camps de la mort,
04:50 c'était en Allemagne ou par un régime nazi dont l'identité est là.
05:00 L'origine n'était pas Moyenne-Orientale, elle était Européenne.
05:05 De ce drame absolu est sortie l'existence d'Israël.
05:11 Et pour nous les Européens et pour nous les Français, Juifs ou pas Juifs,
05:16 la question de l'existence et la sécurité d'Israël est non négociable.
05:25 Parce que le XXe siècle n'a pas donné cette horreur pour que ça recommence d'une manière ou d'une autre.
05:33 La deuxième chose, c'est qu'il y a un agresseur qui le hamas,
05:42 et une victime, des victimes qui sont ces familles ravagées par la violence barbare,
05:58 qui ont subi un sort inacceptable.
06:02 Et franchement, quand on voit ça, ça donne pas confiance dans l'humanité.
06:07 Je rappelle qu'on est au XXIe siècle.
06:11 C'est pas la peine de regarder le Moyen-Âge avec commissération si c'est pour voir ça.
06:20 Troisième chose, il faut tout faire pour sortir les otages de la situation dans laquelle ils se trouvent.
06:30 Parce que chaque vie humaine compte.
06:34 Je vous rappelle que la France s'était beaucoup battue pour que le soldat Chalit sorte vivant.
06:42 Il est resté cinq ans en prison à Gaza.
06:46 Et j'avais déclaré en tant que président de la République que Chalit était français puisqu'il avait la double nationalité.
06:54 Et que si le hamas touchait un français, Chalit, c'est la France qui rentrait dans la bagarre.
07:05 Donc nous ne pouvons pas laisser tomber aucun des otages, mais spécialement les otages français,
07:13 puisque nous sommes français. Pardon, ça veut pas dire que j'attache plus de prix naturellement à la vie d'un otage,
07:18 quelle que soit sa nationalité, mais en l'occurrence, on est français.
07:24 Et de la même façon qu'on est arrivé à sortir Chalit, il faut arriver.
07:28 J'avais reçu son père, j'ai reçu Gilad aussi.
07:34 C'est pas de la géopolitique, c'est de l'humanité.
07:41 Enfin, je veux réaffirmer comme je l'avais fait à propos de l'Ukraine et de la Russie,
07:51 que la solution n'est jamais dans la violence qui répond à la violence, dans la vengeance qui répond à l'agression,
08:01 ou dans l'escalade qui ne peut conduire qu'à davantage de drame.
08:08 Et je voudrais redire que je crois dans une solution politique et qu'à un moment donné,
08:17 quoi que vous le vouliez, quoi que vous pensiez aujourd'hui dans l'émotion, il faudra recommencer à parler.
08:24 Je voudrais vous faire réfléchir à une chose. Ce qu'ont fait, ce qu'ont été capables de faire les Français, les Allemands,
08:33 après tant de drame, parce qu'entre Louis XIV et 1945, on a été en guerre quasiment tous les 30 ans.
08:43 On parle des deux conflits mondiaux, on oublie suite 1870, qui était aussi un conflit mondial.
08:49 Des génies, vous m'entendez ? Des génies ont imposé la réconciliation franco-allemande.
08:57 Moi, j'ai été élevé par mon grand-père, que j'adorais. Et je sais comment on appelait les Allemands chez moi.
09:05 Ce n'était pas flatteur. Mais quand ils ont fait la réconciliation, mon grand-père l'a accepté.
09:15 Et depuis 1945, on est en paix. Ce qu'on a été capable de faire, il faudra le faire.
09:22 Il faudra que les Ukrainiens et les Russes se parlent et il faudra que les Palestiniens et les Israéliens se parlent.
09:33 Je sais que dire cela aujourd'hui, ça peut choquer. C'est la seule voie raisonnable.
09:42 Quand j'entends dire que la politique des deux États, je veux dire l'État juif et l'État palestinien, c'est fini.
09:56 Est-ce que ceux qui disent cela réfléchissent ? Est-ce qu'ils réfléchissent ?
10:04 Si vous vous mettez au bord de la Lune et que vous regardez l'histoire, les Juifs et les Arabes ont vécu ensemble pendant des siècles et des siècles.
10:15 Il faudra bien trouver une solution politique. Et tout n'est pas dans la vengeance et dans la revanche.
10:23 Même s'il y a un agresseur, le Hamas, une victime, Israël.
10:30 Même si le Hamas, c'est une organisation terroriste, il faudra bien que Israël et les Palestiniens trouvent un chemin pour vivre à côté ensemble.
10:44 Et moi, je crois à la diversité du Moyen-Orient. Et je ne me résous pas à cette pureté ethnique qui n'est pas pure et qui est folle.
10:56 Où les sunnites et les chiites ne peuvent plus supporter, où les chrétiens sont pourchassés et où des insensés voudraient rayer de la carte Israël, ce que nous ne pouvons accepter.
11:10 La voie de sortie, elle ne pourra être qu'politique et diplomatique.
11:15 Le corollaire, M. le Président, c'est le maintien de l'unité nationale ici dans notre pays.
11:29 Le Président de la République a exprimé son inquiétude à ce sujet. Est-ce que vous partagez cette inquiétude ?
11:36 Oui. Enfin, d'abord, ce que j'ai dit ne veut pas dire que je mets sur le même plan l'agresseur et l'agressé.
11:44 Je crois qu'on l'a bien compris. Oui, c'était assez clair.
11:47 Oui, c'était votre question, c'est ma réponse.
11:51 Alors, je méfie toujours un peu des grands mots.
12:00 Vous savez, quand votre fille ou votre fils ne réussit pas à l'école, le prof convoque la famille et commence toujours comme ça.
12:11 Votre fille est super intelligente.
12:14 Bon, vous me dites quel est le problème.
12:17 Parce que s'il n'y a pas de problème, on dit qu'il est premier.
12:19 En général, on ne veut pas vous voir.
12:23 Qu'est-ce que ça veut dire, l'unité ?
12:26 Si c'est un grand mot derrière lequel on ne met rien,
12:32 d'abord, pour moi, ce qui est important, c'est de savoir si on est d'accord sur l'identité nationale culturelle française.
12:42 On a une histoire, on a des valeurs.
12:49 Et il faut respecter cette histoire, ces valeurs et cette identité.
12:55 On est un vieux pays qui vient de loin, qui a des racines judéo-chrétiennes.
13:01 Dire ça, ce n'exclure personne. C'est rappeler des choses.
13:07 Et si on vient ici, c'est d'abord pour épouser, vous voyez le mot épouser, pour épouser, pour aimer et pour respecter
13:16 ce que des siècles de tradition, de culture et d'identité ont réussi à faire de la France.
13:21 Si on n'aime pas cette identité, il n'y a pas de problème.
13:25 On peut choisir un autre pays.
13:29 Je pense que c'est d'abord ça la question.
13:32 Ici, on est attaché à la laïcité.
13:37 Ici, on est attaché à un certain nombre de valeurs, comme l'égalité des droits entre la femme et l'homme.
13:47 Donc moi, je veux bien l'unité, mais l'unité autour de quoi ?
13:53 Il y a une histoire française, il y a une civilisation européenne, il y a une culture française.
14:00 Je préfère qu'on aime d'abord cette culture et qu'après, qu'on parle d'unité.
14:05 Après, on me dit, est-ce que...
14:07 Non, mais ce que vous dites, M. le Président, c'est qu'employer ces grands mots, il y en a d'autres, hein, que je ne vais pas citer,
14:11 parce que ça, je ne veux surtout pas vous mettre en porte-à-faux et vous amener dans le torrent de l'actualité vraiment absolument immédiate,
14:16 mais employer ces grands mots, c'est en fait s'éviter de dire ce que vous venez de dire.
14:22 Non, le Président de la République est parfaitement dans son rôle à appeler à l'unité.
14:27 Qu'est-ce que vous voulez ? Il ne peut pas appeler à la division, non ?
14:29 Oui, mais il dit aussi faire nation, vous voyez, par exemple, autre grand mot.
14:32 Faire nation, ça veut dire aimer l'histoire de son pays, enseigner l'histoire de ce pays, partager les valeurs de ce pays
14:40 et honorer la mémoire de nos parents, de nos grands-parents et de ceux qui ont précédé et qui ont fait qu'aujourd'hui,
14:47 nous sommes libres et nous ne sommes pas un pays comme les autres.
14:50 Donc ça veut dire que peut-être on a sous-estimé l'importance du mot assimilation et beaucoup parlé du mot immigration.
15:04 Le problème ne vient pas tant de l'immigration que d'une immigration qui refuserait l'assimilation.
15:12 Monsieur le Président.
15:14 Et pour être unis, il faut savoir autour de quoi. Sinon, c'est un mot.
15:21 Monsieur le Président, on est face à un parterre de chefs d'entreprise.
15:24 Ils se demandent tous, je crois, quel rôle, eux, à leur échelle, ils peuvent jouer dans la défense des valeurs dont vous parlez,
15:31 dans cette assimilation dont vous parlez, dans cette unité nationale dont parle le Président Macron.
15:36 Alors là aussi, je vais vous dire mon opinion. Je méfie toujours des grands mots sur l'entreprise civique, sur le rôle de l'entreprise.
15:48 Écoutez, c'est le rôle de l'entreprise. C'est d'arriver à gagner plus d'argent qu'elle n'en dépense, à créer des emplois,
15:59 à permettre de faire qu'on soit au travail dans des conditions dignes et à chercher à prospérer.
16:10 Déjà une entreprise qui gagne de l'argent, elle fait bien son boulot.
16:14 Parce que moi, je me souviens d'un certain nombre de grandes entreprises. Je ne voudrais pas citer de nom, mais par exemple,
16:22 celle qui était dans les produits laitiers. Grande entreprise. J'avais rencontré son ancien dirigeant.
16:30 J'ai l'impression de rencontrer un dirigeant d'ONG. J'ai dit "Calmez-vous, mon cher ami. Vous vendez des yaourts ?"
16:40 Que chacun fasse son travail, et le travail d'un chef d'entreprise, ce n'est pas un travail facile.
16:48 C'est de conduire une communauté de femmes et d'hommes autour d'un projet économique pour donner du travail, pour faire des bénéfices,
16:55 pour gagner de l'argent et pour monter dans la hiérarchie de la société en espérant que nos enfants auront une place meilleure
17:04 que celle que nous avons ou qu'avaient nos parents. Si déjà vous faites ça, vous faites un boulot formidable.
17:12 Arrêtons de demander à l'entreprise de faire tout le contraire de tout, parce que pour moi, une bonne entreprise,
17:21 c'est une entreprise qui va développer de la croissance, gagner de l'argent, créer des emplois.
17:26 Et j'ai eu la chance de rencontrer le président du MEDEF, le président Martin. J'ai bien aimé notre rendez-vous, M. le Président.
17:39 J'ai compris tout ce que vous m'avez dit. Et parfois, il y a des gens que je reçois qui ne se comprennent pas ce qu'ils disent.
17:45 Ce n'est pas bon signe pour eux. Et pour moi, c'est ça. Et une organisation comme le MEDEF, c'est ce que je lui ai dit,
17:54 doit défendre l'amour du travail, la possibilité de faire des bénéfices, la possibilité de se développer.
18:04 C'est ça qui fait la différence des chefs d'entreprise. Qu'est-ce que c'est qu'un chef d'entreprise ?
18:09 C'est quelqu'un qui travaille plus que les autres, qui prend plus de risques que les autres, qui aime plus que les autres ce qu'il fait.
18:16 Moi, je crois à la verticalité de la société. Je ne crois pas que la société est horizontale, verticale.
18:23 Un jour, j'ai été invité d'une émission de télévision. Je ne sais même plus comment ça s'appelait, mais enfin, ce n'était pas terrible.
18:35 Et alors, il y avait une jeune femme très élégante, très bien. Parce que maintenant, Miss Météo devient journaliste.
18:48 – Vous n'êtes pas tendre avec les médias dans votre livre, si je puis me permettre.
18:52 – Je pense qu'ils ne le méritent pas. On a quand même le droit de dire ce qu'on pense.
18:56 – Tout à fait. – Sinon, ce n'est pas la peine de vous inviter.
18:59 Et alors, la dame me dit "mais vous, vous êtes l'ancien modèle".
19:05 Ce n'était pas très aimable, me prouve. – Non.
19:07 – Elle peut le penser. Je préfère être un ancien modèle en forme que parfois des nouveaux modèles.
19:15 Ce n'est pas terrible. Vous n'avez pas compris qu'avec les réseaux, la société est horizontale ?
19:23 Non, madame. Et je pose la question à l'animateur, d'après vous, l'émission sans vous, c'est la même ?
19:28 Elle me dit "ah non, vous êtes pour la verticalité, mon vieux".
19:32 Il n'y a pas un groupe humain qui peut fonctionner sans verticalité, sans un leader, sans un patron, sans un animateur,
19:41 sans quelqu'un qui conduit les autres, sans quelqu'un qui entraîne les autres, sans quelqu'un qui prend des risques.
19:47 Et c'est bien le problème d'aujourd'hui. Plus personne ne veut prendre de risques.
19:51 – Monsieur le Président. – Et c'est ça la spécificité des chefs d'entreprise.
19:55 Et c'est ça que vous devez expliquer. Je voudrais terminer.
20:00 Le mot "modernité" tout ça, "tech", "modernité", oui d'accord, allez, on a compris.
20:06 Dès que vous l'entendez, vous avez compris qu'il n'y aura rien derrière.
20:11 Faites aimer le risque, faites aimer le travail, faites aimer la récompense, faites aimer la promotion sociale.
20:18 – L'innovation quand même, monsieur le Président.
20:20 – Bien sûr, mais vous en connaissez beaucoup qui sont contre l'innovation, vous ?
20:24 – Non mais dans "modernité", il y a forcément "innovation", c'est là où je veux préciser le truc.
20:29 – Par exemple, moi je trouve que le télétravail, c'est de la télé, c'est pas du travail.
20:33 Mais bon, je suis démodé, c'est ce que vous voulez.
20:37 C'est pareil, il y avait des gens qui expliquaient que les 35 heures c'était encore trop, qu'il fallait les 32.
20:42 Et pourquoi pas les 28 pendant qu'on y est ?
20:45 Le problème est très simple, l'homme est fait pour deux choses, l'homme, la femme, l'être humain.
20:54 Pour aimer, pour travailler, pour travailler, pour aimer.
20:58 Il ne faut pas opposer les deux, on n'oppose pas la famille et le travail.
21:03 Il faut aimer travailler.
21:05 Ce qui fait la grandeur de l'humanité, c'est que nos vies durent le temps d'un timbre-poste.
21:10 Et pourtant tous les matins, il y a des gens comme vous qui se lèvent,
21:13 et qui veulent bâtir, qui veulent construire, qui voient grand.
21:17 C'est ça le message qui doit être le vôtre.
21:20 Et il ne faut pas le pervertir.
21:22 Bien sûr la modernité, bien sûr la technologie.
21:24 Mais dans la technologie, il y a une femme, un homme qui crée, qui a envie de progresser,
21:30 qui a envie de réussir, et qui ne le fait pas le travail.
21:33 C'est ça la base.
21:35 Et tout ce qui détruit l'idée du travail, détruit la société.
21:41 Il n'y a pas d'un côté, quelle est votre vie de famille quand vous n'avez pas de boulot ?
21:45 Et quel est votre avenir au boulot quand vous n'avez pas de famille ?
21:49 Il faut les deux.
21:51 Et c'est ça le message qui doit être porté.
21:53 On peut me dire, je n'ai pas changé.
21:55 Non, je n'ai pas changé.
21:57 J'ai dit, travailler plus pour gagner plus.
21:59 Bien sûr. Pourquoi ? Parce que vous croyez qu'en travaillant moins, vous allez gagner plus ?
22:03 Non mais je crois que ce slogan 15 ans après, c'était il y a 15 ans.
22:06 Vous avez Hollande pour ça.
22:07 Il n'a jamais été autant.
22:08 Moi je suis Sarkozy.
22:09 Non mais...
22:10 [Rires]
22:12 Il fallait quand même que je le place.
22:14 Ah mais...
22:15 Le pauvre, plus personne n'en parle.
22:17 Mais tout le monde en parle, Monsieur le Président.
22:19 J'ai l'impression que ce "travailler plus pour gagner plus" n'a jamais été autant d'actualité.
22:23 Oui mais... Qu'est-ce que vous voulez ?
22:25 On vient de faire une conférence sociale, à se gratter la tête pour savoir comment gagner plus.
22:30 Oui.
22:31 On n'a pas trouvé bien.
22:32 Vous travaillez plus.
22:33 Oui, oui, voilà.
22:34 Le problème, c'est pas les heures de travail.
22:38 Le problème, c'est l'intérêt de son travail.
22:40 La récompense de son travail.
22:42 L'idée qu'on se fait de son travail.
22:45 Je connais des tas de salariés ou des tas de chefs d'entreprise qui aiment passionnément leur travail.
22:50 C'est jamais le travail qui fatigue.
22:52 C'est les ennuis qui fatiguent.
22:54 Le travail, ça épanouit.
22:56 Bon, et bien c'est ça qu'il faut expliquer à nos enfants.
22:59 Il n'y a pas besoin de se prendre la tête sur des grands raisonnements.
23:02 Et c'est pour ça qu'on est devenus la France.
23:05 Sans travail, il n'y a rien.
23:08 Sans amour non plus.
23:09 Mais c'est les deux.
23:11 Et je pense, si vous me permettez cette expression pas très laïque,
23:15 que parfois il faut remettre l'église au centre du village.
23:18 Et que les idées les plus simples sont parfois celles qui sont les plus nécessaires.
23:23 Monsieur le Président, comment on fait alors pour remettre l'église au centre du village, pour reprendre vos mots ?
23:27 Parce qu'on entend beaucoup "grande démission", "désaffection" pour le travail, notamment sur les jeunes générations.
23:32 Vous savez, je vais peut-être vous choquer, mais je le dis dans mon livre.
23:38 J'aime ce qui est juste, c'est pour ça que je n'aime pas vraiment l'égalité.
23:46 Je m'explique.
23:48 Dans une même famille, vous avez plusieurs enfants.
23:52 La justice, c'est de donner à chacun de vos enfants le temps dont il a besoin.
23:58 Et ils n'ont pas besoin tous du même temps.
24:00 Ce n'est pas de faire un petit paquet pour chacun en divisant votre nombre d'heures disponibles à égalité.
24:07 J'aime la différence, moi.
24:10 On n'a pas tous la même énergie.
24:13 On n'a pas tous le même talent.
24:15 On n'a pas tous le même potentiel de santé.
24:18 On n'a pas tous la même façon de voir les choses.
24:23 Ce qui compte, c'est que chacun puisse vivre sa vie.
24:26 Mais que celui qui veut aller plus loin, plus fort, qu'on le laisse aller plus loin et plus fort.
24:32 J'ai vu qu'il y avait des grands débats sur tel ou tel chef d'entreprise qui était riche.
24:38 Il ne manquerait plus qu'il soit pauvre.
24:42 Vous savez, c'était la différence de la présidentielle de 2012.
24:46 Là, l'autre monsieur voulait moins de riches, moi je voulais moins de pauvres.
24:50 Ce n'est pas la même chose.
24:53 Je veux qu'on puisse dire à chaque jeune, si tu donnes du mal, si tu mets tes tripes sur la table,
24:59 si tu travailles dur, tu pourras réussir, sans limite.
25:03 Si tu veux une vie plus tranquille, pas de problème, personne ne te jugera.
25:07 Mais on ne peut pas traiter de la même façon.
25:09 Celui qui est dans l'entreprise est toujours volontaire pour prendre une tâche de plus
25:13 et celui qui n'est jamais volontaire pour prendre une tâche de plus.
25:16 Ça, ce n'est pas juste.
25:19 Et c'est bien un problème français.
25:22 Le nivellement.
25:24 Écoutez, on est le pays où il y a le plus d'impôts, le plus de redistribution,
25:29 et il y a le plus grand sentiment d'injustice. Il y a peut-être quelque chose qui ne va pas.
25:34 Il y a des tas de gens qui pensent que celui qui travaille dur,
25:38 il n'y en a pas assez qui reste à la fin du mois,
25:41 et que celui qui ne travaille pas, il y en a encore trop qui reste à la fin du mois.
25:45 Voilà ce que je pense. Je n'ai pas changé. C'est mon idée.
25:48 Et je pense que c'est des idées que partage une immense majorité de Français.
25:53 Vous êtes...
25:55 Je reconnais que ce que je dis est extrêmement technique.
26:00 Mais moi, pour se faire comprendre, il faut déjà comprendre ce qu'on dit.
26:05 Moi, c'est ma vie, ça.
26:07 Je n'étais pas programmé pour devenir président de la République.
26:10 Je n'étais pas connu. Je n'ai pas fait les grandes écoles.
26:14 Je n'avais aucun réseau, parce que dans l'immeuble où on habitait avec ma mère,
26:18 être moins connu que nous l'étions, c'est impossible.
26:20 Même dans notre immeuble, personne ne nous connaissait.
26:24 Tout le monde n'est pas président de la République.
26:28 Peut-être qu'à un moment donné, on mérite les choses qu'on a.
26:32 Et on ne peut pas toujours dire c'est la faute du voisin,
26:35 c'est la faute de mes parents, ou c'est la faute de l'autre.
26:38 Il y a un moment donné, il faut se prendre en main,
26:41 et décider on se lève, et puis on va construire notre vie.
26:44 Et moi, ce que je veux, c'est un pays où chaque jeune,
26:47 quelle que soit sa couleur de peau, quelle que soit son origine,
26:50 quelle que soit l'origine de ses parents, puissent vivre cela.
26:53 Ça, c'est la justice.
26:56 Et être juste, ce n'est pas donner à tout le monde la même chose.
27:00 Parce que si vous donnez à tout le monde la même chose, vous êtes injustes.
27:04 Parce qu'il y en a qui travaillent plus que d'autres,
27:06 il y en a qui prennent plus de risques que d'autres,
27:08 et il y en a qui ont plus de talent que d'autres.
27:11 Vous savez, donnez-moi les pinceaux de Van Gogh,
27:16 les toiles de Van Gogh, les tubes de peinture de Van Gogh,
27:20 je ne suis pas sûr que je ferai le même résultat.
27:23 Ça s'appelle la verticalité.
27:26 Dans votre livre, puisqu'on est ici invité du Mellef,
27:30 vous êtes quand même assez dur envers les partenaires sociaux.
27:34 Votre livre raconte une époque de tempête qui n'est pas celle d'aujourd'hui.
27:39 Mais néanmoins, on croit sentir, Aurélie,
27:44 que vous jugez les partenaires sociaux, en tout cas de l'époque,
27:46 comme un frein à la réforme.
27:48 Est-ce qu'ils le sont encore aujourd'hui ?
27:51 D'abord, c'est fantastique.
27:54 Mon interlocuteur, vous êtes très sympathique.
27:58 Mais il ne faut pas se fier à votre sourire, vous.
28:01 Vous êtes dur.
28:04 Ah bon ?
28:06 Si on fait un livre, c'est pour dire quelque chose.
28:10 Si vous pensez que dire quelque chose, c'est dur...
28:13 Vous écrivez, François-Pierre, exprès, avec un double langage.
28:16 Laurence Parizeau est omnibilé par son image.
28:18 C'est quand même pas très sympathique.
28:20 Mais c'est vrai, surtout.
28:22 Ça vous engage.
28:23 La question n'est pas de savoir si...
28:27 Vous ne faites pas un livre pour être sympathique.
28:30 Si vous faites un livre, j'ai voulu prendre le lecteur par la main
28:33 pour lui expliquer comment ça se passait dans la cabine de commande,
28:37 pourquoi j'avais pris telle ou telle décision, ce que je pensais.
28:40 Si c'était pour raconter de la semoule,
28:43 en disant "je vous adore",
28:45 mais vous, je vous adore aussi,
28:47 puis vous aussi, je vous adore.
28:49 Si c'est quelqu'un qui adore tout le monde,
28:51 c'est qu'il n'adore personne à part lui-même.
28:53 C'est quand je vois des gens qui me disent
28:55 "moi, vous savez, j'ai que des amis.
28:57 Mon ami, ça veut dire que tu n'as aucun ami."
29:01 C'est très inquiétant, quelqu'un qui n'a pas d'ennemi.
29:05 Ça veut dire quelqu'un qui n'a aucune fidélité.
29:08 Donc oui, c'est exactement ce que j'ai pensé.
29:13 Ce ne sont pas les partenaires sociaux, on en a.
29:16 Je n'ai rien du tout contre Mme Parizeau.
29:19 Je dis simplement que c'est mieux que le MEDEF
29:22 soit représenté par un chef d'entreprise
29:25 qui défend les valeurs d'un chef d'entreprise
29:27 plutôt que par quelqu'un absolument respectable
29:30 mais qui avait plus envie de faire de la politique qu'autre chose.
29:33 Si tu veux faire de la politique, fais de la politique.
29:36 M. Chérec, paix à son âme, le pauvre,
29:40 mais c'est extraordinaire,
29:42 ce n'était jamais le moment de faire une réforme,
29:44 elle était toujours injuste.
29:46 J'ai compris.
29:48 Tu restes couché, tu ne fais pas de réforme,
29:50 et ils te critiquent quand même.
29:53 Si j'avais dû attendre, j'y aimais M. Chérec.
29:57 Le régime de retraite, il est au bord de la ruine,
30:01 donc il faut qu'on passe aux 62 ans.
30:04 Je l'ai fait, ils ont manifesté,
30:07 bon, ils ont le droit, je n'ai pas reculé.
30:11 Mais de toute manière, il ne faut pas demander à un syndicat
30:14 de partager la popularité d'une réforme des retraites,
30:16 il n'est pas là pour ça.
30:18 Mais si vous attendez qu'il soit d'accord,
30:20 la réforme va coûter plus cher que de ne pas en faire.
30:24 Donc, les partenaires sociaux salariés
30:28 sont là pour défendre des intérêts acquis,
30:30 éventuellement en obtenir d'autres,
30:34 mais le président de la République, il est là pour préparer l'avenir.
30:37 Il ne peut pas plaire à tout le monde.
30:39 Ils ont été trois minutes à manifester, ils ont manifesté.
30:43 Mon immédiat successeur avait promis,
30:48 si je suis élu président de la République,
30:52 je reviendrai immédiatement aux 60 ans.
30:56 Il y a des pauvres gens qui l'ont cru.
30:59 Pendant 5 ans, naturellement, il n'est pas revenu,
31:01 puis il a complètement oublié.
31:03 Et le plus extraordinaire, c'est qu'il n'y ait pas eu un média
31:05 pour lui dire tous les jours, vous aviez promis
31:07 et vous ne tenez pas votre promesse.
31:09 Parce que la vérité, c'est que quand on est de gauche dans ce pays,
31:14 on a l'indulgence d'une grande partie des médias.
31:18 (Applaudissements)
31:26 -M. le Président, cela dit, sur la réforme des retraites,
31:28 vous avez effectivement connu des manifestations.
31:30 On vient de vivre à peu près la même séquence,
31:32 il n'y a pas très longtemps.
31:33 Est-ce qu'il n'est pas temps de changer de méthode
31:35 pour qu'on évite ces psychodrames tous les 5 ans ?
31:37 -Changer de méthode, c'est exactement
31:40 quand vous élevez des enfants.
31:42 Je ne sais pas vous, mais moi, ma fille me dit toujours
31:45 "5 minutes de plus, papa, 10 minutes de plus, papa,
31:48 c'est trop tôt pour aller au lit, papa."
31:50 Il faut changer de méthode ? Cela veut dire quoi ?
31:52 Il faut dire oui alors qu'éduquer, c'est dire non.
31:56 Je vais vous dire une chose.
31:59 Le moment sans doute où on a entendu le plus de sottises publiques,
32:07 c'est au moment de 68.
32:10 Avec le champion du monde de la production des sottises,
32:15 Kahn-Bendit.
32:18 Personne ne peut le battre, celui-là.
32:22 Avec ce slogan, il est interdit d'interdire.
32:27 Éduquer, c'est transgresser.
32:30 S'il n'y a pas de règle, vous ne pouvez pas transgresser.
32:34 Pour les partenaires sociaux, c'est jamais le bon moment,
32:37 c'est jamais la bonne méthode.
32:39 À l'arrivée, vous êtes à la ruine,
32:41 parce qu'évidemment, les gens ne sont pas très contents
32:43 de devoir travailler deux ans de plus sans gagner plus.
32:46 Ils manifestent, ils protestent, et après, ils passent à autre chose.
32:49 On avait toute une histoire pour les 64 ans.
32:51 Qui en parle aujourd'hui ? Où est le drame ?
32:54 Il fallait le faire, il l'a fait, il a bien fait, le président, de le faire.
32:59 Je vais vous dire une chose.
33:01 Il n'y a pas un président qui reviendra dessus.
33:04 Ce n'était pas la peine de s'énerver.
33:06 Donc, l'idée, il faut revenir à une autre méthode.
33:10 Oui, c'est ça.
33:12 Mais vous croyez que votre pouvoir, c'est dire oui toute la journée ?
33:15 Non, il ne s'agit pas de ça.
33:17 Si, c'est ça.
33:19 Parce que quand on dit non, les gens ne sont pas contents.
33:21 Mais parfois, c'est un devoir de dire non.
33:23 Dans sa famille, à ses enfants, dans son entreprise, et dans son pays.
33:28 C'est ce qui fait toute la différence.
33:30 Si vous croyez que c'est facile, ça ne l'est pas.
33:34 Mais le travail, c'est d'abord de dire non.
33:37 Et de prendre sur ses épaules la part de responsabilité qui est la vôtre.
33:41 Alors, ce n'est jamais assez moderne, ce n'est jamais la bonne méthode,
33:45 ce n'est jamais le bon moment, il faut toujours attendre,
33:48 il faut toujours discuter.
33:50 Ça, pour la coutume et la discussion, on est les champions du monde.
33:52 Mais à un moment, il faut bien que quelqu'un prenne des décisions.
33:55 Et le président Macron a eu raison de prendre ces décisions.
33:57 Et personne ne reviendra dessus.
33:59 Quand j'ai fait les 62 ans,
34:01 M. Thibault, qui était à l'époque le patron de la CGT, m'a fait la tête.
34:06 Il m'a fait une grande punition.
34:09 Il n'est même pas venu au vœu que je faisais comme président de la République.
34:14 Je l'ai appelé.
34:16 Mais je lui ai dit, ce n'est pas bien poli, ça.
34:18 Ah, je ne peux pas, parce que avec ce que vous avez fait.
34:21 Qu'est-ce que j'ai fait ?
34:22 Bah, les 62 ans.
34:24 Ben, venez pas, moi.
34:26 Ça fera plus de petits fous pour les autres.
34:28 Mais ça ne change rien.
34:30 Bon, très bien.
34:32 J'étais un inhumain et un sans-cœur de faire les 62 ans.
34:35 Qui est revenu sur les 62 ans ?
34:38 Qui ?
34:40 Allons.
34:43 Vous aussi, les médias, ouvrez les yeux, ouvrez les oreilles.
34:47 Et tirez les conséquences de ça.
34:49 Le discours de la facilité n'est jamais le bon discours.
34:53 Voilà la vérité.
34:55 (Applaudissements)
35:00 Transformation, il nous reste 10 minutes.
35:03 C'est un autre aspect important de votre livre, monsieur le président,
35:09 autour de la transformation de la scène politique,
35:12 qui a besoin, dites-vous, de se régénérer par des débats nouveaux,
35:16 libres, respectueux, débarrassés du politiquement correct.
35:20 Je voudrais qu'on parle de ça aussi.
35:23 Écoutez, je ne sais pas si vous vous souvenez,
35:27 j'avais fait un discours à Grenoble,
35:30 où je disais des choses simples.
35:35 Si vous n'êtes pas content d'être en France, partez.
35:38 Si vous respectez les lois, vous expulsez.
35:41 Et ce n'est pas parce que vous êtes Rome
35:45 que vous avez le droit de faire des campements illégaux,
35:47 vous brancher sur les réseaux d'électricité et d'eau sans payer.
35:50 Mais vous vous souvenez de Charivari ?
35:53 Mais vous vous souvenez qu'on m'a cloué au pilori ?
35:57 Certains de vos confrères, un hebdomadaire,
36:03 avaient fait la une avec ma figure,
36:07 barré du titre "le voyou de la République".
36:11 Le voyou de la République.
36:13 Et maintenant, les mêmes
36:17 expliquent qu'on a peut-être été un peu faibles,
36:20 on aurait dû aller un peu plus loin.
36:22 Mais c'est ça le politiquement correct.
36:24 Le politiquement correct, c'est la lâcheté.
36:27 C'est la volonté de plaire à tout le monde,
36:31 avec le risque certain de mécontenter tout le monde.
36:34 Et c'est vrai
36:37 que je n'accepte pas qu'on ne puisse pas débattre.
36:40 Quand j'ai posé la question, même dans mon livre,
36:43 est-ce que l'entrée de l'Ukraine dans l'Europe,
36:47 ça favorise la paix ou pas ?
36:49 Est-ce que l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN,
36:51 ça favorise la paix ou pas ?
36:53 Tout le monde m'est tombé dessus.
36:55 Je devenais le suppôt de Poutine.
36:58 Mais c'est une question qui se pose.
37:01 Les pays ne changent pas d'adresse.
37:03 Il va bien falloir qu'on trouve un accord avec les Russes.
37:06 On ne peut pas continuer
37:09 à agrandir sans fin l'Europe
37:11 pour avoir un ensemble qui déjà n'existe plus.
37:14 Nos intérêts, je crois à l'Alliance Atlantique,
37:19 mais nos intérêts ne sont pas toujours alliés
37:21 sur ceux des Américains.
37:23 Je crois à une Europe indépendante.
37:25 Et on n'a pas à suivre les instructions des autres.
37:30 Je veux pouvoir porter ces débats
37:33 sans qu'on se fasse insulter.
37:35 On a quand même le droit.
37:38 C'est quand même pas interdit.
37:41 La démocratie, mesdames et messieurs, mes chers amis,
37:45 ce n'est pas simplement le vote.
37:47 C'est avant le vote, la capacité de débattre.
37:50 Vous pouvez dire que vous voulez la maîtrise de l'immigration
37:54 sans être qualifié de raciste ou de sans-coeur.
37:56 C'est insupportable.
37:58 Vous pouvez dire que vous vous posez des questions
38:01 sur le conflit ukraino-russe
38:03 sans être un suppôt de Vladimir Poutine.
38:07 C'est insupportable.
38:09 Et vous pouvez dire que vous êtes pour la baisse des prélèvements
38:13 sans être un sans-coeur qui croit qu'aux riches
38:16 et qui veut exploiter les pauvres.
38:18 C'est insupportable de ne pas pouvoir dire ce qu'on pense.
38:21 Et c'est ça qui fait la mort de nos démocraties,
38:24 qui sont devenues, qui sont en train de devenir un système
38:28 où tout le monde a le pouvoir de dire non
38:31 et où personne n'a la force de dire oui.
38:34 La démocratie, pour moi, c'est pas l'impuissance.
38:39 C'est prendre des décisions fortes, les assumer.
38:44 Et c'est vrai, les médias ont un grand rôle là-dedans.
38:48 Mais vous pensez qu'elles sont fragilisées,
38:51 aujourd'hui, ces démocraties ?
38:53 Ah ben si, je ne le pensais pas.
38:55 Alors qu'est-ce qu'il vous faut ?
38:58 Bien plus que ça.
39:02 Aujourd'hui, l'Occident, c'est moins de 800 millions de personnes,
39:06 si vous prenez les Etats-Unis et l'Europe.
39:09 L'Asie, c'est 4 milliards de personnes.
39:16 C'est la démographie qui fait l'histoire.
39:21 C'est pas l'histoire qui fait la démographie.
39:24 Donc nous sommes devenus minoritaires.
39:29 A l'époque de Louis XVI, la France avait 22 millions d'habitants,
39:34 la Grande-Bretagne 18, les Etats-Unis 2.
39:37 Le monde se passait chez nous.
39:39 C'est fini.
39:41 Nous dominions le monde, nous sommes en train d'être dominés.
39:46 L'axe du monde, l'axe, est en train de muter,
39:50 ouest-est.
39:52 Si on ne voit pas ça, je ne sais pas ce qu'il vous faut.
39:57 J'ajoute que rien ne me paraît plus important
40:00 que de revoir le système multilatéral qui ne fonctionne plus.
40:05 Quand je suis né, il n'y a quand même pas si longtemps,
40:09 merci,
40:11 c'est un peu poussif, mais merci quand même,
40:14 quand je suis né, il y avait 2,5 milliards d'habitants.
40:18 En l'espace d'une vie, la population mondiale a été mutuée par 3.
40:24 Nous sommes 7,5 milliards.
40:27 Dans 30 ans, l'Europe aura 430 ou 430 millions d'habitants.
40:38 L'Afrique sera passée de 1,2 à 2,5 milliards.
40:42 Dans 30 ans, le Nigeria aura plus d'habitants à lui tout seul
40:52 que les Etats-Unis d'Amérique.
40:55 Aujourd'hui, les deux plus grandes villes du monde,
40:59 enfin, je ne sais pas si ce sont les...
41:01 Enfin, disons, dans le peloton de tête des grandes villes du monde,
41:04 Mexico et Pékin, entre 29 et 30 millions d'habitants.
41:07 Dans 30 ans, Lagos, qui n'est pas la capitale du Nigeria,
41:10 aura 40 millions d'habitants.
41:13 Donc, si on ne comprend pas
41:17 qu'on doit changer de toute urgence
41:20 la composition des membres permanents du Conseil de sécurité,
41:24 les Nations unies sont le grand absent des crises.
41:28 Mais il est où, le scriptère général ?
41:30 Il y en a un ?
41:32 L'Inde, le pays le plus peuplé du monde, n'est pas membre permanent.
41:36 Il n'y a pas un pays africain membre permanent du Conseil de sécurité.
41:40 Il n'y a pas un pays sud-américain membre permanent du Conseil de sécurité.
41:46 Le Japon, deuxième économie du monde,
41:48 n'est pas membre permanent du Conseil de sécurité.
41:50 Et on s'étonne que ça ne marche pas.
41:52 Comment voulez-vous que ça fonctionne ?
41:54 Nous sommes depuis 23 ans dans le 21e siècle.
41:56 On a toujours les organisations multilatérales du 20e.
41:59 Comment voulez-vous qu'on parle de la Russie, de l'Ukraine,
42:02 de Gaza, d'Israël, du Haut-Karabakh,
42:06 des Arméniens, de l'Azerbaïdjan, avec ce système ?
42:10 Ça ne peut pas fonctionner.
42:12 Donc, il faut faire preuve d'imagination
42:15 et comprendre que les autres sont différents de nous,
42:18 qu'on doit apprendre à les comprendre aussi.
42:21 Et notre seul chemin de salut,
42:26 pas simplement la technologie,
42:28 parce qu'à Sennzen, il y a autant de technologies
42:31 que dans la Silicon Valley,
42:33 notre salut, c'est l'imagination,
42:35 c'est la prise de risque,
42:37 c'est oser,
42:39 c'est changer les règles du jeu
42:41 pour que le débat mondial
42:43 et que le débat dans les démocraties soient revivifiés.
42:47 Il n'y a pour moi rien de plus important.
42:49 Ce n'est pas assez valorisé, aujourd'hui, la prise de risque ?
42:52 (Applaudissements)
42:54 En conclusion ?
42:55 En conclusion, ce n'est pas assez valorisé,
42:57 aujourd'hui, la prise de risque en France ?
42:59 Ah si, la prise de risque est assez valorisée, c'est une plaisanterie.
43:03 Bon.
43:04 Vous savez, dans ma vie,
43:07 j'ai beaucoup plus échoué que réussi.
43:10 Mais c'est parce que j'ai eu des grands échecs
43:13 que j'ai pu avoir quelques grands succès.
43:16 Quand je revois tout ça,
43:22 j'ai complètement oublié les soirs de succès.
43:26 Par exemple, je dois faire un effort énorme
43:29 pour repenser à ma descente des Champs-Élysées en mai 2007.
43:33 Il y avait des centaines de milliers de personnes.
43:37 "On t'aime, Sarko."
43:40 "Il faisait beau."
43:41 Oui, parce qu'avec moi, il faisait beau.
43:44 (Rires)
43:47 C'est peut-être de la chance, mais bon.
43:49 La baraka, ça fait partie de la bonne gestion.
43:52 Il y a un seul formidable.
43:55 Le chef d'état-major qui était à côté de moi,
43:58 dans la voiture du commande-car du président,
44:01 me dit "Alors, heureux, président ?"
44:03 Je dis "Quoi ?"
44:04 Ça criait tellement que je n'entendais pas.
44:07 "Heureux."
44:08 En moi-même, je disais "Il est pas malin celui-là."
44:11 Parce que tout le monde faisait comme ça,
44:13 moi je les imaginais tous comme ça.
44:15 Parce que je sais que c'est comme ça.
44:18 En revanche, la soirée à la mutualité de 2012,
44:22 je me souviens de chaque instant.
44:25 Et je veux le dire aux plus jeunes ici,
44:27 on n'apprend rien de ces succès.
44:30 On apprend tous ces échecs.
44:33 Parce que l'échec fait mal.
44:36 Et moi, ma philosophie, c'est Dostoïevski,
44:39 dans Crimes et châtiments.
44:41 Ainsi commença la lente, mais certaine,
44:44 renaissance de Rachetnikov.
44:46 Il faut renaître.
44:48 Renaître après un divorce.
44:51 Spécialiste.
44:54 Un bilan énorme.
44:58 Renaître après une maladie.
45:01 Renaître après un échec.
45:03 Renaître après une déception.
45:05 Et repartir. Jusqu'au bout.
45:07 C'est pas la retraite qui condamne les gens, c'est pas vrai.
45:11 C'est que même à la retraite, même à 90 ans,
45:14 il faut un projet. Il faut renaître.
45:17 Quand, je vous fais une confidence,
45:20 quand j'ai rencontré Carla,
45:23 deux mois et demi après, on était mariés.
45:27 Et ma mère, elle dit "Oh non, pfff."
45:30 Elle adorait Carla, mais...
45:33 "Maria, c'est fini."
45:35 J'ai dit "Maman, rappelle-moi quel âge j'ai."
45:39 Parce que c'est jamais fini.
45:42 L'amour, les projets.
45:45 C'est pas parce que vous êtes déçus,
45:47 c'est pas parce que vous êtes trahis,
45:49 que vous ne devez plus avoir d'amis,
45:51 plus avoir d'amour.
45:53 C'est pas parce que vous avez échoué
45:55 que vous ne devez plus avoir de projet.
45:57 La leçon de la vie, c'est vivre comme si on était éternel.
46:02 Se lever le matin comme si on avait un temps infini devant nous.
46:07 Bien sûr que ça peut être un peu caricatural
46:12 de voir l'agitation des êtres humains.
46:15 Mais c'est ça qui nous donne notre noblesse.
46:18 On vit peu de temps et on construit des cathédrales.
46:22 Et bien moi, je souhaite que chacun d'entre vous,
46:25 puissiez construire des cathédrales.
46:27 Et vous savez, quand j'ai été battu,
46:32 Carla était très inquiète et m'a dit,
46:35 "Le lendemain, mais qu'est-ce que tu vas faire ?"
46:38 Plein de choses !
46:40 Et je les ai faites.
46:42 Et jusqu'au bout, je continuerai, et c'est ce que je vous souhaite.
46:45 Merci, M. le Président, merci beaucoup.
46:47 (Applaudissements)